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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 10 mars 1993, n° 91-8145

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Venice Simplon-Orient Express Ltd (Sté), Venice Simplon-Orient Express Inc (Sté), Sea Containers (Ltd), Intraflug (Sté)

Défendeur :

SNCF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

Mes Beaufume, Ribaut

Avocats :

Mes Bochet, Cramer, Bertin.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 4 juill…

4 juillet 1990

Dans des circonstances suffisamment exposées par les premiers juges, la société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF) avait attrait devant le Tribunal de grande instance de Paris les sociétés Venice Simplon Orient Express Ltd et Venice Simplon Orient Express Inc (VSOE) afin d'obtenir l'annulation des marques Orient Express ou Venice Simplon Orient Express déposées par celles-ci. Les sociétés VSOE s'étaient opposées à cette demande. Une société Sealink Ltd, dont les droits ont été repris par la Sea Containers House et une société Intraflug étaient volontairement intervenues à l'instance.

Les sociétés VSOE et Sealink avaient demandé l'annulation de la marque Orient Express de septembre 1977 appartenant à la SNCF et de dépôts ultérieurs, le remboursement de redevances de licence et de paiement d'indemnités.

La SNCF avait formulé des demandes additionnelles contre les société VSOE et Sealink en paiement de redevances de licence et contre les deux premières seulement en réparation de son préjudice commercial.

Des demandes avaient été formée de part et d'autre au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par son jugement du 4 juillet 1990 auquel il convient de se reporter pour un exposé exhaustif de faits, moyens et prétentions des parties antérieurs, la troisième Chambre 1re section du tribunal, joignant les procédures et admettant les interventions volontaires a :

- débouté les société VSOE, Sealink et Intraflug de leurs demandes en nullité et en déchéance de la marque n° 1 425 233 appartenant à la SNCF ;

- débouté la SNCF de sa demande en nullité des marque n° 1 097 715, 1 199 061, 1 202 539, 1 253 279, 1 265 811, 1 202 539 ;

- ordonné la radiation du dépôt de la marque Venice Simplon Orient Express dans la classe 42 ;

- débouté les sociétés VSOE de leur demande en nullité de la marque internationale n° 433 114, appartenant à la SNCF (enregistrée en classes 12, 39 et 42) ;

- annulé les marques de la SNCF n° 1 437 573, n° 521 823 (internationale), dans toutes les classes visées dans le dépôt et la marque n° 907 678 dans les classes visées sauf les classes 12, 39 et 42 ;

- condamné les sociétés VSOE à payer à la SNCF en deniers ou quittances les sommes de 569 039,66 F et 592 693 F (redevances pour 1988 et 1989) ;

- condamné Sealink à payer à la SNCF 1 300 000 F (redevances pour 1988 et 1989) ;

- débouté la SNCF et les autres parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ni à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- fait masse des dépens et partagé ceux-ci par moitié entre la SNCF et les défenderesses et intervenantes ;

Les sociétés VSOE ont relevé appel avec Intraflug le 15 mars 1991 et la société Sea Containers House (ci-après Sea Containers) aux droits de Sealink le 30 décembre 1991. Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du 22 avril 1992.

Les prétentions des parties devant la Cour doivent être résumées comme suit abstraction faite de tous " dire et juger, constater, etc. " qui ne sont que des moyens ou arguments et doivent être traités comme tels :

1- Les appelantes ont déposé des conclusions en commun qui tendent :

- à la confirmation du jugement en tant qu'il a débouté la SNCF de diverses prétentions ci-dessus énumérées ;

- en tant qu'il a annulé le dépôt n° 1 437 573, le dépôt international n° 521 823 dans les classes visées et le dépôt n° 907 768 dans les classes visées sauf les classes 12, 39 et 42 ;

- en tant qu'il a admis (partiellement) leurs demandes d'indemnités ;

- à l'infirmation pour le surplus et en conséquence,

- à l'annulation du dépôt 1 027 854 du 7 septembre 1977 et de son renouvellement - pour fraude - subsidiairement comme déceptif, plus subsidiairement comme générique, usuel, descriptif ;

- très subsidiairement à la déchéance des droits de la SNCF sur ce même dépôt dans les classes 12, 39 et 42 pour inexploitation ;

- à l'annulation " de tout autre dépôt international basé sur ce dépôt français et portant sur la totalité des classes de produits et de services de la nomenclature internationale " (sic) ;

- à l'annulation des contrats concernant l'utilisation de la " marque " et le paiement de redevances pour manque d'objet ;

- à l'application à ces contrats de l'article 86 du traité de Rome et de l'article 8-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

- au paiement par la SNCF :

- à VSOE Inc d'une somme de 1 000 000 F pour usage frauduleux de la marque Orient Express et préjudice commercial ;

- à VSOE Ltd de 1 000 F en répétition de redevances indûment versées et à titre d'indemnité ;

- à Intraflug de 784 252 F pour répétition de redevances indûment versées outre 210 000 F montant des intérêts courus depuis chaque versement et une indemnité de 500 000 F pour préjudice commercial avec intérêts à compter de l'arrêt ;

- à Sea Containers de 1 100 000 F pour répétition de l'indû et 400 000 F à titre d'indemnité et à chaque société de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- au débouté de la SNCF de toute demande d'annulation de la marque Orient Express et de toutes autres demandes ;

- au paiement de tous les dépens ;

et pour les dernière écritures du 1er février 1993 qui sont recevables, le conseiller de la mise en état ayant, avant l'ouverture des débats révoqué la clôture du 25 janvier 1993, et prononcé une autre clôture, à ce que la Cour ordonne toute mesure d'instruction " pour pouvoir constater le caractère déceptif de l'exploitation du train exploité par la SNCF et dénommé par cette dernière Orient Express " ;

2- L'intimée a conclu à la confirmation sur le principe des dispositions prises à l'encontre des appelantes et, par voie d'appel incident, ses conclusions tendent :

- à l'annulation des marques : - Orient Express du 16 mai 1979 (1 097 175) et 17 septembre 1981 (1 199 061) ; - Venice Simplon Orient Express des 1er décembre 1981 (1 202 539), 6 décembre 1983 (1 253 279), 20 mars 1984 (1 265 811) dans les classes visées ;

