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Décisions

Conseil Conc., 1 juillet 1997, n° 97-A-14

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

Conseil Conc. n° 97-A-14

1 juillet 1997

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 21 février 1997 sous le numéro A 213 par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative à la prise de participation de la société Carrefour dans le capital de la société GMB ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son article 38, subsidiairement son article 5 et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société Carrefour, la société GMB et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Carrefour et les représentants de la société GMB entendus ; Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci- après exposés :

I - CONSTATATIONS :

A - L'opération :

Le 8 décembre 1996, la société Carrefour est entrée dans le capital de la société GMB en rachetant 333 700 actions représentant 33,337 % du capital à l'un des actionnaires, M. Michel Bouriez. Depuis, la société a augmenté à deux reprises sa participation en reprenant, le 18 décembre 1996, 80 780 actions représentant 8,078 % du capital de cette société et, le 6 janvier 1997, 9 760 actions représentant 0,976 % du capital de cette société.

À la date du présent avis, Carrefour détient 423 910 actions représentant 42,391 % du capital de la société GMB.

B- Les entreprises concernées :

1- La société Carrefour :

La société Carrefour, issue de la société Carrefour Supermarchés créée en 1959 par les familles Fournier et Badin-Defforey, est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, au capital de 3.846.135.000 F divisé en 38.461.350 actions de 100 F chacune, entièrement libérées, dont 605.827 ne bénéficient pas de droit de vote. À la date du présent avis, la répartition du capital est la suivante (1).

La société Carrefour exploite sous sa propre enseigne des hypermarchés de grande taille, implantés dans les grandes villes. Elle en compte 245 au moment de l'opération, dont 117 en France, d'une surface moyenne de 9 800 m², les surfaces de certains magasins pouvant parfois dépasser 20000 m².

Si l'exploitation d'hypermarchés constitue la principale activité de la société Carrefour, celle-ci n'en détient pas moins des intérêts dans des domaines d'activité connexes. Ainsi, la société contrôle six sociétés spécialisées Ertéco, Picard-Surgelés, S 2 P, Carfuel, Carma et Carrefour Vacances.

La société Ertéco, filiale à 100 % de Carrefour, commercialise des produits de premier prix dans plus de 350 magasins de maxidiscompte, sous les enseignes ED et Europa Discount. Le chiffre d'affaires réalisé par Ertéco est de 5.466 millions de francs en 1995. La société Picard- Surgelés, dont Carrefour détient, depuis 1994, 79 % du capital, a pour objet la vente de produits surgelés dans 238 magasins de proximité et réalise un chiffre d'affaires de 1,9 milliard de francs sur ce marché.

La société S 2 P est spécialisée dans le crédit à la consommation, tandis que la société Carfuel assure la vente de produits pétroliers. Enfin, les sociétés Carma et Carrefour Vacances sont spécialisées dans la vente de services tels que l'assurance, les voyages.

Par ailleurs, la société Carrefour a conclu des alliances avec d'autres opérateurs dans différents secteurs de la distribution.

Elle est ainsi présente dans le secteur des supermarchés et magasins de proximité, avec les 368 magasins à l'enseigne Stoc, les 312 magasins Comod et 27 supérettes " Marché Plus " appartenant à la société Comptoirs modernes, dont Carrefour détient 23 % du capital. Le chiffre d'affaires TTC réalisé par l'enseigne Stoc en 1995 s'élève à 22.474 millions de francs pour 453 447 mètres carrés de surfaces de vente, les chiffres d'affaires des enseignes Comod et Marché Plus étant de respectivement 2 868 millions de francs et de 541 millions de francs.

De même, Carrefour possède 20 % du capital de la société Métro France et intervient dans la vente en " cash and carry " ou " payer-prendre ", avec 45 magasins entrepôts à l'enseigne Métro.

Sur le secteur des fournitures de bureau, la société Carrefour détient 6 % du capital de la société Office dépôt. Enfin, elle intervient dans le secteur des revêtements de sol par l'intermédiaire de la société Carpetland dont elle détient 30 % du capital.

Jusqu'en 1970, la société Carrefour exploitait des magasins exclusivement sur le territoire national ; elle s'est depuis développée sur d'autres marchés géographiques. D'abord implantée dans les pays voisins de la France (Belgique, Suisse, Italie, Grande-Bretagne) par association avec des distributeurs locaux et l'utilisation de son enseigne en franchise, elle intensifie sa présence à l'étranger, à partir de 1988, en direction de l'Amérique latine, notamment au Mexique, au Brésil, en Argentine, puis en Asie (Malaisie, Thaïlande, Corée du Sud), en général en partenariat avec des intervenants locaux.

En 1995, la société Carrefour est présente sur treize pays et exploite plus d'hypermarchés à l'étranger qu'en France. Cependant la contribution de l'activité à l'étranger reste inférieure à celle exercée dans l'Hexagone : au 30 novembre 1996, elle est de 40,9 % du chiffre d'affaires global hors taxes de Carrefour.

La société détient également des intérêts dans des sociétés étrangères spécialisées dans des secteurs connexes : par l'intermédiaire de filiales, elle intervient sur le secteur du crédit à la consommation en Espagne (Financiera Pryca) et au Brésil (Carrefour ADM de Cartoes de Crédito).

Grâce à des alliances, elle est également présente sur le secteur des magasins entrepôts, avec Office Dépôt aux États-Unis et Costco UK en Grande-Bretagne, sur le marché des produits destinés aux animaux domestiques aux USA (avec Pet's Mart), dans la vente des revêtements de sol (au Benelux et en Suisse, avec Carpetland). Enfin, jusqu'en 1994, la société Carrefour exploitait des magasins relevant du secteur du maxidiscompte en Grande-Bretagne (avec 18 magasins) et continue à être présente sur ce marché en Italie (avec 48 magasins).

La société Carrefour dispose, pour l'approvisionnement de ses magasins, d'une structure spécialisée, la centrale d'achat Carrefour France, qui n'intervient que pour le compte des hypermarchés à l'enseigne Carrefour. Carrefour France définit l'assortiment spécifique des magasins, après analyse du marché et des demandes des consommateurs. L'assortiment est alors communiqué aux services chargés des achats et pris en compte dans le cadre des négociations avec les fournisseurs. L'assortiment est extrêmement précis puisqu'il détermine à la fois les gammes des produits, les types de produits et les marques à proposer aux consommateurs. Le rôle de Carrefour France est donc essentiel, les magasins se limitant à adapter le niveau de leurs commandes à leurs ventes sans remettre en cause la structure définie par Carrefour France. Les achats en direct de produits non sélectionnés sont toutefois possibles même s'ils restent très limités (la tendance étant au contraire à la centralisation des décisions) et concernent généralement plutôt des fournisseurs de produits répondant à des besoins locaux.

Une structure internationale a par ailleurs été créée, Carrefour Marchandises Internationales ou CMI, dont l'objet est d'accompagner le développement international de la société Carrefour au niveau des achats, en coordonnant les négociations avec les grands fournisseurs internationaux, avec lesquels cette société a noué des relations commerciales dans plusieurs pays, et de permettre aux entreprises locales de se développer en commercialisant leurs produits dans les pays où la société Carrefour est implantée.

Enfin, Carrefour France adhère à une centrale de sélection: le GIE Cometca qui réunit également Ertéco, Picard-Surgelés, Comptoirs Modernes et Métro.

Cometca ne constitue pas un passage obligé pour les fournisseurs, une grande majorité de ceux référencés par Carrefour France n'étant pas en relation d'affaires avec Cometca. Toutefois, le rôle essentiel du groupement Cometca concerne les produits de premier prix, cette structure rédigeant les appels d'offres communiqués aux fournisseurs susceptibles d'y répondre et choisissant ceux qui répondent le mieux aux critères retenus. S'agissant des marques nationales, le rôle du groupement consiste à proposer certains services de coopération commerciale lorsque les contrats sont conclus, les prestations sont exécutées par chacun des adhérents, lesquels perçoivent directement les rémunérations convenues.

Jusqu'à récemment, Cometca adhérait à la centrale européenne Deuro-Buying qui regroupait alors des distributeurs des principaux États européens parmi lesquels les sociétés NAF (Danemark), Métro (Allemagne), Makro (Belgique, Pays-Bas). Ces relations ont pris fin en 1996.

