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Décisions

Conseil Conc., 4 avril 2001, n° 01-A-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de MM. Pierre Debrock, Savinien Grignon-Dumoulin, par Mme Marie-Dominique Hagelsteen, présidente, Mme Micheline Pasturel, vice-présidente, M. Pierre Cortesse, vice-président, M. Jean-Pierre Bidaud, Mme Elisabeth Flüry-Herard, M. Bruno Lasserre, Mme Reine-Claude Mader-Saussaye, Mme Agnès Mouillard, M. Philippe Nasse, M. Bernard Piot, M. Jacques Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 01-A-03

4 avril 2001

Le Conseil de la concurrence (formation plénière),

Vu la lettre du 22 décembre 2000, enregistrée le 27 décembre 2000 sous le numéro A 324, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce, d'une demande d'avis relative à l'acquisition, par la société BASF AG, de l'activité vitamines de la société Takeda ; Vu le livre IV du Code de commerce, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-4, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par la société BASF AG, la société Takeda et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés BASF AG et Takeda entendus ; M. Michel Renault, président de la société Michel Renault et Fils, entendu conformément aux dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce, Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :

CONSTATATIONS

I. - Les entreprises parties à l'opération

A. - La société Takeda

La société Takeda Chemicals Industries Ltd (ci-après Takeda), dont le siège est situé à Osaka, est à la tête d'un groupe qui intervient dans quatre secteurs d'activité : la pharmacie (71 % du chiffre d'affaires), les additifs alimentaires et les vitamines (9 %), les produits chimiques (13 %), la protection des cultures (7 %). Il est numéro un dans le secteur de la pharmacie au Japon. Le groupe a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 6,5 milliards d'euros en 1999.

Le groupe Takeda est le deuxième producteur mondial de vitamines hydrosolubles après le groupe Roche, avec 14 % du marché mondial de ces vitamines pour un chiffre d'affaires mondial de 200 millions d'euros en 1999, dont 5,1 millions en France. 80 % de ses ventes sont destinées aux utilisations humaines (médicaments et compléments alimentaires).

B. - La société BASF

La société BASF AG (ci-après BASF) est à la tête d'un groupe chimique et pétrochimique allemand, dont le siège est à Ludwighafen, qui dispose d'usines et d'un réseau de distribution dans le monde entier.

Son chiffre d'affaires, de 29,5 milliards d'euros en 1999, se décomposait entre les secteurs d'activité suivants :

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Par zone géographique, les ventes 1999 de BASF se répartissaient entre :

- l'Allemagne, pour 24 % du total ;

- le reste de l'Europe, 34 % ;

- les Etats-Unis + Canada + Mexique, 23 % ;

- l'Amérique du Sud, 6 % ;

- l'Asie + le Pacifique + l'Afrique, 13 %.

En France, BASF dispose, depuis 1952 d'une filiale principale distribuant les 8 000 produits fabriqués par le groupe, en particulier les vitamines. BASF France a réalisé en 1999 un chiffre d'affaires de 919 millions d'euros. Ses ventes se répartissent par secteur d'activité utilisateur entre :

- les produits pour l'agriculture : 36 % ;

- les produits chimiques : 26 % ;

- les colorants et assimilés : 24 % ;

- les matières plastiques : 14 %.

BASF fabrique des vitamines liposolubles et hydrosolubles, avec une position traditionnellement forte pour les vitamines liposolubles. En 1999, l'activité vitamines a représenté un chiffre d'affaires mondial de 500 millions d'euros. Les ventes sont, pour l'essentiel, orientées vers les utilisations animales (alimentation du bétail).

Dans le domaine des vitamines hydrosolubles, BASF a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 142 millions d'euros, représentant 9 % du marché mondial de ces vitamines, dont 8,3 millions d'euros pour la France. BASF ne fabriquait, avant la reprise de l'activité de Takeda, que les vitamines C, B2 et B5 et achetait auprès d'autres producteurs les vitamines B1, B6 ainsi que l'acide folique pour compléter son offre commerciale.

L'activité vitamines hydrosolubles de BASF est déficitaire depuis 1996 (déficit de 20 millions d'euros en 1999) du fait de l'emploi d'une technologie de production dépassée et d'un niveau de ventes trop faible pour rentabiliser l'investissement dans de nouvelles installations.

II. - L'opération soumise au conseil

Aux termes d'un protocole signé le 6 juillet 2000, BASF a acquis l'ensemble de l'activité vitamines du groupe Takeda pour le monde entier. Ce protocole est entré en application le 4 janvier 2001.

L'activité vitamines de Takeda acquise par BASF recouvre trois volets principaux : un outil de production, un réseau de distribution et le fonds de commerce et la technologie correspondants. L'opération soumise à contrôle ne comporte aucune filiale, ni actifs implantés sur le sol français.

