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Décisions

Ministre de l’Économie, 24 novembre 1999, n° ECOC0000133A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie

Ministre de l’Économie n° ECOC0000133A

24 novembre 1999

Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le ministre de l'Agriculture et de la Pêche,

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V ; Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance précitée, notamment son article 30 ; Vu l'arrêté du 17 septembre 1998 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et du ministre de l'Agriculture et de la Pêche relatif au projet d'acquisition par la société The Coca-Cola Company de l'ensemble des actifs du groupe Pernod Ricard relatifs aux boissons de marque " Orangina " ; Vu la notification en date du 14 juin 1999 faite par la société The Coca-Cola Company de son projet d'acquisition des actifs du groupe Pernod Ricard relatifs aux boissons de marque " Orangina " ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 12 mai 1999 ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence du 28 septembre 1999 ; Vu les observations de la société The Coca-Cola Company et de la société Pernod Ricard en date du 22 novembre 1999 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs entreprises une influence déterminante. "

Considérant que l'accord conclu du 4 mai 1999 entre les sociétés The Coca-Cola Company (TCCC) et Pernod Ricard SA rétablissant et amendant la lettre d'intention du 17 décembre 1997, en tant qu'il a pour objet de transférer à la première de ces sociétés une partie des biens, constitue un projet de concentration au sens de l'article 39 précité ;

Considérant que les boissons gazeuses sans alcool (BGSA) sont généralement fabriquées avec de l'eau courante additionnée d'un mélange d'arôme et de sucre (le sirop) ainsi que de gaz carbonique ; que les sociétés TCC et Pernod Ricard ont en commun de produire et de distribuer plusieurs marques de BGSA, la première avec ses marques " Coca-Cola ", " Fanta " et " Sprite ", la seconde avec ses marques " Orangina ", " Brut de Pomme " et " Ricqlès " ; que, contrairement à la marque " Orangina ", les marques " Brut de Pomme " et " Ricqlès " ne sont pas concernées par la présente opération ;

Considérant que, dans son avis n° 98-A-09 du 29 juillet 1998, le Conseil de la concurrence a estimé, d'une part, que les BGSA devaient être distinguées des autres boissons rafraîchissantes sans alcool en raison de leurs caractéristiques physiques, des habitudes de consommation et des données relatives aux prix et, d'autre part, que les BGSA au goût de cola devaient être distinguées des autres BGSA en raison de la spécificité de leur goût, de leur origine et de leur image particulière aux yeux des consommateurs; qu'ainsi le Conseil a considéré que les BGSA autres que les colas appartenaient au même marché de produits;

Considérant que, de même, les ministres, dans leur arrêté du 17 septembre 1998, ont considéré que les marchés de produits devaient isoler les BGSA au goût de cola d'une part, et les BGSA autres que les colas d'autre part, en se fondant sur de nombreux éléments qualitatifs et quantitatifs, et notamment sur un test du monopole hypothétique réalisé à partir de données sur la demande fournies par TCCC ;

Considérant que, dans son arrêt du 9 avril 1999, le Conseil d'Etat a confirmé la définition des marchés retenue par le Conseil dans son avis et par les ministres dans leur arrêté du 17 septembre 1998;

Considérant que, depuis la date de cet avis et de cet arrêté, aucune évolution n'est intervenue qui aurait été de nature à remettre en cause cette analyse; que le marché de produits directement concerné par la présente opération est donc celui des BGSA autres que les colas;

Considérant cependant que le marché des BGSA au goût de cola peut également être affecté de façon indirecte par l'opération, compte tenu de l'existence d'offreurs communs aux deux marchés et de portefeuilles de marques qui regroupent des boissons relevant des deux marchés ;

Considérant que les boissons incluses dans les marchés de référence sont distribuées sur l'ensemble du territoire français soit dans les magasins alimentaires, soit dans les cafés, hôtels, restaurants et autres collectivités; qu'en 1998, ces deux circuits ont représenté respectivement 77,1 % et 22,9 % des ventes en volume desdites boissons ;

Considérant que la consommation hors foyer présente des caractéristiques spécifiques en raison des prestations qui l'accompagnent et de contraintes particulières d'espace, comme l'a souligné le Conseil dans son avis n° 98-A-09 précité et comme l'ont estimé les ministres dans leur arrêté du 17 septembre 1999 précité ; que, du point de vue du consommateur, l'achat d'une boisson dans le circuit hors foyer procède d'une démarche différente de l'achat du même produit dans le circuit alimentaire ; qu'en effet, les boissons achetées dans le circuit hors foyer sont généralement consommées immédiatement alors que les boissons achetées dans le circuit alimentaire font l'objet d'une consommation différée ; que, dès lors, la consommation hors foyer doit être distinguée de la consommation à domicile;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les marchés nationaux directement concernés par la présente opération sont, d'une part, le marché des BGSA autres que les colas vendues dans les magasins alimentaires et, d'autre part, celui de ces mêmes boissons vendues dans les cafés, hôtels, restaurants et autres établissements de consommation hors foyer; que peuvent être également indirectement concernés le marché des BGSA au goût de cola vendues dans les magasins alimentaires et, d'autre part, celui de ces mêmes boissons vendues dans les cafés, hôtels, restaurants et autres établissements de consommation hors foyer ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 une opération de concentration ne peut être soumise à l'avis du Conseil de la concurrence que : " Lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs " ; que, par ailleurs, l'article 27 du décret du 29 décembre 1986 précise que : " Le chiffre d'affaires pris en compte à l'article 38 de l'ordonnance est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou par mandataire vers l'étranger " ;

Considérant qu'en 1998, dernière année pour laquelle des données complètes sont disponibles, la société Orangina France détenait une part de 20,8 % sur le marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation à domicile et que le groupe Coca-Cola détenait une part de 11,9 % sur ce même marché ; qu'à l'issue de la présente opération, ce groupe détiendra 32,7 % dudit marché ; que, sur la même période, la société Orangina France détenait une part de 33,5 % sur le marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer et que le groupe Coca-Cola détenait une part de 23,9 % sur ce même marché ; qu'à l'issue de la présente opération, ce groupe détiendra un portefeuille de marques représentant plus de 57 % de ce dernier marché ; que, par ailleurs, le groupe Coca-Cola détenait 84 % du marché des colas destinés à la consommation à domicile et près de 91 % du marché des colas destinés à la consommation hors foyer ; qu'en conséquence l'opération est contrôlable au regard de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que, ainsi que l'a relevé le Conseil de la concurrence dans son avis n° 98-A-09,le marché pris en considération est principalement un marché de marques; que les barrières à l'entrée sur ce marché ne sont pas d'ordre industriel mais sont constituées par l'accès aux marques et par l'accès aux clients ; que l'importance des investissements nécessaires pour lancer une nouvelle marque a été soulignée par la Commission des Communautés européenes dans plusieurs décisions ; que, notamment dans sa décision du 11 septembre 1997 relative à la concentration TCCC/Carlsberg SA, elle relève que : " L'image de marque joue un rôle essentiel pour l'augmentation des ventes dans le domaine des BGSA, et des sociétés comme TCCC et Pepsico ont réussi à fidéliser leur clientèle grâce à des investissements très lourds qui leur ont permis de maintenir la bonne image de leurs marques. L'introduction d'une nouvelle marque nécessiterait donc des dépenses de publicité et de promotion très élevées, afin de persuader des clients fidèles de renoncer à leurs marques habituelles de boissons gazeuses sans alcool. De plus, en raison de la fidélité des consommateurs aux marques connues, un nouveau fournisseur aurait beaucoup de difficultés à persuader la clientèle des détaillants de changer de fournisseur, ce qui constituerait une entrave supplémentaire à l'entrée. De telles dépenses de publicité et de promotion sont des coûts perdus et accroîtraient considérablement les risques qu'implique l'accès à ce marché " ; que, toutefois, depuis dix ans, quelques grands groupes titulaires de marques internationales de forte notoriété sont parvenus à créer des produits nouveaux ou des déclinaisons de produits existants ; qu'il en a été ainsi de " Virgin Cola " lancé en 1997 et dont les ventes s'élevaient en 1998 à 13,2 millions de litres, d'" Orangina rouge " lancé en 1996 et dont les ventes représentaient, en 1997, 27 millions de litres, ou encore de " Pepsi Max " dont les volumes de vente ont atteint en 1997 33 millions de litres (secret d'affaires source : rapport Canadean, 1998) ; que, de la même manière, des boissons au thé glacé (Liptonic, Lipton Ice Tea) ont été lancées en Europe à partir de l'année 1990 et s'y sont développées ;

