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Décisions

Ministre de l’Économie, 17 septembre 1998, n° ECOC9800119A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie

Ministre de l’Économie n° ECOC9800119A

17 septembre 1998

Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le ministre de l'Agriculture et de la Pêche,

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V ; Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance précitée, notamment son article 30 ; Vu la notification en date du 17 mars 1998 faite par la société The Coca-Cola Company de son projet d'acquisition de l'ensemble des actifs du groupe Pernod Ricard relatifs aux boissons de marque "Orangina" ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 7 mai 1998 ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence du 29 juillet 1998 ; Vu les observations de la société Pernod Ricard en date du 14 septembre 1998 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre, 1986 : "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs entreprises une influence déterminante" ;

Considérant que l'accord conclu le 17 décembre 1997 entre les sociétés TCCC et Pernod Ricard SA, en tant qu'il a pour objet de transférer à la première de ces sociétés une partie des biens, droits et obligations de la seconde, constitue un projet de concentration au sens de l'article 39 précité ;

Considérant que la société TCCC détient près de 45 % du capital de la société CCE ; qu'environ 10 % du capital de CCE est réparti entre une multitude de petits porteurs et qu'aucun des autres actionnaires (directeur général de l'entreprise, établissements financiers, salariés) ne détient individuellement plus de 8 % des parts ; qu'au cours des dernières années, la participation de TCCC lui a conféré près de 50 % des voix lors des assemblées générales de CCE ; que, dans son rapport annuel pour 1996, la société CCE précise : "Les produits de The Coca-Cola Company représentent approximativement 91 % de notre chiffre d'affaires total. Notre conseil d'administration de quatorze membres comprend quatre dirigeants ou anciens dirigeants de The Coca-Cola Company, l'un d'eux étant notre président" ; qu'ainsi que l'a souligné la Commission des Communautés européennes dans sa décision du 22 janvier 1997 relative à la prise de contrôle par CCE de la société Amalgamated Beverages, il est fort improbable que les autres actionnaires de CCE votent en bloc contre TCCC ; qu'en effet, outre que le reste du capital de CCE est aux mains de nombreux actionnaires dont les intérêts ne sont pas nécessairement identiques, ces mêmes actionnaires ne peuvent ignorer le préjudice qui pourrait résulter d'une éventuelle opposition à TCCC pour la société CCE et, par voie de conséquence, pour la valeur de leurs actions, sachant que les activités de CCE sont inextricablement liées à celles de TCCC ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TCCC exerce une influence déterminante sur la société CCE ; qu'en conséquence, ces deux sociétés doivent être regardées comme constituant un seul groupe ;

Considérant que les boissons gazeuses sans alcool (BGSA) sont généralement fabriquées avec de l'eau courante additionnée d'un mélange d'arômes et de sucres (le sirop) ainsi que de gaz carbonique ; que les groupe Coca-Cola et Pernod Ricard ont en commun de produire et de distribuer plusieurs marques de boissons gazeuses sans alcool, le premier avec ses marques "Coca-Cola", "Fanta" et "Sprite", le second avec ses marques "Orangina", "Brut de Pomme" et "Ricqlès" ; que, contrairement à la marque "Orangina", les marques "Brut de Pomme" et "Ricqlès" ne sont pas concernées par la présente opération ;

Considérant que, dans son dossier de notification, la société TCCC, après avoir souligné "qu'il n'est pas nécessaire en l'espèce de délimiter formellement le marché pertinent, car elles (les parties) considèrent que l'opération notifiée ne peut être considérée comme contribuant à renforcer une position dominante sur un quelconque marché pertinent, même si celui-ci est défini - à tort - de façon étroite", soutient que le marché pertinent sur lequel les boissons produites par Coca-Cola et Orangina sont concurrentes est "au minimum celui des boissons rafraichissantes sans alcool", comprenant notamment l'eau du robinet, les eaux embouteillées, les jus de fruits, les boissons plates aux fruits ; que la société notifiante précise que, même en retenant l'existence d'un marché distinct des boissons au goût de cola, "l'exclusion des colas devrait conduire à définir un marché comprenant à tout le moins toutes les autres boissons rafraîchissantes sans alcool, en raison des rapports directs de concurrence qui existent entre ces boissons et, en tous les cas, à exclure une définition fondée uniquement sur le goût de la boisson concerné" ; que cette société fonde son affirmation sur des études réalisées à sa demande par l'institut Research International, sous la direction de M. Robert D. Willig, par le Coca-Cola Research Institue, par le Princeton Economic Group, par [...] et par M. Glais, professeur à l'université de Rennes ;

Mais considérant, en premier lieu, que, dans sa décision en date du 22 juillet 1992 relative à la concentration Nestlé/Perrier, la Commission des Communautés européennes a délimité un marché spécifique des eaux de source embouteillées, plates, gazeuses ou aromatisées, en se fondant, notamment, sur les motivations des consommateurs qui les associent avec les notions de pureté, de propreté, de santé, sur les caractéristiques de leur composition, sur leur prix et sur le fait qu'elles sont achetées régulièrement pour un usage quotidien en grande quantité afin de satisfaire un besoin alimentaire fondamental ;

