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Décisions

Conseil Conc., 7 janvier 1997, n° 97-A-01

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Poyer par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice­présidents, M. Bon, Mme Boutard­Labarde, MM. Callu, Gicquel, Marleix, Robin, Rocca, Sargos, Sloan, Thiolon, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 97-A-01

7 janvier 1997

Le Conseil de la concurrence (formation plénière),

Vu la lettre enregistrée le 7 octobre 1996 sous le numéro A 197 par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative à la prise de contrôle du groupe Barry par la société Callebaut AG dans le secteur du cacao ; Vu l'ordonnance n° 86­1243, modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société Callebaut AG, le groupe Barry, le commissaire du Gouvernement et le ministre de l'agriculture ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Callebaut AG et du groupe Barry entendus ; Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci­après exposés :

I. ­ Constatations

A. ­ L'opération conclue

Le 8 juillet 1996, la société Callebaut AG a signé un contrat d'acquisition avec la Société de participations mobilières (SPM) et la Compagnie nationale à portefeuille (CNP), qui détiennent respectivement 50,99 % et 48,99 % du capital et des droits de vote de la société SCI et associés, laquelle détient 99,98 % du capital et des droits de vote de la société Barry SA.

Aux termes de ce contrat, les sociétés SPM et CNP s'engagent à vendre à la société Callebaut AG et celle­ci s'engage à acheter les titres qu'elles détiennent dans la société SCI et associés au prix de 1 998 530 831 francs et sous la seule condition suspensive que le rapport d'audit comptable et le rapport d'audit environnement ne fassent pas apparaître un écart supérieur à 200 millions de francs par rapport à la situation nette des comptes consolidés. La cession des titres et des comptes courants devait intervenir à la date de la réalisation de la condition suspensive. D'après le dossier de notification déposé par les parties à l'acte ces conditions auraient dû être réalisées vers le 22 août 1996.

B. ­ Les entreprises parties à la concentration

1. La société Callebaut AG

Société de droit suisse au capital de 450 millions de francs suisses, Callebaut AG est détenue en totalité par la société également de droit suisse Klaus J. Jacobs Holding AG (KJJH). Cette société holding détenue par M. Klaus J. Jacobs a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires consolidé de 5 511 millions de francs suisses, soit environ 22,3 milliards de francs français. Elle possède outre la société Callebaut AG des participations dans le secteur financier, le travail temporaire (Adia) et la confiserie (Van Houten).

Le groupe Callebaut dont la société Callebaut AG est la maison mère a pour principale activité la fabrication et la commercialisation de chocolat industriel, produit dont il est le premier vendeur mondial. Il a réalisé un chiffre d'affaires consolidé mondial en 1995 de 799 717 000 francs suisses, soit environ 3,2 milliards de francs français et un chiffre d'affaires de 249 874 000 francs français en France. L'année 1995 s'est soldée par un bénéfice net de 45 871 000 francs suisses, soit environ 183 millions de francs français. Le groupe, dont les capacités de production sont principalement situées en Belgique et détenues par sa filiale belge Callebaut NV, a également une filiale de production au Royaume­Uni (S et A Lesme Ltd) et une autre aux Etats­Unis (Comet Confectionery Inc). Il est également présent en Asie du Sud­Est, notamment à Singapour où il construit une unité de production. Il employait, fin 1995, 1 470 personnes pour une production totale de 249 000 tonnes. En plus de ses activités de production de chocolat industriel, le groupe fabrique et commercialise en Belgique des produits finis en chocolat.

La société CJ Van Houten et Zoon AG, également détenue par M. Klaus J. Jacobs, produit et distribue de la confiserie de chocolat. Elle a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires de 868 millions de francs suisses, soit environ 3,4 milliards de francs français.

2. La société centrale d'investissements et associés (SCIA) et le groupe Barry

Société anonyme de droit français, la SCIA est une société holding dont le seul actif est la participation qu'elle détient dans le capital de la société Barry SA. Elle était détenue avant l'opération à 50,99 % par la Société de participations mobilières (SPM) qui fait partie du groupe Société centrale d'investissement (SCI) dont l'actionnaire majoritaire est le groupe Vernes, et à 48,99 % par la Compagnie nationale à portefeuille (CNP), société de droit belge.

La société Barry SA est la société holding de tête du groupe Barry spécialisé dans la production des dérivés du cacao. Le groupe Barry a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires consolidé mondial de 3 milliards 787 millions de francs, en progression de 4 % par rapport à l'année précédente, dont 1 milliard 30 millions de francs pour la France, et employait fin 1995 2 152 personnes. L'année 1995 s'est soldée par un bénéfice net de 123 millions de francs contre 99 millions de francs l'année précédente.

Le groupe possède des établissements industriels en Europe, en Afrique et aux Etats­Unis. En Afrique, il détient la Société industrielle camerounaise des cacaos qui fabrique des semi­produits (masse de cacao, beurre de cacao), et deux sociétés en Côte­d'Ivoire, la Société africaine de cacao (SACO) qui produit également des semi­produits et la Chocolaterie confiserie de Côte­d'Ivoire (Chocodi), qui fabrique du chocolat de couverture.

En Europe, le groupe Barry est surtout présent en France avec une unité de production située à Louviers dans l'Eure, spécialisée dans la fabrication des produits de première transformation, et deux unités situées à Meulan dans les Yvelines, qui fournissent du chocolat de couverture et des produits chocolatés divers. Il possède par ailleurs une participation significative (25 %) dans le capital de la société Jacquot, fabricant de produits finis. Il est également présent en Belgique par l'intermédiaire de sa filiale Cacao Goemere qui possède une unité de production à Drongen où sont fabriqués du chocolat de couverture et des produits finis, ainsi que des tablettes vendues sous marques de distributeur, au Royaume­Uni (Cacao Barry UK) avec une unité de production de chocolat de couverture à Chester, aux Pays­Bas (société Bensdorp spécialisée dans la production de beurre de cacao et de poudre de cacao), en Italie (société Sicao) et en Pologne où il vient de construire une unité de production d'une capacité de 15 000 tonnes environ.