En 1996, la société Carrefour a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes consolidé de 154.900 millions de francs, dont 92.194 millions de francs hors taxes en France (y compris Picard et Ertéco) et 83.882 millions de francs hors taxes pour les seuls hypermarchés. Ces chiffres placent la société Carrefour au premier rang des distributeurs français toutes activités confondues et au troisième au plan national.

2- GMB, Grands Magasins B (Cora) :

GMB est une société anonyme au capital de 100.000.000 F pour sa presque totalité détenu par les consorts Bouriez jusqu'à la présente opération. Le siège social est situé 3, avenue Percier, 75008 Paris, et la société est inscrite au registre du commerce à Paris sous le numéro B 692 035 421.

La société n'est pas cotée en bourse et ne communique pas de renseignements financiers ou juridiques. Les seules informations disponibles sont celles diffusées dans la presse et celles que la société a transmises aux rapporteurs en réponse à leur demande et à celle du président du Conseil de la concurrence et qui ne font pas l'objet de la décision de secret des affaires n° 97-DSA-04 du 6 mai 1997.

Les origines de la société GMB remontent à 1965, date à laquelle plusieurs sociétés succursalistes du Nord et de l'Est de la France se regroupent pour former le groupe Docks du Nord-Mielle et concluent un accord de franchise avec la société Carrefour pour exploiter des hypermarchés à l'enseigne Carrefour. En 1975, GMB se sépare de la société Carrefour après avoir créé 10 hypermarchés.

Le développement ultérieur de la société se fait successivement par acquisition de la société Radar en 1984, qui exploite 15 hypermarchés, et en 1985 de la Société Européenne de Supermarchés (SES), qui possède 7 hypermarchés à l'enseigne Record et 74 supermarchés à l'enseigne Migros.

La société GMA, filiale de GMB à 96,56 %, exploite les hypermarchés à l'enseigne Cora, au nombre de 54 à la date du présent avis. Ces magasins ont dans leur majorité le statut juridique d'établissement secondaire et appartiennent à la société GMA. De même, la société GMB détient 99,99 % du capital des sociétés Match-Nord et Match-Est. Ces sociétés exploitent les 144 supermarchés à l'enseigne Match, qui sont également pour leur majorité des établissements secondaires.

Ces magasins sont pour la plupart situés dans le Nord et l'Est de la France et en région parisienne.

Ainsi, la société GMB exploite principalement des établissements dans le secteur de la vente au détail de produits de grande consommation à dominante alimentaire, à l'exception du maxidiscompte. Cependant, à partir de 1990, elle diversifie son activité dans la grande distribution en rachetant la société Truffaut (détenant aujourd'hui 98,5 % des établissements horticoles Truffaut, qui possèdent 100 % de la société Centrasif et de la société les Jardins d'Alice) et, en 1995, elle passe un accord avec le groupe Migros pour exploiter l'enseigne Migros en France et affilier les hypermarchés à cette enseigne aux centrales d'achats Locéda-Hypersélection.

Par ailleurs, la société détient des parts de nombreuses sociétés relevant de divers secteurs d'activité. Ainsi, elle exerce une activité dans le secteur de la vente des produits pétroliers, par l'intermédiaire de sa filiale Distri-Service (dont elle détient 51 % du capital) et dans le secteur de la vente de produits de luxe, où elle détient 99,99 % des sociétés Caron-Révillon luxe (parfums), Ingrid Millet et PEP.

Contrairement à la société Carrefour, la société GMB ne s'est développée que marginalement à l'étranger. En Belgique, elle exploite actuellement 6 hypermarchés (un projet est en cours de réalisation), tandis qu'en Hongrie un magasin devrait ouvrir prochainement à Budapest.

Pour l'approvisionnement de ses magasins, la société GMB dispose de deux centrales spécialisées, l'une dans le non-alimentaire (Hypersélection), l'autre dans l'alimentaire et l'importation (Locéda). Les centrales Hypersélection et Locéda exercent toutes deux les fonctions de centrale de référencement et négocient les conditions d'achats avec les fournisseurs.

Adhèrent également à ces centrales les sociétés suivantes : Union des coopérateurs d'Alsace (UCA), Primistères Reynoird (implantée dans les Antilles-Guyane sous les enseignes Cora, Match et Ecomax), Vindemia (à la Réunion), Migros-France (un hypermarché Migros), Catteau, Maximo, Louis Delhaize (hypermarchés implantés en Belgique).

Depuis fin mai 1997, la société GMB adhère à la centrale européenne Europartners, laquelle réunit également le distributeur britannique Sommerfield et un groupement de magasins implantés aux Pays-Bas, Superunie.

Le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en 1996, y compris la filiale Truffaut, s'élève à 32 559 millions de francs, dont 24 675 millions de francs concernant les hypermarchés, 6 935 millions de francs les supermarchés et 949 millions de francs les magasins spécialisés dans la vente de produits d'horticulture.

Ces résultats placent la société GMB au huitième rang des distributeurs en France, avec 4,4 % des ventes en grandes surfaces alimentaires, devant Comptoirs Modernes (2,9 %) et derrière Système U (5,6 %).

C- L'organisation de la vente au détail des biens de consommation courante :

Comme le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion de le rappeler, notamment dans ses avis n° 96-A-11 du 10 septembre 1996, relatif au rachat de la société Docks de France par la société Auchan et n° 97-A-04 du 21 janvier 1997, relatif à diverses questions portant sur la concentration de la grande distribution, les biens de consommation courante peuvent se diviser en deux grandes catégories : les produits alimentaires et les produits non alimentaires. On s'accorde en général à étendre cette segmentation aux formes de commerce et à distinguer les commerces à dominante alimentaire, dont plus d'un tiers du chiffre d'affaires provient de la vente de produits alimentaires, et les commerces non alimentaires, dont le chiffre d'affaires réalisé avec les produits alimentaires est inférieur à ce seuil.

Au-delà de cette première segmentation et ainsi que le Conseil de la concurrence l'a déjà indiqué, notamment dans les avis susvisés, les professionnels et les statisticiens retiennent généralement six grandes catégories de commerce de détail à dominante alimentaire :

1° Les commerces de proximité, qui comprennent des magasins non spécialisés (mini-libres services, supérettes) et des magasins spécialisés (boulangerie, boucherie). Le mini-libre service (moins de 120 mètres carrés) offre un assortiment étroit de produits courants (environ 300 références) ; la supérette (surface comprise entre 120 et 400 mètres carrés) en offre en moyenne 1 700. La zone de chalandise de ces deux magasins est peu étendue, de l'ordre de cinq minutes de déplacement.

2° Les supermarchés, qui offrent une gamme diversifiée de produits alimentaires ainsi qu'un assortiment de produits non alimentaires variable en fonction de la surface occupée (de 400 à 2 500 mètres carrés) et de l'implantation géographique. Le nombre de références est compris entre 3 000 et 5 000, dont 500 à 1 500 concernent des produits non alimentaires. Un grand nombre d'entre eux offrent des carburants dont la vente représente plus de 10 % de leur chiffre d'affaires, mais leurs rayons non alimentaires sont limités à l'entretien-droguerie-hygiène et à quelques articles de textiles ou saisonniers. Ils sont implantés dans les centres des villes ou dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations et ils peuvent remplir une fonction de magasins de proximité, au même titre que les rayons alimentaires des magasins populaires des centres-villes. La zone d'attraction des supermarchés est de l'ordre de dix à quinze minutes de déplacement. Leur chiffre d'affaires est réalisé à 80 % avec des produits alimentaires.

Jusqu'en 1996, l'ouverture des supermarchés et toute augmentation de leur surface de plus de 200 mètres carrés étaient soumises à une autorisation administrative dès lors que les surfaces de vente atteignaient 1 000 mètres carrés ou 1 500 mètres carrés selon la population de la commune d'implantation. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, une autorisation est nécessaire pour toute implantation, extension ou changement d'enseigne d'un commerce alimentaire de plus de 300 mètres carrés. Ainsi, l'ouverture de tous les supermarchés et leur extension sont désormais soumises à autorisation administrative.