Considérant, en deuxième lieu, que dans sa décision en date du 22 janvier 1997 relative à la concentration Coca- Cola/Amalgamated Beverages GB la Commission des Communautés européennes a reconnu que les boissons gazeuses non alcoolisées pouvaient être distinguées des autres types de boissons (jus de fruits, produits laitiers, eaux, etc...) en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel elles sont destinées ; qu'elle a notamment relevé que : "La structure de la consommation semble varier considérablement d'un type de boisson à l'autre. Les eaux minérales et les jus de fruits, par exemple, se consomment surtout à l'heure des repas pris à la maison et, en ce qui concerne les jus de fruits, au petit déjeuner. Les boissons gazeuses non alcoolisées se prennent souvent en d'autres occasions, notamment dans les établissements de restauration rapide ou lors de réunions amicales... L'étude réalisée, en mars 1996, par l'institut Audits and Surveys Worldwide en Grande-Bretagne aboutit à des conclusions similaires. Les boissons gazeuses sans alcool sont la boisson favorite des clients des établissements de restauration rapide ou lors de réunions en société. En revanche, les jus de fruits et les eaux minérales sont davantage associés à la volonté de consommer des boissons saines. Rares sont les consommateurs à citer les boissons gazeuses sans alcool comme étant bonnes pour la santé" et que : "Les principales caractéristiques physiques et génériques que les consommateurs attribuent aux boissons gazeuses non alcoolisées sont le goût sucré et la composition effervescente (...). Ces boissons ont, dans une certaine mesure, la réputation d'être artificielles et ne semblent pas associées à un effet positif sur la santé (...). La consommation de boissons gazeuses sans alcool est motivée moins par leurs propriétés désaltérantes que par leurs propriétés stimulantes (dues à la présence de sucre et de caféine et à leur caractère effervescent). Les raison profondes qui poussent les consommateurs à demander des boissons gazeuses non alcoolisées ou, à l'inverse, du lait, des jus de fruits et de l'eau en bouteille sont, semble-t-il, radicalement différentes" ; qu'au vu de ces éléments, la Commission a considéré que, "pour des raisons essentielles", les boissons gazeuses non alcoolisées devaient être distinguées des autres boissons et constituer un marché de référence ;

Considérant, en troisième lieu, que, dans sa décision en date du 11 septembre 1997 relative à la concentration The Coca-Cola Company/Carlsberg, la Commission des Communautés européennes a estimé que " (...) les boissons gazeuses sans alcool se distinguent des autres boissons sans alcool, comme le café, le thé, le lait, les jus de fruits et les eaux préemballées, et constituent ensemble, un marché de produits en cause distinct" ; que, pour délimiter ce marché spécifique des boissons gazeuses sans alcool, la Commission a notamment souligné que ces boissons sont souvent consommées pendant les heures de loisir, contrairement aux autres boissons sans alcool, qui sont prises dans un but plus précis ; qu'elles sont plus chères que le lait, le thé, le café ;

Considérant que l'analyse développée dans les décisions citées ci-dessus est confirmée par une étude de M. C. Montet, professeur à l'université Montpellier-I, réalisée à la demande du groupe Pepsi-Co, qui établit, en utilisant des séries de variations de prix désaisonnalisées, que la corrélation entre les BGSA au goût d'orange et les boissons plates aux fruits est très faible, ce qui incite à considérer qu'elles appartiennent à des marchés distincts ; qu'en ce qui concerne la relation entre les boissons gazeuses sans alcool au goût d'orange et les jus de fruits, la corrélation entre les variations de prix de ces deux types de produits avant désaisonnalisation est si faible qu'il n'apparaît pas même nécessaire de désaisonnaliser les séries ;

Considérant que le groupe Coca-Cola a produit une étude intitulée "Définition du marché pertinent d'Orangina et Fanta Orange en France" réalisée par le Princeton Economic Group ; que, dans cette étude, le groupe Coca-Cola retient la méthode de la corrélation des prix appliquée au BGSA au goût d'orange et à d'autres catégories de boissons rafraîchissantes sans alcool ; que cette étude repose sur l'idée selon laquelle, si le coefficient de corrélation entre les prix des boissons de marque "Orangina" et le prix d'une autre boisson est supérieur au coefficient de corrélation entre les prix de deux boissons qui sont incontestablement substituables, en l'occurrence la boisson "Coca-Cola" et la boisson "Pepsi-Cola", les boissons de marque "Orangina" et cette autre boisson sont alors substituables entre elles et appartiennent au même marché ; que, selon le groupe Coca-Cola, cette étude établirait que le marché pertinent comprend à tout le moins la plupart des BGSA autres que les colas (les BGSA au goût de citron/citron vert, les limonades et les tonics), mais également les boissons plates aux fruits, les jus de fruits et les nectars ainsi que les boissons de l'effort, de telle sorte que sur le marché pertinent la part des volumes vendus par Coca-Cola passerait approximativement de [0-10] % à [10-20] % à la suite de l'acquisition d'Orangina ; que l'étude suggère que le thé glacé pourrait également être inclus dans le marché pertinent et que la réalisation de l'opération envisagée ferait alors passer la part des volumes vendus par Coca-Cola de [0-10] % à [10-20] % ;

