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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 5 avril 1993, n° 87-014353

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CTL (SA)

Défendeur :

Ippolis Informatique (SARL), Berreby

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

Me Lecharny, SCP Verdun-Gastou

Avocats :

Mes Martin, Feral Schuhl, Haddad.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 29 juin…

29 juin 1987

Vu le précédent arrêt de cette chambre du 23 novembre 1988 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties antérieurs ;

Considérant que par cet arrêt qui statuait sur l'appel relevé par CTL contre un jugement du 29 juin 1987 par lequel la 3ème chambre 1re section du Tribunal de grande instance de Paris avait, pour l'essentiel, débouté CTL de sa demande principale, Ippolis et M. Berreby de leurs demandes reconventionnelles à fins indemnitaires, se bornant à ordonner la restitution des programmes sources saisis, à autoriser des publications et faire application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile au profit des défendeurs, la Cour estimant qu'une nouvelle querelle d'experts s'était instaurée après le dépôt du rapport d'expertise sur lequel le Tribunal s'était basé pour asseoir sa décision a confié à un collège de trois nouveaux experts le soin de procéder à une analyse comparative des logiciels et documents saisis chez Ippolis avec les documents et logiciels commercialisés par CTL antérieurement à la saisie-contrefaçon, fournir tous éléments sur les similitudes et différences, ainsi que tous éléments d'appréciation sur le calendrier de conception et réalisation des logiciels d'Ippolis et sur sa comptabilité avec le temps dont Ippolis avait pu disposer entre le départ de ses programmeurs de chez CTL et la commercialisation des logiciels par Ippolis, enfin, décrire les travaux confiés aux programmeurs d'Ippolis lorsqu'ils étaient salariés de CTL et dire si ces travaux impliquaient l'accès aux sources des programmes de CTL et leur analyse ;

Considérant qu'après maints incidents tranchés par le Conseiller chargé de suivre l'expertise, incidents sur lesquels il est inutile de revenir, le collège d'experts, dont un des membres avait dû, entre temps, être remplacé a clôturé son rapport le 29 juillet 1991 ; Que dans ce rapport, les experts ont émis l'avis que grâce notamment à un logiciel communiqué par le Ministère de l'Industrie et " dont on savait qu'il avait été écrit par CTL en 1984 ", la paternité de CTL sur le logiciel soumis en 1986 par elle aux fins d'expertise a été établie et que l'antériorité de ce logiciel sur celui saisi chez Ippolis " ne faisait plus de doute " ;

Qu'il leur est apparu qu'il existait des " similitudes fortes ", parfois cachées dans la forme, entre le logiciel de référence 86 de CTL et le logiciel saisi ;

Qu'ils n'ont pas eu d'élément nouveau leur permettant de se prononcer sur le point de savoir si les fondateurs d'Ippolis avaient eu accès aux sources dans le cadre du travail chez CTL.

Qu'au cas où ces fondateurs auraient eu accès aux sources, les experts estiment qu'ils n'auraient pu reconstituer de mémoire les logiciels commercialisés par Ippolis avec la précision qui apparaît lors de la comparaison ;

Qu'Ippolis devait " disposer de produits déjà fort avancés " lors de son démarrage commercial pour que celui-ci ait été aussi important et rapide ; qu'en outre les fondateurs d'Ippolis n'étaient pas en mesure, dans le temps qui leur était imparti, de produire la quantité de logiciels nécessaires, le minimum de documentation, d'assurer en parallèles les tâches commerciales, administratives, financières et d'organisation pour créer aussi vite une activité de cette importance, en dépit de leur excellente technique, de leur puissance de travail et de leur motivation ; Que les ressemblances dépassent selon les experts le cadre de la simple inspiration, de la simple mémorisation, de la " simple coïncidence hasardeuse d'une écriture identique de programmes à partir de concepts et d'algorithmes publics " ;

Considérant qu'au vu du rapport CTL a demandé :

- l'entérinement de ce rapport,

- la déclaration de la responsabilité conjointe d'Ippolis et de M. Berreby pour contrefaçon, parasitisme et concurrence déloyale,

- la validation de la saisie-contrefaçon du 8 janvier 1986,

- la condamnation solidaire d'Ippolis et M. Berreby à payer une provision de 60 millions de francs,

- la désignation d'experts sur le préjudice,

- la mise sous séquestre des logiciels contrefaisants et de tous logiciels incluant tout ou partie des modules des logiciels contrefaisants,

- la destruction des sources et logiciels contrefaisants,

- la publication de l'arrêt,

- le paiement solidairement d'une somme de 150 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ainsi que des dépens, frais d'expertise et de saisie ;