3° Les hypermarchés, magasins d'une surface supérieure à 2 500 m² et pouvant atteindre et même dépasser 20 000 m², sont, sauf de rares exceptions, situés en périphérie ou à l'extérieur des agglomérations. Ils ne sont généralement accessibles qu'en automobile. Ils jouent très fréquemment le rôle de " locomotive " d'un ensemble commercial composé soit d'une galerie commerciale regroupant des petites et moyennes surfaces, soit d'un ensemble de magasins de grande surface non alimentaires spécialisés, ces ensembles pouvant atteindre des surfaces commerciales très étendues (plus de 100 000 m²). Leur attractivité commerciale est très forte, contrairement aux supermarchés, et leur zone d'attraction s'étend aux consommateurs pour lesquels la durée du trajet de leur résidence au magasin n'excède pas une trentaine de minutes. Le nombre de références qu'ils proposent est de 15 000 à 30 000 références alimentaires et de 10 000 à 60 000 références non alimentaires. L'offre de produits non alimentaires, ou " cinquième rayon ", a été généralement développée, au point que pour les plus grands elle représente plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. Des services sont fréquemment proposés aux consommateurs : services bancaires, agence de tourisme...

A la distinction très largement admise entre supermarché et hypermarché, certains professionnels substituent une classification en trois catégories en fonction de la surface du magasin : supermarchés de 400 à 1 500 m², très grandes surfaces (TGS) de 1 500 à 3 000 m², hypermarchés au-delà de 3 000 m².

4° Les magasins dits de "maxidiscompte ", apparus depuis quelques années, d'une surface comprise entre 300 et 800 m² (surface moyenne d'un peu plus de 600 m²), qui sont agencés de manière sommaire et offrent un assortiment restreint de produits de bas et de milieu de gamme, essentiellement alimentaires, de droguerie et entretien, vendus à des prix très attractifs. Le petit nombre de références proposées permet un approvisionnement en grande quantité sur une surface restreinte ; les produits frais sont peu représentés. Les marques de distributeur sont très présentes.

5° Les commerces non alimentaires généralistes qui regroupent notamment les grands magasins et la vente par correspondance.

Les grands magasins sont situés en centre ville ou dans des ensembles commerciaux tels que les galeries marchandes. Ils privilégient des produits comme l'habillement, le textile, les articles de la maison (arts de la table, mobilier, linge de maison). Les parts de marché détenues par cette forme de commerce sont en régression constante depuis plusieurs années, surtout dans les villes de province.

La vente par correspondance ou VPC a étendu sensiblement sa gamme de produits au-delà de l'équipement de la personne et, jusqu'en 1995, a fortement augmenté ses parts de marché.

6° Les grandes surfaces spécialisées : après avoir touché les secteurs de l'équipement de la maison et de la hifi, des disques et du livre, les grandes surfaces spécialisées se sont fortement développées depuis une dizaine d'années, essentiellement dans le domaine du bricolage, du jardinage, des articles de sport et de loisirs, de l'habillement et, plus récemment, des jouets. Elles commercialisent souvent des produits de qualité courante ou de bas de gamme, en pratiquant des prix bas. Elles sont implantées en périphérie des villes dans des ensembles commerciaux aux côtés d'un hypermarché. Elles concurrencent fortement le petit commerce de centre ville : dans certains secteurs, comme le sport ou le bricolage, elles détiennent aujourd'hui des parts de marché élevées.

II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la nature de l'opération :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante ".

Considérant que si l'acquisition par une entreprise de plus de 50 % du capital d'une autre entreprise suffit à conférer à l'entreprise acquéreur une influence déterminante sur l'autre entreprise, tel n'est pas nécessairement le cas d'une prise de participation inférieure à ce seuil ; qu'en l'espèce, la société Carrefour, conformément à la délibération de son conseil de surveillance en date du 2 décembre 1996 ayant autorisé l'acquisition, dans un délai de trois mois, d'une minorité de blocage, d'une majorité ou de la totalité du capital de la société GMB, a acquis 42,391 % des parts de cette société et le même pourcentage en termes de droits de vote; que l'opération notifiée au ministre le 30 janvier 1997, consistant en l'acquisition de la minorité de blocage, a été réalisée et ne saurait en conséquence être regardée comme un projet ;

Considérant que la majorité du capital de la société GMB, soit 57,609 % des parts, est actuellement détenue par d'autres actionnaires que la société Carrefour ; que des actionnaires représentant 54,6 % du capital de cette société et un pourcentage identique des droits de vote, parmi lesquels la société Carrefour ne figure pas, ont conclu, le 7 avril 1997, une convention aux termes de laquelle chaque partie s'interdit, pendant une durée déterminée, de céder ses titres en totalité ou en partie à un tiers ; que les signataires se sont par ailleurs engagés à soutenir l'action conduite sous l'autorité de M. Philippe Bouriez, président du conseil d'administration de la société GMB, afin de maintenir la politique d'indépendance de cette société et ont conclu des conventions d'option d'achat permettant à M. Philippe Bouriez, à sa seule demande, de contrôler en propre plus de 50 % du capital de la société GMB ;

Considérant que si la société Carrefour, qui exerce son activité sur les mêmes marchés que la société GMB, ne saurait être indifférente à la politique commerciale menée par celle-ci, la configuration actuelle du capital de GMB telle que décrite ci-dessus ne lui permet pas d'intervenir dans la gestion de cette société ; qu'en effet, aux termes de l'article 155 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, toutes les décisions relatives au fonctionnement des sociétés anonymes sont prises par les organes délibérants à la majorité des voix exprimées ; que les décisions relevant de l'assemblée générale des actionnaires portent sur des éléments essentiels tels que la désignation des dirigeants et du conseil d'administration de l'entreprise, la définition de sa politique commerciale, l'approbation des comptes et l'affectation des résultats ; qu'ainsi, la société Carrefour n'a pu, malgré sa demande, obtenir d'être représentée au conseil d'administration ; que, de même, l'adhésion de Cora à la centrale d'achat européenne Europartners et la cession par GMB de sa filiale Révillon ont été réalisées sans consultation de la société Carrefour ;

Considérant que, si l'article 153 de la loi précitée, qui impose la majorité des deux tiers des voix exprimées pour les décisions statutaires (modification de la forme de la société et de l'objet social, du montant du capital social, du régime des titres...), confère à la société Carrefour un pouvoir d'opposition, ces dispositions visent à protéger les droits fondamentaux des actionnaires minoritaires et non à permettre à ces derniers d'intervenir dans la gestion courante et dans la politique commerciale de l'entreprise ; qu'elles ne visent que des décisions exceptionnelles, ne concernant pas le fonctionnement courant de l'entreprise ; qu'ainsi, cette faculté d'opposition à elle seule ne saurait être regardée comme de nature à conférer à son détenteur une influence déterminante au sens de l'article 39 précité ;

Considérant qu'en l'état, la prise de participation de la société Carrefour n'a pas pour conséquence de faire disparaître un opérateur indépendant sur le marché et ne saurait par suite être regardée comme constituant une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, pour les raisons précitées, elle ne saurait davantage être regardée comme un projet de concentration ;

Considérant que, dans sa lettre de saisine, le ministre chargé de l'économie précise : " Si toutefois votre Conseil concluait que cette opération ne constitue pas d'ores et déjà une concentration, je vous demanderai alors de bien vouloir examiner, dans le cadre de l'article 5 de l'ordonnance susvisée, si les synergies susceptibles d'en résulter sont de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés, et, dans l'affirmative, de me préciser quels éléments devraient faire l'objet d'une vigilance particulière " ;

Considérant que la réalisation de synergies entre les deux sociétés parties à l'opération suppose la mise en commun ou la coordination de tout ou partie des activités de ces entreprises ; qu'en l'espèce, compte tenu notamment du refus opposé par les actionnaires majoritaires de GMB à la société Carrefour de disposer d'un siège au conseil d'administration de cette société, la prise de participation, objet de la saisine, n'est pas de nature et n'a pas pour effet de favoriser un rapprochement des activités des deux groupes et, par voie de conséquence, le développement de synergies ; que si le partage du pouvoir au sein de la société entre la majorité des actionnaires et Carrefour venait à se modifier, et sans préjuger d'une éventuelle saisine du Conseil soit sur le fondement du titre V, soit sur celui du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les éléments recueillis au cours de l'instruction permettent d'ores et déjà d'apprécier les incidences sur la concurrence qui pourraient résulter d'un rapprochement des deux sociétés ; que toutefois la configuration des marchés concernés étant susceptible d'évoluer, cette analyse ne pouvant reposer que sur les données actuelles devrait le cas échéant être actualisée ;

Sur les marchés susceptibles d'être concernés :