- le réseau de distribution est constitué de trois sociétés filiales du groupe Takeda : Takeda Vitamin & Food USA (filiale de distribution pour l'Amérique du Nord employant [...] salariés), Takeda Europe (filiale de distribution installée à Hambourg, [...] salariés) et Takeda Vitamin & Food Asia (distribution/Singapour, [...] salariés). Au Japon, une filiale commune de distribution (BASF 66 % du capital, Takeda 34 %) est créée par l'accord ;

- le volet production comporte la cession de l'usine américaine de vitamine C de Wilmington et la fabrication exclusive pour BASF de cinq vitamines (B1, B2, B6, C et acide folique) par l'usine japonaise de Takeda à Hikari [...]. [...] ;

- la cession par Takeda de ses technologies de production et de formulation pour les vitamines hydosolubles.

A. - Les objectifs de l'opération

L'opération est l'aboutissement des choix stratégiques effectués par BASF et Takeda. Le profil respectif de spécialisation des deux groupes explique, à partir d'une analyse identique du marché actuel des vitamines et de ses perspectives, des choix stratégiques opposés.

Takeda, spécialisé dans la pharmacie, a arrêté, en 1998, une politique de désengagement au vu de deux éléments : son activité vitamines est déficitaire depuis plusieurs années et les prix mondiaux de ces produits sont durablement orientés à la baisse. Depuis le milieu des années 1990, Takeda a centré sa stratégie sur les médicaments destinés aux pathologies complexes et à l'amélioration de la qualité de la vie des malades, en axant ses travaux de recherche et de développement de nouveaux produits sur le génome et la génétique.

A l'inverse, BASF a cédé ses activités pharmaceutiques en mars 2001 à la société Abbott et a décidé de renforcer son activité dans le domaine des vitamines hydrosolubles. Dans cette perspective, sa stratégie consiste à produire l'ensemble de la gamme des vitamines, à réduire ses coûts de production en réalisant des économies d'échelle et à améliorer ses parts de marché afin de rétablir la rentabilité de cette activité. La reprise de l'activité vitamines de Takeda lui permet d'acquérir des parts de marché et d'envisager l'ouverture de nouvelles usines de production.

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Le choix de construire une usine de production de vitamine B1 n'est pas, selon les représentants de BASF, encore arrêté. Plusieurs implantations sont à l'étude, dont deux situées en Chine.

B. - Nature juridique de l'opération

Aux termes de l'article L. 430-2 du Code de commerce, " la concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs entreprises une influence déterminante ".

Les conventions conclues le 6 juillet 2000, en tant qu'elles emportent transfert de propriété des actifs de Takeda relatifs à la production et à la commercialisation de vitamines à BASF, constituent une concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce.

III. - La délimitation des marchés concernés par l'opération

Actuellement, BASF ne fabrique que trois vitamines hydrosolubles (C, B2, B5) et achète à ses concurrents (Roche, Daiichi, Takeda, producteurs chinois et indiens) les vitamines B1, B6 et l'acide folique dont il a besoin pour compléter son offre commerciale. En revanche, Takeda produit ces cinq vitamines.

Il n'y a donc, tant au plan mondial que français, un recoupement des productions de BASF et de Takeda que pour les seules vitamines C et B2, comme le montre le tableau ci-dessous.

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A. - Les caractéristiques des produits

Les vitamines (au nombre de treize) sont des substances indispensables à la vie, que l'organisme est incapable de synthétiser par lui-même et qui doivent lui être apportées par l'alimentation. On distingue, d'une part, les vitamines solubles dans l'eau, dites hydrosolubles, au nombre de neuf (C, B1, B2, B5, B6, B9, B12, H, PP), d'autre part, les vitamines solubles dans les corps gras, dites liposolubles, au nombre de quatre (A, D2, E, K). L'opération de concentration examinée ne porte que sur les vitamines hydrosolubles.

Chaque vitamine possède des caractéristiques et des propriétés nutritionnelles ou thérapeutiques spécifiques. La formule chimique, le rôle au sein des organismes vivants, les particularités physiques, physiologiques et métaboliques, le mode d'obtention et le processus mis en œuvre pour la production industrielle diffèrent pour chaque vitamine.

Les vitamines ne sont donc pas substituables entre elles. C'est également l'analyse retenue par la Cour de justice des Communautés européennes dans sa décision " Hoffmann La Roche " du 13 février 1979.

La production de vitamine C est presque exclusivement destinée à l'usage humain. L'aspect marginal des échanges de vitamine C destinée à l'alimentation animale justifie qu'un seul marché soit identifié, englobant l'ensemble des échanges de vitamine C.