Mais considérant que la méthodologie suivie par le Princeton Economic Group appelle de sérieuses réserves ; qu'en premier lieu sont comparées des séries de prix plutôt que des séries de variations de prix ; qu'en second lieu ces séries de prix n'ont pas été désaisonnalisées de telle sorte que les effets dus aux variations de demande et de prix entre les saisons, susceptibles d'affecter toutes les boissons, augmentent artificiellement la corrélation des prix des différentes boissons considérées ; que ces faiblesses méthodologiques sont soulignées notamment par le fait que la valeur du coefficient de référence, c'est-à-dire le coefficient de corrélation entre les prix de la boisson "Coca-Cola" et ceux de la boisson "Pepsi-Cola", dépend de la longueur de la série, de prix considérée ; qu'ainsi, par exemple, alors que le coefficient de corrélation entre les prix de la boisson "Coca-Cola" et ceux de la boisson "Pepsi-Cola" calculés par le Princeton Economic Group pour la période allant de janvier 1995 à janvier 1998 est de [...], ce même coefficient calculé pour la période allant de novembre 1995 à janvier 1998 est de [...] ; que d'autres études estiment ce même coefficient à [...] que l'incertitude qui pèse sur cette valeur de référence rend donc particulièrement peu fiables les résultats de cette étude qui ne peut servir à établir que la boisson "Orangina" serait substituable à un grand nombre d'autres boissons plates aux fruits, de jus de fruits ou de nectars ; que, d'ailleurs, l'auteur de l'étude a reconnu lors de la séance du Conseil de la concurrence du 29 juillet 1998 que la valeur de référence dépendait crucialement de la période retenue ;

Considérant, par ailleurs, qu'a été produite par la société notifiante une étude intitulée "[...]" émanant de [...] ; que cette étude décrit l'évolution des habitudes de consommation [...] entre 1996 et 1997 et indique que la marque Orangina a vu ses volumes de ventes diminuer en 1997 par rapport à ce qu'ils étaient en 1996, cependant que les jus de fruits, les nectars et d'autres boissons, comme l'eau en bouteille, ont vu leur volume augmenter ; que ces indications ne sont cependant pas de nature à établir si ces modifications dans la structure de la consommation proviennent d'une évolution des goûts des consommateurs dans le temps ou si elles révèlent une substituabilité entre ces différents types de boissons ; que cette incertitude est d'ailleurs renforcée par le fait que, d'après cette étude, seulement [un très faible pourcentage] des pertes de volumes d'Orangina aurait été compensé par une augmentation des ventes de Fanta ce qui suggérerait contre toute attente que Fanta serait moins substituable à Orangina que, par exemple, les limonades ou le Lipton Ice Tea ;

Considérant également que la société notifiante a produit une étude de M. Robert D. Willig intitulée "Identification du marché de produit pertinent du Coca-Cola en France : toutes les boissons rafraîchissantes et sans doute davantage" ; que cette étude s'appuie largement sur un "test du monopoleur hypothétique", test reconnu et utilisé par certaines autorités de concurrence ; que le résultat présenté tend à montrer que les colas ne forment pas un marché pertinent ; qu'un tel résultat provient d'une valeur élevée de l'élasticité de la demande de colas au prix ; mais que ce test a été réalisé pour des hausses de prix hypothétiques de 20 %, pour lesquelles les élasticités sont supérieures aux élasticités correspondant à des hausses de prix de 10 % : que les autorités de la concurrence qui utilisent ce test recommandent d'utiliser des hausses modérées, qui ne dépassent jamais 10 % : que le même test réalisé avec des hausses de prix hypothétiques de 10 %, en utilisant des élasticités fournies par le Coca-Cola Research Institute, conduit à délimiter un marché pertinent des colas ;

Considérant, enfin, que la Commission des Communautés européennes dans sa décision du 22 janvier 1997 précitée, constatant que les boissons au goût de cola étaient perçues tant par les offreurs que par les demandeurs comme un produit spécifique, a considéré que lesdites boissons constituaient un marché distinct des autres BGSA ; qu'il convient en conséquence de considérer l'existence d'un marché pertinent des boissons au goût de cola ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'appartiennent au même marché de produits les BGSA autres que les colas; considérant qu'il ne peut être exclu que des marchés plus étroits puissent être distingués à l'intérieur de ce marché global, mais que, quel que soit le ou les marchés de produits considérés, la contrôlabilité de l'opération serait établie et l'analyse concurrentielle identique ; qu'il n'est donc pas nécessaire pour l'analyse de la présente opération de se prononcer sur l'éventualité d'une segmentation du marché des BGSA autres que les colas ;

Considérant que les boissons incluses dans le marché de référence sont distribuées sur l'ensemble du territoire français, soit dans les magasins alimentaires, soit dans les cafés, hôtels, restaurants et autres collectivités ; qu'en 1996, ces deux circuits ont représenté respectivement 78 % et 22 % des ventes en volume desdites boissons ; que la consommation hors foyer présente des caractéristiques spécifiques en raison des prestations qui l'accompagnent et de contraintes particulières d'espace; qu'à ce titre, elle doit être distinguée de la consommation à domicile;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les marchés nationaux concernés par la présente opération sont, d'une part, les marchés des colas et des BGSA autres que les colas vendus dans les magasins alimentaires et, d'autre part, ceux de ces mêmes boissons vendus dans les cafés, hôtels, restaurants et autres établissements de consommation hors foyer;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 une opération de concentration ne peut être soumise à l'avis du Conseil de la concurrence que : "Lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs" ; que, par ailleurs, l'article 27 du décret du 29 décembre 1986 précise que : "Le chiffre d'affaires pris en compte à l'article 38 de l'ordonnance est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou par mandataire vers l'étranger" ;

