Ministre des Finances, 28 avril 1997, n° ECOC9710387Y
MINISTRE DES FINANCES
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DES FINANCES
Défendeur :
Conseil de la société Legrand
MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX FINANCES ET AU COMMERCE EXTÉRIEUR
Maître,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 3 mars 1997, vous m'avez notifié l'acquisition de l'activité "éclairages de sécurité" du groupe SAFT par la société Legrand.
S'agissant d'une prise de contrôle, cette opération constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Cette concentration n'est pas contrôlable au regard des seuils en valeur absolue prévus par l'article 38 de l'ordonnance précitée, les entreprises parties à l'acte réalisant ensemble en France un chiffre d'affaires hors taxes inférieur à 7 milliards de francs. Il convient donc de rechercher si le seuil en valeur relative prévu par ce même article est atteint, ce qui impose de définir le ou les marchés pertinents.
En l'espèce, les produits concernés sont les éclairages de sécurité, c'est-à-dire des appareils qui détectent électroniquement une défaillance du système électrique normal, fournissent une source alternative de lumière et guident les personnes à l'intérieur ou vers l'extérieur des bâtiments en cas de nécessité.
Ces appareils sont appelés "blocs autonomes", ou "sources centrales", selon que la batterie d'accumulateurs qui les fait fonctionner y est incorporée ou se trouve placée dans une armoire séparée. Ces deux types d'appareils peuvent être considérés comme constitutifs d'un seul marché pertinent dans la mesure où ils concourent l'un et l'autre à la même finalité, sont produits par les mêmes fabricants en application d'une même technologie, sont distribués par les mêmes réseaux ; ils sont donc substituables pour le demandeur.
Le marché économiquement pertinent est de dimension nationale. En effet, si les normes relatives à la qualité du produit sont déjà standardisées et deviendront obligatoires au niveau européen dès septembre 1997, les normes relatives à la sécurité du produit restent nationales et peuvent constituer un frein aux importations.
A l'examen de ce dossier, il a été observé que les ventes en France réalisées par le nouvel ensemble sont largement supérieures au seuil de 25 %, prévu par l'article 38 de l'ordonnance. L'opération est donc contrôlable.
En dépit de la forte position du nouveau groupe, cette opération n'apparaît pas de nature à porter atteinte à la concurrence, compte tenu des éléments suivants :
- sur le marché français, les principaux concurrents de la nouvelle entité issue de la concentration sont principalement des filiales de groupes d'envergure mondiale dont la tendance est plutôt à l'expansion, alors même que les parts de marché des parties restent stables depuis quelques années ;
- s'agissant de l'ouverture du marché, même si le marché économiquement pertinent reste national, on observe que les principaux concurrents étrangers ont contourné l'obstacle des normes de sécurité, soit en fabriquant des produits conformes aux règles françaises, soit en rachetant des entreprises françaises. Les produits étant de conception simple, faciles à transporter et dans l'ensemble interchangeables d'un fournisseur à l'autre, le marché semble en voie d'européanisation ;
- dans ce cadre, le marché national est attractif puisque le prix des produits y est égal ou supérieur à celui pratiqué dans les pays voisins ;
- au niveau de la distribution, les éclairages de sécurité sont vendus pour l'essentiel soit aux grossistes en matériels électriques (fortement concentré au sein de deux grands groupes d'envergure mondiale), soit aux installateurs. Les clients devraient donc tous être en mesure de peser sur les prix ou de modifier la répartition de leurs approvisionnements pour faire jouer la concurrence (1).
(1) A la demande des parties notifiantes ce paragraphe a été occulté.
Cette information relève du "secret des affaires" en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Je vous prie d'agréer, maître, l'assurance de mes sentiments distingués.