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Décisions

Conseil Conc., 17 septembre 2002, n° 02-D-56

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société Apple dans le réseau de distribution de ses produits et des produits associés

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Grandval, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mme Mader-Saussaye, M. Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-56

17 septembre 2002

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 27 décembre 1999 sous le numéro F 1198, par laquelle la société Alexandre William Setruck (AWS) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Apple Computer France ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu la décision de secret des affaires n° 01-DSA-22 du 10 décembre 2001 par laquelle la Présidente du Conseil de la concurrence s'est prononcée sur la demande présentée par la société Apple Computer France ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 11 juin 2002, les sociétés Alexandre William Setruck (AWS) et Apple Computer France, ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés.

I. - CONSTATATIONS

A. - Les Entreprises

1. La société AWS (Alexandre William Setruck), société anonyme créée en 1988, avait pour activité principale, à l'époque des faits, la vente de matériels et de produits informatiques et était spécialisée dans la commercialisation des produits Apple. Elle disposait de deux magasins à Paris, dont un Centre Service Après Vente Apple, et réalisait 50 % de son chiffre d'affaires en matériel Apple (90 % en tenant compte de l'environnement Apple).

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son égard par le Tribunal de commerce de Paris, le 30 décembre 1997. Par jugement en date du 16 novembre 1999, le tribunal a arrêté le plan de continuation de l'entreprise. Sur déclaration de cessation des paiements déposée le 3 septembre 2001 au greffe, le tribunal, par jugement du 18 septembre 2001, a prononcé la résolution du plan de continuation et la liquidation judiciaire de la société.

Au cours des exercices 1996, 1997 et 1998, la société AWS a réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 80 MF et estime avoir été, à cette époque, un des cinq plus importants distributeurs de matériel Apple en France.

2. La société Apple Computer Inc a son siège aux Etats-Unis, à Cupertino dans l'Etat de Californie, et intervient en Europe par le biais de multiples filiales. La société Apple Computer France, dont le capital est détenu à 100 % par sa société mère et par la filiale du groupe, Apple Computer Ltd, située en Irlande (elle-même détenue à 100 % par la société mère), est titulaire d'un mandat d'agent commercial qui lui a été consenti jusqu'au 25 septembre 1999 par la société Apple Computer BV puis, à compter de cette date, par la société Apple Computer International (filiale à 100 % de Apple Computer Ltd en Irlande), autre société irlandaise du groupe.

Le groupe occupe en France une part du marché des ordinateurs personnels, tous processeurs confondus, inférieure à 5 %.

Ses produits sont commercialisés en France :

- soit par des revendeurs directs liés à la société Apple Computer BV par un contrat de revendeur (avant 1996, les contrats étaient signés avec Apple France),

- soit par l'intermédiaire de grossistes liés contractuellement à la société Apple Computer BV et dont l'activité consiste dans la revente à des revendeurs dits revendeurs indépendants ou indirects,

- soit par des revendeurs indépendants (ou indirects) qui se fournissent auprès des précédents,

- soit encore par le groupe Apple directement au travers de son service en ligne "Apple Store" qui fonctionne sur Internet ou par téléphone et qui permet aussi de commander des configurations hors standard.

3. La société Faz est une société anonyme dont l'objet, très large, consiste dans "l'achat, la vente, l'import, l'export de produits et services de toute nature, notamment informatiques, la maintenance et la vente de prestations notamment informatiques...". Elle n'a aucun lien capitalistique avec la société Apple mais distribuait, à l'époque des faits, des logiciels Apple, fournis par la filiale spécialisée d'Apple dénommée FileMaker (ex Claris). Elle a, en outre, réalisé pour le compte d'Apple Computer France des opérations de gestion d'opérations marketing dont une opération de promotion du nouveau logiciel d'exploitation Mac OS 8-1. Dans cette opération, la société Faz intervenait pour gérer les demandes des clients et leur adresser le produit en retour (prestations effectuées sans contrat, sans facturation et sans paiement). Une autre opération intitulée "mettez un PC dans votre Power Macintosh" a consisté dans l'expédition, à chaque acheteur d'un Power Macintosh G3 et d'un moniteur Apple qui en faisait la demande, d'un supplément de mémoire de 32 Mo et d'un logiciel d'émulation Virtual PC (cette opération a donné lieu à facturation et a été lancée après la réalisation du mailing effectué pour l'opération Mac OS 8-1. Les acheteurs devaient, notamment, renvoyer à la société Faz une copie de la facture du revendeur ainsi que leurs coordonnées personnelles, mettant, de ce fait, ladite société en possession d'une liste d'acheteurs de produits Apple.