Le groupe Barry est également présent aux Etats­Unis près de Philadelphie, dans l'ensemble de la filière de transformation du cacao.

Au total, le groupe a vendu 295 000 tonnes de produits en 1995, dont environ 180 000 tonnes de produits semi­finis (chocolat de couverture, pâte à glacer).

C. - Le secteur du chocolat

La fabrication du chocolat recouvre deux grandes familles de produits, les produits semi­finis (à l'intérieur de cette famille, on peut distinguer des produits de première transformation du cacao : masse de cacao, beurre de cacao, poudre de cacao et le produit final de la transformation du cacao qui est un produit semi­fini, pour l'industrie chocolatière, le chocolat de couverture), destinés à être intégrés dans d'autres produits (articles en chocolat, biscuits, crèmes glacées...) et les produits finis (tablettes, barres ...). En amont, se placent les activités concernant la production, la première transformation, le négoce et le transport de la matière première, le cacao.

1. Le cacao

Originaire d'Amérique Centrale, le cacao est maintenant cultivé dans l'ensemble des régions tropicales. Le principal centre de production est l'Afrique Occidentale, qui représente plus de la moitié de la production mondiale avec la Côte­d'Ivoire, principal producteur avec près de 40 % de la production mondiale, le Ghana deuxième producteur mondial, le Nigeria et le Cameroun. La seconde zone de production est l'Amérique du Sud et l'Amérique Centrale avec le Brésil, l'Équateur et la République Dominicaine. Cette zone est en déclin. Enfin, l'Asie du Sud­Est, avec l'Indonésie et la Malaisie, a connu une progression rapide qui s'est arrêtée ces dernières années. La récolte mondiale 1995/1996 s'est élevée à environ 2 600 000 tonnes contre 2 321 000 tonnes en 1991/1992.

Le cacaoyer dont le fruit est appelé cabosse donne plusieurs récoltes par an. C'est à l'intérieur de la cabosse que l'on trouve les fèves de cacao. Dès la récolte, les fèves sont extraites de la cabosse et mises à fermenter puis séchées sur les lieux de production. En Afrique la production de cacao est essentiellement le fait de petits planteurs qui n'assurent pas la commercialisation de leur production sur les marchés internationaux. En Amérique et en Asie du Sud­Est elle est plus souvent assurée par de grandes plantations. Selon les pays, les intermédiaires sont plus ou moins nombreux. Des organismes régulateurs, offices de commercialisation qui se portent acquéreurs de la totalité de la production, ou caisses de stabilisation qui se contentent d'agir sur les prix et la commercialisation, existent dans plusieurs pays producteurs dont la Côte­d'Ivoire, mais de plus en plus la commercialisation du cacao s'effectue sur le marché libre et la production est vendue à des exportateurs privés appelés chargeurs.

Les transactions portent sur les marchandises disponibles et sur les récoltes à venir, aussi les transformateurs industriels, pour se couvrir contre les risques de variations des prix, utilisent­ils les marchés à terme. La fève de cacao fait l'objet de cotations sur les marchés à terme de New­York et de Londres, sur lesquels interviennent également des négociants. Sur le court terme le prix du cacao est soumis à de fortes fluctuations, tenant notamment au fait que les récoltes dépendent des variations climatiques, des événements politiques et de la spéculation. La production et les prix du cacao ont un caractère cyclique. La faiblesse des cours dans les années 1960 a entraîné une pénurie dans les années 1970. Les cours ont ensuite connu une hausse importante passant de 200 livres la tonne au début des années 1970 à 3 000 livres en 1977. Les prix élevés ont entraîné une extension des cultures avec pour conséquence une chute des cours à partir du milieu des années 1980 et ce jusqu'aux années 1992/1993. A partir de cette date on constate une légère remontée des cours aux environs de 1 000 livres la tonne.

La demande de cacao comprend deux éléments, la consommation de cacao par les transformateurs industriels de l'industrie chocolatière et la constitution de stocks. Longtemps, la production mondiale a été supérieure à la consommation. Le début des années 1990 a, au contraire, été marqué par des déficits qui ont permis une légère remontée des cours. La récolte 1995/1996 devrait être légèrement excédentaire d'environ 100 000 tonnes, d'après les estimations de l'Organisation internationale du cacao (ICCO).

Un tiers seulement de la récolte est transformé sur les lieux de production, le solde étant exporté vers les États-Unis qui ont utilisé pour la saison 1994/1995, 347 000 tonnes de fèves de cacao, et les pays d'Europe Occidentale qui en ont utilisé 1 105 000 tonnes dont 350 000 tonnes pour les Pays­Bas, 267 000 tonnes pour l'Allemagne, 153 000 tonnes pour le Royaume­Uni et 109 000 tonnes pour la France.