- au débouté des sociétés VSOE de leur demande en nullité de la marque Orient Express, dépôts des 7 décembre 1987 (1 437 573), 19 février 1988 (907 678), 4 mars 1988 (521 823) dans les classes visées " sauf pour les classes 12, 39 et 42 " ;

- au débouté des demandes d'indemnité ;

- au paiement in solidum par la société VSOE d'une indemnité de 4 500 00 F ;

Elle forme les prétentions additionnelles suivantes :

- capitalisation des sommes dues à la SNCF ;

- paiement solidairement par les sociétés VSOE pour redevances de licence de marque des sommes de 602 990,77 F, 611 219,35 F, 489 808,21 F pour les années 1990, 1991, 1992 avec intérêts " de droit " et capitalisation ;

- paiement par Sea Containers de 1 950 000 F pour redevances des années 1990, 1991, 1992 ;

- paiement in solidum par les appelantes de la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- paiement de tous les dépens ;

Le SNCF a en outre signifié des conclusions de rejet visant les conclusions du 1er février 1993.

Sur ce, LA COUR,

1- Sur la demande de rejet de conclusions :

Considérant que la SNCF soutient que les conclusions du 1er février 1993 sont irrecevables dès lors qu'aucune cause grave depuis l'ordonnance de clôture n'est intervenue ;

Mais considérant que le conseiller chargé de la mise en état a révoqué, pour cause grave, la clôture du 25 janvier 1993 ; que dès lors les conclusions du 1er février 1993 sont recevables ;

Que d'autre part elles comportent essentiellement une poursuite de la discussion sur l'historique du train Orient Express à laquelle la SNCF a répondu par avance et une demande de mesure d'information ; que les parties ont eu toute latitude de s'expliquer longuement à l'audience sur tous les faits de la cause et sur la demande présentée ; qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats ces conclusions ;

2- Sur la validité de la marque Orient Express déposée le 2 décembre 1987 en renouvellement d'un premier dépôt du 7 septembre 1977 :

Considérant que cette marque est déposée pour désigner les produits ou services de transport, hôtellerie, restauration (cl. 12, 39, 42) ;

a) la nullité pour fraude :

Considérant que les appelantes soutiennent que le dépôt initial est frauduleux, la SNCF ayant eu connaissance au préalable du projet très avancé de M. Sherwood pour VSOE (projet OER) et n'ayant déposé la marque que pour nuire à ceux qui entendaient l'exploiter pour relancer un train de luxe et que de plus Intraflug exploitait depuis 1976 un train " Nostalgie Istanbul Orient Express " et diffusait des publicités à ce sujet ; qu'elles citent la jurisprudence classique en matière de dépôt frauduleux de marque et estiment que le tribunal " n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations " ; qu'elle produisent notamment une correspondance et des rapports sur les projets OER ;

Considérant que la SNCF estime que la réponse du tribunal était pertinente ; qu'il n'y a pas eu appropriation de droits d'un tiers ; que VSOE a acquis quelques voitures anciennes mais pas la marque ; qu'elle-même fait circuler " depuis l'origine " un train Orient Express ; que la CIWLT ne revendique aucun droit de propriété sur la marque ;

Considérant que ce point en litige doit être résolu en appliquant trois principes :

- la marque est un droit de propriété industrielle qui appartient au premier occupant,

- la marque est un droit territorial,

- la fraude corrompt toute appropriation qui en est atteinte ;

Considérant, ceci exposé, que le moyen tiré d'une exploitation prétendument antérieure par Intraflug d'un train " Nostalgie Istanbul Orient Express " n'est pas concluant ; qu'en effet d'une part la luxueuse brochure en langue allemande qui porte le nom de ce train fait apparaître un millésime qui est identique en français comme en allemand, même si cette brochure n'est pas traduite ; que ce millésime répété à de nombreuses reprises est 1991 ; qu'il ne s'agit donc pas d'une preuve d'une exploitation antérieure ; que la photocopie des pages 133 et 134 d'un ouvrage en langue française mis aux débats par les appelantes mérite d'être lue jusqu'au bout puisqu'elle révèle que jusqu'en 1981 (la marque ayant été déposée en 1977) aucun des trains (Arlberg Orient Express Simplon Orient Express) qui partaient de Zurich ou de Lausanne n'a emprunté le réseau français ; qu'Intraflug n'a donc jamais exploité le signe en France avant le dépôt et ne l'a fait que plus de trois années après ce dépôt ; qu'il n'est pas prouvé qu'il y ait eu, avant le dépôt des tractations entre Intraflug et la SNCF ou même simplement des publicités diffusées en France, à un moment ou la CIWLT décidait d'abandonner l'exploitation de l'Orient Express et de vendre aux enchères ses dernières voitures ; que la SNCF qui par la nature même de ses activités et de celles des sociétés privées dont elle est la continuatrice a toujours contribué à faire rouler les trains Orient Express a donc pu, sans fraude aux droits d'Intraflug, déposer la marque en France dans les classes susvisées ;

Considérant que les sociétés VSOE produisent outre des articles de presse sur la vente aux enchères, le 8 octobre 1977, par Sotheby à Monaco d'anciennes voitures provenant notamment de l'Orient Express, vente à laquelle un représentant de la SNCF assistait, une lettre du 15 juillet 1977 de M. Sherwood (Sealink) à CIWLT lui faisant part de son projet (selon la traduction partielle) de train de luxe privé de Londres à Venise et d'achat de vieilles voitures Pullman à rénover et de son voeu de voir la SNCF accepter la circulation de tels trains ; une lettre de Sallingbury Ltd à M. Sherwood du 29 juillet 1977 annonçant que cette société envisageait de " prendre contact " par l'intermédiaire d'associés continentaux notamment avec la SNCF pour convenir de réunions sur le projet ; un résumé de rapport, non daté, " envisageant " des contacts avec le département commercial de la SNCF au sujet de la " disponibilité de voitures Pullman " ; une lettre du 19 août 1977 de M. Sherwood à M. Bribbon (Sallingbury) indiquant que la personne à " contacter " à la SNCF serait M. Chenel ; un rapport " confidentiel " à M. Sherwood du 23 septembre 1977 dit de faisabilité détaillée de Londres aux ports français avec estimation des coûts de Londres à Venise qui serait " acceptable par les trois administrations de chemin de fer concernées " ; une lettre du 26 septembre 1977 de Sallingbury à M. Sherwood accompagnant ce rapport ; une attestation de M. Bianchini relative à une conférence de presse organisée par CIWLT, pour annoncer la vente à Monte Carlo et au cours de laquelle il aurait été " fort possible " que M. Lacoste de la SNCF apprenne le projet et à une réunion " au cours de la première phase de la mise en marche de VSOE " entre MM. Lacoste et Sherwood pendant laquelle M. Lacoste aurait indiqué que " seul VSOE pourrait utiliser Orient Express " ;