En revanche, la vitamine B2 est indispensable à l'élevage intensif du bétail et est, donc, en grande partie, utilisée comme additif dans la fabrication industrielle d'aliments pour le bétail (1). Les deux types de vitamines B2 utilisés respectivement dans l'alimentation humaine (dite " food ") et dans l'alimentation animale (dite " feed ") ne sont pas directement substituables. La vitamine à usage humain exige une étape supplémentaire de purification du produit qui serait sans intérêt pour les animaux et augmenterait inutilement le prix du produit (2). En revanche, un taux de purification insuffisant n'est pas acceptable pour une utilisation humaine. Deux marchés sont donc distingués, l'un pour la vitamine B2 " food ", l'autre pour la vitamine B2 " feed ".

B. - L'offre de vitamines hydrosolubles

Le groupe Roche apparaît comme le leader mondial pour la fabrication des vitamines hydrosolubles, pour quasiment tous les produits.

Toutefois, le fait que chaque vitamine exige une chaîne de fabrication spécifique explique qu'aucune entreprise ne fabrique la totalité des vitamines, même le leader Roche. La spécificité du procédé de fabrication propre à chaque vitamine exclut par ailleurs la reconversion des unités de production.

La production des vitamines dans le monde se répartit entre les fabricants de la manière suivante :

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La répartition des parts de marché en France entre les concurrents de BASF et Takeda a été difficile à établir, certains producteurs ne disposant que de statistiques globalisées au niveau européen. Pour les vitamines C et B2, les ventes en France des concurrents de BASF et Takeda ont été estimées à partir d'informations de sources diverses mais suffisamment convergentes. Pour les vitamines B1, B6 et l'acide folique, les différentes sources étaient trop divergentes et aucune estimation n'a été retenue. BASF ne fabrique pas les vitamines B1 et B6 et n'a qu'une activité de négoce peu importante destinée à compléter son offre commerciale. Il n'intervient pas sur le marché de l'acide folique.

En France, la situation se distingue de celle du reste du monde en ce que la " joint-venture " ADM/Aventis y détient la première position en ce qui concerne la vitamine B2 destinée à l'alimentation animale.

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L'entrée sur les marchés de nouveaux producteurs n'est pas limitée par des contraintes réglementaires ou technologiques :

- réglementaires : les vitamines se sont pas des médicaments, avec les conséquences réglementaires pour leur mise sur le marché que cela emporterait ; les produits commercialisés doivent seulement être conformes à la définition qu'en donne la pharmacopée européenne ou américaine ;

- technologiques : les brevets des procédés de fabrication sont aujourd'hui dans le domaine public. Les vitamines sont fabriquées industriellement par synthèse ou par fermentation à partir de matières premières courantes (céréales ou sucre), correspondant à des technologies largement diffusées et maîtrisées par les entreprises chimiques et pharmaceutiques du monde entier.

En revanche, l'industrialisation de la fabrication des vitamines C et B2 exige des investissements initiaux importants : le coût d'une usine standard est d'environ 100-150 millions de francs selon l'information obtenue auprès de plusieurs opérateurs (par comparaison, la production des vitamines liposolubles est plus complexe et coûteuse à industrialiser). Les coûts fixes sont élevés (environ 70 % des coûts totaux) et l'importance des économies d'échelle (3) représente une barrière à l'entrée dans un secteur où les capacités de production des entreprises sont excédentaires. La rentabilité des capitaux investis est relativement faible et fortement dépendante du volume produit.

Les entreprises entrées sur les marchés des vitamines au cours des années 90 appartiennent au secteur de la pharmacie (cas des producteurs chinois) ou de l'agrochimie (cas de l'entreprise américaine ADM avec laquelle Aventis s'est associé pour fabriquer de la vitamine B2 aux Etats- Unis).

Les producteurs chinois utilisent les nouveaux procédés de production des vitamines C et B2 par fermentation. Ils supportent des coûts de production moins élevés que les producteurs occidentaux et bénéficient d'un marché national fermé. Compte tenu de ces avantages compétitifs, ils ont, en baissant les prix (4), conquis une part importante des marchés des vitamines C et B2 depuis le début des années 1990. Ils sont également présents sur les marchés des vitamines B1 et B6 :

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Les différents opérateurs chinois peuvent être considérés comme une entreprise unique. Les vitamines sont des produits légalement protégés dont la production et l'exportation sont contrôlées par l'Etat : l'administration centrale chinoise fixe les prix de vente et les quotas d'exportation et répartit le marché entre les différents producteurs nationaux en fonction de leurs capacités de production. Les importations sont lourdement taxées. Les investissements des entrepreneurs étrangers sont subordonnés à l'accord de l'Etat et de l'ensemble des producteurs chinois. Les produits sont exportés par une seule entité dépendant du ministère chinois de l'économie.

