Ministre de l’Économie, 28 décembre 2001, n° ECOC0200086Y

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier, dont il a été accusé réception le 30 octobre 2001, la société Naco France, filiale du groupe norvégien Norsk Hydro Asa, a notifié le projet de rachat de la totalité des actions de la société MCEP Opérations France, laquelle détient 100 % du capital de la société française Technal. Les parties ont signé l'accord relatif à cette opération le 29 octobre 2001.

Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce, avant sa modification par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001.

Le groupe acquéreur Norsk Hydro Asa (ci-après Hydro) est contrôlé par l'Etat norvégien qui détient 43,82 % de son capital. Hydro a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires mondial de 242,8 milliards d'euros, dont 3,6 milliards d'euros en France. Le groupe est très intégré verticalement et exerce ses activités dans le monde entier, dans l'industrie pétrolière et gazière (exploration, production, pétrochimie, agrochimie) ainsi que dans la métallurgie (aluminium et magnésium).

La société Naco France est rattachée à la division " Aluminium extrusion " du groupe Hydro. Elle contrôle plusieurs sociétés françaises de fabrication, de transformation, de conditionnement et de commercialisation d'aluminium extrudé et d'outillage d'extrusion. Les filiales les plus importantes sont : la société Extrusion Services (chiffre d'affaires de 41,3 millions d'euros en 2000), qui transforme des déchets et des lingots d'aluminium en billettes de filage ; les sociétés Hydro Alu Expal (chiffre d'affaires de 94,5 millions d'euros en 2000) et Hydro Aluminium Châteauroux (chiffre d'affaires de 60,4 millions d'euros en 2000) qui exploitent des usines d'extrusion ; la société Wicona (chiffre d'affaires de 26,7 millions d'euros en 2000) qui élabore et vend des systèmes en aluminium utilisés pour la construction de bâtiments, dits " systèmes de construction ".

La société Technal est une filiale à 100 % de la société holding MCEP Opérations France SAS, elle-même filiale de MCEP France SARL, qui n'a pas d'autre activité en France, et dont le siège est au Luxembourg. Elle a pour activité essentielle la mise au point, la fabrication et la commercialisation de systèmes de construction en aluminium. Elle a six filiales et succursales en Europe (Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Suisse, Belgique et Allemagne). Le groupe Technal a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires total de 257,3 millions d'euros, dont 161,5 millions d'euros en France.

En France, Hydro et Technal exercent tous deux leur activité dans le secteur de l'aluminium. La prise de contrôle de Technal vise, selon Hydro, à renforcer sa présence dans la vente de profilés d'aluminium destinés au secteur du bâtiment et, plus particulièrement, dans la vente de systèmes de construction.

L'aluminium est fabriqué à partir du minerai de bauxite qui, transformé par procédé chimique en alumine, permet d'obtenir de l'aluminium primaire sous différentes formes (billettes, lingots, plaques, fil machine). L'aluminium primaire est ensuite utilisé dans la fabrication de produits semi-finis, notamment par laminage ou extrusion. Le laminage est un processus continu qui consiste à réduire l'épaisseur d'une plaque de métal par passages successifs entre des cylindres, opérations au cours desquelles l'aluminium est à la fois écrasé et étiré. L'extrusion ou filage consiste, à l'aide d'une presse hydraulique, à pousser une billette cylindrique d'aluminium au travers d'une filière, outil creux qui détermine la forme de section souhaitée pour le produit ainsi extrudé (appelé profilé).

Selon la jurisprudence communautaire (cf. note 1) , dans le secteur de l'aluminium, il convient de distinguer les productions (i) d'alumine, (ii) d'aluminium primaire, (iii) de produits laminés et (iiii) de produits extrudés.

Les productions d'alumine, d'aluminium primaire et le laminage relèvent chacun d'un marché distinct.

Au sein des produits en aluminium extrudés, appelés profilés, la Commission européenne distingue, d'une part, ceux réalisés à partir d'alliages doux et, d'autre part, ceux réalisés avec des alliages durs. La fabrication de ces derniers est en effet plus compliquée et nécessite des investissements plus lourds. En outre, les deux catégories de profilés sont destinées à des utilisations différentes (essentiellement fenêtres, portes et autres éléments de construction en ce qui concerne les profilés en alliages doux ; ponts, applications militaires et aéronautiques en ce qui concerne ceux en alliages durs). Pour ces raisons, la Commission européenne a estimé que ces deux catégories de profilés relèvent chacune d'un marché séparé.

Technal et Hydro vendent des profilés en alliages doux dans le cadre de systèmes de construction. Hydro les vend également seuls, hors systèmes de construction.

Les parties estiment que le marché des profilés en alliages doux inclut les systèmes de construction.

Les produits extrudés en alliages doux sont vendus à des professionnels qui peuvent être stockistes de métal, constructeurs ou fournisseurs de systèmes de construction. Ces derniers vendent aux constructeurs des ensembles permettant de réaliser un produit fini déterminé. Les systèmes de construction comprennent donc, en sus d'un jeu de profilés, des accessoires, des outils, un logiciel pour concevoir et fournir des solutions aux constructeurs, une formation, des catalogues et informations sur les produits. Les éléments autres que les profilés représentent environ entre 30 % et 40 % du prix de ces systèmes. De par leur concept, les systèmes de construction sont surtout destinés aux petites et moyennes entreprises de construction. Les fournisseurs de systèmes de construction peuvent produire tout ou partie de leurs profilés. Certains producteurs de profilés, comme Hydro, sont aussi bien présents dans la vente de profilés seuls que dans la vente de systèmes de construction. Ce n'est toutefois pas le cas pour de nombreux autres producteurs comme, par exemple, Pechiney, Technal ou Schuco. Enfin, alors que les importations et les exportations de profilés seuls sont importantes, les systèmes de construction ne connaissent pas de flux transfrontaliers.