Considérant que la date du dépôt de marque étant le 7 septembre 1977 toute la correspondance, le rapport confidentiel, la réunion entre MM. Lacoste et Sherwood, les tractations qui auraient pu avoir lieu lors de la vente du 8 octobre 1977 entre ceux-ci sont dépourvus d'intérêt au regard de la fraude alléguée ; qu'on retiendra que le 19 mai 1977 a eu lieu le dernier voyage de l'Orient Express organisé par la CIWLT et que celle-ci a clairement fait connaître qu'elle entendait, pour des motifs tenant à l'absence de rentabilité, abandonner l'exploitation et vendre des voitures en sa possession ; qu'ainsi il a été exposé plus haut la SNCF, en tant qu'entreprise de chemins de fer, associée directement ou par l'intermédiaire des sociétés de chemins de fer nationalisées à l'exploitation en France du train et du signe distinctif Orient Express depuis son origine avait un intérêt légitime à faire protéger dans ce pays un signe susceptible de tomber en déshérence, afin de l'exploiter par elle-même ou de le faire exploiter par des licenciés ; que les correspondances et pièces mises aux débats et antérieures au dépôt ne permettent pas de retenir que la SNCF ait su que M. Sherwood entendait précisément ressusciter un Orient Express ; qu'il est seulement vraisemblable que M. Chenel, du service commercial, ait été " contacté " après le 22 août 1977 par les correspondants de Sallingbury en France ; qu'il y a tout lieu de penser que, par prudence, le projet étant qualifié de " confidentiel " même à une date postérieure au dépôt de marque les informations données à la SNCF et les demandes adressées n'aient porté, tout comme pour la CIWLT dans la lettre du 15 juillet 1977, que sur un projet d'achat de vieilles voitures Pullman à rénover et sur les modalités de circulation en France d'un train privé non dénommé composé de ces vieilles voitures ; que d'ailleurs l'attestation de M. Bianchini montre que les voitures dont l'acquisition était projetée avaient plusieurs origines : Simplon Orient Express mais aussi Flèche d'Or et Train Bleu entre autres ; que la faute alléguée n'est pas établie, étant observé que si, lors de la " première phase (postérieure au dépôt) de mise en marche de VSOE " la SNCF a admis que VSOE pourrait avoir un usage exclusif de la marque ceci n'impliquait aucune reconnaissance de droits antérieurs ou préférables mais s'expliquait par l'intention de concéder à VSOE une licence d'exploitation :

b) nullité pour caractère usuel, générique et descriptif :

Considérant que si ces demandes peuvent surprendre de la part de sociétés qui exploitait des marques incluant Orient Express et qui désignent par ce signe des trains il appartient néanmoins à la Cour d'y répondre ;

Considérant que les appelants soutiennent qu'Orient Express ne pourrait être valablement adopté comme marque parce que très rapidement après son lancement en 1883 le signe aurait désigné " un genre de train qui se distingue par des caractéristiques bien particulières " ; qu'elle ajoutent qu'Orient Express décrit la qualité essentielle d'un train de luxe et que chacun des termes qui composent le signe est directement descriptif d'une qualité essentielle du produit ou service ;

Considérant que l'intimée répond que si la marque est fortement évocatrice elle n'est pas constituée de mots qu'impose le produit ou le service, elle ne décrit pas la qualité essentielle du produits ou du service ou sa composition et qu'elle n'est pas usuelle car il n'y a eu qu'un train Orient Express ;

Considérant, ceci exposé, qu'il sera rappelé que la marque a été déposée pour désigner les produits ou services de transport, hôtellerie, restauration, tourisme ;

Qu'il n'est nullement démontré par les appelantes qui ont la charge de la preuve qu'Orient Express est généralement et communément utilisé pour désigner ces produits ou services ou que ce signe définit d'une manière générale la catégorie, l'espèce ou le genre auxquels appartiennent ces produits ou services, ou encore qu'il est exclusivement, directement et essentiellement et nécessairement descriptif de ces produits et/ou services ; qu'en effet les clients en général et les professionnels en particulier n'ont pas pour habitude de désigner tous ces produits et services par ce signe ; que les transports et services d'hôtellerie et de restauration ou de tourisme n'appartiennent pas à la catégorie " Orient Express " ;

Qu'il ne s'impose pas de décrire un produit ou un service de transport, hôtellerie, restauration, tourisme par l'expression " Orient Express " ; que pour un train le traité de 1883 emploie les termes " train express d'Orient " ; que le signe Orient Express est donc bien arbitraire pour les produits et services désignés ;

c) la nullité pour déceptivité :

Considérant que les appelantes allèguent qu'en " entendant le nom Orient Express le public s'attend à un voyage en train de luxe et non pas à un moyen de transport ordinaire " ; que l'intimée répond que le caractère déceptif n'est pas prouvé ;

Considérant qu'il sera tout d'abord noté que les appelantes admettent donc que la marque est valable pour désigner des produits et services d'hôtellerie ou de restauration et tourisme ; que le seul point en litige est constitué par les produits ou services transport ;

Considérant que la marque Orient Express qui est distinctive doit être appréciée dans son ensemble ;

