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Décisions

CA Angers, 3e ch., 13 mars 1989, n° 826-87

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SEPEM (SA)

Défendeur :

Castilla

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Linden

Conseillers :

MM. Dubois, Guillou

Avoués :

Mes Vicart, Gontier

Avocats :

Mes Beucher, Boucheron

T. com. Angers, du 3 mars 1987

3 mars 1987

Eléments du litige

M. Castilla a été engagé en 1981 par la Société d'Equipement pour l'expansion de magasins (SEPEM), ayant pour objet l'équipement de magasins, affiches, publicité sur le lieu de vente, décoration, signalisation, en qualité d'attaché commercial chargé des centrales d'achat.

Après avoir démissionné, il a crée en 1983 une entreprise en nom personnel, dénommée Louis Castilla Distribution (LCD), ayant le même objet.

Affirmant que M. Castilla avait contrefait ses catalogues et ses tarifs et se livrait à une concurrence déloyale à son encontre, la SEPEM l'a assigné afin de lui voir interdire la poursuite de la diffusion de ses catalogues et tarifs, ainsi que la distribution des produits constituant une imitation illicite de ceux qu'elle commercialisait elle-même, et de façon générale, tout acte de concurrence déloyale, lui réclamant en outre 3 526 000 F de dommages intérêts.

M. Castilla a réclamé reconventionnellement 100 000 F de dommages intérêts du préjudice subi du fait notamment d'actes de dénigrement commis à son encontre par la SEPEM.

Par jugement du 3 mars 1987, le Tribunal de Commerce d'Angers, a débouté les parties de leurs demandes.

Prétentions et moyens des parties

La SEPEM, appelante de cette décision, reprend sa demande, limitant sa réclamation de dommages intérêts à 1 130 000 F, et sollicite subsidiairement une provision de 600 000 F, ainsi qu'une expertise pour évaluer son préjudice. Elle fait valoir que :

- M. Castilla a commis une contrefaçon, à défaut des actes de concurrence déloyale, en reproduisant de façon quasi-servile ses catalogues, lesquels, compte tenu de leur originalité dans la conception et la composition, bénéficient de la protection instituée par la loi du 11 mars 1957, étant rappelé que la contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non selon les différences ;

- M. Castilla a tenté de débaucher quatre de ses salariés.

M. Castilla conclut à la confirmation sur la demande principale, faisant valoir que le catalogue de la SEPEM est une banale compilation sans originalité de produits faisant partie du domaine public, que les besoins d'information et de publicité dans les magasins sont identiques sur tout le territoire national, et que la présentation des catalogues est différente.

Il conteste les tentatives de débauchage du personnel de la SEPEM et la réalité du préjudice invoqué par cette dernière.

M. Castilla reprend sa demande reconventionnelle en réparation de son préjudice commercial.

Motivation

I Sur la demande principale

Sur l'existence d'une contrefaçon

Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, l'agencement général du catalogue de la SEPEM, sa mise en page, le choix des coloris, le mode de reproduction des produits et leur ordre de présentation témoignent d'une recherche de l'esprit conférant à cette œuvre une originalité la rendant protégeable au sens de l'article 1er de la loi du 11 mars 1957.

La comparaison des catalogues SEPEM et LCD fait apparaître qu'ils sont de même format, qu'ils sont reliés par le même procédé, qu'ils utilisent le même papier glacé, qu'ils reproduisent les produits par le même procédé photographique et que les produits sont représentés par catégories selon un ordre similaire : signalisation, information, affichage des prix, fixations, encres, cartons.

La mise en page est différente, la SEPEM présentant la reproduction de ses produits et au-dessous un tableau récapitulatif de ceux-ci avec leurs références, tandis que LCD ne présente que la reproduction des produits autour desquels sont inscrits quelques libellés.

Les libellés des produits ne sont pas totalement identiques, étant observé que compte tenu de leur nature, un grande nombre de ceux ci ne peuvent guère être désignés que sous leur appellation générique.

