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Décisions

Ministre de l’Économie, 13 décembre 1999, n° ECOC0000004Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Checkpoint System Inc.

Ministre de l’Économie n° ECOC0000004Y

13 décembre 1999

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 13 octobre 1999, vous avez notifié le projet d'acquisition par la société Checkpoint System Inc. (" Checkpoint ") de la société Meto AG (" Meto ") au moyen d'une offre publique d'achat de la totalité des actions de Meto.

Checkpoint est une société de droit américain, cotée à la bourse de New York, dont l'activité principale consiste en la conception, la fabrication et la distribution de systèmes électroniques de sécurité intégrés destinés à prévenir et à déceler les vols de marchandises dans les magasins. L'entreprise, présente dans 85 pays, a réalisé en 1998 un chiffre d'affaires mondial de 1,7 milliard de francs. En France, la filiale Checkpoint Systems France SA (Nanterre) a réalisé la même année un chiffre d'affaires de 88,5 millions de francs et emploie un effectif de 63 personnes.

Meto, ancienne filiale du groupe suédois Esselte AB, est une société de droit allemand cotée à la bourse de Stockholm. Meto développe, fabrique et commercialise des produits et systèmes d'identification, d'étiquetage et de protection contre le vol d'articles vendus dans le commerce de détail (Codes barres, marquage antivol, moyens d'affichage des prix, etc.). En 1998, Meto a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 2,26 milliards de francs, dont 80 % en Europe. Son activité en France, via sa filiale Meto SA qui emploie 205 personnes, a généré un chiffre d'affaires de 307 millions de francs.

L'opération emporte transfert de propriété du capital de la société Meto. Elle constitue donc une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés en France par la sociétés Checkpoint et Meto en 1998, les seuils de chiffres d'affaires prévus à l'article 38 de l'ordonnance susvisée ne sont pas franchis. Il convient donc de définir les marchés pertinents.

Les parties à l'opération sont toutes deux présentes dans le secteur des matériels destinés à prévenir et à déceler le vol en magasin. Le Conseil de la concurrence, dans son avis n° 95-A-14 du 29 août 1995 relatif à l'acquisition de la société Knogo par la société Sensormatic, a conclu à l'existence d'un marché de la protection article par article distinct, notamment du marché de la vidéosurveillance. Ce marché est concerné par l'opération.

En 1998, Checkpoint et Meto ont réalisé respectivement 12 % et 24 % des ventes de matériels de protection article par article en France. L'opération conduit donc à une part de marché cumulée de 36 %, supérieure au seuil de 25 % prévu par l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

En matière de protection article par article, deux catégories de produits sont utilisées : d'une part, les équipements fixes de détection et les accessoires de désactivation (portiques, antennes, désactivateurs) et, d'autre part, les consommables, composés principalement d'étiquettes apposées sur les produits (étiquettes adhésives à usage unique et étiquettes ou macarons rigides réutilisables). Par ailleurs, les grands fournisseurs de systèmes proposent également des services de maintenance et de formation du personnel.

Les systèmes de protection article par article appliquent différentes technologies, dont les deux plus courantes sont la technologie électro-magnétique et la technologie radio-fréquence. Il existe une préférence de la part de certains types de magasins pour une technologie particulière en fonction des caractéristiques techniques qu'elle possède. Ainsi, certaines grandes surfaces de bricolage considèrent que le système radio-fréquence peut être perturbé par la présence de produits métalliques. Il peut cependant être conclu des éléments recueillis que ces technologies sont globalement substituables entre elles du point de vue de la demande. En effet, la plupart des distributeurs et notamment les chaînes de grandes surfaces alimentaires, principaux clients des fabricants, retiennent les deux technologies et les font installer en fonction des avantages ou inconvénients que les matériels présentent au regard des besoins des points de vente à équiper.

S'agissant de la dimension géographique du marché, vous estimez que le marché de produits est de dimension au moins européenne, voire mondiale. Dans l'avis précité, le Conseil de la concurrence a néanmoins examiné les effets de l'opération précédente sur le marché français.

L'acquisition de Meto confère à Checkpoint, second offreur mondial derrière Sensormatic, une part de marché d'environ 34 % au plan mondial, en réduisant l'avance du leader (part de marché ; 59 %). En Europe, la nouvelle entité détiendra (avec 43 %) une position comparable à celle de Sensormatic (47 %). En France, la part de marché cumulée des parties à l'opération, évaluée à 36 %, demeure notablement inférieure à la part du leader Sensormatic qui détient environ 57 % du marché.

L'analyse de cette opération fait apparaître que le marché des matériels de protection article par article est désormais très concentré, au plan international comme en France, deux acteurs détenant plus de 80 % du marché. Ces deux acteurs sont présents sur les deux principaux segments technologiques mais détiennent des positions complémentaires selon les segments considérés : Sensormatic détient, en effet, plus de 80 % du segment électromagnétique, alors que Checkpoint domine le segment de la radiofréquence. A l'issue de l'opération, les entreprises Checkpoint et Meto disposeront en outre de la plus large gamme de consommables, lesquels représentent plus de la moitié de la valeur du marché.