Par ailleurs, la société Faz a effectué, pour le compte de la société FileMaker, un certain nombre de prestations consistant dans la mise en place et la gestion d'un centre d'appels et d'un numéro azur, l'envoi en nombre et la gestion des mises à jour. En contrepartie de ces prestations, qui n'ont donné lieu ni à l'établissement d'un contrat ni à paiement, la société Faz a pu obtenir livraison de produits FileMaker à des prix de gros, bien qu'elle n'ait que le statut de détaillant. Elle n'a toutefois pas bénéficié de toutes les remises accordées aux grossistes, notamment celles qui rémunèrent des interventions spécifiques. Cette pratique de compensation a pris fin à compter d'octobre 2000.

4. La société FileMaker est une filiale à 100 % du groupe Apple qui a pour objet le développement et la commercialisation d'un logiciel de gestion de base de données, dénommé FileMaker. Ce logiciel, développé à la fois sous environnement Apple et sous environnement Window, représente environ 2 % des ventes de ce type de matériel. Dans l'environnement Apple proprement dit, le logiciel FileMaker représente 40 % des ventes et est concurrencé par le produit 4D, qui représente 50 % des produits vendus pour cet environnement, les 10 % restants étant constitués de divers indépendants.

Lors d'une restructuration intervenue en 1998, la société FileMaker a pris la suite de la société Claris qui était la filiale d'Apple en charge, à l'époque, des logiciels du groupe. Son champ d'activités a été réduit au logiciel FileMaker alors que la société Claris commercialisait aussi des logiciels développés par la maison mère.

La société FileMaker a réalisé en France, au cours de la période en cause, un chiffre d'affaires annuel d'environ 20 MF.

B. - Les relations entre Apple et AWS

Dès 1994, la société AWS a bénéficié dans l'exercice de son activité d'un contrat de "revendeur direct". Il s'agit d'un contrat non exclusif qui permet à son titulaire de bénéficier de remises importantes en fonction des volumes achetés et de la part de son chiffre d'affaires réalisé en produits Apple. En 1995, elle a obtenu des conditions encore plus intéressantes en contrepartie du lancement d'un magasin "Superstore".

A compter du 5 août 1996, Apple a modifié l'ensemble de ses contrats "revendeurs" dans le cadre d'un changement de politique de vente, l'idée étant "d'évoluer d'une stratégie basée sur le volume vers une stratégie de solutions à valeur ajoutée". La société AWS estime que la mise en place de ce nouveau contrat a entraîné pour elle une perte de marge brute par rapport aux conditions Superstore de l'ordre de 12 % et qu'elle est à l'origine des difficultés financières ayant conduit à la procédure de redressement judiciaire signalée plus haut.

Durant ladite procédure, AWS a obtenu de conserver le bénéfice de son contrat de revendeur. Ce n'est qu'à la fin de l'année 1998 que ce contrat, comme tous ceux du même type, a pris fin à la suite d'un nouveau changement de la politique de distribution de la société Apple. A compter de cette date, la société AWS n'a plus bénéficié d'un contrat de revendeur direct mais a dû s'approvisionner par le canal des grossistes.

