CA Bourges, 1re ch., 3 juillet 1989, n° 104-88
BOURGES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Berry Distribution Centre Leclerc (SA)
Défendeur :
Parfums Givenchy (SA), Parfums Christian Dior (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Solinhac (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Velly, Bonniot
Avoués :
Mes Tracol, Rahon
Avocats :
Mes Pagot, Lebel, Jourde.
Faits et procédure :
Par constats d'huissier des 18, 19 et 20 juin 1985, autorisés par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de commerce de Châteauroux et contradictoirement versé aux débats, les sociétés Dior et Givenchy ont fait établir que la société Berry Distribution vendait dans son magasin dénommé " Centre Leclerc ", à Le Blanc des produits de parfumerie de leur fabrication. Il s'agissait d'un savon de marque Givenchy III au prix de 34,50 F, d'une eau de toilette " Dioressence " au prix de 238 F, d'une eau de toilette " Diorissimo " au prix de 125,50 F et d'un savon " Diorella " au prix de 79 F. L'huissier conformément à sa mission a acquis ces quatre produits. La facture fait apparaître un prix global de 447 F dont 74,81 F de TVA à 18,60 %. Le directeur du magasin a précisé à l'huissier qu'il n'avait pas de stock et que les seuls produits de parfumerie de luxe disponibles étaient ces quatre produits exposés dans une vitrine fermée à clef contenant par ailleurs des bijoux.
Invoquant l'existence de réseaux de distribution sélective de leurs produits, dont ne fait pas parties le Centre Leclerc, les sociétés Dior et Givenchy ont agi en concurrence déloyale et en publicité mensongère.
Par jugement du 21 octobre 1987, le Tribunal de commerce de Châteauroux a condamné la société Berry Distribution sur les deux fondements invoqués, à payer aux sociétés Givenchy et Dior une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. En outre la publicité du dispositif du jugement a été ordonné dans les journaux locaux pour un coût maximum de 2 500 F ainsi que l'exécution provisoire de la décision sauf en ce qui concernerait la publicité.
La société Berry Distribution " Centre Leclerc " a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Prétentions et moyens de l'appelante :
La société Berry Distribution rappelle que les parfumeurs doivent établir la licéité de leur réseau de distribution notamment :
- que leurs produits ne sont pas écoulés auprès de " free-shops ", " discounters ", grossistes non agréés et comités d'entreprises.
- qu'une partie des profits découlant du système adopté est réservé au consommateur.
- que les critères quantitatifs et qualitatifs d'agrément sont conformes aux règles applicables.
- que les prix ne sont pas imposés aux distributeurs.
L'appelant demande de constater la nullité de plein droit du réseau et des contrats afférents comme elle le soutient et de dire irrecevables les parfumeurs à invoquer un approvisionnement frauduleux.
Subsidiairement si cette licéité était admise l'appelant sollicite de juger que les contrats ne peuvent mettre des obligations à la charge des tiers conformément à l'article 1165 du Code civil et que le seul fait d'avoir commercialisé les produits relevant des réseaux de distributions des sociétés Dior et Givenchy ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.
En outre, la société Berry Distribution estime qu'elle n'est pas responsable d'une publicité mensongère puisque c'est les parfumeurs qui ont inscrit à tort sur les produits qu'ils ne pouvaient être vendus que par un distributeur agréé.
Aussi l'appelant demande de constater son droit à commercialiser les produits des sociétés Dior et Givenchy, de condamner ces sociétés à lui verser, chacune, une somme de 50 000 F en réparation du préjudice commercial subi et une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Prétentions et moyens des intimées :
Les sociétés Dior et Givenchy concluent à la confirmation du jugement sous réserve :
- de porter à 100 000 F la condamnation au titre des dommages-intérêts pour chacune d'elles.
- de dire que les publications ordonnées par le tribunal porteront également sur l'arrêt à intervenir et de porter à 20 000 F le coût maximum de ces publications.
- d'interdire sous astreinte définitive de 10 000 F par infraction constatée la réitération des actes poursuivis.