Le coloris des produits représentés et les libellés des catégories ne sont pas les mêmes.

Enfin les couvertures sont tout à faits dissemblables de par leur coloris, leur contenu et leur présentation.

Certains articles sont reproduits à l'identique, notamment les panneaux pour les surgelés et l'affichage du prix du lait et du pain, ainsi que des croquis à la rubrique " fixations et potences ".

Mais LCD justifie avoir été autorisé à référencer dans son catalogue les produits fabriqués par la société Esselte Moto et d'être borné à photocopier des croquis remis par cette dernière.

Quant aux panneaux d'affichage, ils n'ont aucun caractère d'originalité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le catalogue LCD se borne à reprendre certains procédés techniques utilisés pour le catalogue SEPEM, la similitude de l'ordre de présentation des produits par catégories n'apparaissant pas significative, du fait qu'elle résulte des nécessités d'une présentation logique.

En revanche, les traits caractéristiques du catalogue SEPEM, notamment la mise en page et le coloris des produits, ne sont aucunement repris dans le catalogue LCD.

Ainsi apparaît-il que le catalogue SEPEM n'a pas été copié dans ses caractéristiques essentielles, qui l'individualisent.

Quant aux tarifs, ils ne se ressemblent nullement.

Le tarif SEPEM est un catalogue relié de papier glacé d'une trentaine de pages répertorié par rubriques et reproduisant au regard des références et prix les croquis en noir et blanc des produits. La couverture, dont le coloris passe en dégradé du rose clair au mauve, porte en bas le sigle SEPEM.

La tarif LCD n'a qu'une feuille double de papier souple, portant exclusivement une liste de références et de prix. La couverture, de couleur brique, comprend des figures géométriques et le terme " distribution ".

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas contrefaçon.

Sur l'existence d'actes de concurrence déloyale

L'imitation de documents employés par un concurrent est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale dans la mesure où elle est de nature à créer une confusion préjudiciable à ce concurrent dans l'esprit de la clientèle.

Il apparaît à l'examen comparatif des documents en cause, que leur ressemblance partielle ne peut être source de confusion, d'autant qu'ils sont destinés exclusivement à des professionnels du commerce, et qu'au surplus il n'existe sur le territoire national que quelques entreprises se partageant ce marché.

Il est d'ailleurs à relever que la SEPEM n'a produit qu'une seule lettre d'un client s'étonnant de certaines similitudes, mais n'ayant fait aucune confusion entre les entreprises et leurs produits.

Les articles vendus n'étant pas protégés en eux-mêmes, il importe peu que des panneaux aient été construits pour LCD de manière similaire à ceux de la SEPEM, étant observé au surplus que l'attestation faisant état de cette circonstance n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du Nouveau code de Procédure Civile.

Il en est de même des attestations émanant de trois salariés de la SEPEM, selon lesquelles M. Castilla aurait tenté de les débaucher. Ces accusations apparaissent d'autant plus sujettes à caution qu'un quatrième salarié, après avoir établi une attestation analogue, s'est rétracté en indiquant avoir subi des pressions de la SEPEM qui lui avait promis un avancement en échange de sa fausse attestation.

En tout état de cause, il n'est pas établi que le débauchage de trois salariés ait été de nature à désorganiser la SEPEM.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'aucun acte de concurrence déloyale n'était établi.

II Sur la demande reconventionnelle

M. Castilla ne justifie pas que les procédures intentées à son encontre par la SEPEM l'aient été dans l'intention de lui nuire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle.

Il n'y a pas lieu en la cause à application de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile. Le jugement sera réformé de ce chef.

Par ces motifs : Confirme en ses dispositions non contraires au présent arrêt le jugement entrepris ; Réformant et ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile ; Condamne la SEPEM aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Vicart, avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau code de Procédure Civile.