Considérant qu'en décembre 1998, la société TCCC a annoncé l'achat pour la somme de 1,85 milliard de dollars (environ 11 milliards de francs) des marques de boissons sans alcool appartenant au groupe Cadbury Schweppes (" Schweppes ", " Canada Dry ", " Dr Pepper ", " Crush ", et des marques " régionales ") ; que l'accord conclu entre les deux sociétés couvrait 120 pays et prévoyait l'achat des sites de production de concentré situés en Irlande et en Espagne ainsi que de tous les éléments relatifs à l'activité boissons de Cadbury Schweppes tels que les contrats d'embouteillage et de distribution et le savoir-faire ; que les Etats-Unis, la France et l'Afrique du Sud étaient expressément exclus de cet accord ; que cette opération a été autorisée par les autorités de concurrence de certains pays (Irlande, Grèce, Turquie, Suède, Slovaquie et Royaume-Uni) ; qu'en revanche elle a été jugée contraire aux règles de la concurrence dans d'autres pays (Australie, Belgique et Mexique) ; qu'elle a fait l'objet d'une procédure d'examen en Allemagne et en Italie ;

Considérant que l'acquisition par TCCC des usines européennes de concentré et des marques du groupe Cadbury Schweppes dans tous les pays d'Europe autres que la France, si elle s'était réalisée, aurait été susceptible d'affecter l'indépendance commerciale de la société Schweppes SA, filiale française de Cadbury Schweppes ; qu'en effet, 91 % des distributeurs alimentaires interrogés au cours de l'instruction ont déclaré qu'ils étaient prêts à s'approvisionner dans un pays voisin s'ils pouvaient obtenir des conditions d'achat plus favorables pour une même marque de BGSA ; qu'il en serait résulté que la société Schweppes SA, déjà dépendante du groupe Coca-Cola pour ses approvisionnements en concentré, aurait difficilement pu mettre en œuvre une politique tarifaire et commerciale distincte de celle pratiquée par le groupe Coca-Cola pour les boissons de mêmes marques dans l'ensemble des autres pays ;

Considérant, par ailleurs, que l'accord initial conclu entre TCCC et Cadbury Schweppes comportait une clause aux termes de laquelle le groupe Cadbury Schweppes s'interdisait de vendre des marques ou des éléments d'actifs à un concurrent majeur de TCCC " qui disposerait d'une présence globale importante correspondant à des revenus annuels provenant des ventes de concentrés supérieurs à 1,75 milliard de dollars " ; qu'en pratique, cette clause aurait eu pour effet d'empêcher le groupe PepsiCo, principal concurrent du groupe Coca-Cola, d'acquérir les marques de boissons du groupe Cadbury Schweppes dans les pays non concernés par l'opération, dont la France ;

Considérant, néanmoins, que l'accord conclu entre TCCC et Cadbury Schweppes a été modifié par un avenant aux termes duquel TCCC ne procédera à l'achat d'aucune des marques, des activités et des actifs du groupe Cadbury Schweppes dans l'Union européenne (à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande et de la Grèce), en Norvège et en Suisse ; que cet avenant prévoit que les entreprises déjà transférées à TCCC par le groupe Cadbury Schweppes " doivent rétrocéder à Cadbury Schweppes l'ensemble des actifs exclus de l'opération qu'elles détenaient avant la mise en œuvre de l'opération " et que le groupe Cadbury Schweppes conservera la propriété des usines de concentré situées en Irlande et en Espagne ; que cet avenant rend inapplicable aux pays européens la clause du contrat initial aux termes de laquelle Cadbury Schweppes acceptait de ne pas vendre de marques ou d'éléments d'actifs à un concurrent majeur de TCCC ; que TCCC précise : " qu'à l'issue de l'opération, elle ne détiendra aucune participation dans le capital, ni aucun contrôle sur la direction de l'une quelconque des exploitations de Cadbury Schweppes, notamment en matière d'embouteillage, tant sur le territoire français que dans les pays voisins d'Europe continentale " ; qu'elle souligne également que " le contrat modifié ne contient aucune stipulation prévoyant une coopération entre TCCC et Schweppes SA dans le domaine du marketing " ; que le prix de la transaction a, en conséquence, été abaissé à la somme de 1,1 milliard de dollars ; qu'il a été mis fin aux procédures d'examen de l'opération de concentration en Allemagne et en Italie ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé, dans son avis 99-A-14, que l'acquisition des marques et des actifs de Cadbury Schweppes au Royaume-Uni, en Irlande et en Grèce, pays dans lesquels les autorités de concurrence ont considéré que la transaction ne soulevait pas de problème particulier, n'apparaissait pas susceptible d'affecter l'indépendance commerciale de la filiale française de Cadbury Schweppes ; qu'il a considéré, en effet, que des accords de licence donnant à CCE le droit exclusif d'assurer la fabrication, le marketing, la distribution et la vente en Grande-Bretagne des boissons sans alcool de Cadbury Schweppes liaient déjà les deux groupes, que CCE avait déjà racheté en 1997 l'entreprise d'embouteillage qu'elle contrôlait en commun avec Cadbury Schweppes en Grande-Bretagne et que les boissons vendues sous les marques appartenant au groupe Cadbury Schweppes occupaient une part de marché très faible en Grèce ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé, dans son avis 99-A-14, que, s'il est vraisemblable que la gestion des marques et le développement technique des produits imposera une coordination au niveau mondial entre TCCC et Cadbury Schweppes, notamment en ce qui concerne la promotion de la marque, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de conclure à l'absence d'indépendance de la filiale française de Cadbury Schweppes vis-à-vis de TCCC ; qu'il a considéré qu'elle pourrait au contraire être de nature à renforcer sa compétitivité sur le marché français ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a déduit de ce qui précède que l'acquisition par TCCC des marques de boissons non alcoolisées appartenant au groupe Cadbury Schweppes au Royaume-Uni, en Irlande et en Grèce et dans d'autres pays non européens n'est pas de nature à avoir des effets directs sur le fonctionnement des marchés français ; qu'il a considéré cependant qu'elle traduit une tendance mondiale à la structuration oligopolistique du secteur des boissons gazeuses résultant soit de concentrations, soit de la nécessité de coordonner la gestion de marques détenues par différentes sociétés dans différents pays, soit de la croissance interne d'un très petit nombre d'entreprises, et que ce contexte est à prendre en considération lors de l'analyse de chaque situation nationale ;