Les capacités de broyage par grandes zones géographiques, en milliers de tonnes de fèves, sont les suivantes :

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2. Les semi­produits

a) La masse de cacao

En usine, les fèves de cacao subissent plusieurs opérations dont la principale est la torréfaction, opération fondamentale qui permet d'abaisser la teneur en eau, de provoquer l'évaporation des acides volatils, de faciliter la séparation de l'amande et des coques et de développer l'arôme du chocolat. Cette opération se fait à une température de 100° C à 150° C. Les fèves sont ensuite refroidies et transportées dans des concasseurs où les coques sont brisées et séparées des amandes. Les grains de cacao sont alors broyés à une température élevée (50° C à 70° C). La matière obtenue est appelée pâte de cacao ou masse de cacao et constitue le premier produit de transformation du cacao. Le broyage des fèves de cacao s'effectue principalement dans les pays consommateurs d'Europe Occidentale et des États­Unis et, dans une moindre mesure, dans les pays producteurs comme le Brésil et la Côte­d'Ivoire. L'essentiel de la production de ces derniers pays est exporté aux Etats-Unis et en Europe.

La consommation mondiale de masse de cacao, utilisée en l'état pour la fabrication du chocolat, est estimée à environ 900 000 tonnes dont 430 000 tonnes en Europe et 59 000 tonnes en France. La majeure partie de cette masse est autoconsommée par les chocolatiers. La partie mise sur le marché est estimée à 170 000 tonnes au niveau mondial dont 81 000 tonnes en Europe et 18 000 tonnes en France.

Les principaux intervenants sont les sociétés américaines, Grace Cocoa qui possède des unités de production aux États-Unis, aux Pays­Bas, en Allemagne, en Côte­d'Ivoire et à Singapour, et Cargill qui possède des unités de production aux États-Unis, aux Pays­Bas et au Brésil, la société Cacao Barry qui possède des unités de production au Cameroun, en Côte­d'Ivoire, en France, aux Pays­Bas et aux États-Unis, la société britannique EDF MAN, important négociant qui possède des unités de production en Grande­Bretagne et au Brésil, et la société allemande Hamester Hosta, qui possède des unités de production en Allemagne et au Ghana.

b) Le beurre de cacao et la poudre de cacao

Ce sont deux produits élaborés à partir de la pâte de cacao. Cette dernière, en effet, peut être soit utilisée en l'état pour la fabrication du chocolat, soit pressée pour en extraire la matière grasse, appelée beurre de cacao. Le produit sec issu du pressage est le tourteau qui donne, après blutage, la poudre de cacao.

La consommation mondiale de beurre de cacao est d'environ 565 000 tonnes dont 312 000 tonnes en Europe et 34 000 tonnes en France, une partie est autoconsommée par les fabricants de chocolat, le solde qui représente 401 000 tonnes dont 231 000 tonnes en Europe et 15 000 tonnes en France est vendu sur le marché. Le marché du beurre de cacao est plus important que celui de la masse de cacao dans la mesure où certains fabricants de chocolat qui n'utilisent pas l'autre produit issu de la transformation de la pâte, la poudre de cacao, préfèrent acheter ce produit plutôt que le fabriquer eux­mêmes. Les intervenants sur ce marché sont les mêmes que ceux qui interviennent sur le marché de la masse de cacao.

La consommation mondiale de poudre de cacao est d'environ 618 000 tonnes, dont 214 000 tonnes en Europe et 41 000 tonnes en France. Une partie est autoconsommée par les fabricants de produits finis notamment de petits déjeuners et le solde qui représente 447 000 tonnes dont 178 000 tonnes en Europe et 28 000 tonnes en France est vendu sur le marché. Les principaux vendeurs sur ce marché sont Cargill, Barry, EDF MAN, Grace Cocoa et Hosta.

c) Le chocolat de couverture

Le chocolat de couverture est un mélange de pâte de cacao et de sucre qui peut être additionné de beurre de cacao, de lait, de fruits ou d'aromates. Les principales étapes de sa fabrication sont le raffinage de la pâte de cacao et du sucre, préalablement mélangés, qui permet d'obtenir un mélange homogène et le conchage, opération dont dépend en grande partie la qualité du produit tant du point de vue de l'arôme que de sa texture. L'opération de conchage consiste à malaxer la pâte à une température comprise entre 60° C et 80° C et à ajouter du beurre de cacao. Le produit obtenu est vendu soit sous forme liquide, soit sous forme solide en pains de 1 kg, 2,5 kg et 5 kg, en pistoles, en drops ou en mini­barres.

Le décret n° 76­692 du 13 juillet 1976 qui a transcrit les dispositions de la directive européenne n° 73-241 du 24 juillet 1973, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les produits de cacao et de chocolat destinés à l'alimentation humaine, définit le chocolat de couverture comme un chocolat dont la teneur minimale en beurre de cacao est de 31 % et celle de cacao sec dégraissé de 2,5 %.

Le terme de chocolat de couverture ne recouvre pas, cependant, un produit homogène, mais des produits qui varient en fonction de leur consistance (liquide ou solide), de leur teneur en beurre de cacao et de l'adjonction ou non de lait.

La situation européenne

La consommation européenne de chocolat de couverture a été en 1995 de 1 871 000 tonnes dont la majeure partie (75 %) a été autoconsommée par les fabricants de produits finis intégrés. Le solde, soit 4 590 000 tonnes, est vendu sur le marché.

Pour l'ensemble de la consommation de chocolat de couverture, la situation en 1995 était la suivante :

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En ce qui concerne les quantités mises sur le marché, la situation est la suivante :

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Les fabricants de chocolat livrent les différents pays de l'Union Européenne à partir d'un nombre limité d'unités de production. Le groupe Callebaut livre l'ensemble de l'Europe à partir de ses deux unités de production situées en Belgique et au Royaume­Uni, le groupe Barry à partir de ses unités de production situées en France, en Belgique, au Royaume­Uni et en Italie, et le groupe Grace Cocoa à partir de deux unités de production situées en France et en Allemagne. Les principales capacités de production de chocolat de couverture sont situées en Belgique où le groupe Callebaut dispose de capacités de production de 160 000 tonnes et le groupe Barry de 45 500 tonnes.