Considérant qu'en 1996, dernière année pour laquelle étaient disponibles des données complètes lors de l'analyse de l'opération, la société Orangina France détenait une part de [30-40] % sur le marché des BGSA autres que les colas destinés à la consommation hors foyer, que le groupe Coca-Cola détenait une part de [20-30] % sur ce même marché ; qu'à l'issue de la présente opération, ce groupe détiendra près de [60-70] % dudit marché ; que, par ailleurs, le groupe Coca-Cola détenait [70-80] % du marché des colas destinés à la consommation à domicile et [80-90] % du marché des colas destinés à la consommation hors foyer ; qu'en conséquence l'opération est contrôlable au regard de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que la publicité et la promotion constituent des investissements irrécupérables en cas d'échec sur le marché ; que pour les nouveaux entrants, l'implantation d'une nouvelle marque est non seulement très coûteuse mais encore nécessite un délai important comme le souligne l'étude réalisée par le professeur C. Montet qui indique : "Un simple indicateur de l'importance des coûts irrécupérables nécessaires pour entrer et se développer nous est fourni par les budgets publicitaires des acteurs actuels du marché des colas en France. Pepsi-Cola a investi sur les cinq dernières années 246 millions de francs en dépenses publicitaires. Dans le même temps, Coca-Cola investissait 474 millions de francs (alors que ce dernier est dix fois plus important que Pepsi en France). Malgré l'énorme dépense de Pepsi, qui est en outre une marque mondiale à très forte notoriété, les parts de marché de Pepsi n'ont progressé que de [...] points de part de marché (de [0-10] à [0-10] %). C'est dire l'ampleur des investissements irrécupérables qui seraient nécessaires pour introduire une nouvelle boisson gazeuse sur le marché" ;

Considérant que cette analyse sur l'importance des investissements nécessaires pour lancer une nouvelle marque est partagée par la Commission des Communautés européennes dans plusieurs décisions ; qu'ainsi, dans sa décision du 11 septembre 1997 susvisée, elle relève que : "L'image de marque joue un rôle essentiel pour l'augmentation des ventes dans le domaine des BGSA, et des sociétés comme TCCC et Pepsi-Co ont réussi à fidéliser leur clientèle grâce à des investissements très lourds qui leur ont permis de maintenir la bonne image de leurs marques. L'introduction d'une nouvelle marque nécessiterait donc des dépenses de publicité et de promotion très élevées, afin de persuader des clients fidèles de renoncer à leurs marques habituelles de boissons gazeuses sans alcool. De plus, en raison de la fidélité des consommateurs aux marques connues, un nouveau fournisseur aurait beaucoup de difficultés à persuader la clientèle des détaillants de changer de fournisseur, ce qui constituerait une entrave supplémentaire à l'entrée. De telles dépenses de publicité et de promotion sont des coûts perdus et accroîtraient considérablement les risques qu'implique l'accès à ce marché" ;

Considérant ainsi que les marchés de référence sont caractérisés par de très fortes barrières à l'entrée et que, hormis les grandes marques internationales précitées, aucun concurrent potentiel n'est en mesure de pénétrer sur les marchés français à un niveau significatif et dans des délais rapides, comme l'atteste le fait que depuis dix ans seuls les grands groupes titulaires de marques de forte notoriété sont parvenus à créer des marques nouvelles fortes dans le secteur des BGSA, tant les investissements de lancement sont élevés ;

Considérant qu'après la réalisation de la présente opération, le groupe Coca-Cola détiendra [60-70] % du marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer ; qu'à l'exception du groupe Cadbury-Schweppes avec ses marques "Schweppes Indian Tonic", "Gini", "Canada Dry" et "Schweppes Orange" (environ [...] millions de litres, soit [moins de 10 %] du marché) et de la société Pepsi-Cola avec sa marque "Seven Up" ([...] millions de litres, soit [moins de 10 %] du marché), aucun autre intervenant ne détient une position significative sur ce marché ;

Considérant que le groupe Coca-Cola détient parallèlement plus de [80-90] % du marché des colas à destination de la consommation hors foyer ([...] millions de litres sur un total de 235,5 millions de litres) ; que les boissons vendues dans les circuits de la consommation hors foyer sous la marque "Coca-Cola" représentent à elles seules un volume supérieur à l'ensemble des autres BGSA vendus dans les mêmes circuits ([...] millions de litres contre 208,5 millions de litres) ;