Les producteurs chinois disposent de capacités de production importantes. Si la qualité de leurs produits n'est pas toujours exactement conforme aux exigences de la clientèle européenne, notamment de l'industrie pharmaceutique, ce niveau de qualité devrait être atteint sans difficulté dans un proche avenir. Les producteurs chinois ne possèdent pas de circuit de distribution hors de Chine et exportent environ 90 % de leur production par l'intermédiaire de " brokers " spécialisés, dont certains, importants, sont installés en Europe, à Hambourg notamment. Ceux-ci procèdent à des contrôles sur place et garantissent la qualité des produits qu'ils distribuent.

Comme la Chine il y a quinze ans, l'Inde commence à produire les vitamines dont les processus de production sont les mieux connus et les plus simples, notamment l'acide folique. Si l'Inde ne détient pas encore de parts de marché significatives au niveau mondial sur l'ensemble des marchés des vitamines, cette situation pourrait changer d'ici cinq à dix ans.

C. - La demande de vitamines hydrosolubles

La demande de vitamines hydrosolubles dans le monde était évaluée à 1,15 milliard d'euros en 1999 et devrait croître d'environ 4 % par an au cours des dix prochaines années, la demande progressant surtout dans les pays hors OCDE.

Les caractéristiques propres à chaque vitamine conduisent à un usage final spécifique et donc à des clientèles différentes. La vitamine B2 est indispensable au bétail et l'alimentation animale représente l'essentiel de ses débouchés. Les producteurs présents sur les deux types de vitamine B2 ne sont pas les mêmes et les circuits de commercialisation ainsi que les catégories de clients sont différents. Pour la vitamine C, la situation est totalement inversée puisque la vitamine C est employée à 95 % pour l'usage humain.

Selon la vitamine concernée, les producteurs s'adressent à une ou plusieurs des trois catégories de clients suivants : les fabricants d'aliments pour le bétail, les industriels de l'alimentation humaine, la pharmacie-cosmétique.

En France, le marché des vitamines hydrosolubles représentait en 1999 un chiffre d'affaires de 41 millions d'euros correspondant à un volume total de 4 618 tonnes :

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La clientèle est composée de groupes industriels importants ou de grandes PME, qui sont acquéreurs, soit de volumes importants pour une ou deux vitamines précises, soit de plusieurs vitamines pour des volumes très faibles. Dans les deux cas, les vitamines ne représentent qu'une très faible proportion du total des achats des entreprises utilisatrices, en valeur comme en volume (moins de 5 %).

Les principaux acheteurs français sont :

- pour l'usage animal : les fabricants d'aliments pour le bétail où la forte intégration du secteur de la production de viande limite les acheteurs à quelques grands groupes (UNCAA, Glon-Sanders, Guyomarc'h) ;

- pour l'alimentation humaine : les entreprises de l'agro-alimentaire (Coca-Cola France, premier acheteur de vitamines français, Nestlé, les entreprises du groupe Danone ...) ;

- pour la pharmacie : des laboratoires, filiale de grands groupes internationaux (exemple : UPSA/GlaxoSmithKline) ou travaillant à façon pour de grands groupes (exemple : Ethypharm, Arkopharma).

La valeur unitaire (prix/kg) est extrêmement variable selon la vitamine, avec une échelle des prix de vente allant de un à quatre. Complexité du processus de production, nature de l'utilisation, volume consommé annuellement sont en effet différents pour chaque vitamine :

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Les vitamines sont acquises en vrac et représentent pour les acheteurs un poste de dépenses peu important : le prix est un critère majeur du choix du fournisseur. Le marché des vitamines hydrosolubles doit s'analyser comme un marché de " commodities ", caractérisé par l'homogénéité des produits et l'unicité des prix, les utilisateurs pouvant changer de fournisseur sans contrainte ni délai. En effet, la durée des contrats d'achat est courte (trois à six mois, rarement douze mois), voire très courte (contrats spots).

Les fabricants ne sont pas en mesure d'obtenir une rémunération supplémentaire pour les services accompagnant leur offre (conseils et assistance technique apportés à l'utilisateur), qui aident à la réalisation de la vente mais ne permettent pas de différencier leur produit de ceux des concurrents.