La situation française

La production vendue de chocolat de couverture a évolué comme suit : (source Alliance 7)

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Sur la période 1991/1995 la production de chocolat de couverture et plus encore de produits d'imitation, c'est­à­dire de produits qui utilisent d'autres matières végétales que le beurre de cacao et qui, selon la réglementation française, n'ont pas droit à l'appellation chocolat mais peuvent être utilisés par exemple pour la fabrication de crèmes glacées, est en progression. Il convient toutefois de souligner que les séries statistiques ne sont pas homogènes, une modification étant intervenue en 1993.

Exprimée en tonnes, la production de chocolat de couverture et d'imitation vendue en France a évolué comme suit :

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La consommation totale en France du seul chocolat de couverture a été pour les années 1994 et 1995 la suivante :

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Les importations de produits de couverture se sont élevées à 33 051 tonnes en 1994 et à 34 880 tonnes en 1995 représentant respectivement 53,8 % et 56,7 % de la consommation. Ce taux élevé des importations doit être apprécié au regard de l'importance des firmes multinationales intégrées dans le secteur et de leur tendance à livrer les utilisateurs européens à partir d'un nombre limité de centres de production.

Selon les parties, en 1995 la structure du marché du chocolat de couverture était la suivante :

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La même année, celle du végécao ou imitation de couverture était la suivante :

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D. ­ Les produits finis

Les produits finis de chocolaterie comprennent une grande variété d'articles plus ou moins élaborés dont les principaux sont le cacao en poudre sucré, les tablettes de chocolat noir ou au lait fourrées ou non fourrées, les barres chocolatées, les bonbons de chocolat, les bouchées et rochers, et les pâtes à tartiner.

Les principaux indicateurs de ce secteur ont évolué en tonnes comme suit :

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En valeur (millions de francs) la situation est la suivante :

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Pour la première fois en 1995 le solde de la balance commerciale des produits finis a été positif.

En France, la consommation moyenne de chocolat par habitant a été en 1995 de 6,2 kilos contre 9 kilos en Suisse, 8,2 kilos en Allemagne et 7,6 kilos au Royaume­Uni.

E. ­ L'offre

La structure de l'offre de produits finis est globalement très concentrée. Elle met en présence des multinationales de l'agro­alimentaire intégrées et quelques entreprises plus spécialisées. Il existe également au niveau des produits finis des petites et moyennes entreprises ainsi que des entreprises artisanales qui ne représentent ensemble qu'une faible part de la production (environ 14 % du chiffre d'affaires réalisé en France par la profession).

En ce qui concerne les produits semi­finis de chocolaterie, la Chambre syndicale nationale des chocolatiers recensait, en 1995, 10 entreprises productrices dont une seule réalisait plus de 75 % du chiffre d'affaires réalisé par cet ensemble.

La même année, le syndicat recensait 78 entreprises fabriquant des produits finis dont 3 réalisaient plus de 50 % du chiffre d'affaires et 5 en réalisaient plus de 75 %.

1. Les multinationales présentes en France

Quatre groupes internationaux de l'agro­alimentaire interviennent dans ce secteur en France : les groupes américains Philip Morris et Mars, le groupe suisse Nestlé et le groupe britannique Cadbury. Ils sont essentiellement présents sur les marchés de produits finis.

Le groupe Philip Morris, un des principaux groupes agro­alimentaires, a constitué un pôle chocolat autour de la société Kraft Jacobs Suchard, issue de la fusion de la société Jacobs Suchard (café et chocolat), et de la société Kraft général foods (épicerie). La société Jacobs Suchard avait été elle­même rachetée en 1990 à M. Klaus Jacobs, actuel propriétaire de la société Callebaut. La société Kraft Jacobs Suchard est " leader " en France avec une part d'environ 27 % dans le secteur des tablettes de chocolat (marques Suchard et Côte­d'Or). La consommation de chocolat de couverture du groupe en Europe est supérieure à sa production, aussi ne vend­t­il pas de semi­produits. Il a consommé en France 25 000 tonnes de chocolat de couverture en 1995 et a réalisé un chiffre d'affaires pour ses activités " chocolat " d'environ 1 551 millions de francs en 1994.

Le groupe Nestlé a constitué progressivement un pôle chocolat par l'acquisition en 1988 du groupe italien Buitoni puis du groupe britannique Rowntree, propriétaire de la marque Lanvin en France. Le groupe Nestlé détient en France la seconde place dans les secteurs des tablettes de chocolat (part d'environ 21 %) et de la confiserie de chocolat (part d'environ 26 %). La société Nestlé France fabrique environ 21 000 tonnes de masse de cacao et 3 800 tonnes de chocolat de couverture dont l'essentiel est autoconsommé. Elle a réalisé en 1994 un chiffre d'affaires chocolat d'environ 3 milliards de francs. Au niveau européen, le groupe Nestlé met sur le marché une faible part de sa production de chocolat de couverture, estimée à 15 000 tonnes.

Le groupe Mars est le principal chocolatier américain avec le groupe Hershey Food peu présent hors des Etats­Unis. Il dispose d'une filiale en France, Mars Alimentaire, qui ne vend que des produits finis et consomme environ 16 000 tonnes de chocolat de couverture. Mars Alimentaire est " leader " dans le secteur de la confiserie de chocolat avec une part d'environ 35 % et a réalisé en 1994 un chiffre d'affaires dans les activités " chocolat " d'environ 2,2 milliards de francs.