Considérant que les grandes catégories de demandeurs de BGSA sont, d'une part, les intermédiaires de la consommation hors foyer (entrepositaires grossistes, magasins de payer-prendre) qui approvisionnent notamment les cafés, hôtels et restaurants traditionnels et, d'autre part, des acheteurs de dimension nationale (chaînes de restauration rapide, cafétérias, grandes entreprises de distribution automatique, groupes pétroliers, etc.) ; que si les points de vente de la consommation hors foyer doivent disposer de plusieurs variétés de BGSA, leurs contraintes d'espace les conduisent à sélectionner une seule marque pour chaque variété de BGSA ; qu'ainsi les cafés, hôtels et restaurants ne retiennent généralement qu'une marque pour chacune des variétés de BGSA (cola, gazeux au goût d'orange, lemon lime, tonic ou thé gazeux) ; que les chaînes de restauration rapide et les cafétérias retiennent un éventail encore plus restreint de produits, le choix offert au consommateur en matière de boissons sans alcool se limitant généralement à trois catégories de BGSA (un cola, un gazeux au goût d'orange et un gazeux clair), à un jus de fruit et à de l'eau minérale, l'éventail de ces produits étant commun à l'ensemble des établissements du groupe ; que d'autres acheteurs (groupes d'exploitation cinématographique, grandes entreprises de distribution automatique, groupes pétroliers pour leurs stations-service...) ont un mode de sélection des produits identique ; que, lorsque pour une catégorie de boissons, il existe une marque de grande notoriété faisant l'objet d'une demande spontanée soutenue, c'est cette marque qui sera préférentiellement choisie ; qu'il en résulte que la position des marques de premier plan est encore plus forte sur ce marché que sur celui des BGSA destinées à la consommation à domicile ; qu'ainsi "Orangina" représente près de [30-40] % des ventes en volume de BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer, alors que sa part n'est que de [10-20] % dans les circuits de la consommation à domicile ; que "Coca-Cola" représente [80-90] % des ventes de colas dans les circuits de la consommation hors foyer, alors que sa part de marché est de [70-80] % pour la consommation à domicile ;

Considérant, en outre, que les producteurs disposent généralement d'une gamme de produits de plus ou moins grande notoriété ; qu'une ou plusieurs des boissons qu'ils commercialisent peuvent apparaître incontournables pour les demandeurs sur le marché des BGSA destinées à la consommation hors domicile ; que tel peut être le cas si la marque d'une ou plusieurs de ces boissons dispose d'une notoriété plus importante que celle des autres marques présentes sur le même segment ; qu'ainsi, par exemple, la marque "Orangina" dispose d'une notoriété plus importante que la marque "Fanta" que, de même, certaines boissons peuvent apparaître comme incontournables, même si leur part dans le secteur des BGSA est faible lorsqu'elles n'ont pas de concurrent direct sur leur segment qu'ainsi, par exemple, les boissons "Schweppes Indian Tonic" et "Gini " du groupe Cadbury-Schweppes, qui ne sont pas positionnées sur les mêmes segments que les boissons offertes par Coca-Cola ou par Pepsi-Cola, sont considérées par de nombreux intermédiaires de la consommation hors foyer, comme l'ont souligné les entrepositaires grossistes interrogés par le Conseil de la concurrence au cours de son instruction, comme incontournables compte tenu de l'absence d'alternative sur leur segment, alors même que ces marques ne représentent respectivement que [...] et [...] millions de litres, soit [moins de 10 %] et [moins de 10 %] du marché des BGSA destinées à la consommation hors domicile ;

Considérant que la stratégie concurrentielle des groupes présents dans le secteur des BGSA repose, d'une part, sur la promotion de leurs marques afin d'assurer à celles-ci une notoriété suffisante pour qu'elles deviennent difficilement contournables, ce qui peut garantir à ces groupes tout à la fois des débouchés et la perspective de pouvoir vendre leurs marques plus cher que les marques directement concurrentes et, d'autre part, sur la recherche de niches commerciales ; qu'ainsi, par exemple, le groupe Cadbury-Schweppes a notamment choisi d'axer son développement sur une stratégie de niches, cependant que les groupes Coca-Cola et Pepsi-Co, dont les boissons sont directement concurrentes, axent leur développement sur la promotion de leurs marques ;

Considérant que l'accès au marché des BGSA destinées à la consommation hors domicile constitue un enjeu crucial pour le jeu de la concurrence pour l'ensemble du secteur des BGSA ; qu'en effet, outre que les divers circuits de la consommation hors foyer représentent 22 % des ventes totales de BGSA, ils constituent des lieux où se prennent des habitudes de consommation ; que si, comme le soutient le groupe Coca-Cola, les débits de boissons traditionnels sont en régression constante, tel n'est pas le cas des autres points de vente de la consommation hors foyer ; que ces derniers représentent d'ores et déjà plus de [...] % des ventes de BGSA destinées à la consommation hors foyer réalisées par le groupe Coca-Cola ; que, en particulier, les chaînes de restauration rapide connaissent une croissance de plus de 10 % par an ; que, pour les fabricants de BGSA, ils présentent le double avantage de permettre la mise en avant de leurs produits et de s'adresser aux clients les plus jeunes qui constituent leur cible privilégiée ; qu'un produit lancé avec succès sur le marché de la consommation hors foyer se verra nécessairement accorder un espace linéaire par les distributeurs alimentaires ; qu'enfin la part de ce marché dans les profits est supérieure à sa part dans les ventes ;

Considérant que les groupes commercialisant des BGSA pour la consommation hors foyer ont intérêt à axer leurs efforts commerciaux sur la vente des marques les moins notoires de leur gamme ou les plus directement concurrencées en s'appuyant sur la demande spontanée de leurs marques les plus notoires ; que parce qu'elle permet tant l'accès dans des conditions favorables aux circuits de la consommation hors domicile que, dans certains cas, la vente de quantités importantes de nature à rentabiliser la force de vente, la détention d'une marque considérée comme incontournable permet à son propriétaire d'inciter ses clients à se fournir également auprès de lui pour compléter leur gamme en achetant les boissons de son groupe positionnées sur les autres segments du marché mais dont les marques, tout en étant notoires, ne sont pas incontournables compte tenu de l'existence d'alternatives possibles sur ces autres segments ; que l'utilisation de cet effet de levier ou de portefeuille garantit l'existence d'une concurrence active dès lors que les quelques groupes présents dans le secteur détiennent chacun une marque considérée comme incontournable ;