Mais considérant que,quelles que soient les modalités du partage de marque réalisé entre Cadbury Schweppes et TCCC au sein de l'Union européenne, les acheteurs en gros français auront la possibilité de passer leurs commandes dans les pays européens où TCCC est propriétaire de la marque dans la mesure où aucun accord privé conclu entre Cadbury Schweppes, TCCC et d'autres parties n'est susceptible de s'opposer aux importations parallèles intracommunautaires; que ce point a été confirmé lors de la séance du Conseil par M. Benoît Heilbrunn, spécialiste de l'économie des marques, entendu conformément à l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en droit communautaire, le principe de la liberté du commerce intracommunautaire et de la libre circulation des marchandises prime sur les droits qui peuvent être attachés à la détention d'une marque ; qu'en conséquence la théorie de l'épuisement du droit de la marque interdit à Coca-Cola de refuser de vendre des produits Schweppes à un opérateur français qui lui en ferait la demande en Grande-Bretagne, en Irlande ou en Grèce ; qu'en outre, dans le cadre des relations verticales entre producteur et distributeur, toute restriction aux importations parallèles constitue en droit communautaire une " clause noire " illicite ; qu'en conséquence, la filiale française de Cadbury Schweppes ne pourra mener une politique commerciale ou tarifaire indépendante de celle conduite par Coca-Cola pour sa marque Schweppes au Royaume-Uni et en Irlande ; qu'il s'en déduit que Cadbury France ne pourra pas s'écarter de façon notable des conditions commerciales pratiquées par TCCC dans les pays où ce dernier est propriétaire des marques de boissons de Cadbury Schweppes ; que, dès lors, l'indépendance de Cadbury France vis-à-vis de TCCC, si elle est certaine sur le plan juridique, sera nécessairement limitée sur le plan économique ;

Considérant que le groupe Coca-Cola détient, avec ses marques " Fanta " et " Sprite ", 23,9 % du marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer (43,5 millions de litres sur un total d'environ 182 millions de litres) ; que la marque " Orangina " représente à elle seule 33,5 % de ce marché ; que la réunion de ces trois marques conférerait au nouvel ensemble 57,4 % dudit marché ; qu'à l'exception du groupe Cadbury-Schweppes avec ses marques " Schweppes Indian Tonic ", " Schweppes Dry ", " Gini " et " Canada Dry " (12,8 millions de litres, soit 7 % du marché) et de la société Pepsi-Cola avec sa marque " Seven Up " (5,1 millions de litres, soit 2,8 % du marché), aucun autre intervenant ne détient une position significative sur ce marché ;

Considérant que le groupe Coca-Cola détient également près de 91 % du marché des colas à destination de la consommation hors foyer(253,6 millions de litres sur un total d'environ 280 millions de litres) ;

Considérant que les grandes catégories de demandeurs de BGSA sur le marché de la consommation hors foyer sont, d'une part, les intermédiaires (entrepositaires grossistes, magasins de payer-prendre) qui approvisionnent notamment les cafés, hôtels et restaurants traditionnels et, d'autre part, des acheteurs de dimension nationale (chaînes de restauration rapide, cafétérias, grandes entreprises de distribution automatique, groupes pétroliers, etc.) ; que, si les points de vente de la consommation hors foyer doivent offrir plusieurs variétés de BGSA, leurs contraintes d'espace les conduisent généralement à sélectionner une seule marque pour chaque variété de BGSA ; que, dans chaque catégorie de BGSA, est préférentiellement choisie une marque de grande notoriété faisant l'objet d'une demande forte et spontanée des consommateurs ; qu'il en résulte que la position des marques de premier plan est plus solidement établie sur ce marché que sur celui des BGSA destinées à la consommation à domicile ; qu'ainsi " Orangina " représente plus de 33,5 % des ventes en volume de BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer, alors que sa part n'est que de 20,8 % dans les circuits de la consommation à domicile ; que " Coca-Cola " représente près de 91 % des ventes de colas dans les circuits de la consommation hors foyer, alors que sa part de marché est de 84 % pour la consommation à domicile ;

Considérant, en outre, que les offreurs de BGSA disposent généralement d'une gamme de produits de plus ou moins grande notoriété ; que ces intervenants ont intérêt, en s'appuyant sur la demande spontanée de leurs produits dont les marques sont les plus notoires, à faire porter les efforts de leurs équipes commerciales sur la vente des marques les moins notoires de leur gamme et sur celles qui sont le plus directement concurrencées par des marques d'un autre groupe ; que la détention d'une marque considérée comme incontournable permet aux offreurs de BGSA d'inciter leurs clients à compléter leur gamme en achetant les boissons du groupe positionnées sur les autres segments du marché ; que l'utilisation de cet effet de levier ou de portefeuille favorise l'existence d'une concurrence active dès lors que chacun des groupes présents sur le secteur dispose d'une marque considérée comme incontournable ;

Considérant que l'accès aux marchés des BGSA destinées à la consommation hors domicile, qui représente 22,9 % des ventes totales de BGSA, constitue un enjeu de concurrence crucial pour l'ensemble du secteur des BGSA ; qu'en effet les habitudes de consommation des boissons de marque se prennent dans les lieux de consommation publics ; qu'ainsi 91 % des distributeurs alimentaires ayant répondu au questionnaire des rapporteurs estiment que le succès rencontré par une marque sur les différents circuits de la consommation hors foyer avait une incidence sur les ventes de cette même marque en distribution alimentaire ;

Considérant que, dans son avis n° 98-A-09 relatif au précédent projet d'acquisition par TCCC des actifs du groupe Pernod Ricard concernant les boissons de marque " Orangina ", le Conseil de la concurrence a considéré que " le groupe Coca-Cola, qui détient déjà une marque incontournable sur le marché des colas destinés à la consommation hors domicile, détiendra également, avec la marque "Orangina", une marque incontournable située sur un segment important du marché des BGSA, et ce alors même qu'il détient déjà sur ce segment une marque concurrente de bonne notoriété, la marque " Fanta ", et que seuls les groupes Coca-Cola et Pepsi-Cola sont en concurrence frontale sur ce marché, dès lors que le groupe Cadbury Schweppes a choisi une stratégie de niches en offrant des produits qui ne sont pas positionnés sur les mêmes segments de la gamme que ceux de ses concurrents ; que ces éléments sont de nature à restreindre la concurrence dans le court et moyen terme, non seulement sur le segment des boissons gazeuses sans alcool à l'orange sur lequel les deux marques les plus importantes seront désormais sous le contrôle du groupe Coca-Cola, mais également sur l'ensemble du marché des BGSA autres que les colas destinées à la consommation hors foyer, en privant à court et moyen terme la société Pepsi-Cola de la possibilité d'utiliser l'effet de levier ou de portefeuille susdécrit, compte tenu du fait que cette société ne dispose pas d'une possibilité alternative d'offrir sur ce segment essentiel du marché un produit concurrent disposant d'une notoriété suffisante " ;

Considérant cependant que, pour répondre à ces objections,la société TCCC a, dans le cadre du nouveau projet d'acquisition, pris divers engagements destinés, selon elle, à prévenir tout risque d'atteinte à la concurrence sur le marché concerné;

Considérant que la société TCCC s'engage à ne pas commercialiser les boissons " Orangina " dans le " circuit hors foyer " pendant une durée de dix ans et à accorder à un " tiers indépendant " une licence exclusive pour la commercialisation et la distribution de ces produits pendant cette période; que, au sens de cet engagement, le " circuit hors foyer " s'entend de l'ensemble des points de vente de la consommation hors foyer, à l'exception toutefois d'une liste limitative de grands événements sportifs parrainés par Coca-Cola ;

Considérant queTCCC s'engage à approvisionner le licencié en concentré pendant toute la durée de la licence " au même prix ou à un prix plus favorable que celui facturé aux autres embouteilleurs dans l'Union européenne, et en produits finis à un prix qui ne sera pas plus élevé que le prix standard de l'embouteilleur.Ce prix sera inférieur au prix grossiste " ;