- de porter à 20 000 F pour chacune d'elles l'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ces sociétés ne discutent pas avoir la charge de la preuve de la licéité de leurs contrats de distribution sélective et elles soutiennent que ces contrats sont licites. Si ces contrats opèrent une restriction de la libre concurrence, celle-ci est justifiée par les caractères du marché des produits cosmétiques de luxe. Les prix de vente des produits sont conseillés mais non interdits ; les distributeurs sont choisis sur des critères objectifs uniquement qualitatifs sous réserve de particularités pour les boutiques d'aéroport sans douane situées dans un marché différent, les distributeurs conservent toute leur liberté commerciale mais ils ne peuvent servir d'intermédiaire qu'à des distributeurs eux-mêmes agréés ; il s'agit d'un réseau parfaitement étanche en France et dans tous les pays de la CEE dans lesquels une filiale a été créée. Il n'existe pas de " discounters " entendus comme des commerçants dont l'activité est de solder à bas prix des produits sans service de démonstration et de conseil dans des locaux non appropriés. De toute façon la preuve négative de leur inexistence ne peut être à la charge des parfumeurs. Les ventes en dehors du réseau sont systématiquement poursuivies.
Estimant avoir démontré la licéité de leurs réseaux, les sociétés Dior et Givenchy allèguent que la société Berry Distribution a commis des actes de concurrence déloyale non pas du seul fait de la distribution de produits relevant de ces réseaux mais en ayant incité ou aidé un cocontractant à violer ses obligations. Ces sociétés prétendent en effet qu'il ne peut y avoir de commerçant affranchi de l'interdiction de revente en dehors du réseau puisque tous les acquéreurs des parfums sont liés par l'interdiction de revente rappelée expressément sur les produits. La société Dior relève aussi que la société Berry Distribution a cherché à masquer l'origine frauduleuse de la marchandise au moyen de sociétés écrans dont l'existence juridique n'a pas pu toujours être vérifiée. Elle fait encore observer que les produits ont été commercialisés à un taux de TVA inférieur au taux applicable, qu'ils étaient altérés et vendus dans des conditions de parasitisme économique et selon la technique dite de la marque d'appel.
La société Givenchy ajoute que les produits ont été acquis par les Centres Leclerc par l'intermédiaire de sociétés ne se livrant à aucune activité commerciale de parfumerie et ont été importés sans respecter les dispositions de l'article L. 658-2 du Code de la santé publique.
Les sociétés soutiennent que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 sur la publicité mensongère est applicable en raison des conditions de la vente des produits litigieux.
Motifs de la décision :
Sur la procédure :
Attendu que le 5 juin 1989, jour de l'ordonnance de clôture, la société Dior a déposé des conclusions pour répondre à celles qui avaient été déposées le 31 mai 1989 par la société Berry Distribution ; que la société Dior a aussi demandé d'écarter des débats ces conclusions du 31 mai 1989 par d'autres conclusions du 5 juin 1989 ; que ces demandes quant à la recevabilité des conclusions n'ont pas été reprises à l'audience ; qu'ayant pu répondre à toutes les conclusions prises par la société Berry Distribution, la société Dior est mal fondée à en demander le rejet.
Sur le fond :
Attendu que l'examen des fautes quasi-délictuelles de concurrence déloyale et de publicité mensongère dépend des conditions dans lesquelles le réseau de distribution sélective a été créé.
Sur la licéité du réseau de distribution sélective :
Attendu que n'est pas discuté le principe constant selon lequel c'est à la société qui commercialise ses produits par un réseau de distribution sélective et qui demande la condamnation d'un intermédiaire non agréé, comme la société Berry distribution en l'espèce, qu'incombe la preuve de la réalisation des conditions qu'implique la licéité du réseau qu'elle a organisé.
Qu'en effet la distribution sélective est une exception au principe de la libre concurrence ; que d'autre part celui qui invoque cette violation d'une obligation ou la complicité de cette violation doit prouver l'obligation.
Attendu que la licéité du contrat de distribution sélective est admise sous réserve du respect des conditions suivantes:
- obligation pour les grossistes ou intermédiaires faisant partie du réseau de n'approvisionner que des revendeurs agréés. En effet, seul le contrat par lequel un vendeur limite sa liberté commerciale en s'interdisant de vendre à d'autres que ses distributeurs peut justifier la limite apportée à la liberté commerciale.
Cette exigence implique ainsi ce que les parties appellent " l'étanchéité " du réseau, c'est à dire le contrôle de l'absence de marché parallèle. Ce contrôle prend deux aspects. D'une part la conclusion de contrats faisant obligation de ne pas vendre à des intermédiaires non agréés. D'autre part, l'obligation de poursuivre les fraudeurs.