Considérant que la société Pepsi-Cola qui, après l'opération, n'aura plus d'accord de distribution avec la société Orangina France, ne bénéficiera plus d'une association avec une marque notoire de boisson gazeuse à l'orange ; que la marque "Pepsi-Cola" ne représente que [0-10] % des ventes sur le marché des colas destinés à la consommation hors foyer et que [...] % des entrepositaires grossistes interrogés au cours de son instruction par le Conseil de la concurrence ont considéré que cette marque pouvait être remplacée par une marque directement concurrente ; que "Seven Up" ne représente que [0-10] % du marché des BGSA autres que les colas destinées aux mêmes circuits et que [...] % des entrepositaires grossistes ont considéré que cette marque pouvait être remplacée par une marque directement concurrente ; que le fait pour ces marques de ne plus être commercialisées par un distributeur disposant d'une marque notoire prévendue faisant de celui-ci un interlocuteur obligé des intermédiaires de la consommation hors foyer, pourrait conduire ces derniers à ne plus les retenir ;

Considérant en outre que le groupe Coca-Cola est en possession de la marque incontournable sur le marché des colas destinés à la consommation hors foyer, plus de 82 % des entrepositaires grossistes interrogés au cours de son instruction par le Conseil de la concurrence ayant considéré que cette marque ne pouvait pas être remplacée par une marque directement concurrente; qu'il sera également après l'opération en possession de la marque de BGSA à l'orange considérée comme incontournable par près de 90 % des grossistes ;

Considérant que le groupe Coca-Cola sera désormais également le seul opérateur à même de présenter une offre de produits comprenant à la fois un cola, un gazeux orange et un gazeux clair, la détention d'une gamme comportant ces trois types de produits constituant un facteur déterminant dans le choix d'un fournisseur pour les acheteurs des groupes de restauration commerciale et autres acheteurs de dimension nationale; que, pour ces acheteurs, le groupe Cadbury-Schweppes, qui propose des produits n'ayant pas d'équivalent direct, ne dispose pas d'une marque de cola et ne peut donc constituer une alternative à l'offre du groupe Coca-Cola ; que, pour sa part, la société Pepsi-Cola ne pourra plus bénéficier d'une association commerciale avec une marque notoire de boisson gazeuse à l'orange lui permettant de bénéficier d'un effet de levier ou de portefeuille ;

Considérant que si, de ce point de vue, il est soutenu que la société Pepsi-Cola pourrait commercialiser la marque espagnole de boisson à l'orange Kas, ainsi qu'elle a commencé à le faire sur le marché de la consommation à domicile, il y a lieu de relever que cette marque est pratiquement inconnue en France ; que cette circonstance peut constituer un obstacle déterminant sur le marché de la consommation hors foyer, dans la mesure où, ainsi qu'il a été indiqué, les acheteurs ne retiennent généralement qu'un nombre de marques limité en privilégiant les plus notoires ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, pour imposer aux yeux des acheteurs une marque de boisson gazeuse à l'orange concurremment à la marque "Orangina", devraient être réalisés des investissements publicitaires d'autant plus importants que ceux affectés à la marque "Orangina" sont eux-mêmes très élevés ; que, selon les informations fournies par la société The Coca-Cola Company dans son dossier de notification, les investissements publicitaires consacrés annuellement à la marque "Orangina" s'élèvent à plusieurs dizaines de millions de francs, et ce alors même que la notoriété de cette marque est déjà établie ; que, par ailleurs, le renforcement de la puissance de marché du groupe Coca-Cola lié à l'opération, et le fait qu'il détiendra, avec les marques "Orangina" et "Fanta", les deux principales marques de boissons gazeuses à l'orange ne peuvent que réduire la probabilité de succès commercial d'une nouvelle marque ; qu'en cas d'échec les investissements publicitaires sont irrécupérables ; que ces éléments, ajoutés au fait que les ventes en France de BGSA ne représentent que 1,4 % des ventes mondiales de BGSA, constituent autant de facteurs objectifs propres à dissuader un intervenant de dimension internationale tel que le groupe Pepsi-Co d'investir préférentiellement sur ce marché, même s'il n'est pas contestable que le groupe Pepsi-Co est un groupe puissant de dimension internationale ;

Considérant dès lors, qu'en acquérant la marque "Orangina", le groupe Coca-Cola, qui détient déjà une marque incontournable sur le marché des colas destinés à la consommation hors domicile, détiendra également une marque incontournable située sur un segment important du marché des BGSA, alors qu'il détient déjà sur ce segment une marque concurrente de bonne notoriété, la marque "Fanta", et que seuls les groupes Coca-Cola et Pepsi-Cola sont en concurrence frontale sur le marché, dès lors que le groupe Cadbury-Schweppes a choisi une stratégie de niches en offrant des produits qui ne sont pas positionnés sur les mêmes segments ;