Considérant que l'étude statistique qui a été effectuée d'une manière non contradictoire et dont se servent les appelantes pour prétendre que " le public " serait trompé ne peut être retenue pour ce qui est des véhicules et moyens de transport de voyageurs et de marchandises concernent le consommateur moyen lequel ne se soucie pas du passé de l'Orient Express qu'il ignore ; qu'en revanche dans la mesure où le signe désigne un train de voyageurs ce signe est, pour la catégorie des consommateurs aux moyens aisés auprès de laquelle le sondage a été effectué susceptible d'apporter des indications trompeuses sur les qualités substantielles du produitdans la mesure où le produit n'est pas un train de luxe ; qu'en effet il s'agit de consommateurs dont les habitudes de vie incluent l'usage de moyens de transport coûteux et en particulier de trains de luxe et pour lesquels l'histoire séculaire de l'Orient Express est familière ; que ce simple risque suffit à l'annulation de la marque pour la seule désignation d'un train de voyageurs autre qu'un train de luxe ;

3- Sur la déchéance des droits de la SNCF sur la marque déposée le 2 décembre 1987 en renouvellement du dépôt du 7 septembre 1977 :

Considérant que la déchéance ne peut concerner que les produits et services pour lesquels la marque est valable ;

Considérant que les appelantes font valoir que l'usage de la marque ne peut être constitué par les licences données à VSOE ou à Intraflug dès lors que l'exploitation qui est faite pour des trains de luxe ne porte pas sur le signe déposé mais sur signes Venice Simplon Orient Express et Nostalgie Orient Express ; qu'elles ajoutent que l'usage déceptif qui a été fait de la marque par la SNCF pour désigner un train ordinaire ne vaut pas exploitation ; que la déchéance serait donc acquise pour les moyens de transport ; qu'il en serait de même pour la restauration, la licence au buffet de la gare de Poitiers constituant une exploitation " de façade " et ne portant pas sur la marque mais sur une enseigne ;

Considérant que la SNCF répond qu'elle fait circuler de manière permanente un train Orient Express entre Paris et Bucarest et qu'elle a, en 1988, conclu un contrat de licence avec le concessionnaire du buffet de la gare de Poitiers, enfin qu'elle a conclu en 1987 un contrat de licence avec VSOE ;

Considérant qu'eu égard à la date de la demande (conclusions de VSOE et Sealink du 12 juin 1989) la période à prendre en compte pour les preuves d'exploitation s'étend du 12 juin 1984 au 12 juin 1989 et la loi applicable est l'article 11 de la loi de la loi du 31 décembre 1964 ; qu'en particulier c'est à tort que les appelantes se réfèrent implicitement dans leurs écritures à des dispositions qui ne figurent que dans l'article L.714-5 CPI ;

Considérant que le contrat de licence des 20 juin/18 juillet 1988 entre la SNCF et Mme Leplat, concessionnaire du buffet de la gare de Poitiers, inscrit au registre national des marques le 28 juillet 1988, porte certes sur la concession de la marque qui pourra être opposée sur les papiers commerciaux, documents publicitaires objets servant à l'exploitation ;

Que toutefois il n'est pas prouvé que Mme Leplat ait effectivement utilisé la marque Orient Express pour désigner des produits ou services de restauration offerts à la clientèle ; qu'aucune pièce n'est produite à ce sujet dans les dossiers des parties ;

Considérant que la SNCF communique son indicateur international pour les années 1986 à 1989, qui fait apparaître qu'un train R 263 a circulé pendant ces années entre les gares Paris Est et Bucarest nord et qu'il était dénommé Orient Express selon cet indicateur ; que toutefois les mentions portées sur l'indicateur complétées par les photographies montrent qu'il s'agit d'un train ordinaire en première et deuxième classe avec places assises, couchettes, voitures lits et restauration, ne présentant pas le caractère de luxe qui s'attache traditionnellement aux trains Orient Express ; qu'en raison de l'emploi déceptif du signe pour désigner un train de voyageurs l'usage ne peut être retenu ;

Considérant que la SNCF produit encore les contrats passés avec VSOE les 25 mai 1984 (pour la période du 1er mars au 30 novembre 1984), 10 mai/30 juillet 1985 (période du 1er février au 30 novembre 1985), 21 mai 1986 (période du 26 mars au 30 novembre 1986) et 28 octobre 1987 dont la durée est de dix années ;

Considérant que ces contrats ne sont pas uniquement des contrats de traction ; qu'ils comportent des clauses expresses par lesquelles la SNCF, propriétaire de la marque Orient Express, en concède l'utilisation, notamment en France " pour l'utiliser dans la seule expression Venice Simplon Orient Express " soit dans la classe 12 pour les véhicules, soit dans les classes 12, 39 et 42 incluant les transports de personnes et de marchandises, informations concernant les voyageurs, agences de tourisme et de voyage, location de véhicules de transport, gardiennage, location de garage, hôtellerie, restauration, réservation de chambre d'hôtel pour voyageurs, location d'appareils distributeurs, ainsi que " pour tout article ayant trait aux voyageurs " ; que le contrat de 1987 est spécifiquement un contrat de licence ;

Considérant que les luxueuses brochures mises aux débats, notamment pour 1987 et 1989 VSOE démontre elle-même qu'elle a exploité, en France, la marque qui lui a été concédée à la fois pour désigner un train de luxe, pour des services de transport de voyageurs, pour des services de restauration et d'hôtellerie en train ou dans les villes ou pour le tourisme en général ;

Considérant qu'en vain VSOE distingue entre Venice Simplon Orient Express et la marque Orient Express alors que dans l'ensemble de signes sous lesquels VSOE désigne ses trains et son activité la marque Orient Express n'est pas altérée et ne perd pas son caractère attractif propre, étant observé en outre que dans la présentation des signes en première page des brochures les mots Venice Simplon sont en petits caractères alors que la marque Orient Express se détache en caractères de taille beaucoup plus grande ; que la SNCF est donc fondée à se prévaloir des dispositions de l'articles 5 C 2 de la Convention d'Union de Paris ; qu'ainsi la SNCF prouve qu'elle a fait exploiter la marque, pour les services et produits pour lesquels celle-ci a été valablement déposée, pendant la période de référence, étant observé qu'il sera ci-après démontré que les contrats portant sur l'exploitation de la marque sont valides ;