Pour les vitamines en jeu dans l'opération BASF/Takeda, les prix de vente ont fortement baissé au cours des dernières années, en raison de l'entrée sur le marché des producteurs chinois qui a contribué au démantèlement du cartel mondial des vitamines qui avait perduré de nombreuses années, maintenant artificiellement des prix élevés.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que les marchés à prendre en considération dans le cadre de la présente opération sont, d'une part, le marché de la vitamine C, utilisée presque exclusivement dans l'alimentation humaine (95 % des utilisations), et, d'autre part, les marchés de la vitamine B2 destinée, d'une part, à l'alimentation animale et, d'autre part, à l'alimentation humaine. Cette définition des marchés n'est pas contestée par les parties notifiantes.

D. - La délimitation géographique des marchés

Les échanges de vitamines s'effectuent à l'échelle mondiale.

Le nombre d'entreprises produisant des vitamines hydrosolubles est limité à quelques très grands groupes chimiques et/ou pharmaceutiques multiactivités (l'activité vitamines constituant une proportion réduite de leur chiffre d'affaires total), de grandes dimensions et d'envergure internationale.

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Les vitamines sont des produits banalisés, qui peuvent voyager sans altération et qui sont facilement transportables. Leur circulation ne se heurte à aucun obstacle d'ordre réglementaire, sauf en Chine, et les clients sont livrés à partir de lieux de production souvent éloignés des lieux de consommation, compte tenu du petit nombre d'usines de production. Ainsi, les clients européens de Takeda sont livrés à partir d'une usine située au Japon. Les coûts de transport (5) ne sont pas davantage un obstacle à l'importation des produits chinois. Les parts de marché que ces derniers ont conquises ces dernières années témoignent de la fluidité des marchés de vitamines.

Il résulte de ces constatations que la dimension des marchés est mondiale.

IV. - Contrôlabilité

Les seuils définis à l'article 1er du règlement CEE n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 modifié n'étant pas atteints, l'opération n'est pas de dimension communautaire.

En ce qui concerne la contrôlabilité par le conseil, l'article L. 430-1 du Code de commerce dispose que : " Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence.

Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 2 milliards de francs. "

Par ailleurs, l'article 27 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 précise que : " Le chiffre d'affaires pris en compte à l'article 38 de l'ordonnance (art. L. 430-1 du Code de commerce) est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou par mandataire vers l'étranger. "

Le seuil exprimé en chiffre d'affaires n'étant pas atteint par les entreprises parties à la concentration, il convient de rechercher si, sur les marchés concernés par l'opération, le seuil exprimé en parts de marché est atteint.

Les deux entreprises parties à l'opération détiennent conjointement plus de 25 % des ventes sur les marchés de deux vitamines en France : la vitamine C, qui représente en France un volume commercialisé de 3 600 tonnes pour une valeur de 15,2 millions d'euros en 1999 ; la vitamine B2 destinée à l'alimentation animale, appelée vitamine B2 feed, qui représente en France un volume commercialisé de 186 tonnes pour une valeur de 3,1 millions d'euros en 1999.

Sur ces deux marchés, l'ensemble constitué par BASF et Takeda détenait en 1999 respectivement [20 à 30] du marché français pour la vitamine C et [30 à 40] % pour la vitamine B2 feed, donnant au groupe issu de la concentration la place de numéro deux sur les marchés français.

Pour les deux autres vitamines hydrosolubles B1 et B6, que fabrique Takeda et que commercialise BASF, le cumul des parts de marché en France des deux opérateurs se situe en deçà du seuil de 25 % du marché national : [10 à 20] % pour la B1 et [10 à 20] % pour la B6.

L'opération par laquelle BASF a acquis l'ensemble de l'activité vitamines de Takeda est donc contrôlable par le conseil, en application de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

V. - Le bilan de l'opération sur la concurrence

Dès lors que le marché français fait partie du marché mondial, les conséquences de l'opération de concentration ne peuvent être évaluées qu'à partir d'une analyse de l'évolution prévisible du marché mondial.

A. - Au plan mondial

La réalisation de l'opération ne permet pas au nouvel ensemble d'acquérir, au niveau mondial, une position dominante sur l'ensemble des marchés des vitamines. En effet, le groupe Roche demeure le premier producteur mondial de vitamines, proposant l'ensemble de la gamme des vitamines et disposant de capacités de production importantes. Sur les marchés concernés par la présente opération, Roche détient 29 % de parts sur le marché de la vitamine C et 37 % de parts sur le marché de la vitamine B2 à usage animal. Le nouvel ensemble BASF/Takeda occupera une position de second rang sur l'ensemble des marchés de vitamines et ne disposera pas d'avantages concurrentiels significatifs d'ordre technologique, commercial ou financier de nature à lui permettre d'avoir un comportement indépendant de celui de ses concurrents, et notamment du groupe Roche.

En revanche, la construction d'une offre dont l'importance, la qualité et la diversité soutiennent mieux la comparaison avec celle du groupe Roche permet de contrebalancer la position de premier plan que ce dernier occupe et peut avoir un effet favorable sur le fonctionnement de la concurrence.