Les contrats produits par les sociétés Dior et Givenchy applicables en France comportent tous l'interdiction pour le concédant de vendre les produits à un autre que le distributeur agréé sur le territoire de ce dernier, qu'il s'agisse de la France ou d'un autre pays de la CEE. Les formules employées dans les contrats de la société Givenchy sont celle-ci : " Le concédant s'engage à faire tout son possible en collaboration avec le concessionnaire pour empêcher toute importation illégale de produits sur le territoire ; le concessionnaire ne peut revendre les produits qu'à des distributeurs agréés à certaines conditions... " Un seul contrat produit par la société Givenchy ne comportait pas d'interdiction de revendre à d'autres qu'à des distributeurs agréés. Il s'agit du contrat conclu avec le concessionnaire italien le 24 mai 1974. La société Givenchy n'a pas indiqué si ce contrat ancien avait été modifié ; les formules employées dans les contrats de la société Dior sont similaires " le distributeur agréé peut revendre, à certaines conditions, dont celle de la qualité de distributeur agréé de l'acheteur non consommateur... " Enfin la société Dior a produit des décisions de justice intervenues dans la CEE qui montrent son souci de poursuivre les fraudeurs.
La société Berry Distribution tente de détruire ces preuves de l'étanchéité des réseaux en invoquant que des fuites sont organisées ou acceptées par l'existence des boutiques d'aéroport hors douane, des " discounters " et des grossistes non agréés comme les comités d'entreprise.
A l'égard de ces derniers les parfumeurs ont montré qu'ils exerçaient des poursuites ; concernant les discounters aucune preuve de l'approvisionnement par les parfumeurs de soldeurs habituels n'est rapportée ; enfin les parfumeurs ont produit les contrats qui les liaient avec les boutiques autorisées, sous douane ou hors douane, à vendre sans taxe. Ces contrats prévoient l'interdiction de revendre à un distributeur non agréé.
Attendu en conséquence que les preuves de la vente des parfums par des réseaux de distributeurs agréés et de la protection de ces réseaux est suffisamment rapportée même s'il ne résulte pas des seules pièces produites qu'aucun parfum Dior ou Givenchy ne puisse être acquis en dehors de ces réseaux.
- Obligation de maintenir une concurrence :
Le réseau de distribution sélective ne peut avoir pour effet de restreindre ou de fausser de manière sensible le jeu de la concurrence.
L'examen de plusieurs sous conditions est nécessaire pour vérifier cette règle :
- la liberté commerciale des distributeurs agréés ne doit pas être limitée de manière injustifiée au regard des seules nécessités du réseau. Tout d'abord les distributeurs agréés doivent être choisis en fonction de critères objectifs qualitatifs et non quantitatifs.
Les sociétés Dior et Givenchy ont montré que leurs choix répondaient à ces normes objectives et qualitatives : emplacement du magasin, agencement, vitrine notamment,
- le distributeur doit être libre de fixer ses prix de revente:
Les contrats applicables en France produits par les deux sociétés révèlent à cet égard un contrôle très poussé du fabricant sur les conditions de vente, les prix pratiqués et l'indication de prix conseillés. Mais les contrats ajoutent cependant que le prix de vente est libre.
L'usage de prix conseillés ou indicatifs n'est pas illicite et il ne résulte pas des constats versés aux débats, selon lesquels les prix pratiqués seraient souvent les mêmes, que cet usage soit un leurre camouflant des prix imposés.
- l'entente entre producteurs est interdite.
Une telle entente n'est pas prouvée par le seul constat du maintien de prix élevés par ailleurs justifiés en raison des conditions, dites luxueuses, de vente au consommateur.
Il convient à cet égard d'observer que la parfumerie de détail est un lieu de concurrence entre les différents producteurs.
- le réseau de distribution sélective doit être justifié par les conditions du marché. Il apparaît que le marché des parfums de luxe est un marché autonome qui ne gêne en rien le marché global des produits d'hygiène corporelle dont il ne représente que 30 % environ en France et dans la CEE. Aucune marque ne domine le marché des produits de luxe. Ainsi la société Dior n'a-t-elle représenté que 8,6 % du marché français en 1986 et la société Givenchy 2,1 % parmi une trentaine de sociétés principales qui ne couvraient elles-mêmes que 72,6 % du marché des parfums de luxe ;
Il ressort de ces statistiques extraites notamment du rapport Weber établi en 1988 sous l'égide de la commission des communautés européennes que les réseaux ne visent pas à créer des ententes susceptibles de fausser le jeu de la concurrence ; ces réseaux sont au contraire justifiés pour maintenir l'image de marque des produits. Leur diversité est de même justifiée par les caractéristiques différentes des marchés approvisionnés.
- Obligation de rechercher le meilleur service du consommateur.
Le souci des parfumeurs de faire vendre leurs produits dans des conditions de luxe et de compétence adaptées à la nature du produit justifie que le prix le plus proche du coût de production ne soit pas le prix de vente.