Considérant qu'Ippolis et M. Berreby ont conclu :

- à titre principal à la confirmation du jugement et au débouté, à ce que soient ordonnées des publications judiciaires, à la condamnation de CTL à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à Ippolis 1 000 000 F HT, à M. Berreby 30 000 F et les dépens d'appel incluant les frais d'expertise,

- subsidiairement à ce qu'il soit jugé que le " noyau " du centre serreur Ippolis n'est pas contrefaisant, à l'application de la loi du 11 mars 1957, à l'absence de preuve de l'originalité du programme et au rejet des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- plus subsidiairement au rejet de la demande de destruction et le cas échéant à la limitation de la destruction à la seule fonction analysée par le collège d'experts, à l'adjudication de leurs écritures antérieures ;

Que CTL a répondu et Ippolis répliqué ce qui a entraîné une dernière réponse de CTL ;

Sur ce

1 - Sur l'identification du logiciel appartenant à CTL

Considérant qu'Ippolis ayant allégué que CTL, à laquelle avait été remise une duplication du listing saisi, avait pu mettre à profit cette circonstance afin de donner à ses propres programmes une adéquation à ceux d'Ippolis afin de mieux asseoir sa demande en contrefaçon il était apparu nécessaire de vérifier quelle était la teneur des logiciels commercialisés par CTL antérieurement à la saisie afin de retrouver une base de comparaison incontestable ;

Considérant qu'après l'expertise dernière en date Ippolis se fondant notamment sur une consultation de M. Augendre expert, relève que CTL, entre la date de la saisie-contrefaçon (8 janvier 1986) et la date de la remise des logiciels à l'expert Boyer (18 février 1986) a disposé de 40 jours (et non pas 5 comme affirmé par erreur par le collège d'experts) pour modifier ses programmes ; qu'Ippolis estime que, d'une part le programme-objet trouvé au Ministère de l'industrie n'avait pas de date incontestable ; qu'il ne s'agissait pas d'un programme source ce qui accroissait les difficultés de comparaison étant observé que, selon M. Augendre, la méthode employée n'aurait " aucune base scientifique ni technique " ; que, d'autre part CTL aurait fort bien pu modifier ce programme-objet par la voie télématique dans le cadre de l'assistance technique ;

Considérant que CTL répond que son logiciel est parfaitement identifié et daté et exempt de tout maquillage ; que l'expertise aurait établi la date de fourniture au Ministère de l'industrie et l'absence de tout risque de modification ainsi que l'identité entre le programme-objet obtenu par compilation du logiciel-source CTL 1986 et les modules du programme-objet du Ministère ; Considérant, ceci exposé, que si CTL, bien qu'elle ait indiqué avoir comparé son logiciel et les pièces saisies le 13 janvier 1986, soit cinq jours après la saisie-contrefaçon a de fait disposé d'un temps beaucoup plus long puisque ces pièces n'ont été remises à l'expert que le 18 février 1986, il demeure qu'il résulte de l'expertise que le logiciel de CTL n'a pas été manipulé ou adapté pour accentuer les prétendues ressemblances avec le logiciel incriminé ;

Considérant que les experts, dont les conclusions sont formelles sur l'identité entre le programme-source CTL 1986 et le programme-source ayant permis d'élaborer le programme-objet fourni au Ministère de l'industrie ont par avance répondu aux objections formulées par M. Augendre et aux dires du Conseil d'Ippolis ;

Qu'en effet (P. 74) ils énoncent qu'il n'était pas possible de " télécharger " un objet directement exécutable " interfacé " avec les fichiers et applications développés par le client à son insu et que précisément les responsables du Ministère (M. Salman chargé de mission) qui n'auraient pas manqué de s'en apercevoir, attestent qu'une telle modification n'a pas été opérée ;

Qu'en outre, il a été confirmé aux experts par le Ministère (p.83) qu'aucune intervention majeure sur le site, aucune recompilation, aucune modification ou réimplantation n'avaient été opérées par CTL ;

Que les experts énoncent encore que la méthode suivie leur a permis de reconstituer le travail fait par le compilateur et ainsi de retrouver les mêmes séquences d'instructions et d'appel à fonctions ou à des variables identiques (p.77) ; qu'ils précisent (p.84) qu'ils se sont livrés manuellement au travail de vérification pour aboutir au même résultat ; qu'ils se sont expliqués (p.83) sur les différences mineures non significatives ;