Toutefois, le marché des vitamines présente, en raison de sa structure oligopolistique, la plupart des caractéristiques propres à favoriser la constitution de cartels anticoncurrentiels ou, à tout le moins, de comportements qui, sans être illicites, conduisent à restreindre la concurrence par les prix :

- produits homogènes (" commodities ") qui supportent un transport sur de longues distances sans surcoût dissuasif, faciles à stocker ;

- techniques de fabrication maîtrisées par tous les grands groupes chimiques ou pharmaceutiques (brevets dans le domaine public) ;

- rôle mineur de la recherche et de l'innovation dans le développement des produits et de leurs applications ;

- industrie à forte intensité capitalistique (proportion des coûts fixes élevés) se traduisant par des économies d'échelle importantes ;

- capacités de production excédentaires ;

- cotation internationale des produits (notamment à Hambourg) facilement accessible pour les intermédiaires ou les utilisateurs ;

- part faible ou très faible du coût des vitamines dans les coûts totaux des utilisateurs.

De plus, l'existence de capacités de production excédentaires, les déficits accumulés par BASF et Takeda ces dernières années, la présence active sur les marchés des opérateurs chinois, la baisse continue des prix depuis quelques années rendent peu vraisemblable l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, à l'exception de producteurs indiens qui disposent de conditions de production particulièrement favorables (coûts de main-d'œuvre faibles et importance du marché intérieur).

L'histoire récente a confirmé le risque de comportements coordonnés résultant de ces caractéristiques. Les principaux producteurs de vitamines, dont Roche, BASF et Takeda, ont reconnu avoir organisé au cours des années 1990 un cartel dont le rôle était notamment de fixer le prix de différentes vitamines, dont la C, la B2, la B1 et la B6, à un niveau artificiellement élevé. Trois anciens cadres dirigeants de BASF et un cadre de Roche ont été condamnés à des peines de prison ferme par la justice américaine et la division antitrust du département américain de la justice a infligé, en 1999, une amende de 500 millions de dollars à Roche et une amende de 225 millions de dollars à BASF pour entente illégale sur les prix. Par ailleurs, les procédures en indemnisation engagées devant les tribunaux américains par les clients victimes de ces pratiques ont déjà coûté plus d'un milliard de dollars aux producteurs impliqués. De plus, une procédure est actuellement en cours devant la Commission européenne pour les mêmes chefs d'accusation.

Si l'opération ne permet pas au nouvel ensemble d'acquérir une position dominante sur les marchés des vitamines, la disparition d'un opérateur accentue la concentration de l'offre et pourrait, au moins théoriquement, augmenter les risques de comportements collusifs. Cependant, la structure de l'oligopole et les caractéristiques des entreprises qui le composent conduisent à minimiser ce risque.

En ce qui concerne l'entente expresse, les risques de récidive apparaissent limités par plusieurs facteurs. D'une part, la lourdeur des sanctions prononcées par la justice américaine et l'atteinte à l'image des producteurs qui en résulte ont sensibilisé les dirigeants des entreprises concernées aux risques attachés à de tels comportements. Au cours de l'instruction, BASF a communiqué la charte qui a été établie afin de prévenir toute tentation de participer à des pratiques anticoncurrentielles. Par lettre en date du 30 mars 2001, communiquée au conseil en cours de séance, les membres du directoire de BASF AG ont, de plus, réaffirmé solennellement la volonté de la société de tout mettre en œuvre pour empêcher la réitération de telles pratiques.

D'autre part, le niveau artificiellement élevé des prix résultant des décisions du cartel a été identifié par les producteurs eux-mêmes comme le facteur principal qui a encouragé les producteurs chinois à investir pour entrer sur les marchés des vitamines. L'arrivée des producteurs chinois et les pressions qu'ils ont exercés sur les prix ont fragilisé le cartel et entraîné sa dénonciation aux autorités de la concurrence. Sur ce point, il convient de noter que, dans sa décision du 30 novembre 2000, relative à l'appréciation des effets en Allemagne de la présente opération, le Bundeskartellamt a souligné que " dans le passé, l'efficacité de cette concurrence (des producteurs chinois) a été démontrée : selon l'enquête faite par la Commission de l'UE, de 1991 à 1995, des accords ont été conclus entre les entreprises HLR, BASF, Takeda et Merck sur les marchés de la vitamine C. Depuis 1993, les exportations chinoises avaient augmenté sensiblement, les bas prix menaçaient la stabilité du cartel. Depuis 1995, cette concurrence exerce aussi des effets sur le niveau général des prix. Les prix sont tombés de 25 DM par kilogramme environ à 11 DM par kilogramme environ actuellement ".