Considérant que les sociétés Carrefour et GMB exercent des activités de vente au détail de produits de consommation courante à dominante alimentaire; que les marchés susceptibles d'être concernés par un rapprochement des deux sociétés sont, d'une part, celui de la vente au détail de biens de consommation courante et, d'autre part, celui de l'approvisionnement de ces mêmes biens;

En ce qui concerne les marchés de vente au détail des biens de consommation :

Considérant, en premier lieu, que le marché de la vente au détail se définit comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique ; que, sur ce marché, les offreurs sont les distributeurs et les demandeurs sont les consommateurs ;

Considérant, en deuxième lieu, que ce marché est fonction des spécificités du service commercial rendu : dimension des magasins, gammes, références, nature des prestations offertes aux consommateurs (libre service, nature des produits, assortiment, prix, présence d'un vendeur) ; qu'ainsi, les décisions et avis rendus par la Commission européenne (décision Promodès/BRMC du 13 juillet 1992, Otto/Grattan du 21 mars 1991, La Redoute/Empire du 25 avril 1991)et le Conseil (avis Docks de France/SASM du 30 novembre 1993, avis Carrefour/Picard du 6 décembre 1994)distinguent de façon constante les hypermarchés et supermarchés, le commerce spécialisé, le petit commerce de détail, les maxidiscompteurs, la vente par correspondance, en tenant compte des spécificités de chacune de ces formes de vente; qu'ainsi que l'a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis n° 96-A-11 du 10 septembre 1996 relatif à la concentration entre les sociétés Auchan et Docks de France et dans son avis n° 97-A-04 du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution,l'évolution de l'offre des hypermarchés et supermarchés conduit à distinguer la vente des biens de consommation courante en hypermarchés de celle effectuée dans les supermarchés; que la société Carrefour soutient que la distinction entre hypermarchés et supermarchés ne saurait être retenue en raison de l'existence de barrières à l'entrée communes à ces deux catégories de magasins (loi du 27 décembre 1973, modifiée par la loi dite Raffarin du 5 juillet 1996, fixant la procédure d'autorisation administrative préalable à l'implantation des surfaces commerciales), du niveau de prix comparables pratiqués par ces deux formes de commerce, de la possibilité pour les moyennes surfaces de s'aligner sur les tarifs pratiqués par les grandes surfaces, de l'implantation des hypermarchés et des supermarchés dans les mêmes zones géographiques, de l'éventail des produits offerts commun aux deux formes de commerce, la différenciation portant essentiellement sur les secteurs non alimentaires tels que le bazar ou le textile ;

Mais considérant que ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse menée dans l'avis n° 96-A-11 précité ; qu'en effet, les lieux d'implantation de ces deux catégories de magasins sont choisis d'après des considérations propres à chacune de ces catégories ; que l'étendue de leur zone d'attractivité est différente, de même que le nombre moyen de références et l'offre de produits ; qu'hypermarchés et supermarchés correspondent à des motivations différentes des consommateurs ; que si l'étendue du choix de produits est le critère dominant pour l'hypermarché, c'est la proximité qui constitue le premier motif de fréquentation d'un supermarché ; que, sans nier l'existence d'une substituabilité partielle des services rendus par les moyennes et grandes surfaces, l'évolution actuelle des deux formes de commerce, l'application des différents critères rappelés plus haut et le comportement des consommateurs accentuent les spécificités de chacune des formes de commerce au point de distinguer des marchés spécifiques ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne la distribution de détail, la proximité des commerces doit être prise en compte pour délimiter les zones de distribution; que, si la concurrence se limite aux points de vente de proximité en cas d'achat de petites quantités ou de dépannage ou de produits d'usage courant, elle s'exerce dans un rayon plus grand pour les achats en grande quantité ou de biens de consommation durables ; que, conformément à la décision Promodès/BRMC ci-dessus citée, les zones de chalandise doivent être délimitées géographiquement en fonction des temps de déplacement des clients; que la taille du point de vente (dont dépendent la variété des assortiments et l'étendue des gammes), les infrastructures commerciales qui lui sont associées, les voies de communication et la qualité de leur desserte doivent être également prises en compte pour définir l'étendue de la zone ; que les zones de chalandise de différents points de vente se recoupent et que l'étendue de ces plages de recouvrement produit des effets sur les conditions de la concurrence, effets qui dépendent notamment de la densité d'implantation des points de vente et de celle de la population ;

En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement :

Considérant, en premier lieu, que sur les marchés de l'approvisionnement les distributeurs, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de leurs centrales de référencement et d'achat se trouvent en position d'acheteurs face aux offreurs que sont les fournisseurs; que le choix des produits par les centrales ou les réseaux de distribution s'effectue généralement à partir de trois critères, la demande des consommateurs, la politique commerciale de l'enseigne, les conditions offertes par les fournisseurs ;

Considérant, en deuxième lieu, que, sur ce marché, les fournisseurs offrent en général des familles et des gammes de produits alors que la demande dépend de la nature et de la forme de la distribution et que celle qui émane de certains distributeurs ne porte que sur un nombre limité des références proposées par le producteur ; qu'ainsi, on peut considérer qu'il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquelles porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun de ces marchés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à l'intérieur d'une même famille de produits coexistent, aux côtés de produits vendus sous une marque, des produits similaires vendus sous marque de distributeur et des produits dits de premier prix ; que la substituabilité de ces produits entre eux dépend du comportement du consommateur tel qu'il peut être observé sur le marché aval, la situation du producteur relevant quant à elle de l'analyse de la dépendance ; qu'au-delà de l'analyse technique des produits plusieurs méthodes permettent d'évaluer si des biens sont considérés comme substituables par les consommateurs (enquêtes auprès des consommateurs, études marketing, méthode économétrique visant à déterminer la sensibilité des ventes d'un produit aux variations de prix d'autres produits.) ; qu'en règle générale, lorsqu'il existe une hiérarchie très marquée entre les premiers prix, les prix des marques de distributeurs et les prix des grandes marques, on peut considérer que la concurrence entre les trois catégories de produits correspondants est limitée, la persistance de différences de prix importantes traduisant le fait que les consommateurs ne considèrent pas les produits comme substituables ; qu'ainsi, la Commission européenne a récemment admis qu'il pouvait exister un marché spécifique des produits à marque de distributeurs, distinct de celui des produits de marques notoires d'envergure nationale ou internationale (décision Procter and Gamble-Schickedanz du 21 juin 1994), le Conseil ayant à l'inverse estimé dans son avis 96-A-09 du 9 juillet 1996 relatif à la concentration Sogebra-Fischer que les bières de premier prix et de marques de distributeur se trouvent sur le même marché que les bières de marques de qualité standard ;

Considérant, en quatrième lieu, que les fournisseurs offrent en général les mêmes produits aux différentes catégories de commerce; que, si chaque catégorie de commerce présente des spécificités propres par les services offerts ou les conditions dans lesquelles les produits sont vendus, il n'en reste pas moins que pour les produits de consommation courante les gammes sont en général communes et que seule leur étendue varie selon les catégories de commerce ; que le référencement des fournisseurs est effectué par des centrales regroupant aussi bien des hypermarchés que des supermarchés, voire des magasins de proximité ; qu'il en est ainsi notamment des achats effectués par les centrales d'achat de la société GMB, Hypersélection et Locéda (enseignes Match, Cora, Maximo) ;

Considérant, en définitive, qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe, pour les produits de consommation courante, un marché par famille de produits et qu'il n'y a pas lieu de distinguer ce marché selon les catégories de commerce;

Sur les effets de l'opération sur la concurrence :

Considérant qu'un rapprochement entre les sociétés Carrefour et GMB, dès lors qu'il renforcerait le degré de concentration du secteur, pourrait avoir des effets sur certains marchés locaux de la vente au détail en hypermarchés et en supermarchés tels que définis ci-dessus par zones de chalandises, ainsi que sur le marché de l'approvisionnement;

En ce qui concerne les marchés de la distribution de détail :