Considérant que dès lors que le programme-objet du Ministère est détenu par celui-ci et que cet utilisateur est un tiers parfaitement indépendant de CTL rien ne permet de mettre en doute les dates portées sur les disquettes qui montrent que ce programme-objet a été fourni par CTL en 1984 ; qu'il s'ensuit, en raison de l'identité des sources, que le programme CTL 1986 bénéficie d'une date antérieure au logiciel saisi ;

Considérant qu'il sera remarqué qu'Ippolis ne discute pas la titularité de CTL ;

2 - Sur le caractère protégeable du logiciel de CTL

Considérant qu'Ippolis et M. Berreby allèguent que la loi du 11 mars 1957, seule applicable en l'espèce, ne protège une œuvre de l'esprit qu'à la seule condition que cette œuvre soit originale et que le caractère de l'originalité ne doit pas être confondu avec la nouveauté, le caractère innovateur ; qu'en l'espèce CTL ne pourrait faire protéger une idée ; que les notions " d'arborescence ", de " multicritères ", " d'images masques " étaient connues antérieurement et que ceci résulterait notamment du rapport de l'expert Boyer et des publications mises aux débats ; Considérant que CTL n'a pas directement répondu sur ce point se contentant de se référer à la consultation du M. Moati ; Considérant ceci exposé, que compte tenu de la date retenue ci-dessus pour la création alléguée par CTL (1984) c'est la loi du 11 mars 1957 dans sa forme antérieure à la loi du 3 juillet 1985 qui s'applique, étant observé qu'en ce qui concerne les conditions de la protection des œuvres de l'esprit, la loi nouvelle n'a pas modifié la loi antérieure et que le fait que " les logiciels " figurent désormais dans l'énumération non limitative de l'article 3 de la loi n'a aucune incidence sur ces conditions de protection ;

Considérant que seule l'originalité du logiciel appartenant à CTL est discutée ;

Considérant dès lors qu'il appartient à la Cour, qui ne peut se déterminer par des dispositions générales, de rechercher, sans s'attacher au mérite ou à la destination de l'œuvre, en quoi l'auteur a marqué cette œuvre de l'empreinte de sa personnalité ; Considérant que l'originalité étant contestée, il appartenait à CTL par application de l'article 6 du nouveau Code de Procédure Civile, d'alléguer des faits sur lesquels la Cour puisse se fonder pour justifier son appréciation de l'originalité ;

Considérant qu'elle s'en est abstenue ; que CTL, ainsi que le relève à juste titre l'expert Boyer (p. 22 de son rapport) ne peut s'attribuer un monopole sur un système (le système Unix) ni sur les méthodes (l'arborescence, les interrogations multicritères, les images-masques) qui en tant que telles ne relèvent pas de la protection de la loi du 11 mars 1957 ; que seule la forme personnelle donnée à l'application de ces méthodes ou système qui ressortissent au domaine des idées, serait susceptible de protection ; que même si M. Moati souligne " le caractère innovant des solutions apportées par CTL " par référence à un article de " Vidéotex " (décembre 1983) cette constatation ne suffit pas à démontrer en quoi et sur quel point l'auteur du logiciel a pu faire preuve d'un effort personnalisé, allant au delà de la simple mise en œuvre d'une logique automatique et contraignante ; que faute d'allégations suffisantes il ne peut être démontré que le logiciel invoqué soit susceptible de protection par la loi du 11 mars 1957 ; qu'en conséquence la demande en contrefaçon ne sera pas examinée ;

3 - Sur la concurrence déloyale

Considérant qu'Ippolis et CTL, n'ont pas signifié de conclusions récapitulatives, demandant l'adjudication de leurs écritures antérieures il convient d'examiner toutes les écritures devant la Cour ;

Considérant que CTL reproche aux intimés d'avoir outre la contrefaçon alléguée, emprunté des " secrets de fabrique " et un savoir-faire reconnu comme stratégique ; qu'il ne s'agirait pas selon les experts de l'usage d'une expérience ou d'un savoir-faire personnel ; qu'ils en auraient profité pour prospecter l'un des principaux clients de CTL ; que leurs produits seraient directement concurrents qu'ils auraient pratiqué des prix de " dumping " ; qu'il y aurait à tout le moins parasitisme ; que la demande n'est pas nouvelle ;

Considérant qu'Ippolis et M. Berreby répondent que la demande en concurrence déloyale ou du moins parasitaire serait irrecevable comme nouvelle ; Considérant qu'ils ajoutent que l'action en concurrence déloyale ne saurait être le " succédané " de l'action en contrefaçon ; que la pratique de prix inférieurs ne serait pas prouvée ; que les défendeurs ne peuvent se voir reproché d'avoir utilisé leur savoir-faire ;