Considérant que ces éléments sont de nature à restreindre la concurrence dans le court et moyen terme, non seulement sur le segment des boissons gazeuses sans alcool à l'orange sur lequel les deux marques les plus importantes seront désormais sous le contrôle du groupe Coca-Cola, mais également sur l'ensemble du marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer, en privant à court et moyen terme la société Pepsi-Cola de la possibilité d'utiliser l'effet de levier ou de portefeuille susdécrit, compte tenu du fait que cette société ne dispose pas d'une possibilité alternative d'offrir sur ce segment essentiel du marché un produit autre que ceux de la gamme offerte par Coca-Cola et disposant d'une notoriété suffisante;

Considérant que la marque Orangina se situe au premier rang sur le marché des BGSA autres que les colas destinés à la consommation à domicile avec une part de [10-20] % correspondant à [...] millions de litres vendus en 1996 ; qu'au second rang se trouve le groupe Cadbury-Schweppes, dont les produits vendus sous les marques "Schweppes Indian Tonic", "Gini" et "Canada Dry" ont représenté [10-20] % du marché en 1996 [...] millions de litres) ; que le groupe Coca-Cola se trouve au troisième rang avec les marques "Fanta" et "Sprite" qui ont représenté [moins de 10 %] du marché en 1996 ; qu'au quatrième rang se trouve le groupe Pepsi-Cola dont les produits vendus sous la marque "Seven Up" ont représenté [0-10] % de ce même marché en 1996, soit [...] millions de litres ;

Considérant que la réalisation de l'opération projetée conférera [20-30] % de part de marché, correspondant à un volume de [...] millions de litres, au nouvel ensemble constitué des marques "Orangina", "Fanta" et "Sprite" ; que ce nouvel ensemble se situera au premier rang des fournisseurs de BGSA autres que les colas et sera titulaire, en France, d'un portefeuille de marques de très forte notoriété présentes sur des marchés connexes, dont deux "Orangina" et "Coca-Cola", sont considérées comme incontournables par les distributeurs ;

Considérant que,d'une manière générale, la détention par un même opérateur de plusieurs marques de forte notoriété qui sont présentes sur le même marché ou sur des marchés connexes est susceptible de procurer à cet intervenant des avantages par rapport à la concurrence; que cet opérateur est ainsi en mesure de proposer aux distributeurs une gamme développée de produits ; qu'il dispose d'une plus grande souplesse pour adapter ses prix, promotions et remises et d'une puissance renforcée pour développer ses activités de vente, de marketing et de promotion ;

Considérant toutefois que les distributeurs disposent d'un pouvoir de négociation lié notamment à leur taille, à la possibilité d'avoir recours à d'autres fournisseurs et à la faculté de déréférencer certains produits ; qu'en France les quatre principaux clients du groupe Coca-Cola dans la grande distribution alimentaire représentent [...] % des ventes en volume réalisées par ce groupe ; que ses huit principaux clients dans le même secteur représentent [...] % de ces ventes ; que, d'une manière générale, les distributeurs disposent de linéaires leur permettant d'accueillir un plus grand nombre de BGSA que le secteur du hors foyer ; que le nombre et la diversité des marques distribuées conditionnent l'attractivité de leurs magasins, comme l'ont souligné les distributeurs interrogés au cours de l'instruction ; qu'il est donc de leur intérêt de maintenir un large choix de produits tant que ceux-ci leur sont proposés à des conditions économiques équivalentes ; que les distributeurs, pour préserver leur pouvoir de négociation, ont également intérêt à pouvoir s'adresser à plusieurs fournisseurs ;

Considérant cependant que l'attractivité commerciale de la gamme Coca-Cola/Orangina sera telle qu'elle limitera fortement l'intérêt des distributeurs à préserver la concurrence dans le rayon des boissons gazeuses sans alcool ; qu'il est très largement reconnu que le marché hors foyer a un pouvoir prescripteur sur les ventes destinées à la consommation à domicile ; que l'effet d'entraînement est tel que l'affaiblissement de la concurrence sur le premier de ces marchés renforcera les risques concurrentiels sur le second ;

Considérant que, dans son dossier de notification, la société TCCC allègue que la présente opération "aura des effets positifs sur la concurrence, en renforçant l'assise du groupe Pernod Ricard, d'une part, et en donnant à Orangina le bénéfice d'un réseau de distribution étendu et solidement implanté dans tous les pays du monde, d'autre part" ; que, sur le premier point, elle fait valoir que "les ressources financières générées par cette opération permettront au groupe Pernod Ricard de renforcer ses positions dans ses principaux secteurs d'activités et de se consacrer à la poursuite de son développement international, en particulier pour ses boissons sans alcool non visées par l'opération et pour ses boissons non alcoolisées", que le secteur des boissons alcoolisées "a été, au niveau mondial, le théatre de nombreuses fusions et acquisitions" et que, dans ce contexte, "il est essentiel que Pernod Ricard demeure pleinement compétitif par rapport aux principaux acteurs dans la catégorie des boissons alcoolisées" ; que, sur le second point, elle soutient que "la marque Orangina a un important potentiel de croissance, non seulement en Europe mais aussi dans de nombreux pays", que "le caractère mondial du système de distribution de Coca-Cola permettra d'accroître les ventes des concentrés d'Orangina", que "le savoir-faire de Coca-Cola dans le domaine du marketing, son système de distribution et sa capacité à poursuivre ses activités dans des zones géographiques à devises multiples sont susceptibles d'augmenter de manière substantielle les exportations de produits Orangina", que l'opération donnera à la marque Orangina accès au réseau de marketing de Coca-Cola, qui devrait assurer son succès à l'échelle mondiale", que "si l'opération n'avait pas lieu, des investissements considérables sur plusieurs années seraient probablement nécessaires pour développer par d'autres moyens la présence internationale des boissons Orangina", que "l'expérience montre que, lorsqu'elle acquiert des marques ayant déjà une certaine notoriété sur le marché, Coca-Cola en assure le développement avec succès" et qu'en conséquence, "l'opération devrait avoir, sous réserve d'une conjoncture favorable, un impact positif tant sur les exportations que sur l'emploi en France et devrait contribuer efficacement au développement économique" ; que la société TCCC soutient que cette opération permettra également de réaliser des économies de coûts de distribution, qui bénéficieront tant aux distributeurs qu'aux consommateurs finaux ;