Considérant queTCCC s'engage à consacrer à la promotion publicitaire et commerciale d'Orangina un budget annuel minimum de [...] par an et " de promouvoir et maintenir la marque Orangina en France pendant au moins dix ans "; que la possibilité sera offerte au tiers licencié d'associer la marque " Orangina " à d'autres produits de marque appartenant à un tiers ;

Considérant que la société Pernod Ricard s'est déclarée prête, en accord avec TCCC, à assurer la distribution des produits Orangina par l'intermédiaire de sa filiale CSR Pampryl ; que le Conseil de la concurrence a estimé dans son avis 99-A-14 que cette société, qui commercialise déjà des jus de fruits, du cidre, du calvados et des boissons pour enfants et à laquelle serait affectée une partie des personnels antérieurement affectés à la commercialisation des produits " Orangina ", est en mesure de distribuer les boissons " Orangina " sur le marché de la consommation hors foyer ; que l'identité du tiers licencié doit en tout état de cause être soumise à l'approbation préalable du ministre chargé de l'Economie ;

Considérant que la société TCCC confirme qu'elle appliquera pour ses activités en France l'engagement donné en 1989 par The Coca-Cola Export Corporation à la Commission des Communautés européennes ; que, conformément à cet engagement, le groupe Coca-Cola n'exigera des clients ni qu'ils achètent des produits " Orangina " comme condition pour obtenir des produits " Coca-Cola ", ni qu'ils achètent des produits " Coca-Cola " comme condition pour obtenir des produits " Orangina ", ni qu'ils achètent une boisson correspondant à l'une ou l'autre de ses autres marques comme condition pour obtenir des produits " Orangina " et/ou " Coca-Cola " ; qu'il ne sera pas conclu d'accords avec les grossistes ou les détaillants leur demandant de s'abstenir de distribuer des produits concurrents ou leur demandant d'obtenir l'accord de leurs clients pour qu'ils s'abstiennent de distribuer des produits concurrents ; qu'il ne sera pas affirmé dans les campagnes publicitaires ou de promotion des ventes que les marques du groupe Coca-cola sont incontournables ;

Considérant que pour la durée spécifiée de la convention Coca-Cola adresse chaque année à la DGCCRF un rapport sur le respect des engagements concernant les aspects concurrentiels de l'opération ; que la résiliation de la licence, en cas de défaillance grave, ne peut intervenir qu'avec l'accord du ministre chargé de l'Economie ; Considérant que ces engagements ont été pris afin, selon la société TCCC, de permettre le maintien, pendant une période de dix ans, d'une concurrence de même intensité que celle qui prévalait avant l'opération sur le marché pertinent ; qu'un tel objet ne peut qu'être approuvé mais qu'il n'est susceptible d'éviter les inconvénients relevés par le Conseil dans son précédent avis que si, sur le marché pertinent, les prix des BGSA vendues par le groupe Coca-Cola, d'une part, et par le tiers licencié, de l'autre, sont fixés indépendamment et si, pendant la période de dix ans, TCCC et le tiers licencié ne disposent pas ensemble, sur le marché pertinent, d'une position les mettant en mesure de gêner significativement l'accès de nouveaux entrants potentiels ;

Considérant que les engagements susvisés comportent à cet égard un certain nombre de points positifs ; qu'il en est ainsi de la durée retenue de dix ans ainsi que de la définition du circuit " hors foyer ", des conditions auxquelles le tiers licencié pourra acquérir des boissons sous la forme de concentré ou de produits finis, du montant des budgets promotionnels et de la liberté offerte au licencié d'associer la marque " Orangina " à d'autres produits de marques différentes et de l'impossibilité pour la société TCCC de résilier la licence sans l'accord préalable du ministre chargé de l'Economie ; que la possibilité d'un accord à des conditions commerciales raisonnables entre Pepsi-Cola et le tiers licencié portant sur la distribution par ce dernier des produits du groupe Pepsi-Cola et des boissons sous marque Orangina est ouverte ; que, si un tel accord était réalisé, il serait de nature à favoriser l'exercice de la concurrence effective entre Orangina et les BGSA du groupe Coca-Cola ;

Considérant toutefois que, quelle que soit l'issue des négociations éventuelles entre le tiers licencié et Pepsi-Cola, il convient d'examiner si le projet de la convention entre Coca-Cola et le tiers licencié ne comporte pas des dispositions de nature à restreindre l'indépendance du licencié en matière commerciale ; qu'il est nécessaire de vérifier que TCCC qui, avec sa marque Fanta, se trouvera sur ce marché en concurrence frontale avec le distributeur de la marque " Orangina ", ne disposera pas de moyens d'influencer, directement ou indirectement, la politique du tiers licencié ; qu'à l'inverse il convient de s'assurer que les liens que la gestion commune de la marque " Orangina " contribueront à nouer entre TCCC et le tiers licencié ne donneront pas à la première des informations lui permettant d'aligner sa politique commerciale, notamment la marque Fanta, sur celle du second ; qu'il est donc nécessaire que les engagements souscrits assurent que ce dernier et TCCC puissent se comporter comme de véritables concurrents ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé dans son avis que, si la mise en œuvre d'un accord de licence implique que le propriétaire de la marque dispose du droit de contrôle nécessaire pour s'assurer que le licencié ne porte pas atteinte au caractère distinctif, à la force et au " goodwill " de la marque " Orangina ", ce contrôle ne doit pas, dès lors que le licencié et le donneur de licence sont concurrents sur le même marché, mettre en cause l'indépendance commerciale du licencié ; que cette dernière est d'autant plus nécessaire que les marchés de la consommation hors foyer et de la consommation à domicile ne sont pas d'une parfaite étanchéité ; que, notamment, des centrales d'achats peuvent alimenter à la fois les magasins de " payer-prendre " auxquels s'adressent certains distributeurs du circuit " hors foyer " et les magasins de la grande distribution ;

Considérant en l'espèce que le Conseil de la concurrence a constaté que le projet d'accord de licence ne se borne pas à prévoir que TCCC disposera du droit exclusif de contrôle nécessaire pour s'assurer que le licencié ne porte pas atteinte au caractère distinctif, à la force et au " goodwill " de la marque " Orangina " mais qu'il stipule, en outre, la création d'un " comité de pilotage qui aura un droit de regard sur les politiques et les décisions concernant le marketing (y compris les promotions sur les ventes et le positionnement commercial de marques et des produits Orangina). Ce comité de pilotage sera composé de cinq membres, dont trois représentant le licencié et deux représentant Coca-Cola. Les décisions de ce comité seront prises à la majorité simple " ; que ce comité décidera des objectifs de performance annuels relatifs aux volumes de vente assignés au licencié ; qu'un bonus annuel sera versé au licencié quand l'augmentation du volume des ventes dépassera un certain pourcentage non pas fixé de manière objective mais négocié par les parties ; qu'ainsi TCC sera tenu régulièrement informé de la politique commerciale du tiers licencié, fixera en commun avec lui les objectifs de vente et, en définitive, participera à la gestion de la marque sur le marché hors foyer ; que les informations fournies par le tiers licencié favoriseront, de la part de TCC, une politique commerciale sur les marques " Sprite " et " Fanta " corrélée avec celles pratiquées sur la marque " Orangina " par le tiers licencié ; que, dans ces conditions,le dispositif proposé ne garantit pas le maintien de deux concurrents réellement indépendants sur le marché concerné; que,selon la façon dont il sera utilisé, il peut conduire soit à une complète dépendance du tiers licencié, soit à une entente présentant des risques anticoncurrentiels entre les deux entreprises, soit, pour le moins, à une coordination des comportements; qu'ainsi il n'est assuré ni que les prix de vente aux consommateurs résulteront du libre jeu de la concurrence ni que l'accès au marché de nouveaux producteurs ne sera pas gêné par le pouvoir de marché dont disposeront, ensemble, TCCC et le tiers licencié; qu'il s'ensuit que le Conseil de la concurrence conclut que le projet de concentration et les engagements qui l'accompagnent sont de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché concerné ;