Considérant que, selon les estimations de l'INSEE, les ventes au détail se sont élevées en France en 1995 à 2 192,7 milliards de francs et le chiffre d'affaires des entreprises du secteur commercial à 1 900 milliards de francs ; qu'avec un chiffre d'affaires hors taxes de 82 284 millions de francs Carrefour se situe au troisième rang avec 5,3 % des ventes de détail ; qu'avec la part du groupe GMB estimée à 1,9 % le regroupement des deux entités placerait Carrefour au premier rang national avec 7,2 % des ventes, à quasi-égalité avec le plus grand distributeur actuel (Leclerc, avec un chiffre d'affaires évalué à environ 140 milliards de francs) ; qu'en définitive, sur le marché de la grande distribution en général, comme dans le secteur de la vente en hypermarchés, Carrefour occuperait la première place tant selon les chiffres fournis par Nielsen que ceux communiqués par Carrefour dans son dossier de notification ;

Considérant que si les sociétés Carrefour et GMB venaient à se rapprocher l'opération permettrait à la société Carrefour d'étendre son activité dans des zones où l'enseigne n'était pas ou peu représentée jusqu'à présent, ainsi que sur le créneau des supermarchés sur lequel elle était jusqu'alors absente ; que l'analyse des effets d'une opération de concentration sur la concurrence nécessite de déterminer le périmètre de chaque zone de chalandise à partir de divers critères, lieu d'habitation, infrastructures commerciales existantes, commodité d'utilisation du réseau des voies de communication ;

Considérant que la distribution de détail est l'objet d'une réglementation spécifique prévue par la loi du 27 décembre 1973, modifiée par la loi du 5 juillet 1996, qui subordonne à une autorisation administrative préalable l'ouverture de toute nouvelle surface de vente au-delà du seuil de 300 m² et a, par ailleurs, étendu la procédure de l'autorisation préalable à de nouveaux cas; que, comme il l'a été signalé dans l'avis n° 96-A-11 susvisé, ce dispositif constitue une barrière à l'entrée des concurrents, confère aux commerces en place une situation acquise et introduit une rigidité dans la capacité des entreprises à accroître leur activité ou à répondre aux pratiques d'un distributeur plus puissant qui profiterait d'une position prééminente sur un marché ; que, par ailleurs, la pratique de prix d'appel qui peut, dans certaines conditions, entraîner un affaiblissement de la concurrence, est plus facile à mettre en œuvre par un magasin adossé à un groupe puissant aux capacités financières importantes que par des opérateurs de taille plus réduite ; qu'enfin, la concentration des distributeurs peut avoir pour effet de diminuer le choix offert aux consommateurs en uniformisant les gammes de produits proposés ;

Considérant que les deux sociétés sont présentes ensemble dans quinze zones ; qu'ainsi la concurrence pourrait être affectée par l'opération ;

Considérant que, dans ses observations, la société Carrefour conteste la référence aux études IFLS et aux fichiers ODEC, ainsi que certains critères utilisés pour définir le niveau de concurrence au plan local, notamment l'établissement des positions des deux sociétés à partir de données relatives aux surfaces de vente ;

Mais considérant qu'au niveau local, les seules données disponibles sont celles mises à la disposition des observatoires départementaux d'équipement commercial (ODEC), que les fichiers de l'IFLS sont généralement utilisés par les entreprises pour déterminer la zone d'attractivité de leur magasin ; que, d'ailleurs, la société Carrefour fait état de cette source d'information dans son dossier de notification ; que plusieurs éléments fournis par la DGCCRF et communiqués aux parties confirment la délimitation des zones retenues par les rapporteurs ; que, par ailleurs, en l'absence de données exhaustives sur les chiffres d'affaires réalisés par les établissements concernés, la position globale des sociétés Carrefour et GMB sera déterminée à partir des données quantitatives relatives au nombre de magasins présents et à leurs surfaces de vente ; qu'au demeurant cette analyse tend à sous-évaluer la part de marché des enseignes les plus performantes, telles que Carrefour, c'est-à-dire celles qui réalisent les chiffres d'affaires les plus élevés par mètre carré ;

Considérant que les observations de la société Carrefour, site par site, portent sur l'étendue des zones de chalandise et, par voie de conséquence, l'équipement commercial concurrent ; qu'ainsi elle estime que la zone de Charleville-Mézières devrait comprendre l'agglomération de Sedan, et celle de Caen la commune de Mondeville où est situé un magasin Continent ; que celle d'Évreux devrait s'étendre au-delà de 20 kilomètres pour tenir compte de la présence de deux magasins à l'enseigne Leclerc, l'un de 4 200 mètres carrés et l'autre de 2 650 mètres carrés, et ne pas intégrer l'hypermarché à l'enseigne Carrefour ; que l'extension de la zone de Chartres jusqu'à la commune de Vernouillet n'est pas justifiée en l'absence d'accès direct et du fait de la proximité de la ville de Dreux ; qu'à Reims, deux magasins à l'enseigne Cora ne figurent pas dans la zone d'influence directe de Carrefour ; qu'à Dunkerque, Mulhouse, Limoges et Rennes, Lens et Douai, des concurrents puissants sont présents ; que les agglomérations d'Épinal et de Remiremont ne figurent pas dans la même zone de chalandise et que dans le nord-est de la région parisienne, les zones ne sont pas suffisamment délimitées ; qu'en définitive, sur chacun des sites, l'opération n'est pas susceptible de limiter le jeu de la concurrence ;

Considérant qu'il ressort des observations de la société Carrefour et des éléments fournis par la DGCCRF que, dans la plupart des agglomérations susvisées, l'opération n'est pas de nature à modifier significativement les conditions de l'exercice de la concurrence en hypermarchés, en raison notamment de la présence d'enseignes concurrentes puissantes ; qu'en revanche, dans les agglomérations de Charleville-Mézières, Dijon, Evreux, Mulhouse et Reims, l'opération conférerait à l'entité créée une position prééminente dont les conséquences sur la concurrence doivent être examinées ;

Sur la zone de Charleville-Mézières :

Considérant que dans l'agglomération de Charleville-Mézières, la zone de chalandise regroupe les communes d'Ayvelles, Francheville, Montcy-Notre-Dame, Prix-lès-Mézières, Villers-Semeuse et Warcq, soit une population de moins de 65 000 habitants ; que l'équipement commercial en hypermarchés comprend deux magasins : l'un à l'enseigne Cora (14 000 mètres carrés) et l'autre à l'enseigne Carrefour (9 600 mètres carrés) ; que les deux hypermarchés sont distants de 2,5 kilomètres ; que l'hypermarché le plus proche, un magasin à l'enseigne Leclerc d'une surface de 5 242 mètres carrés, est implanté à 21 kilomètres, à Sedan, les deux autres hypermarchés du département étant situés à 22 kilomètres pour le magasin Intermarché de Bazeilles, lequel dispose d'une surface de vente de 2 583 mètres carrés, et, à 38 kilomètres, pour le magasin à l'enseigne Stoc de Rethel (3 059 mètres carrés) ; que tous les hypermarchés du département sont inclus dans des centres commerciaux, les plus importants étant ceux des magasins aux enseignes Carrefour et Cora ; qu'à défaut d'éléments concernant le chiffre d'affaires réalisé par le magasin à l'enseigne Cora, l'analyse ne peut être menée qu'en termes de surfaces de vente ;

Considérant qu'il n'existe aucun concurrent dans la zone précitée ; que la concurrence est essentiellement constituée de petits supermarchés alimentaires, l'équipement en supermarchés des deux premières zones étant composé de dix magasins d'une surface totale de 10 439 mètres carrés (qui représente à peine 40 % des surfaces d'hypermarchés et 30 % de l'ensemble de la grande distribution) ; que sur ce marché, la société GMB exploite un magasin à l'enseigne Match de 1 789 mètres carrés, le plus grand des supermarchés, tandis que la société Carrefour n'est pas représentée, en l'absence de magasins à l'enseigne ED de sa filiale Ertéco ; qu'ainsi, en retenant l'hypothèse d'une substituabilité partielle entre hypermarchés et supermarchés, substituabilité dont le degré et l'étendue ne sont pas connus et, faute de cette information, en prenant en compte l'ensemble des grandes surfaces à dominante alimentaire, les surfaces de vente détenues par les sociétés Carrefour et GMB, soit 75 % du total, placeraient la nouvelle entité en tête des distributeurs de la grande distribution à dominante alimentaire ;