4- Sur la notoriété de la marque Orient Express déposée le 7 septembre 1977 :

Considérant que les appelantes contestent sur ce point la décision du tribunal alléguant que la notoriété est bien antérieure au dépôt de 1977 et que la SNCF, qui n'a contribué à cette notoriété " que pour une part très faible si ce n'est pour rien " n'est pas fondée à s'en prévaloir à son profit ;

Que d'autre part la CIWLT, depuis 1883 a eu des relations contractuelles avec l'ensemble des réseaux ferroviaires intéressés (anglais, allemand, suisse, italien etc.) ; qu'enfin, la notoriété de la marque ne permet pas de déroger au principe de spécialité ;

Considérant que la SNCF répond que la notoriété de la marque est incontestée ; qu'une marque notoire jouit d'une étendue qui doit s'étendre à ce qui est directement rattachable au dépôt en classes 12, 39 et 42 et que les dépôts et l'exploitation, hors concession de marque, par VSOE sont parasitaires ;

Considérant, ceci exposé, que la notoriété du signe Orient Express, doit être considérée comme acquise aux débats par référence aux ouvrages historiques et articles de presse communiqués et aux écritures des parties ; que cette notoriété existe en France ;

Considérant que le tribunal a exactement retenu par des motifs que la Cour adopte que la SNCF, par elle-même et en tant qu'elle est aux droits des compagnies de chemins de fer nationalisées était fondée à se prévaloir, conjointement avec la CIWLT de la notoriété du signe Orient Express ; qu'il demeure qu'en dehors de la protection des produits et services similaires une marque, fut-elle notoire, demeure soumise au principe de spécialité ;

5- Sur la validité des marque appartenant à VSOE :

Considérant que la SNCF critique le jugement en ce qu'il a appliqué le délai de 5 ans pour agir prévu à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 alors que la marque invoquée par elle a été déposée le 7 septembre 1977 ; que les appelantes estiment au contraire que c'est à bon droit que le tribunal a appliqué les dispositions de l'article 4 ;

Considérant, ceci exposé, que le délai de 5 ans pour agir prévu à l'article 4 de la loi précitée est une disposition exceptionnelle qui ne s'applique qu'aux marques notoires invoquées par leur titulaire mais qui n'ont pas été déposées en France ; qu'en revanche c'est le régime de droit commun qui doit être appliqué ; qu'il s'ensuit que la SNCF était recevable à agir en nullité des marques :

- 1 097 175 déposée le 16 mai 1979 (cédée à VSOE par M. Bianchini),

- 1 199 061 déposée le 17 septembre 1981,

- 1 202 539 déposée le 1er décembre 1981 ;

a) la marque n° 1 097 175 Orient Express :

Considérant que les produits des classes 3, 6, 8, 11, 16, 18, 25 et les services de la classe 35 sans aucun rapport avec les produits et/ou services visés dans le dépôt de la SNCF (véhicules, transports de voyageurs et de marchandises, restauration, hôtellerie et tourisme) ce dépôt n'encourt aucune critique fût-ce au titre de la protection étendue aux produits et/ou services similaires ; que la demande est mal fondée ;

b) marque n° 1 199 061 Orient Express :

Considérant que cette marque étant déposée pour les produits des classes 3, 6, 8, 11, 13, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 27, 28, 32, 33, 34 le même raisonnement doit conduire à rejeter la demande ;

c) marque n° 1 202 539 Venice Simplon (petits caractères) Orient Express (grands caractères) :

Considérant que cette marque n'encourt aucune critique en tant qu'elle concerne des produits ou services des classes suivantes : 3, 6, 8, 9, 11, 13, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 42 ; qu'en revanche elle doit être annulée en tant qu'elle désigne les services de transport directement visés dans le dépôt de la SNCF et d'entrepôt qui sont complémentaires et similaires comme pouvant être rattachés à l'activité de transport ;

d) marque n° 1 253 279 Orient Express :

Considérant que cette marque a été déposée pour l'ensemble des produits et services des classes 1 à 42 ; qu'elle doit être annulée en tant qu'elle vise les véhicules, appareils de locomotion par terre, air, mer, (cl. 12) sauf les trains de voyageurs autres qu'un train de luxe, les services de transport et d'entrepôt (cl. 39) pour le motif déjà indiqué, les services d'éducation et divertissement (cl.42) en tant qu'ils peuvent être rapportés par le public à la même origine que les services de tourisme ;

e) marque n° 1 265 811 logo Venice Simplon Orient Express :

Considérant que cette marque ayant été déposée uniquement en classe 33 (vins, spiritueux, liqueurs) c'est à bon droit que le tribunal a pu débouter la SNCF de ce chef ;

Considérant qu'à tort la SNCF entend obtenir, pour fraude, l'annulation des dépôts ci-dessus examinés ; qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une fraude aux droits de la SNCF ; qu'en raison du principe de spécialité, applicable fût-ce aux marques notoires les cocontractants étaient en droit de déposer à leur profit pour tout ce qui échappait à la protection de la marque de la SNCF et qu'elle n'avait pas cru faire devoir protéger par un dépôt sauf ce qui sera exposé ci-après pour la responsabilité encourue en raison de pratiques parasitaires ; qu'ils n'ont en rien détourné la loi sur les marques de sa finalité ; qu'ils n'ont pas cherché à nuire à la SNCF mais à profiter seulement de la renommée de la marque appartenant à celle-ci ;

6- Sur la validité des autres marques appartenant à la SNCF :

a) marque Orient Express n° 1 437 573 du 7 décembre 1987 :

Considérant que cette marque est déposée pour tous les produits des classes 3, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 29, 30, 32, 33 ; qu'elle est antériorisée par la marque Orient Express déposée valablement le 6 décembre 1983 par VSOE Inc pour les mêmes produits ; que le jugement qui annule cette marque sera confirmé ;

b) marque internationale Orient Express n° 521 823 du 4 mars 1988 :