Considérant cependant qu'à la différence des situations prévalant dans les contrats de licence classiques, TCCC et le tiers licencié devront se partager l'usage de la même marque sur le même territoire géographique, l'un alimentant le marché de la consommation à domicile et l'autre le marché de la consommation hors domicile, TCCC demeurant le seul propriétaire ; que l'acheteur final pour lequel sont déployés les efforts de marketing, de publicité et de promotion est le même sur ces deux marchés ; que, par conséquent, s'il y a bien dualité des marchés, il ne peut y avoir de dualité complète des politiques de marketing, de promotion et de publicité ; qu'au contraire une absence de cohérence dans ces domaines ne pourrait se traduire que par un déclin rapide de la marque " Orangina ", dont profiterait prioritairement le groupe Coca-Cola avec sa marque " Fanta " ; qu'il est en effet nécessaire, pour le développement d'une marque de grande consommation, que celle-ci soit associée à une image claire et unique dans l'esprit des consommateurs, que les thèmes et les supports publicitaires choisis soient cohérents entre eux et enfin que le calendrier des opérations promotionnelles et publicitaires permette d'entretenir un climat favorisant l'achat ; qu'à défaut, dans la mesure où les principales boissons concurrentes bénéficient de soutiens marketing, publicitaires et promotionnels forts, l'image relative de la boisson " Orangina " se trouverait détériorée et les ventes diminuées ; qu'une coordination est donc en tout état de cause nécessaire au maintien et au développement de la marque " Orangina " et donc à la préservation de la concurrence sur le marché en cause ; que le " comité de pilotage " n'est que l'instrument de cette nécessaire coordination ; que toute tentative de suppression ou de modification de ce comité obligerait à créer un autre mode de coordination entre TCCC et le tiers licencié ; qu'il est inhérent à tout dispositif visant à garantir la cohérence des politiques commerciales indispensable au maintien de la marque de comporter les risques de coordination de comportements relevés par le Conseil de la concurrence dans son avis; que donctout autre mode de coordination, outre qu'il ne préserverait pas nécessairement aussi bien l'indépendance du licencié puisque celui-ci est majoritaire au sein du comité, ne supprimerait pas ces risques de coordination de comportements;

Considérant qu'il s'ensuit que le projet de concentration et les engagements qui l'accompagnent sont de nature à entraver la concurrence sur le marché concerné;

Considérant que la marque " Orangina " se situe au premier rang sur le marché des BGSA autres que les colas pour la consommation à domicile avec une part de 20,8 % correspondant à 127 millions de litres vendus en 1998 ; qu'au second rang se trouve le groupe Cadbury Schweppes dont les produits vendus sous les marques " Schweppes Indian Tonic ", " Schweppes Dry ", " Gini " et " Canada Dry " ont représenté 16 % du marché en 1998 (97,9 millions de litres) ; que le groupe Coca-Cola se trouve au troisième rang avec les marques " Fanta " et " Sprite ", qui ont représenté 11,9 % du marché en 1998 ; qu'au quatrième rang se trouve la société Pepsi-Cola dont les produits vendus sous les marques " Seven Up " et " Kas " ont représenté 4,75 % de ce même marché en 1998, soit 29 millions de litres ;

Considérant que la réalisation de l'opération projetée conférera 32,7 % de parts de marché, correspondant à un volume de 199,7 millions de litres, au nouvel ensemble constitué des marques " Orangina ", " Fanta " et " Sprite "; que ce nouvel ensemble se situera au premier rang des fournisseurs de BGSA autres que les colas et sera titulaire, en France, d'un portefeuille de marques de très forte notoriété présentes sur des marchés connexes, dont deux, " Orangina " et " Coca-Cola ", sont considérées comme incontournables par les distributeurs;

Considérant que, d'une manière générale,la détention par un même opérateur de plusieurs marques de forte notoriété présentes sur le même marché ou sur des marchés connexes est susceptible de procurer à cet intervenant un avantage concurrentiel; que cet opérateur dispose, en effet, d'une plus grande souplesse pour adapter dans des négociations avec les acheteurs ses prix, promotions et remises et pour développer ses activités de vente et de marketing ;

Considérant que le Conseil a estimé que, sur le marché alimentaire, les produits de marque de fabricants, même s'ils appartiennent à des segments différents, sont en concurrence avec des produits de marque de distribution et de premier prix ; que le Conseil a également estimé que, sur ce marché, de nombreuses boissons sont offertes, que l'entrée de produits nouveaux est aisée et que la politique de prix et de conditions de vente des produits de marque ne peut être établie sans tenir compte de cette situation ; que, si la présence des produits de grande notoriété est indispensable dans les magasins de la grande distribution, le linéaire qui leur est consacré, leur positionnement dans ces derniers, la publicité, les promotions font l'objet de négociations pour lesquelles les distributeurs disposent d'un pouvoir lié notamment à leur taille et à la faculté de déréférencer certains produits ; qu'en France, les huit principaux clients du groupe Coca-Cola ont représenté en 1998 environ 90 % du total des ventes en volume réalisées avec les clients alimentaires ; que la concentration de la grande distribution ne peut que renforcer son pouvoir de négociation ; que ces distributeurs disposent de linéaires leur permettant d'accueillir un grand nombre de BGSA ; qu'ainsi que le Conseil de la concurrence l'a relevé dans son avis n° 98-A-09 précité, le nombre et la diversité des marques distribuées par ces intervenants conditionnent l'attractivité de leurs magasins ; qu'il est donc de leur intérêt de maintenir un large choix de produits ; que les distributeurs, pour préserver leur pouvoir de négociation, ont également intérêt à s'adresser à plusieurs fournisseurs ;

Considérant toutefois que, par comparaison avec l'avis n° 98-A-09, l'instruction menée à l'occasion de la présente saisine a montré plus clairement qu'il existe un effet d'entraînement du marché de la consommation hors domicile vers le marché de la consommation à domicile ; qu'ainsi, 91 % des distributeurs interrogés ont précisé que le succès rencontré par une marque de BGSA dans les différents circuits de la distribution hors foyer était de nature à influer sur les ventes de cette même marque en distribution alimentaire ; que cet effet joue dans l'hypothèse de l'affaiblissement d'une marque, et non uniquement dans celle de sa disparition ; qu'en outre, le rapport indique que 82 % de ces entreprises ont précisé que, si une marque de BGSA venait à disparaître de la consommation hors foyer, cela affecterait directement (à 35 %) ou à moyen et long termes les ventes de cette marque en distribution alimentaire ; qu'il s'ensuit que l'effet d'entraînement est important, et que les concurrents exclus ou fragilisés en hors-domicile auraient beaucoup de difficulté à se maintenir sur le marché à domicile ; que la présence en hors-domicile est un facteur important de notoriété, susceptible de renforcer ou handicaper une marque dans le circuit de distribution à domicile ;