Considérant que la densité commerciale de la zone considérée s'élève à 351 mètres carrés pour 1 000 habitants pour les hypermarchés, 155 mètres carrés pour 1 000 habitants pour les supermarchés et à 506 mètres carrés pour 1 000 habitants pour l'ensemble des grandes surfaces alimentaires, taux très largement supérieurs à la moyenne nationale pour les hypermarchés (107 mètres carrés pour 1 000 habitants) et pour l'ensemble des grandes surfaces alimentaires (252 mètres carrés pour 1 000 habitants) ; que l'absence de tout hypermarché concurrent dans la plus grande partie de la zone permet de craindre que Carrefour ne renonce à terme à toute politique offensive en matière de concurrence, l'éloignement du principal établissement concurrent et ses dimensions modestes (5 170 mètres carrés) au regard de celles des magasins aux enseignes Carrefour et Cora, rendant peu crédible l'exercice d'une véritable contre-offensive de sa part ;

Sur la zone de Dijon :

Considérant que l'équipement commercial de l'agglomération de Dijon, (qui comprend les communes de Chenôve, Chevigny-Saint-Sauveur, Daix, Fontaine-lès-Dijon, Longvic, Marsannay-la-Côte, Neuilly-lès-Dijon, Ouges, Perrigny-lès-Dijon, Plombières-lès-Dijon, Quétigny, Saint-Apollinaire, Sennecey-lès-Dijon, Talant) est composé de sept hypermarchés pour une surface totale de 64 264 mètres carrés, dont deux à l'enseigne Carrefour (15 000 mètres carrés et 13 700 mètres carrés), deux à l'enseigne Géant (9 737 mètres carrés et 8 162 mètres carrés), un à l'enseigne Cora (10 000 mètres carrés), un à l'enseigne Leclerc (5 021 mètres carrés) et un à l'enseigne Intermarché (2 644 mètres carrés) ; qu'ainsi, avec une surface totale de 37 400 mètres carrés issue d'un éventuel regroupement, le nouvel ensemble représenterait sur le marché des hypermarchés 60 % des surfaces, devançant ainsi Casino (18 053 mètres carrés et 27,8 % des surfaces) ; que les deux hypermarchés à l'enseigne Carrefour et le magasin à l'enseigne Cora sont situés à moins de vingt minutes l'un de l'autre par la rocade Est (2 x 2 voies) et qu'ils bénéficient chacun par ailleurs, des infrastructures autoroutières qui entourent la ville ; que sur cette zone, Carrefour et Cora détiennent 38 700 mètres carrés et réalisent un chiffre d'affaires hors taxes hors carburants de 1 916 millions de francs ; que les quatre hypermarchés concurrents cités ci-dessus représentent ensemble 25 564 mètres carrés et 722,4 millions de francs ; qu'ainsi, l'opération se traduirait par un renforcement de la position de Carrefour, qui détient déjà 44,7 % des surfaces, la nouvelle entité représentant alors 60% des surfaces ; qu'en termes de chiffres d'affaires, la part serait encore plus élevée, puisque selon les chiffres d'affaires hors taxes et hors carburants de 1996, la nouvelle entité réaliserait 72,6 % du chiffre d'affaires des hypermarchés ; que le premier concurrent, le magasin à l'enseigne Géant, avec un chiffre d'affaires estimé à 444 millions de francs ne représente que 16,9 % du marché ;

Considérant que dans la zone susvisée sont implantés quarante-deux supermarchés sur une surface totale de 35 007 m², dont 1 119 m² appartiennent à la société filiale de Carrefour, Ertéco ; qu'ainsi, en retenant l'hypothèse qu'il existe une substituabilité partielle entre hypermarchés et supermarchés, substituabilité dont l'étendue ou le degré ne sont pas connus, et, faute de cette information, en prenant en compte l'ensemble des grandes surfaces de vente à dominante alimentaire, la part de la nouvelle entité serait encore de 40,1 % en terme de surfaces (à défaut d'éléments en terme de chiffre d'affaires), ce qui la place toujours en tête des distributeurs ; qu'ainsi, un rapprochement entre les deux opérateurs aurait pour effet de renforcer une position déjà très forte de la société Carrefour ; que la densité de la grande distribution est supérieure à la moyenne nationale avec un taux de 416 m² pour 1 000 habitants, pour un taux moyen de 252 m² pour 1 000 habitants et rend donc peu vraisemblable une extension des surfaces de vente autorisées de la grande distribution ;

Sur l'agglomération d'Évreux :

Considérant que la zone de chalandise telle que définie par la DGCCRF comprend l'agglomération d'Évreux, composée des communes d'Arnières-sur-Iton, Gravigny et Saint- Sébastien-de-Morsent, les communes de Conches-en-Ouche, Damville, Saint-André-de-l'Eure et Pacy-sur-Eure ainsi que les communes rurales de Guichainville, Cauge, Huest, Claville, Heudteville-sur-Eure, Houlbec-Cocherel, Le Chesne, Le Fidelaire, Grosley-sur-Risle ; que l'équipement en hypermarchés est constitué de cinq magasins : un à l'enseigne Carrefour, d'une surface de 8 715 m², un à l'enseigne Cora de 8 350 m² et trois à l'enseigne Intermarché totalisant 11 700 m² ; qu'un rapprochement entre les enseignes Carrefour et Cora aurait pour conséquence de rassembler sous une même enseigne 59 % des surfaces en hypermarchés ; qu'en termes de chiffre d'affaires, la nouvelle entité réaliserait, sur les bases des chiffres d'affaires de 1996, 81 % du chiffre réalisé par l'ensemble des hypermarchés de la zone ; que, hors de la zone, peuvent exercer une concurrence partielle deux magasins à l'enseigne d'Intermarché, l'un situé à Louviers, sur une surface de 5 850 m², l'autre à Saint-Marcel sur une surface de 3 476 m², deux magasins à l'enseigne Leclerc (l'un de 3 184 m² à Vernon, l'autre de 2 821 m² au Neubourg) et un magasin à l'enseigne Stoc de 3 070 m² à Vernon ; que cette concurrence est cependant très marginale que l'équipement en supermarchés de l'agglomération est constitué de neuf magasins d'une surface totale de 7431 m² dont 800 m² sont exploités par la société Ertéco, filiale de Carrefour, sous l'enseigne Europa Discount ; que sur l'ensemble de la zone de chalandise les supermarchés représentent 15 188 m² ; qu'en retenant l'hypothèse qu'il existerait une substituabilité partielle entre hypermarchés et supermarchés, et dès lors qu'il n'est pas possible d'en définir ni l'étendue ni le degré, en prenant en compte la totalité des grandes surfaces de vente à dominante alimentaire, la part de la nouvelle entité serait encore de 41 % en termes de surface ; qu'elle occuperait une position prééminente, le second distributeur, Intermarché, ne totalisant que 12 200 m² sur quatre sites ;

Considérant par ailleurs que les deux magasins à l'enseigne concurrente Intermarché rencontrent actuellement des difficultés, l'un, un ancien magasin affilié Leclerc, en raison d'un emplacement mal desservi, alors que les magasins Carrefour et Cora, distants entre eux d'environ 3 kilomètres, sont accessibles par voies rapides, l'autre, en raison d'une surface réduite, ne lui permettant pas d'étendre ses ventes aux produits non alimentaires ; que tous deux sont situés dans des quartiers dits " sensibles " ; que les densités commerciales de l'agglomération se situent nettement au-dessus de la moyenne nationale (407 m² pour 1 000 habitants en hypermarchés, 535 m² pour 1 000 habitants pour l'ensemble de la grande distribution alimentaire) et rendent donc peu vraisemblable une extension des surfaces de vente autorisées de la grande distribution ;

Sur la zone de Reims :

Considérant que l'agglomération comprend, outre Reims, les communes de Bétheny, Cormontreuil, Saint-Brice-Courcelles, Saint-Léonard et Tinqueux ; que les infrastructures autoroutières qui sillonnent la ville rendent accessibles les hypermarchés Carrefour et de Cora de tous les points de l'agglomération en moins de vingt minutes ; que sur cette zone sept hypermarchés sont présents deux magasins à l'enseigne Cora de 18 405 m² et 8 040 m², un magasin Carrefour de 9 500 m², deux magasins Leclerc d'une surface totale de 20 300 m², un magasin à l'enseigne Continent de 7 800 m² et un magasin à l'enseigne Hyper-champion de 2 900 m² ; que la nouvelle entité deviendrait le premier distributeur avec 35 945 m² et 54 % des surfaces ; que l'équipement en supermarchés est constitué de 28 magasins sur 24 480 m², la société Carrefour, avec sa filiale Ertéco détenant 2 900 m², soit 12 % des surfaces ; qu'en retenant l'hypothèse qu'il existe une substituabilité partielle entre hypermarchés et supermarchés, et faute d'information sur l'étendue et le degré de substituabilité, en prenant en compte l'ensemble des grandes surfaces de vente à dominante alimentaire, le rapprochement précité aurait pour conséquence de placer le nouvel ensemble en position de tête avec 38 845 m² et 42 % des surfaces de vente ; que les densités en hypermarchés pour l'ensemble de la grande distribution sont très élevées, respectivement 300 m² pour 1 000 habitants et 429 m² pour 1 000 habitants et rendent donc peu vraisemblable une extension des surfaces de vente autorisées de la grande distribution ;