II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

A. - Sur les personnes mises en cause

Considérant que la société Apple fait valoir que la plainte de la société AWS est dirigée contre la société Apple France alors que cette société ne jouerait aucun rôle dans les pratiques dénoncées ;

Considérant, toutefois, que le Conseil de la concurrence est saisi in rem du fonctionnement d'un marché et qu'il n'est tenu ni par les griefs articulés par le requérant ni par la liste des personnes à qui ce dernier impute les pratiques dénoncées ;

B. - Sur les pratiques alléguées

Considérant que l'article L. 464-6 du Code de commerce énonce : "Lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure" ;

Sur les pratiques susceptibles, selon la requérante, de fausser le jeu de la concurrence entre les distributeurs d'ordinateurs personnels de marque Apple :

Considérant que la requérante soutient, en premier lieu, qu'en renégociant ses contrats de distribution deux fois en moins de trois ans (1996 et 1998), la société Apple cherchait à obtenir de ses distributeurs toujours plus d'avantages sans contrepartie réelle ; qu'elle indique que les changements intervenus en 1996 lui auraient fait perdre en moyenne 12 % de marge brute et seraient à l'origine de sa cessation de paiements ;

Mais considérant qu'un fabricant est libre de modifier la structure de son réseau de distribution comme il l'entend sans que ses cocontractants bénéficient d'un droit acquis au maintien de leur situation ; qu'il n'est pas allégué, en l'espèce, que les nouveaux contrats mis en place par la société Apple auraient limité le jeu de la concurrence entre les distributeurs par l'imposition de prix de revente minimaux ou par l'instauration d'une protection territoriale absolue de leur zone de chalandise ; que le reproche formulé par la société AWS à l'encontre de la société Apple du chef de la modification unilatérale de leurs relations contractuelles n'est pas de la compétence du conseil ;

Considérant que la requérante allègue, en second lieu, avoir essuyé divers refus et retards de livraison au cours de l'année 1998, qui a suivi sa mise en redressement judiciaire, alors que d'autres revendeurs étaient livrés normalement ; que, cependant, la société Apple explique cette situation, pour partie, par la situation financière d'AWS dont les achats, garantis par un dépôt en espèces depuis l'ouverture de sa procédure collective, ne pouvaient dépasser un certain montant, pour partie, par des défauts de paiement et, enfin, par la survenance de ruptures de stocks ; que les refus et retards dénoncés ne sauraient, dans ces conditions, être qualifiés de pratiques anticoncurrentielles ;

Considérant que la requérante se plaint, en troisième lieu, de ne pas avoir reçu en temps utile les formulaires nécessaires à l'exécution, au prix d'origine, des commandes portant sur du matériel qui, entre le moment de la commande et celui de la livraison, avait été retiré du catalogue ; qu'il ne ressort pas, toutefois, de l'examen des pièces figurant au dossier qu'AWS aurait été informée avec retard de la procédure applicable à ce type de commandes, qui avait fait l'objet d'une communication aux grossistes en date du 21 octobre 1999 et aux revendeurs directs et indirects en date du 22 octobre 1999, ni qu'il aurait incombé soit à la société Apple soit à ses grossistes de prendre l'initiative d'adresser aux détaillants les formulaires dont il s'agit ; qu'il apparaît, au contraire, que le délai de renvoi de ces formulaires étant fixé au 28 octobre 1999, ce n'est que par lettre du 29 octobre que la société AWS, se déclarant "toujours dans l'attente de la procédure Power Mac G4 qu'Apple devait adresser à l'ensemble des revendeurs indirects" a envoyé au grossiste Tech Data "l'intégralité (des) commandes afin d'effectuer le nécessaire auprès d'Apple" ; que le grief invoqué manque donc en fait ;

Considérant que la société AWS soutient, en quatrième lieu, que les conditions commerciales plus favorables consenties par Apple à la grande distribution et la prise en charge par Apple de la formation des vendeurs constitueraient une discrimination positive en faveur de ce canal de distribution ; que la requérante n'apporte, toutefois, aucun élément circonstancié propre à faire apparaître que l'octroi de tels avantages ne constituerait pas la contrepartie des services spécifiques rendus au fabricant par ce type de distribution ; que, s'agissant de la discrimination particulière résultant, selon la société AWS, de la priorité accordée par la société Apple à la grande distribution et à Apple Store pour le lancement du nouveau produit dénommé i-book, priorité qui n'est pas contestée par la société Apple, cette dernière fait valoir qu'en raison d'une pénurie de matériel, elle a choisi de privilégier le mode de distribution en ligne sur le site Apple Store qui venait d'être lancé ou encore les revendeurs directs ayant le plus investi dans la promotion du produit (grande distribution) ; que cette différence de traitement, qui résulte d'une adaptation de la société Apple à une situation commerciale donnée, ne peut constituer une pratique anticoncurrentielle au sens des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ;