Considérant en outre que, comme l'a au demeurant relevé le Conseil de la concurrence dans son avis n° 98-A-09, le marché des BGSA destinées à la consommation hors foyer joue un rôle moteur sur celui de la consommation à domicile, dans la mesure où c'est sur le marché hors foyer que se prennent les habitudes de consommation ; que ce point a été confirmé par la présente instruction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, même si le Conseil de la concurrence a estimé dans son avis n° 99-A-14 que la réalisation de l'opération projetée n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché à domicile, une atteinte à la concurrence sur le marché hors domicile ne serait pas sans effet sur les marchés de la consommation à domicile ;

Considérant qu'au regard du titre V de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il convient d'examiner si le projet de concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence;

Considérant que les entreprises parties à l'opération soutiennent que la présente concentration permettra, d'une part, de renforcer l'assise du groupe Pernod Ricard dans ses domaines d'activité pricipaux, d'autre part, de favoriser le développement de la société CSR Pampryl et, enfin, d'assurer le développement de la marque " Orangina " en lui donnant le bénéfice d'un réseau de distribution étendu et solidement implanté dans tous les pays du monde ; qu'il convient donc d'examiner successivement ces trois points ;

Considérant que la société TCCC fait valoir que " Les ressources financières générées par cette opération permettront au groupe Pernod Ricard de renforcer ses positions dans ses principaux secteurs d'activités et de se consacrer à la poursuite de son développement international, en particulier pour ses boissons sans alcool non visées par l'opération et pour ses boissons alcoolisées " ; qu'elle souligne que " Cette stratégie s'inscrit dans la ligne des acquisitions récentes réalisées par le groupe (par exemple, les whiskies de Irish Distillers et le rhum Havana Club) et devrait lui permettre de renforcer ses positions, notamment dans le secteur des boissons alcoolisées ", ajoutant que " Ce secteur a, en effet, été au niveau mondial le théâtre de nombreuses fusions et acquisitions, et il est essentiel, dans ce contexte, que Pernod Ricard demeure pleinement compétitif par rapport aux principaux acteurs dans la catégorie des boissons alcoolisées (tels que Diageo, Seagram et Allied Domecq) " ; qu'elle soutient que " L'opération, étant donné son montant [(...)] constitue une occasion unique de développement pour le principal groupe de spiritueux français " et qu'il est " indéniable que le maintien de l'indépendance d'un groupe de cette importance est un élément favorable pour l'ensemble de l'économie nationale " ; que, pour sa part, le groupe Pernod Ricard précise que " Les moyens additionnels que la cession d' " Orangina " à The Coca-Cola Company procurerait à Pernod Ricard - près de [...] - seraient un élément déterminant pour la réalisation de ses objectifs, d'autant plus que la conclusion de cette opération permettrait d'augmenter la capacité d'endettement du groupe pour un montant deux fois supérieur au prix de cession convenu " ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'il appartient au groupe Pernod Ricard de définir sa stratégie ; qu'il lui est loisible de se recentrer sur son métier principal ; que la vente de la marque Orangina au groupe Coca-Cola, qui s'inscrit dans les nouvelles orientations qu'il a définies, lui procurerait les capitaux propres dont il estime avoir besoin pour effectuer les acquisitions dans le secteur des vins et spiritueux ;

Mais considérant que si la vente au groupe Coca-Cola est la solution la plus avantageuse pour Pernod Ricard, l'avantage qui en résulte pour le groupe ne saurait être considéré à lui seul comme un progrès économique pour la collectivité, dès lors que cette dernière supporterait en contrepartie le coût induit d'un affaiblissement de la concurrence sur les marchés concernés par la présente opération;

Considérant que le groupe Pernod Ricard soutient que la société CSR Pampryl, en reprenant la force de vente d'Orangina France dans le cas où Pampryl serait agréé comme licencié indépendant par le ministre chargé de l'Economie, multiplierait par cinq l'effectif de son propre réseau, ce qui lui permettrait de mieux promouvoir ses marques propres sur les marchés des jus de fruits et des cidres, au bénéfice de ses partenaires et fournisseurs du monde agricole ;

Mais considérant que les sociétés CSR Pampryl et Orangina France sont deux filiales du groupe Pernod Ricard; que,dès lors, le groupe Pernod Ricard est à même de regrouper ces deux entreprises indépendamment de la présente opération; qu'il en résulte que celle-ci n'est pas nécessaire à la réalisation de l'objectif avancé;

Considérant que la société TCCC soutient que son objectif est de " placer "Orangina" au rang de cinquième marque mondiale de BGSA (en complément de "Coca-Cola", "Coca-Cola Light", "Sprite" et "Fanta") " ; que, dans son dossier de notification de l'opération, elle apporte des précisions, d'une part, sur les moyens qu'elle entend mettre en œuvre pour parvenir à son objectif et, d'autre part, sur les avantages économiques susceptibles d'en résulter ;

Considérant que, sur le premier point, TCCC précise qu'elle a l'intention " de positionner Orangina de telle sorte que la marque puisse coexister avec ses offres de produits existants, y compris avec Fanta " ; que, selon elle, " Fanta et Orangina s'adressent à des groupes cibles de consommateurs différents, Fanta s'adressant à des consommateurs plus jeunes "... " TCCC projette de positionner Orangina non pas en tant que boisson sans alcool à l'orange, mais en tant que boisson de prix et de qualité haut de gamme dont l'identité française serait affirmée " ; que TCCC souligne que les caractéristiques du produit " Orangina " (formule, conditionnement, image, " cachet français ") se prêtent tout particulièrement à un tel positionnement ; qu'elle rappelle son aptitude à développer les marques : " TCCC estime posséder deux domaines de compétence qui lui permettent d'être à même de faire d'Orangina une marque mondiale. En premier lieu, TCCC a prouvé son excellence dans la commercialisation des marques de boissons gazeuses sans alcool au niveau mondial auprès de consommateurs provenant de milieux culturels et de tranches d'âges différents. En second lieu, TCCC, de même que ses partenaires embouteilleurs, possède une infrastructure déjà en place, qui leur permet d'être efficace sur les marchés locaux dans plus de 200 pays ainsi que d'utiliser un mécanisme établi pour la commercialisation et la distribution d'une nouvelle marque. TCCC a appris à développer et à gérer des marques mondiales grâce à son expérience avec des marques telles que Coca-Cola, qui, bien que née aux Etats-Unis, est devenue importante sur des marchés locaux du monde entier ; Sprite qui, grâce à son image liée à l'affirmation de leur autonomie par les adolescents de sexe masculin, suscite la reconnaissance des adolescents du monde entier ; et Fanta, marque d'origine allemande qui est devenue une boisson aux fruits de renommée mondiale " ; que, selon cette société, les marchés géographiques " à plus fort potentiel " pour " Orangina " sont " ceux où les boissons gazeuses non alcoolisées sont déjà relativement bien développées, où il y a un pouvoir d'achat suffisant pour justifier l'existence d'un produit haut de gamme et où le système TCCC a la capacité de soutenir avec succès un produit de ce type. Bien que les projets ne soient pas encore finalisés, les premiers marchés ciblés comprendront probablement les pays suivants (énumérés par ordre alphabétique et non en fonction de leur importance ni du moment de lancement prévu) : l'Argentine, l'Australie, le Brésil, le Canada, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Japon, le Maroc, le Portugal, la Suisse, la Thaïlande et les Etats-Unis " ; que TCCC, après avoir indiqué que " pour des raisons de confidentialité, il n'est pas possible de fournir des chiffres pour chaque pays concernant le volume potentiel estimé au niveau mondial d'Orangina ", soutient qu'elle est en mesure " d'augmenter les ventes des boissons Orangina à l'étranger d'au moins 500 % au cours des cinq prochaines années " ; qu'elle souligne que ses prévisions peuvent être considérées comme " conservatrices ", dans la mesure où le potentiel de croissance de la marque peut avoir été sous-estimé sur certains marchés nationaux plus petits que ceux précédemment cités ;