Sur la zone de Mulhouse :

Considérant qu'à Mulhouse et dans les seize communes composant son agglomération, l'équipement commercial en hypermarchés est composé de cinq magasins aux enseignes Cora (14 000 m² à Wittenheim et 7 630 m² à Dornach), Carrefour (12 800 m²), Auchan (9000 m²) et Leclerc (5 300 m²) ; que si les quatre premiers établissements sont situés en périphérie immédiate de Mulhouse, facilement accessibles par un réseau autoroutier, le magasin à l'enseigne Leclerc est au contraire situé en centre-ville et sa clientèle est essentiellement celle d'un magasin de proximité ; que dans la commune de Cernay, située à environ 20 kilomètres de Mulhouse, est exploité un magasin à l'enseigne Leclerc d'une surface de 5 700 m², lequel n'entre que très partiellement en concurrence avec l'hypermarché à l'enseigne de Cora implanté à Dornach, sa clientèle provenant essentiellement de l'agglomération de Cernay, de Thann et des villages de la vallée, jusqu'à la commune de Guebwiller ; qu'en définitive, seuls les magasins aux enseignes Carrefour à Wittenheim, Cora à Illzach et Auchan (ex Mammouth) à Mulhouse sont directement en concurrence ; qu'une opération de fusion conduirait à regrouper les deux premiers distributeurs actuels, l'ensemble ainsi constitué devenant alors le premier distributeur avec 26 800 m² et 75 % des surfaces en hypermarchés ; qu'en retenant l'ensemble du parc des hypermarchés, la nouvelle entité resterait en tête avec 34 430 m² de surface et 71 % des surfaces ; que l'équipement en supermarchés est composé de quarante-trois magasins, dont six aux enseignes Match (soit une surface globale de 7 980 m² et 20 % des surfaces) ; que bien que ces magasins ne rentrent pas tous en concurrence avec l'ensemble des hypermarchés susvisés, en retenant l'hypothèse qu'il existe une substituabilité partielle entre hypermarchés et supermarchés et, faute d'éléments quant à l'étendue et au degré de substituabilité de ces formes de commerce, en prenant en compte l'ensemble des grandes surfaces de vente à dominante alimentaire, la nouvelle entité resterait encore le premier distributeur avec 42 410 m² et 45 % des surfaces ;

Considérant que le magasin Leclerc de centre-ville, réalise un chiffre d'affaires en baisse régulière depuis plusieurs années, du fait notamment d'un emplacement peu attractif, que les résultats du magasin Auchan (ex Mammouth) étaient jusqu'à présent très inférieurs au chiffre d'affaires réalisé par mètre carré par les enseignes concurrentes Cora et Carrefour ; que par ailleurs les supermarchés à l'enseigne Intermarché sont également en baisse de rendement en raison de la concurrence exercée par les enseignes Aldi Lidl et Norma très bien représentées dans cette zone ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où l'opération conduirait à un rapprochement des deux sociétés, il est à craindre que la prééminence de la nouvelle entité ne puisse être contrebalancée par une politique agressive menée en matière de prix par des concurrents puissants et que cette prééminence n'incite la nouvelle entité à renoncer à une politique commerciale offensive ;

En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement :

Considérant quel'analyse des éventuels effets de l'opération sur les marchés de l'approvisionnement passe par un examen de la puissance d'achat cumulée des entreprises concernées, mais également de la situation des fournisseurs;

Considérant que, ainsi qu'il en est fait état plus haut, la société Carrefour dispose, pour le référencement et l'achat des produits destinés aux magasins à son enseigne, d'une structure intégrée, la centrale Carrefour France, laquelle n'intervient pas dans l'approvisionnement des magasins relevant des filiales spécialisées de Carrefour (Ertéco, Picard Surgelés.) et n'a pas pour vocation d'accueillir d'autres distributeurs ; que les magasins de la société GMB sont approvisionnés par l'intermédiaire des centrales Hypersélection et Locéda, qui assurent ainsi l'approvisionnement des magasins aux enseignes Cora, Match et Louis Delhaize, et de ceux exploités par l'Union des coopérateurs d'Alsace, Primistères-Reynoird, Vindémia, Migros France, Catteau et Maximo ; que ces référencements et achats en commun ont pour effet d'augmenter significativement le pouvoir de négociation de la société GMB ; que la puissance d'achat de cette société devrait donc être appréciée sur la base des achats effectués pour le compte de l'ensemble des distributeurs associés ou adhérents aux centrales susvisées ;

Considérant qu'en l'absence d'éléments sur le montant des achats effectués par les centrales des sociétés parties à l'opération, on peut toutefois estimer que la part dans le total des achats effectués par la grande distribution à dominante alimentaire n'est pas fondamentalement différente de leur part de marché dans les ventes du même secteur ; qu'en revanche, la part des achats négociés par les centrales de référencement et d'achat précités est nécessairement supérieure au cumul des ventes des deux sociétés concernées dans la mesure où Hypersélection et Locéda négocient également des achats pour le compte d'autres distributeurs ;

Considérant que, selon Nielsen, les sociétés Carrefour et GMB représentent respectivement 13,1 % et 4,4 % des ventes de la grande distribution à dominante alimentaire, soit une part cumulée de 17,5 % ; qu'à cette part, il convient d'ajouter celle détenue par les distributeurs adhérents aux centrales Locéda et Hyper-sélection, qui peut être estimée à environ 2 points, ce qui conduit à chiffrer la puissance d'achat de l'ensemble des sociétés précitées à 19,5 % ; que ce pourcentage est cependant théorique dans la mesure où il prend également en compte les achats effectués directement par les magasins ;

Considérant que Leclerc et Intermarché représentent pour leur part 15,1 % des ventes ; qu'ainsi, le rapprochement précité aurait pour conséquence de faire apparaître un acheteur sensiblement plus puissant que les deux premiers acheteurs actuels et de faire disparaître un acheteur indépendant de dimension moyenne ; que la pression de la grande distribution sur les producteurs pourrait dès lors être augmentée, à tout le moins du fait de l'amélioration des conditions tarifaires prévues dans les CGV des fournisseurs ;

Mais considérant qu'il n'existerait pas de déséquilibre manifeste sur le marché aval entre le premier intervenant ainsi constitué et les principaux acheteurs venant immédiatement à la suite et que rien ne permet de présumer qu'il puisse en aller différemment au niveau des approvisionnements ; qu'en outre, l'estimation ci-dessus ne vaut que par rapport aux positions actuellement détenues par les sociétés Carrefour et GMB, qui dépendent notamment du nombre et de l'importance des points de vente détenus par ces deux sociétés ; que si le rapprochement susvisé devait se traduire par un regroupement des magasins des deux sociétés sous la même enseigne, il n'est pas certain que la totalité de ces magasins soit conservée ; qu'en effet, si la plupart des 54 hypermarchés à l'enseigne Cora sont, en termes de présentation et de surfaces de vente, comparables aux hypermarchés Carrefour, tel n'est pas le cas des 145 supermarchés à l'enseigne Match ; que si la volonté du nouveau groupe était de privilégier la constitution d'un ensemble homogène axé sur un même type de magasins, lesdits supermarchés pourraient le cas échéant être revendus ;

Considérant, par ailleurs, que si les sociétés Carrefour et GMB venaient, comme il l'a été indiqué, à regrouper leurs approvisionnements, un tel regroupement pourrait se traduire par une dissolution des centrales Hypersélection et Locéda ; que les distributeurs affiliés à ces centrales pourraient ne pas trouver leur place dans la nouvelle structure ; que, dans cette hypothèse, le départ de ces distributeurs aurait pour effet de diminuer sensiblement le volume théorique issu du simple regroupement des achats actuels de chacune de ces centrales ;