Le groupe Cadbury Schweppes, principal chocolatier britannique, a racheté en France les chocolats Poulain en 1988 et la société Bouquet d'Or en 1993. En France le groupe ne vend que des produits finis et est surtout présent dans le secteur des tablettes de chocolat avec une part de 12 %. Il consomme environ 20 000 tonnes de chocolat de couverture et a réalisé en 1994 un chiffre d'affaires pour le chocolat d'environ 900 millions de francs. Au niveau européen sa consommation de chocolat de couverture est supérieure à sa production.

2. Les entreprises intégrées de taille européenne

Trois groupes présents en France répondent à cette définition : le groupe italien Ferrero, le groupe suisse Lindt et Sprüngli et le groupe français Cantalou. Les groupes Ferrero et Lindt et Sprüngli ne vendent en France que des produits finis. Le groupe Ferrero est surtout présent, en France, dans le secteur de la confiserie de chocolat où il détient une part de 23 % et le groupe Lindt et Sprüngli dans le secteur des tablettes où il détient une part de 15 %. En 1994 le groupe Ferrero et le groupe Lindt et Sprüngli ont réalisé en France respectivement un chiffre d'affaires de 1 700 millions de francs et de 1 milliard de francs. Le groupe Ferrero est un acheteur important sur le marché du chocolat de couverture, sa production étant très inférieure à sa consommation.

Le groupe Cantalou intervient comme producteur de masse, beurre et poudre de cacao à partir de son usine de Berlin, et produit du chocolat de couverture dans les unités de Bègles, Tinchebray, Perpignan et Irun. Ce chocolat de couverture est utilisé principalement pour la fabrication de produits finis (marque Cemoi et marques distributeurs) et environ 9 000 tonnes sont mises sur le marché. La société Cantalou a réalisé en France en 1995 un chiffre d'affaires d'environ 1 900 millions de francs.

Trois groupes allemands Stollwerck, Hamester Hosta et Ritter peuvent être rattachés à cet ensemble mais ils ne sont que peu ou pas présents sur le marché français.

3. Les entreprises spécialisées présentes en France sur les marchés des semi­produits

Seul le groupe Grace Cocoa directement concurrent des sociétés parties à l'opération répond à cette définition. A l'instar du groupe Barry il est partiellement intégré mais à un degré moindre.

Le groupe américain Grace Cocoa, second groupe mondial de broyage, possède des unités de broyage notamment aux Pays­Bas (Cacao de Zaan) et en Allemagne (Kascho). Dans ce dernier pays, il produit également du chocolat de couverture (environ 40 000 tonnes). La filiale française du groupe, la société Soboca, ne fabrique que des produits semi­finis, essentiellement du chocolat de couverture (environ 20 000 tonnes).

4. Les petites et moyennes entreprises présentes en France

Il s'agit de fournisseurs de taille beaucoup plus modeste. Les principales sociétés sont, soit des sociétés fabriquant des produits finis, comme Valrhona et Excella, et qui vendent occasionnellement une partie de leur production de chocolat de couverture, soit de petites sociétés spécialisées comme la chocolaterie du Pecq. La société Valrhona, filiale du groupe Bongrain, a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires d'environ 200 millions de francs et a vendu environ 3 000 tonnes de chocolat de couverture. La société Excella, filiale du groupe israëlien Elite, a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 300 millions de francs et vend environ 500 tonnes de chocolat de couverture. La Chocolaterie du Pecq vend, quant à elle, environ 800 tonnes de chocolat de couverture aux artisans chocolatiers pâtissiers.

F. -La demande

En ce qui concerne les produits de la première transformation (masse de cacao, beurre de cacao et poudre de cacao), la demande émane essentiellement des fabricants de chocolat qui peuvent choisir soit d'effectuer eux­mêmes les différentes fabrications, soit de se procurer à l'extérieur, en totalité ou en partie, les produits dont ils ont besoin. Un même groupe peut avoir des stratégies différentes en fonction de la localisation de ses unités de production et de la présence plus ou moins proche des usines des fournisseurs. Cette demande est très concentrée. En Europe, elle émane essentiellement des groupes Mars, Nestlé, Kraft Jacobs Suchard, Ferrero, Lindt, Cadbury et Corn product (Banania).

La demande en chocolat de couverture émane d'entreprises de tailles et de types très différents. En fonction de l'activité des demandeurs, on distingue les boulangers pâtissiers (environ 10 % des ventes), les chocolatiers confiseurs (environ 55 % des ventes), les fabricants de biscuits (environ 20 %) et les glaciers (environ 15 % des ventes). On peut également distinguer les ventes directes aux industriels, aux chaînes comme De Neuville et Léonidas et à certains artisans, et les ventes par l'intermédiaire de distributeurs indépendants. Les clients industriels représentent, en France, 80 % des ventes du groupe Barry. Le groupe Callebaut a 2 000 clients dont 400 en France et le groupe Barry 4 714 clients dont 1 250 en France.