Considérant que la requérante expose, en cinquième lieu, qu'alors que les grossistes auprès desquels elle s'est approvisionnée à partir de novembre 1998, du fait de sa qualité nouvelle de "revendeur indirect", pouvaient consentir deux types de remises, soit à leur propre initiative soit à l'initiative d'Apple, elle n'a, contrairement à ses concurrents et malgré des quantités supérieures commandées, jamais eu accès aux remises accordées à l'initiative d'Apple ; que cette dernière société aurait même refusé de lui communiquer ses conditions de remise ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'il existe bien, dans le contrat Apple/grossistes applicable à l'époque des faits, une disposition faisant obligation à ces derniers de gérer gratuitement un fonds permettant de faire transiter vers les détaillants les remises consenties par Apple aux revendeurs pour leur participation à des actions de marketing commercial ; qu'au cours de l'instruction, la société Apple a été amenée à préciser les différentes actions menées par les revendeurs indirects pour lesquelles elle était susceptible d'intervenir financièrement et que ces indications recoupent celles fournies par la requérante (remise éducation, remise grands comptes, remise journaliste, accords de coopération, remise d'objectifs), à l'exception de deux remises, la remise qualité et la remise "Apple Center" ; que pour ces deux dernières remises, la société Apple déclare, sans être contredite, que seuls les revendeurs directs pouvaient en bénéficier ; qu'en ce qui concerne les autres remises destinées aux revendeurs indirects, elle soutient qu'elle n'en a jamais usé de façon discriminatoire à l'égard de la société requérante, laquelle ne produit aucun élément plus circonstancié à l'appui de ses allégations ; que s'il n'est pas contesté que la société Apple, en considération des mauvaises relations qu'elle avait avec la société AWS, a effectivement refusé de communiquer à cette dernière le détail des conditions des interventions effectuées par elle au soutien de l'action des revendeurs indirects, il n'est pas établi que cette circonstance ait pu avoir des conséquences négatives pour la société AWS ; que, notamment, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales entre les sociétés Apple et AWS, cette dernière avait nécessairement une bonne connaissance générale des conditions à remplir pour bénéficier des remises Apple, y compris des conditions spécifiques d'attribution de ces aides dans le cadre de sa nouvelle relation commerciale avec la société Apple ; qu'enfin, dans une correspondance datée de juillet 1999, versée au dossier, la société Apple prend acte de la demande de remise "grands comptes" et "éducation" présentée par la société AWS et lui indique les détails de la procédure à suivre pour en obtenir le versement ; que la pratique alléguée ne saurait donc, en tout état de cause, avoir eu un effet sensible sur le fonctionnement de la concurrence ;

Considérant que la société AWS reproche, en sixième lieu, à la société Apple la sélection discriminatoire que celle-ci aurait opérée au profit de certains distributeurs auxquels elle aurait accordé, par l'intermédiaire des grossistes, le bénéfice d'une assurance de leur stock en cas de baisse des prix décidée par le producteur ;

Considérant qu'il est constant qu'à une certaine époque, la société Apple avait mis en place un système permettant de garantir ses revendeurs directs les plus importants contre les risques attachés aux changements de tarification des matériels, fréquents dans le secteur informatique compte tenu de la rapidité de l'évolution technique et de l'importance du phénomène d'obsolescence ; que, lors de la survenance d'un tel ajustement, la société Apple, aidée de ses grossistes, sélectionnait les revendeurs qui lui paraissaient devoir être protégés et les faisait bénéficier de cette assurance laquelle consistait, dans des conditions précises, à effacer, pour les produits en stock, la différence entre le prix payé lors de leur acquisition et le nouveau prix arrêté sensiblement inférieur ; que, cependant, si la requérante se plaint de ce que ce dispositif, contractuellement réservé aux revendeurs directs, aurait pourtant bénéficié, de manière discriminatoire, à quelques revendeurs indirects, la société Apple explique, sans être contredite, que ces exceptions n'ont concerné, de manière ponctuelle, que certains revendeurs indirects, eu égard aux volumes importants de produits Apple achetés par ceux-ci ; qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que la pratique alléguée ait pu avoir un effet sensible sur le fonctionnement de la concurrence ;