Considérant que, sur le second point, TCCC soutient que le développement international de la marque permettra la transmission d'un " concept de produit français de consommation de grande qualité à un public international très large " et entraînera " une activité de production croissante, au bénéfice de l'investissement et de l'emploi " ; qu'elle fournit les estimations suivantes : " D'ici la cinquième année suivant la réalisation de l'opération, la production supplémentaire directement liée à l'opération Orangina est estimée à environ 65 millions de litres par an. Les principaux avantages résultant de cette production supplémentaire bénéficieront d'abord aux activités d'emballage. Le principal embouteilleur Coca-Cola en France (CCESA) est déjà, dans le cadre d'accords de conditionnement, un important producteur de produits vendus sous emballage destinés à être commercialisés sur des marchés situés hors de France, notamment à partir de ses sites de Dunkerque (il s'agit de l'une des plus importantes usines de traitement en Europe). Le volume produit par cet embouteilleur représente actuellement environ 240 millions de litres vendus sous emballage pour les embouteilleurs Coca-Cola situés hors de France. Pour la cinquième année suivant l'opération, les achats croissants de produits de conditionnement, directement liés à l'augmentation de l'activité de conditionnement des produits Orangina, pourront avoisiner les [...] millions de francs par an. Il est également prévu qu'à cette époque, les achats croissants de sucre d'origine française, directement liés à l'augmentation de l'activité de conditionnement des produits Orangina, pourront avoisiner les [...] millions de francs par an. Les augmentations prévues des activités de production pourront nécessiter la création d'au moins une chaîne de production supplémentaire, voire davantage, représentant un investissement complémentaire de 10 à 12 millions de francs par chaîne... " ; que, selon TCCC, il en résulterait des effets positifs sur l'emploi ; qu'ainsi, près de 50 emplois pourraient être créés au sein même du groupe Coca-Cola dans les services " de vente et de marketing " ; que des emplois seraient également créés par les fournisseurs français de conditionnements ainsi que dans le secteur du sucre de betterave ; que, sur ce dernier point, TCCC précise que " le système TCCC dans son ensemble est le plus gros acheteur individuel de sucre en France, avec des achats totalisant 8 % environ de la consommation annuelle totale " et que, " sur une hypothèse de productivité constante ", l'augmentation des activités de production des boissons " Orangina " pourrait " entraîner la création de 115 à 120 emplois supplémentaires dans la seule industrie de la betterave à sucre au cours des cinq premières années suivant l'opération " ; que TCCC, se fondant sur une étude réalisée à sa demande par M. Peter Nolan, économiste de l'université de Cambridge, souligne que " pour chaque salarié travaillant directement chez TCCC ou l'un de ses embouteilleurs européens, au moins six salariés travaillent dans des activités connexes comme les fournisseurs ou les sous-traitants, les distributeurs ou les revendeurs au détail " ;

Considérant que le groupe Coca-Cola, compte tenu de son importante couverture géographique, de ses moyens logistiques, de son aptitude à promouvoir les marques et, plus généralement, de son savoir-faire dans le secteur des BGSA, est effectivement à même de développer la marque " Orangina " sur les marchés extérieurs;

Considérant, par ailleurs, que bien que TCCC n'ait fourni aucune précision sur les volumes de vente attendus dans les différents pays où elle envisage de développer en priorité la marque, le pourcentage annoncé concernant l'augmentation globale des ventes à l'étranger (" au moins 500 % au cours des cinq prochaines années ") n'est pas invraisemblable compte tenu du volume faible ou très faible des ventes d'Orangina dans la plupart des pays étrangers ; qu'il convient par exemple d'observer que les ventes totales de BGSA autres que les colas sur le marché des Etats-Unis représentent environ 21 milliards de litres (chiffre à comparer aux 800 millions de litres vendus en France) ; qu'ainsi, il suffirait que la marque " Orangina " gagne 0,5 % de ce marché, soit environ 105 millions de litres, pour que le total de ses ventes, actuellement de 236 millions de litres, soit augmenté de 44,5 %.

Mais considérant, en premier lieu, que le développement international de la marque " Orangina " ne pourrait véritablement profiter à l'économie française que si une part importante des boissons vendues à l'étranger étaient produites et conditionnées sur le territoire national; qu'en l'espèce, la boisson conditionnée en bouteilles ou en boîtes en raison de son poids et de sa faible valeur supporte difficilement le coût d'un transport à longue distance; qu'en outre, la consommation de BGSA est soumise à des fluctuations de très forte amplitude notamment en raison des variations climatiques, et s'accommode mal d'un approvisionnement d'origine lointaine ; qu'ainsi, si le concentré à partir duquel sont fabriquées les BGSA est peu coûteux à transporter, les BGSA, composées à plus de 90 % d'eau et de sucre, sont généralement produites et conditionnées dans le pays où elles sont destinées à être vendues ou à proximité de ce pays ; qu'ainsi, la société CCESA, principale filiale française de CCE, n'exporte pas les boissons qu'elle produit tandis que la société CCPSA, autre filiale française de CCE, se borne à exporter des boissons conditionnées en boîtes 33 cl en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Allemagne ; que les principaux pays où TCCC a déclaré vouloir développer en priorité la marque " Orangina " (Argentine, Australie, Brésil, Canada, Japon, Thaïlande, Etats-Unis) sont situés sur des continents éloignés ; que, dès lors, le groupe Coca-Cola aurait intérêt à produire localement les boissons " Orangina " ; que si, comme le soutient TCCC, la production de boissons " Orangina " en bouteilles de verre et boîtes métalliques requiert la mise en œuvre d'un procédé spécifique de pasteurisation nécessitant des investissements importants et si, pour cette raison, " TCCC sera, au cours de sa phase de lancement et pendant une période de temps significative, dépendant des équipements de production d'Orangina France pour répondre aux demandes prévues ", cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause les considérations qui précèdent ;

Considérant que TCCC, après avoir souligné que l'opération pourrait, " potentiellement, selon les estimations ", entraîner la création de près de 50 emplois au sein du groupe Coca-Cola, reconnaît que cet effet " sera limité dans un premier temps en raison des économies d'échelle inhérentes à la production de boissons sans alcool " ; que, s'agissant des 115 à 120 emplois qui, selon TCCC, pourraient être créés dans le secteur du sucre, cette société précise que ceux-ci s'entendent " sur une hypothèse de productivité constante " ; que si, comme le soutient TCCC, " l'existence d'économies d'échelle ne signifie pas que les fournisseurs ne bénéficieront pas de l'opération grâce à une production accrue et une utilisation plus efficace de leurs installations " ;

Mais considérant qu'à supposer même que le développement des ventes dans les pays proches de la France se traduise par une meilleure utilisation des capacités de production, des gains de productivité et dans certains cas par la création d'emplois et au total par une augmentation de la production nationale induite par l'accroissement de la demande extérieure, ce résultat pourrait être obtenu par la seule exploitation à l'étranger de la marque Orangina par Coca-Cola et n'implique pas la vente de la marque à Coca-Cola pour son exploitation sur le marché français; qu'enfin TCCC a précisé que " L'objet de la présente notification est donc limité à l'examen par le ministre de l'acquisition par Coca-Cola des actifs relatifs aux activités françaises d'Orangina. Coca-Cola prend acte de ce que l'acquisition des actifs internationaux d'Orangina est autorisée sous réserve de vérification " ;