II. ­ Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Sur la nature de l'opération

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits ou obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer directement ou indirectement sur une ou plusieurs entreprises une influence déterminante " ;

Considérant que l'acquisition par la société Callebaut AG faisant partie du groupe Callebaut de la totalité du capital de la société SCI Associés, maison mère du groupe Barry, permet à la société Callebaut AG d'exercer une influence déterminante sur la société SCI Associés ; que cette opération constitue donc une concentration au sens des dispositions de l'article 39 de l'ordonnance précitée ;

Sur les seuils et les marchés de référence

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, une opération de concentration ne peut être soumise à l'avis du Conseil que : " Lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs " ;

Considérant que les groupes Callebaut et Barry sont présents à différents stades de la filière de fabrication du chocolat à l'exception de la production de fèves de cacao ; que le groupe Barry est présent pratiquement à tous les stades depuis le broyage des fèves de cacao jusqu'à la fabrication de produits finis ; que le groupe Callebaut est très présent dans la fabrication de chocolat de couverture ; qu'il n'a qu'une activité marginale, d'une part dans la partie amont (production de pâte de cacao), et d'autre part dans la fabrication de produits finis et est absent de la production de beurre et de poudre de cacao ;

Considérant qu'à chaque stade, les produits résultant de la transformation du cacao font l'objet d'une offre et d'une demande; qu'en conséquence, il convient de retenir un marché de la masse de cacao, produit issu du broyage des fèves de cacao, et un marché pour chacun des produits fabriqués à partir de cette masse de cacao : le beurre de cacao, la poudre de cacao, produit spécifique utilisé dans la fabrication des petits déjeuners, et le chocolat de couverture, fabriqué à partir de la masse de cacao à laquelle on ajoute du beurre de cacao, du sucre et éventuellement du lait et d'autres ingrédients et qui se présente sous une forme liquide ou des formes solides ainsi que des compositions différentes;

Considérant que la réglementation française qui réserve la dénomination " chocolat " aux seuls produits contenant du beurre de cacao à l'exclusion d'autres matières végétales, permet également de différencier de la couverture de chocolat les produits dits d'imitation ou végécao qui constituent donc un marché spécifique distinct de celui de la couverture de chocolat;

Considérant que dans le secteur des produits finis de chocolat le groupe Barry et le groupe Callebaut sont présents de manière marginale ; que le groupe Barry n'est actif qu'en tant que fabricant de produits vendus sous marques de distributeur, principalement en France et en Europe de l'Est ; que le groupe Callebaut n'est présent de manière significative qu'en Belgique ; qu'en conséquence, il n'apparaît pas nécessaire de délimiter des marchés distincts à l'intérieur du secteur des produits finis de chocolats ;

Considérant que les produits fabriqués par une entreprise pour les intégrer à ses propres fabrications ne sont pas offerts à la vente et ne peuvent donc être regardés comme présents sur le marché ;

Considérant que le groupe Barry détenait avant l'opération 41,5 % du marché du beurre de cacao et 42,7 % du marché de la poudre de cacao ; que les groupes Callebaut et Barry détenaient avant l'opération respectivement 18 % et 40 % du marché du chocolat de couverture ; que l'opération soumise au Conseil confère au groupe Callebaut­Barry issu de la concentration une part du marché national du chocolat de couverture égale à 58 % ; qu'en conséquence, le seuil en valeur relative fixé par les dispositions précitées de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est atteint sur ces marchés ;

Sur les effets de l'opération sur la concurrence

En ce qui concerne les marchés de la première transformation du cacao

Considérant que le groupe Barry détenait avant l'opération 23,4 % du marché de la masse de cacao, 41,5 % du marché du beurre de cacao et 42,7 % du marché de la poudre de cacao ; que le groupe Callebaut, présent de manière marginale sur les marchés de la masse de cacao et de la poudre de cacao, n'est pas présent sur le marché du beurre de cacao ;

Considérant que l'offre en produits émanant de la première transformation du cacao, constituée de l'ensemble Callebaut­Barry, des groupes américains Cargill et Grace Cocoa et des groupes allemands Hamester Hosta et Schokinag, est très concentrée ;

En ce qui concerne le marché du chocolat de couverture

Considérant, en premier lieu, que le groupe Callebaut qui détenait 18 % des ventes en France de chocolat de couverture augmente, en acquérant le groupe Barry, de 40 points sa part de marché qui passe à 58 %, soit une part plus de trois fois supérieure à celle de la seconde entreprise présente sur le marché, la société Soboca (groupe Grace Cocoa) dont la part est de 17 % ; qu'à l'exception du groupe Cantalou, dont la part est de 9 %, quatre autres intervenants ne disposent chacun que d'une part comprise entre 2 et 4 % et que les autres offreurs, peu nombreux, ne réalisent que des parts inférieures à 1 % ;

Considérant, en second lieu, qu'au sein de l'Union Européenne, le groupe Callebaut qui détenait 31 % du marché du chocolat de couverture augmente, en rachetant le groupe Barry, sa part de marché de 24 points ; qu'au total le nouveau groupe issu de la concentration détient une part de marché de 55 % ; que les deux seuls concurrents présents de manière significative sur ce marché sont le groupe Grace Cocoa dont la part de marché est évaluée à 8 % et la société Schokinag dont la part de marché de 9 %, est essentiellement réalisée en Allemagne ;

Considérant, en troisième lieu, que le nouveau groupe issu de la concentration dispose au sein de l'Union européenne de capacités de production d'un montant de 371 000 tonnes, ce qui correspond à environ 64 % de la consommation actuelle ; que ces capacités de production sont plus de sept fois supérieures à celles dont disposent ses principaux concurrents, Grace Cocoa et Schokinag, évaluées à 50 000 tonnes pour chacun de ces groupes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'opération de concentration concernée modifie de façon substantielle la concentration de l'offre de chocolat de couverture en France et au sein de l'Union européenne ;

Considérant que les parties à l'opération font valoir que cette concentration de l'offre ne comporterait pas de risques pour les utilisateurs de chocolat de couverture dans la mesure où il existerait en Europe des capacités de production disponibles et où les entreprises intégrées décideraient de mettre une partie de leur production sur le marché ;