Attendu qu'il convient d'ajouter au titre des éléments de fait soumis à l'appréciation de la cour pour statuer sur la licéité des réseaux critiqués d'une part que la Commission de la concurrence a émis le 1er décembre 1983 un avis justifiant, à certaines conditions examinées, les réseaux, que d'autre part la commission des communautés européennes a répondu par des lettres de classement aux notifications par les parfumeurs de leurs contrats ;
Attendu en conclusion que les réseaux critiqués sont licites au regard des dispositions des articles 50 de l'ordonnance de 1945 et 85-1 du traité de Rome.
Sur la commercialisation par la société Berry Distribution hors du réseau :
Attendu que le seul fait pour un distributeur non agréé, comme la société Berry Distribution, d'avoir commercialisé les produits faisant l'objet d'un réseau de distribution sélective ne constitue pas un acte de concurrence déloyale dès lors que l'irrégularité de leur acquisition n'est pas établie;
Que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles ne nuisent point aux tiers et qu'il ne peut être reproché à la société Berry Distribution d'avoir acquis des produits sciemment en méconnaissance d'un système de distribution sélective qui ne lui est pas opposable au seul motif que ce réseau comporte l'interdiction de principe faite aux distributeurs agréés de revendre à des tiers non agréés ;
Attendu cependant que toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction ;
Que les sociétés Dior et Givenchy affirment que la société Berry Distribution s'est nécessairement approvisionnée auprès d'un distributeur agréé puisque leur réseau est étanche ;
Que la société Leclerc, qui ne discute pas le principe, répond que la preuve de la complicité de la violation d'engagements contractuels n'est pas rapportée ;
Qu'il suffit en effet de rappeler qu'au moins un contrat de distribution sélective parmi les contrats produits, conclu entre la société Givenchy et un distributeur italien, ne comportait pas l'obligation pour ce dernier de ne pas revendre à des distributeurs non agréés ;
Que sans contradiction, il est observé d'une part que les réseaux en cause prévoient leur " étanchéité " d'une manière suffisante pour que soient respectés les principes de licéité des réseaux et d'autre part que la preuve de l'étanchéité parfaite, concrète, de ces réseaux n'est pas rapportée ; que cette preuve incombe aux sociétés Dior et Givenchy qui invoquent des actes de concurrence déloyale ; que ces sociétés n'établissent pas non plus que la société Berry Distribution s'est approvisionnée par l'intermédiaire de la centrale d'achats des centres Leclerc, la société SIPLEC, auprès d'un distributeur agréé qui aurait violé son obligation de ne pas vendre ; qu'il ne peut être reproché à la société Berry Distribution d'être restée évasive sur ses sources d'approvisionnements et de s'être contentée d'invoquer un achat sur le marché " parallèle " étranger, par une société de droit anglais dont l'existence n'a pas pu être vérifiée ; qu'il n'existe pas en effet de présomption d'étanchéité des réseaux qui renverserait la charge de la preuve d'une fraude en créant une présomption de faute commise du fait d'une achat non autorisé contractuellement ; qu'à juste titre la société Berry Distribution souligne qu'elle n'a jamais ratifié la promesse de porte fort des parfumeurs, à l'égard des distributeurs agréés, d'obtenir des tiers le respect des droits consentis et de protéger le réseau.
Qu'en outre il ne peut être reproché à la société appelante d'avoir importé les parfums dans des conditions non conformes au droit douanier s'agissant d'une infraction sans lien avec la faute invoquée par les parfumeurs.
Sur les conditions de commercialisation :
Attendu que le grief d'usage de marque sans autorisation fondé sur les dispositions de l'article 422-2 du Code pénal n'a pas été formulé par les société Dior et Givenchy ;
Que ces sociétés invoquent que la fraude à la TVA commise par la société Berry Distribution qui commercialisait les produits avec une TVA de 18,60 % au lieu de 33,33 % constitue un acte de concurrence déloyale en ce que le prix demandé restait inférieur à ceux pratiqués par les distributeurs agréés même si le taux de TVA était correctement appliqué.
Attendu que le grief dit de la " marque d'appel " supposerait que la société Berry Distribution a utilisé les marques des parfumeurs alors qu'elle n'avait pas les moyens d'offrir à la vente plus de quelques produits ; que certes le magasin n'avait en stock que ce que l'huissier a acheté maisque la société Berry Distribution démontre qu'elle avait la possibilité de s'approvisionner auprès de la société SIPLEC laquelle avait acquis 1779 articles de la société Dior en février 1984 auprès de la société Becklodge de Londres;
Attendu en outre que les société Dior et Givenchy se plaignent de " parasitisme commercial " de la part de la société Berry Distribution qui vend les produits sans se soumettre aux contraintes supportées par les distributeurs agréés relatives à l'image' de marque des produits et au service fourni ; qu'il ne peut être fait obligation à un tiers au contrat de respecter les dispositions de ce contrat ; que la méthode de vente de la société Berry Distribution si elle ne correspond pas aux souhaits des parfumeurs n'est pas pour autant dénigrante.