Considérant que TCCC, après avoir souligné que son objectif était de " stabiliser la position de la marque " sur ce marché afin " de lui assurer un taux de croissance au moins égal à la croissance du marché ", soutient que cette croissance " raisonnable " contribuera elle aussi à l'économie nationale en permettant la protection des emplois actuels et une augmentation " modérée " de ces emplois dans la durée ; que le nombre de personnes employées par TCCC et ses embouteilleurs (moins de 1 000 en 1989, plus de 2 300 à la fin de 1998) devrait continuer d'augmenter " en parallèle à la croissance de la consommation et des ventes " ; qu'elle souligne qu'un engagement de maintien de l'emploi jusqu'à la fin de l'année 2000, récemment remis à jour, a été signé avec les représentants du personnel d'Orangina en septembre 1998 " afin de donner aux salariés la même garantie pendant un délai de deux ans suivant la réalisation de l'opération " ; qu'elle précise que la filiale de Pernod Ricard, CSR Pampryl, a pris des engagements comparables pour les salariés d'Orangina travaillant dans le secteur du hors foyer et qui " resteraient salariés de Pernod Ricard si CSR Pampryl était agréée en qualité de distributeur indépendant pour les produits Orangina sur le marché français de la consommation hors foyer " ;

Mais considérant que,pour apprécier l'incidence globale d'une opération de concentration sur l'emploi - opération dont l'objectif ou la conséquence pour les entreprises parties à l'opération sont presque toujours un gain d'efficacité et à plus ou moins long terme une réduction ou une stabilisation des effectifs employés -, il n'est pas possible de se borner à examiner l'évolution prévisible de l'emploi à court terme dans les seules entreprises strictement concernées; qu'il est nécessaire de raisonner en création ou en conservation nettes d'emplois, c'est-à-dire de prendre en compte les réductions d'effectifs qui pourront être provoquées dans les entreprises concurrentes par le renforcement du pouvoir de marché des entreprises qui participent à l'opération ;

Considérant, au cas d'espèce, que, d'une part, une augmentation des ventes de boissons " Orangina " en France ne pourrait avoir un effet positif sur l'emploi que si elle s'opérait en l'absence de tout transfert de consommation au détriment d'entreprises opérant sur le même marché ou sur des marchés connexes ; que, d'autre part, l'engagement des sociétés TCCC et CSR Pampryl de maintenir les emplois existants pendant une période de deux ans suivant la réalisation de l'opération ne donne aucune indication sur l'évolution ultérieure de l'emploi dans ces deux entreprises, et à plus forte raison dans les entreprises du secteur ; qu'à ce titre, les perspectives d'évolution à court terme de l'emploi envisagées par TCCC ne peuvent, à elles seules, être regardées comme un élément de progrès économique au sens de l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que TCCC a proposé de nouveaux engagements par lettre du 22 novembre 1999 susvisée ; que ces engagements, qui modifient les engagements initiaux sur les points 19 et 20, conduisent à la suppression du comité de pilotage destiné à coordonner les actions du propriétaire de la marque et du tiers licencié ; que TCCC s'engage également à indexer le bonus de performance versé par le propriétaire de la marque au tiers licencié sur le seul volume des ventes, selon des modalités approuvées par le ministre chargé de l'Economie et sans possibilité de révision pendant la durée de la licence ; que les contacts entre TCCC et le propriétaire de la marque seront limités aux seules communications essentielles et légitimes, telles, par exemple, les communications relatives aux contrôles techniques de qualité ou la passation de commandes de produit par le licencié ; que tout contact entre les salariés autorisés de TCCC et le tiers licencié sera porté sur un " Registre des contacts " dont le ministre pourra demander communication, avec un préavis raisonnable ; que TCCC, à l'appui de ces engagements, se réfère à son expérience et à celle de Pernod Ricard en matière de licence de marques ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède qu'il n'est pas possible de scinder l'exploitation d'une marque unique sur un territoire unique sans mettre en place un régime de coordination sur les plans commercial, marketing et publicitaire, sans que ne soit mis en danger le développement, voire la perennité même de cette marque ; que la situation analysée diffère des situations usuelles de contrat de licence en ce que les consommateurs finaux sont largement identiques selon les circuits de distribution ; que cette identité a un effet en termes de politiques commerciales, marketing et publicitaires ; qu'il s'ensuit que les exemples portant sur des partages d'exploitation de marques entre territoires différents ne peuvent être transposés en l'état ; que de plus tout affaiblissement de la marque " Orangina " sur les circuits de distribution en hors domicile viendrait mécaniquement renforcer la position de TCCC sur ces mêmes circuits, les reports de consommation se faisant au profit des boissons gazeuses les plus vendues, qui sont toutes propriété de TCCC ;

Considérant, par ailleurs, que le point 21 des engagements souscrits par TCCC dans le courrier susvisé stipule que " Coca-Cola gardera la propriété exclusive des marques Orangina et disposera du droit exclusif de contrôle nécessaire pour s'assurer que le licencié ne diminue ou n'atteigne le caractère distinctif, la force et le goodwill des marques Orangina, en ce compris le contrôle de qualité sur le produit, l'emballage et la publicité " ; que le contrôle ainsi organisé au profit du propriétaire de la marque " Orangina " n'est pas compatible avec l'absence de coordination à laquelle TCCC s'engage au point 20 ;

Considérant, en outre, que la mise en place d'un régime d'incitation non révisable sur dix ans ne prend pas en compte les inévitables évolutions du marché ; que ce régime risque en conséquence de devenir rapidement inadapté et de ne plus jouer son rôle d'incitation du tiers licencié à développer " Orangina " sur le marché du hors domicile pour maintenir une offre alternative à celle de TCCC ;

Considérant que la notion de " communications essentielles et légitimes " qui justifierait des contacts entre TCCC et le tiers licencié demeure très imprécise et difficilement cernable ; que la tenue d'un " Registre des contacts " n'est pas un élément permettant au ministre de vérifier de manière certaine et incontestable que les contacts entre TCCC et le tiers licencié sont limités à ceux strictement nécessaires à la gestion commune de la marque " Orangina " sur le territoire français ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que les engagements proposés par TCCC dans sa lettre du 22 novembre 1999 ne sont pas de nature à répondre aux objections soulevées par le Conseil de la concurrence dans son avis du 28 septembre 1999;

Considérant que l'avis n° 99-A-14 du Conseil de la concurrence conclut à un bilan concurrentiel négatif de l'opération ;

Considérant que le projet de concentration soumis à l'examen du Conseil de la concurrence n'est pas de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les risques d'atteinte à la concurrence qu'il comporte;

Considérant que Pernod Ricard, dans son courrier du 22 novembre 1999 susvisé, a invoqué l'existence d'un accord aux termes duquel TCCC, et Pampryl s'il était retenu comme tiers licencié, ont accepté de garantir l'emploi des salariés d'Orangina pendant des durées respectives de deux et trois ans ;

Considérant que ces engagements, bien que significatifs, sont par nature précaires, et qu'ils visent à compenser certains aspects négatifs de l'opération elle-même ;

Considérant en conséquence quel'opération n'apporte pas au progrès social une contribution modifiant suffisamment le bilan économique et social pour compenser les atteintes à la concurrence,

Arrêtent :

Art. 1er. - Il est enjoint à la société The Coca-Cola Company de renoncer à l'acquisition des actifs du groupe Pernod Ricard relatifs aux boissons " Orangina " pour ce qui concerne la France. La répartition des actifs relatifs aux boissons " Orangina " pour les activités françaises et internationales sera soumise à l'accord préalable du ministre chargé de l'Economie.

Art. 2. - Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le directeur des politiques économiques et internationales sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.