Il ressort donc de ces différents éléments que la fourniture de systèmes de construction relève d'un marché séparé, en aval de celui de la vente des profilés en alliages doux.

La dimension géographique des marchés de l'alumine et de l'aluminium primaire est mondiale. Celle des marchés des produits laminés et extrudés est européenne.

Par contre, la dimension géographique du marché des systèmes de construction est nationale, du fait de la nécessité d'avoir dans chaque pays un bureau d'étude, une logistique et un service après-vente. En outre, les produits d'un système de construction nécessitent la délivrance d'un avis technique par le CSTB. L'absence de flux transfrontaliers pour les systèmes de construction confirme d'ailleurs cette dimension nationale.

Sur le marché national des systèmes de construction, Technal et Hydro réalisent ensemble plus de 25 % des ventes ([25-35] % au total). En conséquence, l'opération de concentration est contrôlable aux termes de l'article L. 430-1 du Code de commerce, avant sa modification par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001.

D'un point de vue horizontal, le marché affecté par l'opération de concentration est celui des systèmes de construction.

Technal est, en France, le premier fournisseur de systèmes de construction, et sa part de marché est estimée à [20-30 %], sur la base des tonnages de profilés utilisés en 2000. La part d'Hydro est d'environ [moins de 10] % pour la même année. L'addition de parts de marché qui résulterait de l'opération serait donc faible et ce alors qu'il existe de nombreux autres concurrents(parmi lesquels Schuco, Alcoa, Sapa, Remi Claeys, Reynaer) avec des parts de marché comprises entre [moins de 10] % et [10-20] %. En outre, certains de ces concurrents, comme Alcoa ou Schuco, sont, au plan européen, de taille comparable à la nouvelle entité qui serait issue de la concentration. Enfin, les concurrents et les clients interrogés n'ont pas manifesté d'inquiétude quant aux conséquences de la concentration sur ce marché.

L'opération visée n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des systèmes de construction, notamment par création ou renforcement d'une position dominante.

D'un point de vue vertical, il convient de s'assurer que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les autres marchés du secteur de l'aluminium qui sont en relation directe avec celui des systèmes de construction : les marchés de (i) l'aluminium primaire et des (ii) profilés en alliages doux.

En 2000, Hydro a produit [...] tonnes d'aluminium primaire, soit [moins de 10] % des 17,4 millions de tonnes produites dans le monde occidental d'après les données émanant de l'European Aluminium Association (cf. note 2) . Au cours de la même année, Technal a acheté [...] tonnes de billettes, dont [...] tonnes auprès d'Hydro, ce qui représente une quantité négligeable, eu égard aux volumes totaux offerts sur le marché tant par Hydro que par les autres producteurs d'aluminium primaire. D'une manière générale, la matière brute utilisée pour les profilés (sous forme de billettes ou de lingots d'aluminium) est largement disponible tant au niveau européen que mondial (cf. note 3) . En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'aluminium primaire.

Sur le marché des profilés en alliages doux, les ventes se sont élevées, en 2000, à environ 650 500 tonnes en Europe, dont environ 120 700 tonnes en France (cf. note 4) . Les parts de marché d'Hydro, en 2000, sont estimées à [10-20] % pour l'Europe ([..] tonnes vendues) et à [10-20] % pour la France ([...] tonnes vendues). Technal achète près de [50-60] % de ses profilés, soit [...] tonnes dont [...] tonnes auprès d'Hydro. Les [...] tonnes achetées par Technal ne représentent que [moins de 10] % du marché européen. Il existe en outre sur ce marché de nombreux concurrents de taille européenne ou nationale (Alcoa, Sapa, Alcan, Pechiney, Flandria Aluminium...), dont les parts de marché sont comprises entre [moins de 10 % et [10-20] % en Europe et entre [moins de 10] % et [10-20] % en France. Enfin, les concurrents et les clients interrogés n'ont pas manifesté d'inquiétude quant aux conséquences de la concentration sur ce marché.

Il ressort de ces éléments que l'opération de concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés identifiés. Je vous informe donc qu'il n'est pas dans mon intention d'en saisir le Conseil de la concurrence.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du secret d'affaires en application de l'article 28 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié par le décret n° 95-916 du 9 août 1995, avant-dernier alinéa.

NOTE (S) :

(1) Voir affaires M 675 Alumix/Alcoa du 21 décembre 1995. M 1003 Alcoa/Inespal du 24 octobre 1997. M 2111 Alcoa/British Aluminium du 27 octobre 2000.

(2) Les statistiques données par l'EAA comprennent l'ensemble du monde sauf la Chine, la Russie et l'Europe de l'Est et centrale.

(3) Voir affaire M 2111 Alcoa/British Aluminium 27 octobre 2000, § 18.

(4) Ces volumes ne comprennent pas les profilés vendus dans le cadre des systèmes de construction.