Considérant que ce dépôt a pour origine le dépôt français n° 1 437 573 susvisé qui est annulé ; qu'il porte sur les mêmes produits que le dépôt français ; que l'action en nullité ayant été introduite dans le délai de 5 ans de l'enregistrement du dépôt international, l'article 6-3 de l'arrangement de Madrid révisé à Nice prescrit que l'enregistrement international ne pourra plus être protégé ; qu'il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la nullité mais de dire que l'arrêt sera transmis par l'INPI à l'OMPI aux fins de mention au Registre International conformément à l'article 6-4 de l'arrangement ;

c) logo n° 907 678 déposé le 19 février 1988 :

Considérant que ce logo a la forme d'une cartouche aux angles arrondis avec au centre la figuration d'une voiture de chemin de fer stylisée, des décorations d'inspiration florale et un ciel nocturne, avec revendication de couleurs ;

Considérant que c'est à tort que le tribunal a prononcé l'annulation de cette marque alors qu'il ne résulte ni du jugement ni de la demande d'enregistrement que cette marque ait été enregistrée ; qu'il convient donc de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été justifié d'un enregistrement ou d'un refus émanant de l'INPI et d'enjoindre aux appelantes de produire une copie officielle de l'enregistrement qu'elles disent avoir été contrefait ou imité par ce dépôt, ou de tout signe distinctif ayant une date certaine antérieure ;

Considérant que les dépôts annulés étant des contrefaçons, le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par VSOE pour accorder à ce titre une indemnisation ;

7- Sur la responsabilité de VSOE pour les dépôts de marque Orient Express dans les classes non couvertes par le dépôt de la SNCF :

Considérant que la SNCF allègue que ces dépôts n'ont pour objet que de profiter de la réputation de la marque Orient Express et que cette pratique parasitaire doit être " sanctionnée " ; que les sociétés VSOE répondent que l'attitude de la SNCF qui a déposé une marque qui ne lui appartenait pas est pour le moins audacieuse ;

Considérant, ceci exposé, que la notoriété de la marque orient express étant acquise, ainsi qu'il a été montré plus haut, et la SNCF étant fondée à s'en prévaloir, le fait que VSOE, concessionnaire de cette marque en vertu de contrats énumérant limitativement les produits et services pour lesquels la marque était concédée, de déposer à nouveau la marque dans les classes non protégées par la SNCF constitue un agissement parasitaire destiné à profiter indûment de la renommée d'une marque prestigieuse; qu'en vain il est soutenu que la renommée actuelle de la marque est le fait de VSOE et d'Intraflug et non de la SNCF alors qu'au moins sur le territoire français, c'est en tant que concessionnaires et donc au nom de la SNCF titulaire de la marque que ces sociétés ont pu contribuer à maintenir et à développer son renom ;

Que ces agissements parasitaires de VSOE engagent leur responsabilité ; que les brochures mises aux débats révèlent que VSOE exploite largement les dépôts parasites en commercialisant " La Collection " dans la boutique à bord du train et 15 rue Boissy d'Anglas 75 008 Paris, où l'on peut se procurer, foulards, cravates, cendriers, cartes à jouer, services de verres ou de porcelaine, sacs en cuir, lampes d'ambiance, bagages etc. ; que sans que cette exploitation soit actuellement aussi large que les dépôts elle est néanmoins importante et s'est poursuivie depuis plusieurs années ; que la Cour trouve ainsi des éléments suffisants pour apprécier à la date de l'arrêt le préjudice qui en est résulté pour la SNCF et fixer l'indemnité à la somme de 1 000 000 F étant observé que ce préjudice ne peut être équivalent à la perte de redevances de licence dès lors que la SNCF n'avait pas cru devoir effectuer un dépôt initial dans un grand nombre de classes ;

8- Sur la validité des contrats :

Considérant que les appelantes soutiennent que les contrats manqueraient d'objet la SNCF n'ayant pu concéder des droits dont elle n'était pas titulaire ; qu'il n'y aurait pas eu d'accord sur les redevances et que les contrats constitueraient un abus de position dominante au sens du traité de Rome eu du droit interne de la concurrence ; que la SNCF répond qu'à bon droit ces contrats ont été déclarés valides ;

Considérant ceci exposé qu'il a été démontré que la marque déposée en 1977 par la SNCF n'était pas, pour la plus grande partie des produits et services visés, atteinte d'un vice affectant sa validité et que d'autre part la SNCF était fondée à invoquer des droits remontant à 1883, sur le signe distinctif Orient Express qui constituait une marque notoire non déposée jusqu'en 1977 ;

Considérant que les contrats passés avec Intraflug, laquelle ne pouvait se prévaloir d'une antériorité en raison de l'ancienneté de la marque notoire, et avec VSOE, ainsi qu'avec Sealink à laquelle la marque notoire était opposable au titre de l'article 6 bis de la convention d'Union dès lors qu'elle entendait exploiter un moyen de transport de personnes par mer entre l'Italie et la Turquie qui sont deux pays de l'Union ne manquaient donc pas d'objet, la SNCF étant à même de concéder des droits existant dans son patrimoine ;

Considérant que VSOE ne peut contester qu'elle a passé le 28 mai 1982 avec la SNCF un contrat dit de traction et que ce contrat, par son article 4 emportait concession, pour le train spécial objet du contrat de traction de la marque Orient Express pour être utilisée au sein du groupe de mots Venice Simplon Orient Express et pour commercialiser ce train en France, Autriche, Bulgarie, Hongrie, Italie, Roumanie, Turquie, Yougoslavie dans les classes 12, 39 et 42 et en Grèce, pour les produits de la classe 12, étant précisé que, pour l'Allemagne c'est l'administration allemande qui est propriétaire de la marque ; qu'elle ne peut non plus contester avoir passé, le 28 octobre 1987, un contrat de " licence pour les services " portant concession de la marque à titre de nom commercial et pour les services des classes 39 et 42, sauf l'hôtellerie, afin d'être utilisée au sein de l'expression " Venice Simplon Orient Express " pour une durée de 10 ans à compter du 1er janvier 1987 et moyennant une redevance annuelle de 2,5 % des sommes payées hors taxes pour le contrat de traction au titre de l'année civile précédente (soit une redevance de 548 543 F pour 1987) ; que le nombre de paragraphes biffés et approuvés par VSOE, ainsi que leur contenu montre que le signataire a parfaitement compris la portée du contrat et que son consentement n'a pas été recueilli par surprise ou par artifice ; que si la SNCF a pu qualifier cet acte de projet c'est en tant qu'il ne résolvait pas le problème des dépôts de VSOE en toutes classes ;