Considérant que pour sa part la société Pernod Ricard fait valoir que la vente au groupe Coca-Cola de la marque "Orangina" lui permettra de recentrer son développement sur le secteur des boissons alcoolisées et lui fournira les moyens de procéder à des acquisitions dans ce secteur ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'acquisition de la marque "Orangina" par le groupe Coca-Cola lui permettra de réaliser des économies de coûts de distribution; que,cependant, aucun élément n'est fourni permettant d'établir que des économies également importantes ne pourraient être obtenues par le jeu du développement interne par le groupe Coca-Cola des ventes et de la part de marché de la marque "Fanta" ou que, d'ailleurs, les économies invoquées pourraient compenser les atteintes à la concurrence sur le marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer ; que, par ailleurs, si la société Coca-Cola fait valoir son désir de promouvoir la marque "Orangina" à l'étranger, elle n'a pas fourni d'indications précises quant à la viabilité de ce projet et a admis n'avoir pas réalisé de test dans les pays dans lesquels elle soutient vouloir développer cette marque ; qu'ainsi ce développement de la marque "Orangina" à l'étranger, s'il constitue une déclaration d'intention, ne constitue pas une contribution certaine de l'opération au progrès économique ;

Considérant, enfin, qu'il n'est pas contesté que le groupe Pernod Ricard puisse légitimement vouloir se recentrer sur son métier principal, ayant constaté la faible synergie entre la commercialisation d'alcools et de BGSA ; que, de même, il n'est pas contesté que la vente de la marque "Orangina" par le groupe Pernod Ricard soit de nature à lui procurer, compte tenu du prix élevé auquel le groupe Coca-Cola est prêt à faire cette acquisition, des ressources financières non négligeables lui permettant d'envisager plus facilement des opérations d'acquisition dans le secteur des vins et spiritueux que, cependant, il n'est pas démontré que d'autres solutions ne pourraient permettre à Pernod Ricard de se désengager du secteur des BGSA ; qu'à cet égard le directeur général du groupe a indiqué lors de la séance du Conseil de la concurrence du 29 juillet 1998 [...] ; qu'en outre il n'est pas établi que d'autres formules de désengagement qu'une vente à un concurrent ne puissent être envisagées, [...] ; qu'enfin, si la vente au groupe Coca-Cola est manifestement de nature à permettre à Pernod Ricard d'obtenir un meilleur prix que celui qui aurait pu résulter de formules alternatives de désengagement du secteur des BGSA, cet avantage pour Pernod Ricard ne saurait être considéré comme un progrès économique pour la collectivité, dès lors que cette dernière supporterait en contrepartie le coût induit d'un affaiblissement de la concurrence sur le marché des BGSA autres que les colas destinés à la consommation hors foyer ;

Considérant dès lors que ce projet de concentration est de nature à porter atteinte à la concurrence au sens du titre V de l'ordonnance susvisée; qu'il n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante de nature à compenser ces atteintes ; qu'il convient en conséquence de prendre les mesures propres à rétablir une concurrence suffisante sur les marchés concernés ;

Considérant que les propositions contenues dans la lettre de la société Pernod Ricard en date du 16 septembre 1998 ne sont pas de nature, à elles seules, à permettre la réalisation de l'objectif susvisé ;

Considérant que,pour rétablir une situation de concurrence suffisante, il est nécessaire que la société The Coca-Cola Company soit absente du marché hors domicile des marques "Orangina" pendant une période suffisamment longue;

Considérant que,en l'état, les propositions d'engagement de cette dernière contenues dans la lettre de son conseil du 17 septembre 1998 ne portent pas sur une durée suffisante; qu'elles sont également insuffisantes quant à l'étendue des activités hors domicile susceptibles d'être transférées à un tiers,

Arrêtent :

Art. 1er - Il est enjoint à la société The Coca-Cola Company de renoncer à l'acquisition des actifs du groupe Pernod Ricard relatifs aux boissons "Orangina" pour ce qui concerne la France. La répartition des actifs relatifs aux boissons "Orangina" pour les activités françaises et internationales sera soumise à l'accord préalable du ministre chargé de l'économie.

Art. 2 - Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le directeur général de l'alimentation sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

(*) A la demande des parties notifiantes, les parts de marché exactes sont occultées et remplacées par une fourchette plus générale.

Les informations relevant du "secret des affaires" ont été occultées en application de l'article 28 du décret n° 86- 1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95-916 du 9 août 1995 (avant-dernier alinéa).