Ministre de l’Économie, 27 janvier 1999, n° ECOC9910048Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ÉCONOMIE
Défendeur :
Directeur juridique de la société Elf Atochem (SA)
MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le directeur,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 27 novembre 1998, vous avez notifié le projet de rachat par Elf Atochem Vlissengen BV des actifs liés au traitement du verre d'emballage détenus par Th. Goldschmidt AG.
Aux termes du projet notifié, Elf Atochem Vlissengen acquiert les actifs incorporels détenus en France par la société Th. Goldschmidt pour le traitement thermique (Hot-End Coating, ou H-EC) et de traitement à froid (Cold-End Coating, ou C-EC) des verres d'emballage. Les actifs transférés comprennent essentiellement la clientèle, la propriété industrielle et intellectuelle (brevets, savoir-faire, marques commerciales) et des équipements de recherche et de développement.
L'opération projetée, en tant qu'elle emporte transfert de propriété et de jouissance, au profit d'Elf Atochem Vlissengen, des actifs liés aux activités de traitement du verre détenus par Th. Goldschmidt, constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 (modifiée).
Th. Goldschmidt continuera de fabriquer des produits et des équipements pour le traitement du verre, si bien que son désengagement de l'activité cédée n'est pas complet. Aux termes de l'article 38 de l'ordonnance n° 86-1243, il doit être tenu compte des chiffres d'affaires des parties et de l'ensemble des entreprises qui leur sont économiquement liées. Au vu des chiffres d'affaires réalisés en France par les groupes Elf Aquitaine (70,8 milliards de francs) et VIAG (11,6 milliards de francs), l'opération est contrôlable au sens de l'article 38 susvisé.
L'opération concerne essentiellement le traitement thermique (H-EC) et le traitement à froid (C-EC) des verres d'emballage, qui consistent à appliquer un produit chimique sur le verre afin d'en améliorer les propriétés de résistance (traitement H-EC) et de faciliter les opérations de remplissage des bouteilles (traitement C-EC). Ces deux traitements nécessitent chacun des produits chimiques et des équipements spécifiques et ils sont utilisés pour des applications différentes.
Au sein des produits H-EC, il est possible de distinguer trois marchés en fonction des produits utilisés, à savoir le trichlorure de monobutylétain (MBTC), le tétrachlorure d'étain (SnC14) et le tétrachlorure de titane (TiC14). En effet, chacun de ces produits requiert des équipements spécifiques. Il convient de noter que le traitement MBTC nécessite des équipements d'application plus sophistiqués qui peuvent être utilisés avec peu d'aménagements pour le SnC14 et le TiC14, alors que l'utilisation du MBTC avec des équipements destinés au SnC14 ou au TiC14 n'est pas possible. En outre, le coût du traitement MBTC est supérieur à celui des deux autres traitements, et le MBTC permet d'atteindre de meilleures performances tout en étant moins polluant. En conséquence, le MBTC, le SnC14 et le TiC14 ne sont qu'imparfaitement interchangeables, et constituent donc chacun un marché de produit distinct.
En revanche, il n'apparaît pas nécessaire de procéder à une segmentation plus fine des produits de traitement C-EC. En effet, s'il existe plusieurs types de cires aux propriétés particulières, les fabricants proposent généralement une gamme complète de cires, qui sont toutes fabriquées à partir d'une même base de cire de polyéthylène et qui peuvent s'utiliser dans des conditions très voisines. Toutes ces cires forment donc un seul et unique marché de produit.
Ces marchés sont de dimension européenne, voire mondiale, en raison des faibles coûts de transport et de l'absence d'obstacle aux échanges intra-communautaires ou mondiaux (par exemple, [...] % (1) des ventes de MBTC réalisés par Elf Atochem Vlissengen le sont hors d'Europe).
A l'issue de l'opération, Elf Atochem Vlissengen détiendra [...] % (2) du marché européen du MBTC. Toutefois, en dépit de cette position forte, Elf Atochem Vlissengen ne sera pas en mesure de s'affranchir de la concurrence sur ce marché. Du côté de l'offre, Elf Atochem Vlissengen restera confrontée à la concurrence de plusieurs fabricants, dont certains sont adossés à de puissants groupes chimiques. En outre, s'agissant d'un produit relativement banalisé, de nouveaux fabricants pourraient facilement pénétrer ce marché.
Du côté de la demande, les principaux clients (tels les groupes Saint-Gobain et Danone) sont dotés d'une puissance économique et financière qui leur confère un fort pouvoir de négociation. Ces clients sélectionnent généralement leurs fournisseurs sur appel d'offres et peuvent facilement diversifier leurs sources d'approvisionnement, y compris hors d'Europe. La baisse de 40 % du prix moyen du MBTC au cours des huit dernières années indique une concurrence assez vive sur ce marché.
Sur les autres marchés, je constate que l'opération ne conduira à aucune addition de parts de marché, Elf Atochem Vlissengen n'y étant pas présente. De plus, sur l'ensemble de ces marchés, le poids de Elf Atochem Vlissengen sera moins important que sur le marché du MBTC, les arguments déjà cités en faveur du maintien d'une concurrence effective restant valables.
L'opération aura principalement pour effet de donner à Elf Atochem Vlissengen un atout supplémentaire par rapport à ses concurrents, à savoir la possibilité d'offrir une gamme complète de produits de traitement à froid ou thermique. Cependant, cet atout n'est pas de nature à placer Elf Atochem Vlissengen en situation de position dominante sur les marchés en cause, dans la mesure où les acheteurs pourront facilement se fournir en produits H-EC et C-EC auprès de producteurs différents.
Compte tenu de ces éléments, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur, l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
Pour le ministre et par délégation : Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, J. Gallot
Nota. - A la demande des parties notifiantes, les parts de marché exactes ont été occultées et remplacées par une fourchette plus générale :
(1) 30 à 40 % ;
(2) Plus de 70 %.
Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.