Considérant qu'Intraflug ne peut pour sa part contester qu'en contrepartie de l'autorisation sollicitée et obtenue, d'utiliser la marque Orient Express au sein de l'expression Nostalgie Orient Express elle a accepté de verser des redevances basées sur son chiffre d'affaires même si, ultérieurement elle a expliqué dans une correspondance que ces paiements ne constituaient pas un engagement de sa part ; qu'il sera rappelé que la SNCF possède des droits sur la marque dans les autres pays d'Europe sauf l'Allemagne et que le fait qu'Intraflug ait diminué la fréquence des trains au départ de Paris est ainsi sans incidence sur le paiement de redevances ;

Que d'autre part s'agissant de relations commerciales la preuve du contrat peut résulter de présomptions et notamment comme en l'espèce de l'exécution continue de celui-ci par les parties ;

Considérant que pour Sealink, au droit de laquelle se trouve Sea Containers il résulte des échanges de correspondance que pour commercialiser la liaison par un navire portant le nom d'Orient Express entre Venise et la Turquie elle a accepté de payer une redevance forfaitaire, la SNCF ayant des droits sur la marque, notamment pour le transport de voyageurs par mer, tant en Italie qu'en Turquie ; que la preuve de l'existence du contrat est donc faite ;

Considérant qu'à tort les appelantes font valoir que la SNCF aurait commis un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité de Rome et/ou de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en subordonnant les contrats de traction au bénéfice de VSOE ou d'Intraflug à l'acceptation des conditions posées par la concession de la marque Orient Express, y compris pour le navire Sealink ;

Considérant en effet que si la SNCF est titulaire - exclusivement en France - d'un monopole d'exploitation sur le réseau ferroviaire public, il est non moins certain qu'elle est titulaire, antérieurement aux appelantes, tant en France que dans les pays intéressés par le passage des trains de celles-ci (sauf l'Allemagne) ou dans lesquels sont situés les ports d'escale du navire de Sealink d'un droit absolu pour désigner des trains de luxes et des moyens de transport de voyageurs par mer ; que certes la SNCF aurait abusé de sa position si elle avait refusé de tracter, en France, les voitures d'un train privé au seul motif que l'exploitant du train refusait lui-même d'accepter des conditions commerciales injustifiées ; qu'en revanche c'est légitimement qu'elle pouvait exiger que le propriétaire ou l'exploitant d'un train privé ou d'un navire dénommé Venice Simplon Orient Express, ou Nostalgie Orient Express ou Orient Express et qui, à ce titre ne pouvait, dans les pays concernés, sauf l'Allemagne, exploiter ce train de luxe ou ce bateau librement sans commettre au détriment de la SNCF le délit de contrefaçon de marque accepte que la circulation sous le signe distinctif protégé de ce train ou de ce navire fasse l'objet d'une réglementation et donne lieu au paiement de redevance de licence distinctes des redevances de traction ;

Que cet exercice légitime du droit, attaché à la marque, d'en céder l'usage temporaire à titre onéreux ne peut constituer un abus de position dominante au sens des textes précités ; qu'il est d'ailleurs reconnu par les appelantes qu'en dépit de la contestation portant sur ses droits et sur les redevances la SNCF a continué l'exécution du contrat de traction ;

Considérant que les appelantes se plaignent à tort d'être victimes d'un traitement discriminatoire par rapport à CIWLT qui fait circuler Pullman Orient Express alors qu'elles ne peuvent ignorer qu'il résulte de leurs propres pièces que CIWLT, en tant qu'exploitante de l'ancien Orient Express, est titulaire de droits propres sur le signe ;

Que la contestation sur la validité des contrats est mal fondée ;

9- Sur le montant des redevances dues :

Considérant que la SNCF fait valoir qu'elle est fondée à demander " l'actualisation de sa créance " c'est à dire le paiement de redevances avec intérêts légaux pour les années 1990, 1991, 1992, tant pas VSOE que par Sea Containers aux droits de Sealink ; qu'elle demande en outre l'application de l'article 1154 du code civil ;

Considérant que VSOE et Intraflug ne contestent pas le mode de calcul et le résultat des calculs mais le principe du paiement ; qu'outre cette contestation Sea Containers relève que les croisières maritimes de l'Orient Express n'ont pas continué après l'année 1989 ;

Considérant, ceci exposé, que le calcul des redevances, qui est effectué sur la base des redevances antérieurement réglées, n'étant pas en lui-même contesté il convient de confirmer l'appréciation du tribunal et, en ce qui concerne VSOE de faire droit aux demandes complémentaires présentées par la SNCF devant la Cour ; que pour le navire Orient Express il n'existe aucune preuve d'une exploitation pour les années postérieures à 1989 alors que cette exploitation ultérieure est contestée par Sea Containers ; qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer de nouvelles condamnations ;

Considérant que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande devant le tribunal pour les condamnations prononcées par celui-ci et à compter de la demande devant la Cour pour les nouvelles condamnations ; que les intérêts des condamnations au paiement de redevances prononcées par le tribunal étant dus pour au moins une année ils seront eux-mêmes productifs d'intérêts à compter du 7 janvier 1993 ;

10- Demandes reconventionnelles tendant au remboursement de redevances indûment perçues et au paiement d'indemnités pour préjudice commercial :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les appelantes, qui étaient liées à la SNCF par des contrats de licence de marque valablement conclu soutiennent que les redevances qu'elles ont versées ont été indûment perçues ; qu'il a déjà été montré que l'argument tiré du fait que CIWLT ne verserait pas de redevances à la SNCF pour son train Pullman Orient Express est dépourvu de pertinence en raison des droits appartenant à CIWLT ;