Considérant, en définitive, au vu des éléments évoqués ci-dessus et compte tenu des incertitudes qui subsistent actuellement quant au comportement futur des deux parties, qu'une nouvelle étape d'un rapprochement entre les sociétés Carrefour et GMB ne paraît pas susceptible de conférer au groupe qui en résulterait une position dominante sur le marché de l'approvisionnement ;

Considérant qu'il convient en revanche de déterminer si une telle opération serait de nature à affecter le pouvoir de décision des fournisseurs ;

Considérant, en premier lieu, que le rapport de forces entre fournisseurs et distributeurs est d'autant plus défavorable aux premiers que ceux-ci présentent une offre dispersée; qu'à cet égard la comparaison des degrés de concentration respectifs de la production et du commerce révèle une forte hétérogénéité selon les familles de produits ; que selon les chiffres communiqués, le regroupement des ventes réalisées par les deux distributeurs représenterait selon les gammes de produits, de 3,1 % (charcuterie) à 14,9 % (bazar) des ventes globales par produits, alors que les fournisseurs les plus importants détiendraient, sur leur marché, des parts nettement supérieures ; qu'ainsi, la société Carrefour indique que la part détenue par le premier fournisseur des produits de droguerie et entretien est de 16,6 % des achats du rayon, celle des quatre premiers atteignant 55,4 % ; que le premier fournisseur en produits d'hygiène et de parfumerie représente 23,6 % des achats et les quatre premiers 47,4 % ; que le poids du principal groupe agroalimentaire est très élevé dans les achats de produits d'épicerie sèche (16,6 %), les suivants détenant des parts nettement moindres puisqu'ensemble les quatre premiers ne représentent que 39,1 % ; qu'en revanche la forte dispersion des producteurs de produits frais et laitiers conduit à relativiser le poids de chacun, y compris des principaux opérateurs ; que le fournisseur le mieux placé ne représente que 8,1 % des achats et les quatre premiers 21,7% ;

Considérant que les producteurs de produits de premier prix référencés par la société Carrefour sont en nombre restreint et détiennent en conséquence une part relative importante : 12,6 % pour le numéro un du rayon produits frais et laitiers, 36 % pour celui du secteur droguerie entretien ; que la part des cinq premiers peut atteindre un niveau très élevé (plus de 50 % dans le secteur droguerie entretien) ; que, cependant, ces données ne signifient pas que les fournisseurs concernés détiennent une position forte face aux distributeurs en raison de la spécificité des produits concernés (produits à image faible, facilement substituables), des conditions dans lesquelles sont négociées les contrats (contrats à durée déterminée, non renouvelables), du poids de produits de premier prix dans le chiffre d'affaires global de la grande distribution ;

Considérant que la répartition des achats entre produits de grandes marques, produits à la marque des distributeurs, produits de premier prix est encore majoritairement très favorable aux produits de grandes marques, lesquels représentent 70 % des ventes de l'ensemble des produits de grande consommation alimentaire (avec des pointes à 85 % dans les secteurs de l'hygiène et de l'entretien), 75 % pour les ventes relevant du secteur bazar et 69 % pour celles de l'équipement de la maison ; que les ventes de produits de marque de distributeur représentent 14 % en moyenne des ventes de produits alimentaires et celles concernant les produits de premier prix 7 %;

Considérant que la société Carrefour, à l'origine du développement des marques de distributeurs, mène depuis une politique de développement de sa marque dans la plupart des familles de produits vendus ; que, pour sa part, la société GMB a également développé ses propres marques mais l'a fait plus récemment en ciblant plus particulièrement certaines familles de produits (produits frais laitiers, épicerie) ; qu'à défaut d'information plus précise quant à la politique menée par cette dernière société en matière de marques de distributeurs, il est permis de considérer que le poids des grandes marques dans les ventes des magasins de la société GMB reste au moins aussi élevé que chez Carrefour ; qu'ainsi, sur des marchés largement dominés par les grandes marques, la plupart des fournisseurs parait en mesure de contrebalancer la puissance de l'acheteur ;

Considérant, en second lieu, que selon les informations fournies par la société Carrefour, l'importance des achats de cette société dans le chiffre d'affaires des fournisseurs est très variable selon les familles de produits et les entreprises, sans qu'une plus grande dépendance pour un secteur déterminé n'apparaisse véritablement ; que, toutefois, le nombre restreint d'entreprises visées (28) conduit à relativiser les conclusions qui pourraient être tirées de ces constatations ;

Considérant que, sur ces 28 entreprises, la part détenue par la société Carrefour est inférieure à 10 % pour 61 % d'entre elles, dépasse 15 % pour 39 % d'entre elles et excède le seuil de 20 % dans 10 % des cas ; que les secteurs d'activités dans lesquels sont recensés les plus forts taux sont la boulangerie-pâtisserie (3 entreprises, soit 40 % des entreprises sondées, réalisent plus de 15 % de leurs ventes auprès de Carrefour), les fruits et légumes et les poissons (2 entreprises, soit 7 % des entreprises sondées) ; que les parts détenues par la société Carrefour dans le chiffre d'affaires des fournisseurs de produits non alimentaires sont également très différentes selon les secteurs ; qu'ainsi le poids du distributeur est plus élevé dans les achats de produits culturels, jouets, articles de jardin que dans les achats d'appareils électroménagers ; que toutefois les fabricants de produits de marques de distributeurs ou de premier prix semblent réaliser globalement une part plus importante de leur chiffre d'affaires avec la société Carrefour que les fournisseurs de produits à marques, la part des achats de la société pouvant atteindre dans quelques cas des taux particulièrement élevés (jusqu'à 55 %) ;

Considérant que la société GMB n'ayant pas fourni d'informations concernant ses propres fournisseurs, un questionnaire détaillé a été adressé à 116 entreprises, pour l'essentiel des petites et moyennes entreprises produisant sous marques de distributeurs et marques de premier prix, afin de recueillir leur avis sur les conséquences d'un éventuel rapprochement entre les sociétés Carrefour et GMB ; que la plupart de ces entreprises ne compte pas la société GMB parmi leurs principaux clients ; que, compte tenu des parts relatives que représente en général chacun de leurs cinq premiers clients, on peut en déduire que la part de GMB avoisine fréquemment les 5 à 7 % du chiffre d'affaires des PME et PMI qui assurent l'approvisionnement de ces enseignes ; qu'il résulte de ces divers éléments que la part détenue par les deux opérateurs dans le chiffre d'affaires de la plupart de leurs fournisseurs reste en général peu élevée et que, par voie de conséquence, la part de la nouvelle entité ne serait pas de nature à lui conférer une position dominante ou mettre ses fournisseurs en état de dépendance économique;

Considérant qu'il ressort également de ce sondage qu'une nouvelle étape dans le rapprochement entre les sociétés Carrefour et GMB ne paraît pas susciter d'inquiétude majeure de la part des fournisseurs ; que si quelques-uns d'entre eux craignent effectivement une réduction de leur chiffre d'affaires, un nombre plus important s'attend au contraire à une augmentation de leurs ventes à la nouvelle entité ; qu'un durcissement des conditions de négociation par l'existence de remises supplémentaires n'apparaît pas de nature à entraîner une rupture des relations commerciales ; que le fait qu'une majorité de fournisseurs s'attend à une stabilité, voire à une augmentation de leur chiffre d'affaires, laisse à penser que d'éventuelles remises supplémentaires seraient compensées par une augmentation des volumes commandés ; qu'en conséquence il ne ressort pas des réponses apportées qu'une telle opération soit de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'approvisionnement ;

Est d'avis :

Qu'en l'état, l'opération soumise à l'examen du Conseil de la concurrence ne constitue ni une concentration ni un projet de concentration au sens des dispositions du titre V de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'à supposer qu'un nouvel acte intervienne et ait pour conséquence de conférer à la société Carrefour une influence déterminante dans la gestion de la société GMB il s'agirait alors d'une nouvelle opération, qui serait de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la vente au détail des hypermarchés et des supermarchés de Charleville-Mézières, Dijon, Evreux, Reims et Mulhouse, sous réserve des modifications susceptibles d'intervenir dans la configuration des marchés concernés. À la demande des parties notifiantes, des informations ont été occultées. Elles relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95- 916 du 9 août 1995, avant dernier alinéa. Lire : " 23 % " au lieu de : " 28 % ".