Mais considérant que si les parties à la concentration soutiennent que les capacités disponibles dans l'Union Européenne s'élèvent à 100 000 tonnes, elles additionnent, pour parvenir à ce chiffre, des capacités excédentaires appartenant à des entreprises dont aucune d'elles ne serait en mesure à elle seule de satisfaire les besoins des clients les plus importants et dont certaines ne sont pas présentes sur le marché comme United Biscuit ; qu'en France, les capacités de production excédentaires du principal concurrent du nouveau groupe, la société Soboca, sont d'environ 6 000 tonnes ; que si la société Cantalou dispose de capacités disponibles importantes pour la production de produits finis destinés au consommateur, elle ne dispose que d'environ 5 000 tonnes de capacités de production de chocolat de couverture ; qu'en Belgique les capacités de production disponibles sont d'environ 5 000 tonnes pour chacune des sociétés présentes sur le marché, Nestlé, Belcolade et Jacques, très inférieures à celles détenues par l'ensemble Callebaut­Barry qui sont estimées à plus de 25 000 tonnes, par les parties à la concentration, notamment à la suite de la perte du débouché constitué par le groupe Kraft Jacobs Suchard passé à l'autoproduction ; que celles détenues par les entreprises allemandes, d'ailleurs peu présentes en France, sont également individuellement d'environ 5 000 tonnes ;

Considérant que les principaux clients estiment que les entreprises présentes sur le marché ou susceptibles d'y pénétrer ne disposent pas de capacités de production suffisantes pour satisfaire leurs besoins; que la politique traditionnelle des utilisateurs est de répartir leurs achats entre deux fournisseurs principaux qui, dans la majorité des cas, sont les sociétés Barry et Callebaut et que les possibilités pour chaque utilisateur de chocolat de couverture de changer de fournisseur sont limitées dans la mesure où les produits ne sont pas homogènes et sont adaptés à la demande spécifique des clients qui souhaitent conserver la constance du goût de leurs produits ; qu'en particulier, la société Danone dont les besoins se montent à 30 000 tonnes par an et qui s'approvisionne pour 90 % de ses besoins auprès des groupes Barry et Callebaut a déclaré : " De nouveaux fournisseurs de chocolat sont très difficiles à trouver en Europe, du fait de la faible capacité de la plupart des autres fournisseurs. De plus, les processus d'homologation de nouveaux fournisseurs sont nécessairement très longs dans une société telle que la nôtre qui cherche avant tout à garder son niveau de qualité élevée. En conséquence, l'homologation d'un nouveau fournisseur si nous arrivions à le trouver, peut demander entre 6 et 12 mois de travail.... " ; que la société Guylian qui s'approvisionne à hauteur de 95 % auprès des groupes Barry et Callebaut estime : " Hormis le groupe Callebaut­Barry, il n'existe pas de fournisseurs susceptibles de fournir les besoins spécifiques des entreprises ; ceci est dû au manque de capacité disponible et à la connaissance technologique de la production de chocolat industriel appliquée dans des domaines très variés : ex : applications dans la préparation des produits glacés " ; que, par ailleurs, la société Abtey souligne : " En cas de hausse des prix de vente de nos fournisseurs actuels, il s'avérera très difficile de trouver en France ou à l'étranger d'autres sociétés réellement spécialisées dans ce métier et qui nous permettraient de concurrencer efficacement les tarifs proposés par les leaders actuels de ce marché " ;

Considérant que les entreprises intégrées qui utilisent le chocolat de couverture pour la fabrication des produits finis (Mars, Nestlé, Cadbury, Kraft Jacobs Suchard, Ferrero, Lindt, Cantalou, Hosta) ne sont pas présentes en tant qu'offreurs sur le marché ou ne le sont que de manière marginale comme Nestlé ou Cantalou ; qu'en outre, certaines de ces sociétés comme Philip Morris, Cadbury ou Ferrero sont acheteurs nets de chocolat de couverture ; qu'en retenant l'hypothèse selon laquelle ces sociétés seraient en mesure d'augmenter leurs capacités de production afin de pénétrer le marché, elles n'auraient aucun intérêt à fournir les utilisateurs de chocolat de couverture à des conditions favorables dans la mesure où ces clients seraient leurs concurrents directs sur les marchés de produits finis, marchés sur lesquels les marges bénéficiaires sont plus élevées ; que les utilisateurs font état de leur réticence à s'approvisionner auprès de fournisseurs qui sont aussi leurs concurrents ; qu'en particulier la société Danone déclare : " Mis à part le problème d'homologation, l'achat de chocolat de couverture auprès des groupes intégrés pose quelques problèmes. Tout d'abord, la partie de la production qui serait mise sur le marché ne serait pas suffisante pour satisfaire nos besoins. Deuxièmement, le chocolat est une de nos matières premières les plus importantes, et il est évident que nous ne pourrons être dépendants de nos concurrents pour l'achat de cette matière première " ; que la société Guylian estime également que lorsque les groupes intégrés sont ses concurrents directs : " ils pourraient demander un prix excessif et/ou contrôler chaque fabricant par le biais de nos besoins " ; qu'elle ajoute : " Les multinationales européennes Mars, Nestlé, Jacobs Suchard, Cadbury et Ferrero n'ont pas vocation à produire des dizaines de types différents de chocolat industriel avec des recettes différentes mais se concentrent sur quelques types majeurs de produits qui font appel au produit de base " ;