Considérant qu'à supposer que VSOE, Intraflug et Sea Containers aient subi un préjudice commercial tenant à la " gêne " de leurs développements commerciaux du fait de " l'attitude de la SNCF " ce préjudice ne tient qu'au fait qu'elles ont été dépourvues de tout droit sur la marque Orient Express pour ceux des produits et services qui ont été valablement protégés par la SNCF ; que le droit de marque constituant une limitation apportée à l'exercice de la liberté du commerce ce préjudice dont la preuve au surplus n'est pas apportée, n'est pas susceptible d'indemnisation en l'absence de faute commise par la SNCF, étant observé qu'il a déjà été statué sur le préjudice résultant des dépôts de marque de la SNCF qui sont invalidés ; qu'il n'est pas inéquitable que les appelantes qui succombent pour l'essentiel, conservent leurs frais non taxables ;

Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation de l'article 700 du nouveau code de procédure civile eu égard aux faits de la cause ; que l'appel ayant contraint la SNCF à exposer des frais non taxables devant la Cour pour se défendre et faire reconnaître en partie le bien fondé de ses prétentions ces frais seront en équité mis à la charge des appelantes dans la limite de 12 000 F ;

Par ces motifs : Déboute la SNCF de sa demande de rejet des conclusions du 1er février 1993. Dit ces conclusions recevables ; 1-nullité de la marque Orient Express n° 1 027 854 et du dépôt en renouvellement n° 1 425 233 : Confirme le jugement en tant qu'il a rejeté la demande en nullité sur la base des moyens soulevés devant le tribunal, réformant le jugement sur la base du moyen nouveau tiré de la réceptivité, dit que cette marque est nulle exclusivement pour désigner des trains ordinaires de voyageurs ; 2- déchéance des droits de la SNCF sur le dépôt en renouvellement n° 1 425 233 : Confirme le jugement en tant qu'il a rejeté cette demande pour les produits visés dans le dépôt, sauf pour les trains ordinaires de voyageurs, et dit n'y avoir lieu à déchéance pour les trains ordinaires de voyageurs la marque étant annulée sur ce point ; 3- recevabilité de la SNCF à agir en nullité des marques n° 1 097 175, 1 199 061, 1 202 539 : Réformant dit la SNCF recevable à agir en nullité ; 4- bien fondé des demandes de la SNCF en nullité des marques n° 1 097 175, 1 199 061, 1 202 539, 1 253 279, 1 265 811 : Confirme le jugement sauf pour la marque n° 1 253 279 en tant qu'elle vise les véhicules, appareils de locomotion par terre, air, mer (cl. 12) les services de transport et d'entrepôt (cl. 39), les services d'éducation et de divertissement (cl. 41), réformant sur ces points, statuant à nouveau, dit que la marque susvisée est nulle sauf pour la désignation des trains de voyageurs autres que les trains de luxe ; 5-validité des autres marques appartenant à la SNCF n° 1 437 573, 521 823, 907 678 : Confirme le jugement pour l'annulation de la marque n° 1 437 573 ; Réformant pour les deux autres marques, statuant à nouveau : - en ce qui concerne le dépôt international n° 521 823 dit que le dépôt d'origine ( n° 1 437 573) étant annulé dans les conditions prévues à l'article 6-3 de l'arrangement de Madrid révisé à Nice l'arrêt sera transmis par l'INPI à l'OMPI aux fins de mention au Registre International conformément à l'article 6-4 de l'arrangement ; - dit qu'il est sursis à statuer pour le dépôt 907 678 jusqu'à ce qu'il ait été justifié de l'enregistrement qu'elles disent avoir été contrefait ou imité ; 6- Dit que la société Venice Simplon Orient Express Inc en déposant des marques incluant le signe Orient Express pour des produits ou services non compris dans le dépôt n° 1 027 584 appartenant à la SNCF, et la société Venice Simplon Orient Express Ltd en exploitant des produits ou services non compris dans ce dépôt sous la marque Orient Express ont engagé leur responsabilité par des agissements parasitaires au préjudice de la marque notoire Orient Express ; Les condamne à payer à la SNCF in solidum une indemnité de 1 000 000 F ; 7- Dit que la société Venice Simplon Orient Express Ltd est valablement liée à la SNCF par des contrats de traction et de licence notamment en date du 28 mai 1982 et que les sociétés Venice Simplon Orient Express Inc et Ltd sont valablement liées à la SNCF par un contrat de licence spécifique du 28 octobre 1987. Dit que sont également valables les contrats de licence de marque entre la SNCF et les sociétés Intraflug AG et Sealink UK Ltd aux droits de laquelle se trouve la Sea Containers Ltd ; 8- Confirme le jugement sur la condamnation de la SNCF à payer une indemnité de 20 000 F ; 9- Sur les redevances dues : Confirme les condamnations prononcées à ce titre par le jugement, y ajoutant : - dit que les condamnations prononcées par le tribunal portent intérêts au taux légal à compter de la demande ; - condamne solidairement les sociétés Venice Simplon Orient Express à payer à la SNCF, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 1993, les sommes de 602 990,77 F, 611 259, 35 F et 489 808,21 F au titre des redevances de licence pour les années 1990, 1991 et 1992 ; - dit que les intérêts échus pour une année au moins porteront intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 1993 ; - déboute la SNCF de sa demande additionnelle à l'égard de la société Sea Containers ; 10- demandes reconventionnelles des appelantes : Déboute les appelantes de leurs demandes tendant : - au remboursement des redevances indûment perçues, - au paiement d'indemnité pour préjudice commercial ; 11-article 700 - dépens : Confirme le jugement en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Y ajoutant : Déboute les appelantes de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Les condamne à payer à la SNCF : - globalement la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile devant la Cour ; - les dépens d'appel que Me Ribaut avoué est autorisé à recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes comme mal fondées ; Dit que l'arrêt sera transmis à l'INPI.