Qu'ils ont mis 11 mois et non 4 mois pour élaborer le système qui leur est propre ; qu'ils n'auraient commis aucune faute ; que CTL ne démontrerait pas l'existence d'un préjudice ;

Considérant, ceci exposé, sur la recevabilité, que le Tribunal ayant été saisi d'une demande en concurrence déloyale, connexe à la demande en contrefaçon, CTL est recevable devant la Cour, au soutien de cette demande qui se fonde sur la responsabilité de droit commun, à invoquer le grief nouveau tiré du parasitisme pour justifier les prétentions soumises aux premiers juges (article 563 du nouveau Code de Procédure Civile) ;

Considérant d'autre part que si CTL, sa demande en contrefaçon n'étant pas admise, n'est pas fondée à reprocher à Ippolis d'avoir reproduit son logiciel et à revendiquer de ce fait une protection qui ne lui est pas reconnue, en revanche les autres griefs tirés de l'emprunt sans autorisation d'un savoir-faire confidentiel, de la pratique de prix anormalement inférieurs, du parasitisme sont admissibles ;

Considérant que le simple fait par les trois analystes programmeurs qui avaient travaillé au service de CTL et qui n'étaient tenus par aucune clause de non-concurrence d'avoir fondé une société directement concurrente à l'origine n'est pas criticable dès lors qu'il n'est pas allégué que la société ait fonctionné alors qu'ils étaient encore au service de CTL ; que de même ces trois personnes étaient fondées à utiliser les connaissances et le savoir-faire acquis au cours de leur période de travail; Considérant qu'il convient de noter que les trois fondateurs d'Ippolis étaient, avant même leur embauche par CTL, titulaires d'une maîtrise en informatique et qu'en particulier M. Berreby était l'auteur d'un mémoire de maîtrise sur un " centre serveur télématique " ;

Considérant d'autre part que le temps dont ils ont disposé a été sous-évalué par le collège d'experts ; qu'en particulier Ippolis relève à juste titre que les dates de réalisation des programmes, qui apparaissent dans la saisine de janvier 1986 sont, pour 13 d'entre elles sur 19, de décembre 1985, pour 3 d'entre elles de novembre 1985 et pour une de juillet 1985 de telle sorte que le temps dont les fondateurs ont disposé est plus proche de 10 à 11 mois que de 6 à 8 mois ; Que d'autre part parmi les " moyens humains " dont Ippolis a disposé, il convient d'ajouter M. Orphanos, analyste programmeur stagiaire du 1er mai 1985 au 31 juillet 1985 (dire n°2 d'Ippolis et attestation de M. Orphanos) ; Qu'en outre il n'y avait pas lieu d'amputer arbitrairement le temps de travail de M. Berreby de 50 % alors que les aspects administratifs et comptables pour lesquels les fondateurs n'étaient pas compétents ont été sous-traités à l'extérieur (dire n°12) ;

Que M. Savva, exclu par les experts du nombre des intervenants était néanmoins titulaire d'une maîtrise d'informatique et a perçu, selon les déclarations sociales pour 1985 une rémunération (72 600 F) du même ordre de grandeur (69 500 F à 78 600 F) que les trois fondateurs ; Que le " premier système complet " n'a pas été installé le 19 juin 1985 (devis) ; qu'en effet à la date du 6 juin 1985 (devis) le dernier programme était en cours de développement et il était prévu que le serveur pourrait être opérationnel à partir du 1er août 1985 ; Considérant que de plus M. Romak, président de " R et R communication " fournit une attestation précise et circonstanciée selon laquelle il a pu créer en six mois, avec deux participants un centre serveur tout en réalisant simultanément des applications et en participant au " Vidcom " ;

Mais considérant qu'il apparaît à la lecture de l'expertise (p.97) que les fondateurs d'Ippolis, à l'occasion de leurs travaux, ont nécessairement accédé à certains programmes-sources de CTL en matière de recherche documentaire ; que selon l'attestation de M. Kettouche que rien ne permet d'écarter des débats, la connaissance de certains programmes ne s'est pas limitée à une simple analyse nécessaire pour leur travail ; qu'ils en ont pris copie ; qu'ils se sont ainsi épargnés des efforts de conception et de réalisation et se sont emparés du produit du travail d'autrui; que ceci explique les singulières coïncidences entre les programmes relevées par les experts ;

Que ces agissements parasitaires engagent la responsabilité d'Ippolis ;