Considérant que si les barrières à l'entrée sur le marché du chocolat de couverture sont faibles, celles­ci sont élevées sur les marchés de la première transformation du cacao, très capitalistiques et à faible valeur ajoutée ; que la concentration donne au nouveau groupe une part importante du marché du chocolat de couverture, lui assure ainsi un débouché pour ses activités amont et lui confère donc un avantage compétitif certain ; qu'en conséquence, la conjonction de l'intégration verticale du nouveau groupe et de parts de marché élevées aux différents stades de la filière constitue une barrière à l'entrée ; que, dans sa réponse au questionnaire adressé par le rapporteur, la société Cadbury France remarque : " La barrière manifeste à l'entrée sur le marché de première transformation du chocolat et du chocolat de couverture est l'investissement industriel.... Il s'agit d'une industrie à forte intensité capitalistique et faible valeur ajoutée, les matières premières représentant 80 % de la valeur de production " ; que la société Mars Alimentaire considère : " Qu'il existe des barrières à l'entrée, en particulier : La production à tous les stades de la filière nécessite des investissements en capitaux substantiels pour les installations de productions spécialisées. Des volumes de production importants sont indispensables afin de rendre la production de liqueur, de beurre et de poudre concurrentielle en matière de prix et de coût.... " ; que la société Nestlé France précise : " Sur des marchés où les intervenants sont peu nombreux (excepté le marché des fèves de cacao) les seules barrières à l'entrée sur les différents marchés résultent des investissements nécessaires, qui sont très coûteux " ; que la société Cantalou estime : " Nous pensons qu'il existe deux barrières à l'entrée de ces marchés : 1ère barrière : Pour l'industrie de 1ère et de 2ème transformation, les investissements industriels sont très élevés avec retour sur le long terme (industrie lourde) ...... " ;

Considérant, en ce qui concerne la demande, que si les cinq premiers clients de l'ensemble Barry­Callebaut représentent 31 % des ventes, on ne saurait en déduire une puissance des acheteurs supérieure à celle de leurs fournisseurs alors qu'après la concentration, ces acheteurs, au lieu de se trouver en face de deux groupes concurrents de taille comparable, sont confrontés, en France et au sein de l'Union Européenne, à un seul groupe en position prééminente ; qu'en outre, les grands acheteurs sont liés à leurs fournisseurs par des relations contractuelles portant, notamment, sur la recherche et le développement en commun de nouvelles références, ce qui limite d'autant leur possibilité de se retourner vers d'autres fournisseurs ; que, par ailleurs, la demande est également constituée d'un nombre important de petites et moyennes entreprises artisanales ou de distribution ; qu'au total le nombre de clients du groupe Callebaut est de 2 000 dont 400 en France et le nombre de clients du groupe Barry est de 4 714 dont 1 250 en France ;

Considérant enfin, que s'il est allégué que les prix des matières premières utilisées dans la fabrication du chocolat de couverture sont connus des acheteurs, et que si ces matières premières représentent de l'ordre de 80 % du prix du chocolat de couverture, cela n'implique pas, dès lors que les fournisseurs de ce produit peuvent pratiquer des prix diversifiés, comme l'ont reconnu les parties dans leurs observations, que la concurrence ne soit pas possible entre ces fournisseurs ; que, par ailleurs, la concentration de l'offre résultant de l'opération est de nature à renforcer la capacité du groupe Callebaut­Barry d'influer sur les prix du chocolat de couverture ;

Considérant qu'en raison de l'accroissement des parts du nouveau groupe sur le marché du chocolat de couverture, de son intégration verticale et des obstacles à l'entrée de nouveaux offreurs et au développement de l'offre intégrée, l'opération comporte des risques d'atteinte à la concurrence sur ce marché ;

Sur la contribution au progrès économique et la compétitivité internationale des entreprises en cause

Considérant que l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prévoit que : " Le Conseil de la concurrence apprécie si le projet de concentration ou la concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le Conseil tient compte également de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale " ;

Considérant que les parties notifiantes allèguent que l'opération de concentration contribuerait au progrès économique en permettant une rationalisation de la production et de la commercialisation des usines des groupes Callebaut et Barry et une fusion de leurs centres de recherche ;

Mais considérant qu'il n'est nullement démontré que l'opération de concentration soit nécessaire à une rationalisation de la production et de la commercialisation ; que, selon les parties elles­mêmes, au­delà d'une certaine quantité aucune économie d'échelle n'est possible ; qu'il n'est pas non plus établi que la concentration facilitera la recherche ; que celle­ci peut porter, soit sur les caractéristiques chimico­physiques des produits, soit sur leurs caractéristiques gustatives ; que, dans le premier cas, les parties ont reconnu devant le Conseil que la recherche pouvait être sous­traitée, notamment à des laboratoires universitaires, et que, dans le second cas, lequel ne nécessite, selon les déclarations des parties, que des moyens limités, elle peut être effectuée en collaboration avec les clients ;

Considérant que les parties notifiantes estiment que l'opération renforce " le pôle français de la chocolaterie " ; qu'elle permettra une augmentation des exportations et des possibilités de développement vers des zones où la consommation est croissante ;

Mais considérant que le contrat d'acquisition ne comporte aucune disposition concernant le développement industriel du nouveau groupe et qu'il n'a été pris aucun engagement devant le Conseil s'y rapportant ;

Considérant, par ailleurs, qu'il n'est pas établi que l'opération de concentration soit nécessaire au développement des exportations du groupe Barry; qu'il n'est, en effet, pas contesté que ce groupe est fortement implanté à l'étranger; qu'il exporte déjà une partie importante de sa production et possède des filiales de production et de commercialisation en Pologne, en Afrique (Côte­d'Ivoire et Cameroun) et en Amérique du Nord ; qu'il n'est pas non plus démontré comment le groupe Callebaut, peu développé dans la première transformation du cacao, serait en mesure d'améliorer la distribution des produits fabriqués en Afrique par le groupe Barry, ni en quoi cette amélioration favoriserait les clients et les consommateurs,

Est d'avis : Qu'en l'état, la concentration soumise à l'examen du Conseil de la concurrence n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence sur le marché du chocolat de couverture qu'elle comporte.