Sur la publicité mensongère :
Attendu qu'il est reproché à la société appelante d'avoir commercialisé des produits sur lesquels elle mentionnait " ne peut être vendu que par un distributeur agréé " ;que le grief est fondé sur les dispositions de l'article 44-14 de la loi du 27 décembre 1973 : " est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-dessous : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires " ;
Attendu que la société Berry Distribution oppose d'une part qu'il n'est pas établi que la mention portée en minuscules lettres rouges sur fond ocre pratiquement indéchiffrable et non accessible au public puisqu'elle figure sur la partie inférieure de l'emballage ait eu un effet quelconque sur le consommateur ; d'autre part qu'elle n'est pas l'auteur de cette mention et que seuls les parfumeurs sont responsables de son inexactitude.
Attendu que le caractère erroné de la mention litigieuse n'est pas discuté;que cette mention comme toutes celles, peu nombreuses, qui figurent sur les produits achetés par l'huissier en juin 19858 au Centre Leclerc vise à informer le consommateur spécialement sur les conditions de vente du produits ; que les auteurs de cette mention sont les parfumeurs maisqu'il appartenait aux distributeurs non agréés de la faire disparaître;que la société Leclerc allègue que l'erreur a été commise par les sociétés Dior et Givenchy et qu'elles ne peuvent s'en plaindre ; que l'appelante suppose en cela que ces sociétés ont vendu les produits à des distributeurs non agréés mais que la preuve lui incombe puisqu'elle invoque la faute des intimées ; qu'il ne peut être fait référence aux développements précédents sur la concurrence déloyale selon lesquels il n'est pas prouvé que le réseau de distribution soit sans faille ; que la société Berry Distribution n'a pas prouvé que ces produits litigieux ont été acquis à la société Dior ou à la société Givenchy par un distributeur non agréé ; qu'il ne suffit pas en effet qu'elle ait indiqué qu'elle-même avait acheté ces produits à des intermédiaires non agréés ;
Attendu ainsi que la société Berry Distribution est responsable, du fait de son usage, de l'indication fausse laquelle constitue une publicité mensongère puisqu'elle porte sur les conditions de vente que tout consommateur peut lire;
Attendu que les condamnations prononcées par les premiers juges sont justifiées du seul chef de publicité mensongère ;
Qu'il convient d'autoriser la publication du dispositif de la décision aux frais de la société Berry Distribution pour une somme n'excédant pas 10 000 F ;
Qu'il n'y a pas lieu de prononcer d'interdiction sous astreinte en raison de la spécificité de chaque situation commerciale nouvelle ;
Qu'il est équitable de mettre à la charge de la société Berry Distribution condamnée aux dépens, la somme de 10 000 F pour chacune des sociétés intimées au titre des frais non répétibles supportés devant la cour ;
Par ces motifs : Déclare recevables les conclusions déposées le 31 mai 1989 par la société Berry Distribution ; Reçoit l'appel de cette société ; Le déclare mal fondé ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que la société Berry Distribution " Centre Leclerc " a commis des actes de publicité mensongère et en ce qu'il a condamné cette société à des dommages et intérêts, à des indemnités au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à des frais de publicité du dispositif du jugement ; Le réforme en ce qu'il a déclaré que la société Berry Distribution " Centre Leclerc " s'était rendue coupable d'actes de concurrence fautive à l'égard des sociétés parfums Dior et Givenchy ; Statuant à nouveau de ce chef, Constate que les contrats de distribution sélective conclu par les sociétés de parfums Dior et Givenchy sont licites mais déboute ces sociétés de leurs demandes de condamnations de la société Berry Distribution " Centre Leclerc " pour concurrence déloyale ; Ajoutant aux dispositions confirmée du jugement, Autorise la publicité du dispositif de l'arrêt aux frais de la société Berry Distribution " Centre Leclerc " pour une somme n'excédant pas 10 000 F dans les publications régionales choisies par les sociétés Dior et Givenchy ; Condamne la société Berry Distribution " Centre Leclerc " à payer à la société des parfums C. Dior d'une part et à la société des parfums Givenchy d'autre part la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société Berry Distribution " Centre Leclerc " aux dépens d'appel ; Accorde à Maître Rahon, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.