L'examen du dossier montre cependant que l'opération n'apparaît pas de nature à créer une position dominante sur le marché des matériels de protection article par article. En effet, le leader Sensormatic conserve une avance sensible en termes de parts de marché. Son leadership est particulièrement net sur le segment de la technologie électromagnétique (55 % des installations en France). En acquérant Meto, dont les équipements installés en France relèvent principalement de cette technologie, Checkpoint devient le principal concurrent du leader sur ce segment. Néanmoins, Sensormatic conserve sa suprématie, tant sur l'ensemble du marché que sur le segment des matériels électromagnétiques.

En l'absence de liens structurels ou d'accords de coopération entre les deux principaux offreurs et compte tenu du caractère substituable des technologies électromagnétiques (très largement prééminentes en France) et radiofréquence (plus largement utilisée dans la plupart des autres pays européens), la concentration n'entravera pas le maintien d'une concurrence active sur le marché, notamment lors de nouvelles installations.

Du côté de l'offre, outre le leader Sensormatic, d'autres fournisseurs demeurent présents bien qu'aucun ne dispose d'une gamme de produits ou de services aussi large que celle offerte par les parties à l'opération. Parmi ceux-ci, la société néerlandaise Nedap représente notamment une offre concurrente en matière d'équipements radio- fréquence. S'agissant d'étiquettes adhésives, le fabricant belge Altag distribue également ses produits en France. En matière de services de maintenance, quelques entreprises non intégrées sont également présentes.

Du côté de la demande, les chaînes de la grande distribution qui disposent d'une forte puissance de négociation figurent parmi les principaux clients des grands fournisseurs de systèmes. Cette puissance d'achat se traduit, notamment lors de nouvelles installations, par des procédures de référencement centralisées qui ne se concluent en général pas par un référencement exclusif des parties. Compte tenu de la structure et du fonctionnement du marché, les utilisateurs de matériels de protection article par article continuent de disposer d'une offre alternative suffisante à l'issue de l'opération.

Enfin, les évolutions technologiques dans le domaine de l'étiquetage à la source des produits de consommation courante sont susceptibles de favoriser l'émergence de concurrents potentiels, notamment parmi les grands fabricants de matériels électroniques tels que Philips, Texas Instruments ou Mitsubishi.

Cependant, l'examen du projet de concentration fait apparaître que les conditions de location de la société Checkpoint comportent une clause de nature à imposer aux titulaires d'un contrat de location d'équipements une obligation d'approvisionnement en étiquettes, exclusivement auprès de la société Checkpoint, durant toute la durée de la location. Cette clause (article 4 des conditions générales de location) est en outre assortie d'un droit de résiliation unilatéral et de pénalités en cas de non-respect par le locataire.

Une telle obligation d'achat ne peut en aucun cas se justifier par des raisons de limitation de la responsabilité contractuelle du bailleur, chargé également de l'entretien des équipements. Elle constitue un puissant moyen d'imposer une fourniture exclusive de consommables, même en cas de modification unilatérale des conditions tarifaires, étant donné la menace permanente de reprise de l'équipement pesant sur le locataire de matériel.

Cette obligation est susceptible d'être imposée plus particulièrement à des petites et moyennes entreprises se retrouvant en situation de dépendance économique pour leur approvisionnement en consommables, parce qu'elles ne souhaitent pas ou ne peuvent pas investir dans l'acquisition onéreuse d'un système.

En outre, comme Meto représentait l'une des principales sources alternatives d'approvisionnement en étiquettes, l'opération est susceptible d'aggraver les effets d'une obligation d'achat exclusif d'étiquettes liée aux contrats de location de la nouvelle entité issue de la concentration, dans la mesure où la clause litigieuse pourrait être étendue aux conditions de location de la société acquise.

Informée de ce risque, la société Checkpoint s'est engagée à supprimer l'article 4 intitulé " Fournitures " de ses conditions générales de location à compter de la date d'acceptation de l'opération et à proposer à ses clients titulaires d'un contrat de location à cette date un avenant ayant pour effet de supprimer l'application de cet article 4 à compter du 1er janvier 2000.

Cet engagement souscrit par la société Checkpoint, en éliminant clairement tout risque d'imposition abusive d'un approvisionnement exclusif lié à la conclusion d'un contrat de location, est de nature à garantir le maintien d'une concurrence effective sur le marché des systèmes de protection article par article destinés à prévenir et déceler le vol en magasin.

Compte tenu de cet engagement et des éléments recueillis au cours de l'examen de l'opération, la présente opération ne crée ni ne renforce de position dominante sur le marché pertinent le plus étroit que l'on puisse définir, à savoir le marché français. Elle ne paraît pas de nature à modifier de façon substantielle les conditions d'exercice du jeu de la concurrence.

Je vous informe qu'il n'est donc pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.

La société Checkpoint voudra bien rendre compte de la réalisation des engagements souscrits dans les délais qu'elle a proposés.