L'opération examinée ainsi que les éléments d'information disponibles sur les stratégies de développement suivies par les autres producteurs montrent, de plus, que l'accroissement de la pression concurrentielle entraîné par ces nouvelles entrées sur le marché est également de nature à inciter les producteurs à moderniser leurs outils de production et à accroître leurs capacités de production afin d'obtenir des baisses de coûts.

En ce qui concerne l'analyse du risque que l'opération ne conduise le nouveau groupe et Hoffman Laroche ou des opérateurs concurrents à occuper une position dominante collective " qui donnerait [aux opérateurs] le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants, dans une mesure appréciable, vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs " au sens dégagé par le TPI dans l'arrêt Gencor du 25 mars 1999, il convient de prendre en compte le facteur décisif constitué par la présence et la stratégie des producteurs chinois.

En supposant même que le nouveau groupe et Hoffman Laroche aient intérêt à coordonner leur politique commerciale pour tenter de majorer artificiellement les prix, une telle politique ne pourrait prospérer qu'à la condition que les producteurs chinois (et, à terme, les producteurs indiens) ne se prêtent au jeu. Or, il est clair que la politique commerciale des producteurs chinois, depuis leur entrée sur le marché, est exactement inverse et on ne voit pas en quoi la disparition d'un opérateur, associée à la constitution d'un groupe plus puissant, pourrait inciter les producteurs chinois à modifier leur stratégie. L'existence d'un offreur puissant, dont la stratégie est totalement indépendante et délibérément orientée vers la baisse des prix et dont rien ne permet de penser qu'il pourrait décider d'en changer, rend peu probable la constitution d'une position dominante collective.

On peut par ailleurs noter que BASF produira à terme l'ensemble des vitamines et n'aura plus à s'approvisionner auprès des autres producteurs, notamment auprès du groupe Roche. D'une part, les liens économiques existants entre les deux groupes seront donc rompus, d'autre part, la transparence des prix, favorable en théorie à un comportement coordonné, sera ainsi réduite.

En dernier lieu, si l'opération de concentration était interdite, la seule solution alternative serait, selon les parties à l'opération, le désengagement des deux entreprises de la production de vitamines hydrosolubles. En effet, BASF et Takeda enregistrent depuis plusieurs années des déficits importants dans la production de vitamines hydrosolubles en raison de procédés de fabrication obsolètes, entraînant des coûts de fabrication prohibitifs, et de parts de marché insuffisantes pour rentabiliser les investissements nécessaires à la modernisation de leurs outils de production. Dans ces conditions, on imagine difficilement qu'un opérateur industriel ou financier étranger au marché des vitamines puisse reprendre des entreprises structurellement non rentables. Dès lors, seul un opérateur déjà présent sur le marché pourrait éventuellement être candidat au rachat de l'une ou l'autre (ou des deux) de ces entreprises. Quelle que soit l'approche retenue, les conséquences sur le marché d'un abandon de l'opération seraient soit identiques, soit plus vraisemblablement (si Hoffman Laroche reprenait l'une des deux entreprises par exemple) plus dommageables au regard de la préservation de la concurrence que l'opération de concentration examinée.

B. - En France, l'opération ne modifie pas significativement la situation concurrentielle sur les marchés des vitamines C et B2

En France, la réalisation de l'opération n'entraîne un cumul de parts de marché que pour ce qui concerne les vitamines C et B2 feed (Takeda n'est pas présent en France sur la B2 food) :

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Tous les producteurs se trouvent dans une position économique comparable : aucun d'entre eux n'y possède des installations de production et tous y exercent une activité de négoce. Le raisonnement tenu pour le marché mondial s'applique pour les marchés français qui n'en constituent qu'une partie. Les vitamines étant des produits homogènes, facilement transportables et stockables, mettant en cause des volumes limités, le prix de vente proposé est déterminant. A ce titre, les producteurs chinois, comme les nouveaux entrants envisageables (Inde, pays de l'Est), disposent d'un avantage compétitif structurel leur permettant de faire pression sur le niveau des prix.

Si quelques clients, notamment dans le secteur de l'alimentation humaine, ont, au cours de l'instruction, manifesté des doutes sur la qualité des produits chinois pour certains usages, sur leur traçabilité ou sur la sécurité de leur approvisionnement, l'ampleur des parts néanmoins conquises sur les différents marchés des vitamines au cours de ces dernières années montre que les producteurs chinois exercent une forte pression concurrentielle.

