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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 21 septembre 1989, n° 87-015262

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Garage d'Arsonval Bollier (SARL)

Défendeur :

Mercedes Benz France (SA), Segmat (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Beteille, M. Gouge

Avoués :

SCP Barrier-Monin, SCP Gauzere-Lagourgue

Avocats :

Mes Thenault, Fauré.

T. com. Paris, du 11 juin 1987

11 juin 1987

Faits et procédure de première instance :

Par acte du 10 juin 1986, la société Mercedes Benz France assignait son ancien agent Billaulel pour qu'il lui soit fait défense de faire usage des marques Mercedes, Mercedes Benz et autres signes distinctifs et enseignes Mercedes. Elle réclamait en outre 50.000 F de dommages-intérêts et 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'acte introductif d'instance exposait qu'à Saint Maur, 26 avenue Foch, Billaulel exploitait un garage en continuant à utiliser des enseignes Mercedes et à se présenter comme spécialiste Mercedes.

Le 8 septembre 1986 intervenait dans la procédure la société Segmat, concessionnaire régional de Mercedes, pour s'associer à la demande d'interdiction formée par Mercedes et solliciter des dommages-intérêts et l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Billaulel ayant conclu au débouté en faisant valoir qu'il était dans le garage incriminé non l'exploitant mais un chef d'atelier salarié, le 8 décembre 1986. Mercedes Benz assignait en intervention forcée la société Garage d'Arsonval dont la condamnation solidaire avec Billaulel était demandée et qui priait le Tribunal de rejeter les prétentions de Mercedes.

Le Jugement critiqué :

Par son jugement du 11 juin 1987, le Tribunal de Commerce de Paris a notamment :

- fait défense au Garage d'Arsonval et à Billaulel sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée, de faire usage des marques Mercedes Benz France et autres signes distinctifs,

- Condamné la société Garage d'Arsonval à payer à chacune des sociétés Mercedes Benz France et Segmat 40.000 F de dommages et intérêts et 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

L'appel :

Appelante du jugement par déclaration du 19 août 1987, la société Garage d'Arsonval conclut à son infirmation en sollicitant la somme de 5.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Intimés et incidemment appelantes, les sociétés Mercedes Benz France et Segmat concluent qu'il plaise à la Cour de confirmer la décision attaquée en ce qu'il a reconnu la responsabilité de l'appelante et élever les sommes qui leur ont été accordées à 50.000 F pour les dommages intérêts et 10.000 F pour les frais non compris dans les dépens.

Sur ce, LA COUR :

Qui pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties se réfère au jugement critiqué et aux écritures d'appel.

Considérant que les demandes de Mercedes Benz et de Segmat bien que portées devant le Tribunal de commerce dont l'incompétence ratione materiae n'a pas été soulevée, ont incontestablement trait au moins pour partie à un usage de marque ;

Considérant qu'après le non-renouvellement de son contrat de concession avec Mercedes, Billaulel a exploité le garage Foch Carnot à Saint Maur ; que la procédure engagée contre lui par Mercedes en raison de l'utilisation des signes Mercedes a été interrompue par un jugement du 19 juillet 1985 le déclarant en liquidation des biens ; que la société LPM ayant succédé à Billaulel dans l'exploitation dudit garage a été assignée aux mêmes fins par Mercedes qui a abandonné la procédure, la défenderesse ayant disparu sans laisser d'adresse ;

Considérant que le rappel des faits ci-dessus s'imposait dès lors que dans la présente instance est visé le Garage d'Arsonval dans lequel, au vu des pièces mises aux débats on ne trouve trace d'une activité de Billaulel qu'à partir de début 1986, sa fiche d'embauche étant d'ailleurs datée du 1er avril seulement.

Considérant qu'il faut donc écarter des débats une lettre de Jean Levasseur qui a trait à des faits de mai 1985 ;

Considérant encore que le tribunal a retenu l'usage d'un panneau Mercedes montrant l'élément figuratif de la marque ; que cependant les photos produites en preuve ont servi à obtenir une ordonnance de référé du 17 décembre 1985 qui concerne le garage Foch-Carnot ;

Considérant qu'une carte mise aux débats d'appel, au nom de Billaulel et où apparaît avec la dénomination Mercedes-Benz, l'élément figuratif, aurait été trouvée par la Segmat dans les mains d'un habitant de Créteil, Guillottin, auquel on n'a pas demandé d'attestation ; que cet élément obtenu dans des conditions ignorées est insuffisant à faire preuve ;

Considérant que les autres documents mis aux débats par les intimées sont : une circulaire, non datée mais que son texte permet de situer en janvier 1986, dans laquelle Billaulel informe sa clientèle " du transfert de son atelier Magasin Spécialités Mercedes et toutes marques ", et une facture du 9 avril 1986 destinée à Carcaillen sur laquelle est apposé un timbre humide du Garage d'Arsonval où figure la mention " spec. Mercedes-Benz " ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que dans la mesure où les documents produits se rapportent au Garage d'Arsonval, ils ne démontrent pas que ce dernier se soit présenté au public comme un concessionnaire ou un agent Mercedes; qu'il y a eu simplement l'affirmation d'une compétence particulière pour les voitures d'une marque, en l'espèce Mercedes ; qu'une telle revendication, au demeurant appuyée sur l'expérience de Billaulel, ne constitue pas un usage illicite de marque et ne saurait être répréhensible que si elle s'exprimait dans des conditions susceptibles de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle, ce qui en l'espèce n'est pas établi; qu'aussi bien les photos communiquées par le Garage d'Arsonval témoignent de sa volonté d'éliminer tout prétexte à grief, puisque l'on y aperçoit des panneaux indiquant " spécialiste marques allemandes ", toute référence plus précise à une marque déterminée ayant disparu ;

Considérant qu'il convient de conclure que l'utilisation de signes distinctifs reprochée à l'appelante ne peut être retenue à son encontre ; que d'autre part, la preuve n'est pas rapportée d'un préjudice découlant d'une captation de clientèle obtenue par les actes incriminés ; qu'il suit de là que Mercedes Benz et Segmat sont mal fondées en leurs demandes et en seront déboutées ;

Considérant que le jugement étant infirmé, il serait inéquitable de laisser à la charge du Garage d'Arsonval les frais non compris dans les dépens exposés pour la défense de leurs légitimes intérêts ; que les intimées seront condamnées à lui payer le montant justifié indiqué au dispositif ;

Par ces motifs : Infirmant sur l'appel bien fondé de la société Garage d'Arsonval ; La décharge de toutes les condamnations prononcées à son encontre ; Condamne les sociétés Mercedes Benz France et Segmat à lui payer au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 5.000 F ; Dit qu'elles supporteront les dépens de première instance et d'appel ; Admet la Société civile professionnelle Barrier-Monin, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.