Que d'autre part les fondateurs d'Ippolis avaient dressé, selon le même témoin Kettouche une liste de la clientèle de CTL ce qui a facilité un démarchage qui, en lui-même n'aurait pas été fautif ;

Considérant qu'en revanche la pratique de prix anormalement bas ne peut être retenue sur la base du seul devis du 6 juin 1985 alors que ne sont connus ni les prix pratiqués par CTL ni les prix du marché ni les usages en matière de remise au client ;

4 - Sur le préjudice allégué

Considérant que CTL allègue que les agissements d'Ippolis lui ont fait perdre sa position de " monopole " sur le marché des centres serveurs et qu'ils ont permis à la défenderesse d'acquérir illégitimement la sienne ;

Considérant qu'Ippolis répond que CTL forme une demande " ahurissante " qui ne repose sur aucune donnée ;

Considérant, ceci exposé, qu'il est certain qu'Ippolis, par les pratiques parasitaires retenues a facilité son entrée sur le marché des centres serveurs au détriment de CTL qui, selon les revues techniques mises aux débats occupait la place depuis 1979 ; que les mêmes revues montrent toutefois que le nombre des entreprises sur ce marché a connu une progression considérable de telle sorte que CTL ne peut reprocher à Ippolis de lui avoir fait perdre un monopole de fait qu'elle aurait de toute manière perdu ; que d'autre part le collège d'experts observe que les activités de CTL et d'Ippolis ont divergé, la première s'intéressant plus particulièrement à l'hébergement de centres serveurs tandis qu'Ippolis fournissait des centres serveurs " clés en main " ;

Considérant qu'il résulte des éléments ci-dessus que la demande de provision formée par CTL est excessive ; qu'il convient d'ordonner une expertise et de fixer à 1 000 000 F le montant de la provision ;

Considérant qu'aucune faute personnelle n'étant établie à l'encontre de M. Berreby il n'y a pas lieu à condamnation à son encontre pas plus qu'à l'égard des autres fondateurs d'Ippolis qui ne sont pas en cause ;

Considérant que les mesures annexes sollicitées par CTL ne sont pas justifiées eu égard aux circonstances ci-dessus rappelées ;

Considérant qu'il est équitable que les frais non taxables exposés par CTL dans une procédure complexe soient mis à la charge d'Ippolis dans la limite de 50 000 F

5 - Sur les demandes reconventionnelles

Considérant que ce qui vient d'être exposé suffit à démontrer que les demandes d'indemnité et de publication émanant tant d'Ippolis qui est fautive que de M. Berreby qui n'établit pas que l'action dont il a été l'objet constitue un abus des voies de droit sont mal fondées ;

Considérant qu'il convient de donner mainlevée de la saisie-contrefaçon et d'enjoindre à CTL, sous astreinte, de restituer les programmes saisis ; Qu'Ippolis qui succombe conservera ses frais non taxables ;

Que l'équité ne commande pas d'allouer une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à M. Berreby ; Qu'Ippolis qui succombe supportera tous les dépens.

Par ces motifs : Confirme le jugement du 29 juin 1987 en tant qu'il a débouté la société CTL de sa demande en contrefaçon, en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de la société Ippolis et de M. Berreby, condamné la société CTL à remettre à la société Ippolis sous astreinte les programmes sources de celle-ci et en a interdit à la société CTL toute détention en copie ; Réformant le jugement pour le surplus, y ajoutant et statuant à nouveau : - donne mainlevée de la saisie-contrefaçon, - dit que la société Ippolis s'est rendue coupable de concurrence parasitaire ; Le condamne à payer à la société CTL une provision de 1 000 000 F, une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile et les dépens d'instance et d'appel y compris les frais taxés d'expertises, que Me Lecharny avoué est autorisé pour ceux d'appel à recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile ; Avant dire droit sur l'évaluation du préjudice désigne M. Lipski, expert, 19 rue Clément Marot - 75008 Paris (47 23 99 98) avec mission de prendre connaissance de tous documents détenus par les parties ou par des tiers, entendre les parties contradictoirement et fournir à la Cour les éléments permettant d'évaluer le préjudice subi par la société CTL en relation directe de cause à effet avec les pratiques parasitaires retenues ; Dit que la société CTL consignera au Greffe de la Cour une provision de 25 000 F à valoir sur les honoraires de l'expert avant le 15 mai 1993 et que l'expert déposera son rapport au Greffe de la Cour avant le 15 décembre 1993 ; Désigne Madame le Conseiller Mandel pour suivre les opérations d'expertises ; Déboute les parties de leurs autres demandes comme mal fondées.