Le marché de la vitamine C

A l'issue de l'acquisition de l'activité de Takeda, BASF détient [20 à 30] % du marché français, à égalité avec les producteurs chinois, qui doivent être analysés comme un opérateur unique de par leur mode de fonctionnement, et loin derrière Roche ([40 à 50] % des ventes). Face au leader européen et mondial des vitamines, et compte tenu de la pression concurrentielle exercée par les producteurs chinois, la réalisation de l'opération n'est pas de nature à placer le nouvel ensemble en situation de position dominante.

Le marché de la vitamine B2 feed

L'opération donne à BASF une part de marché cumulée de [30 à 40] % et la place de leader sur le marché français de la vitamine B2 feed, conjointement avec Aventis. L'évolution de la situation de la concurrence est donc plus marquée sur ce marché, sans pour autant entraîner la création d'une situation de position dominante, compte tenu de la forte position d'Aventis.

De plus, le marché de la vitamine B2 feed est particulier en France avec la forte intégration des entreprises de la filière viandes (aliment-élevage-abattage, voire transformation), sans équivalent dans le reste de l'Europe. Compte tenu de cette situation et de la faible rentabilité du secteur, les producteurs de vitamines n'envisagent pas de développer leur activité sur ce marché aval en fabriquant des prémélanges.

En France, les fabricants de vitamines se limitent donc à fournir leur produit en vrac (marché de " commodities "), avec, au plus, une aide sous forme de conseils et d'assistance technique. Ils ont en face d'eux un nombre réduit de clients de grande taille, utilisateurs permanents de volumes importants (à l'échelle de ce marché, qui ne représente que 186 tonnes ou 3,1 millions d'euros en France) pour la production d'aliments pour le bétail. L'impératif de sécurité de leurs approvisionnements conduit ces industriels à maintenir en permanence deux fournisseurs concurrents.

La progression en France des producteurs chinois sur le marché de la vitamine B2 feed, dont ils détiennent déjà [10 à 20] %, est très probable. Ils sont déjà très présents en Europe sur le marché de la B2 food et le processus de fabrication des deux types de vitamines B2 est identique, la seule différence résidant dans l'ajout d'une étape ultime de purification du produit pour la B2 food. La Chine représentant à moyen terme le plus grand marché national pour la vitamine B2 feed avec l'industrialisation de son élevage porcin, ses producteurs de vitamines sont incités à développer leur production. Comme pour le marché de la vitamine C, une baisse des prix mondiaux de la vitamine B2 feed peut en être escomptée.

L'absence d'effet de gamme :

Aux termes de l'accord conclu le 6 juillet 2000, Takeda fournira exclusivement BASF en vitamines B1 et B6. BASF sera ainsi en mesure de proposer l'ensemble de la gamme des vitamines hydrosolubles. Si l'offre d'une gamme complète des vitamines représente dans certains cas un avantage concurrentiel, la réalisation de l'opération ne modifie pas la situation préexistante dans la mesure où, par le biais d'achats effectués auprès d'autres producteurs (vitamines B1 et B6 à Roche notamment), BASF offrait déjà l'ensemble de la gamme des vitamines à ses clients.

Sauf lorsque les vitamines sont commercialisées sous forme de prémélanges, il n'est pas apparu, au cours de l'instruction, que les producteurs de vitamines consentaient des remises spécifiquement liées à l'achat de plusieurs produits de leur gamme. De telles remises ne figurent d'ailleurs pas dans les conditions de ventes de BASF. Les acheteurs interrogés au cours de l'instruction estiment que l'assortiment ne joue pas de rôle, ou un rôle très secondaire, dans leur politique d'achat.

Par ailleurs et dans une perspective plus lointaine et, en tout état de cause, difficile à préciser, il ne peut être exclu que d'autres opérations de restructuration prennent place sur le marché des vitamines C et B2. Ainsi, Aventis, aujourd'hui principal acteur sur le marché de la vitamine B2 feed en France à côté du nouvel ensemble BASF/Takeda, a annoncé le projet de céder sa branche " Animal Nutrition " et Merck s'interroge sur un éventuel désengagement de la production de vitamine C. Toutefois, à ce jour, il ne s'agit que d'annonces sur la portée desquelles il est prématuré de se déterminer.

SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Est d'avis :

Que la concentration résultant de l'acquisition de l'activité vitamines de la société Takeda par la société BASF AG n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

* Nota : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du secret des affaires en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.

(1) 65 % des volumes au niveau mondial et 95 % en France sont utilisés pour l'alimentation animale.

(2) La vitamine B2 est purifiée au taux de 99,9 % pour l'usage humain et à 80 % (procédé par fermentation) ou 96 % (procédé chimique traditionnel).

(3) Pour doubler la capacité de production, les investissements sont réduits de 50 %.

(4) Le prix de la vitamine C est passé de 15 Euro par kilogramme en 1993-1994 à moins de 5 Euro en 2000.