Considérant que la requérante soutient, enfin, que la société Apple a mis en œuvre deux procédés lui permettant de connaître les prix de vente de ses revendeurs et de conduire ainsi une politique d'harmonisation des prix de ses matériels sur le marché de détail par la prise en compte du niveau des prix au détail appliqué par ses revendeurs, au moment de fixer les prix de vente pratiqués par son propre système de vente directe Apple Store ;

Considérant que les deux pratiques dénoncées sont, d'une part, celle mise en œuvre pour la promotion du Mac Intosh G3, dont le détail figure ci-dessus au point I.A.3, d'autre part, celle qui permettait aux revendeurs de demander l'exécution de commandes portant sur des matériels retirés du catalogue, analysée ci-dessus, les deux procédures exigeant que soit fournie à Apple ou à son représentant copie de la facture du matériel acheté ; que, cependant, et même si ces opérations ont pu permettre à la société Apple de connaître les prix de vente de ses revendeurs, ce qui n'est pas prohibé par les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, il n'est, en revanche, pas allégué, que cette société aurait utilisé les informations recueillies pour exercer une quelconque influence ou un quelconque contrôle sur le niveau de ces prix ; que le grief est donc sans fondement ;

Sur les pratiques susceptibles, selon la requérante, de fausser le jeu de la concurrence entre les distributeurs de logiciels compatibles Apple :

Considérant que la société AWS reproche à la société Apple d'avoir favorisé la société Faz dans ses opérations de distribution de logiciels appartenant à l'environnement Apple ; qu'elle soutient que la société Faz, qui n'est pas seulement une société prestataire de services informatiques mais aussi une société de distribution de produits informatiques opérant sur le même marché qu'elle, aurait bénéficié de logiciels à des prix préférentiels ; qu'elle fait, en outre, grief à société Faz d'avoir utilisé les listes de prospects obtenues par Apple dans le cadre de l'opération "mettez un PC dans votre Power Mac Intosh" (ci-dessus I.A.3°) pour mener son opération de promotion du nouveau logiciel d'exploitation Mac OS-8-1 ; qu'elle soutient, enfin, que la société Faz aurait fait un usage abusif de l'image de la société "Apple" en se présentant à ses interlocuteurs téléphoniques sous la raison sociale de cette société ;

Mais considérant, sur le premier point, que l'instruction a révélé que l'avantage de prix dont a bénéficié la société Faz lui a été consenti en contrepartie de services rendus à la société FileMaker, tels que la mise en place et la gestion d'un centre d'appel et d'un numéro azur, l'envoi en nombre et la gestion des mises à jour ; que, dans ces conditions et si l'on réintègre le coût de la prestation de service rendue par la société Faz à la société FileMaker, il n'est pas établi que les prix consentis par la société FileMaker à la société Faz aient été discriminatoires ;

Considérant, sur le deuxième point relatif à l'utilisation de listes de prospects fournies par la société Apple, qu'il est constant que la société Faz, qui était associée aux campagnes de promotion du réseau Apple et, notamment, à la campagne de promotion du Power Mac Intosh G3, a eu connaissance de listes d'acheteurs de matériels Apple ; que, cependant, si le requérant reproche à la société Faz d'avoir utilisé de telles listes pour conduire son opération de promotion du logiciel Mac OS-8-1, il a été indiqué ci-dessus que cette opération avait, en fait, été commanditée par la société Apple elle-même ; qu'au surplus, cette dernière société soutient sans être contredite que la promotion du Mac OS-8-1 a été lancée avant même que la campagne de promotion du Power Mac Intosh G3 ne permette à la société Faz d'entrer en possession des listes de clients litigieuses ; qu'au total, l'instruction n'a pas permis de démontrer que la société Faz, ou la société Apple, auraient fait de ces listes un usage prohibé par les articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce ;

Considérant, sur le troisième et dernier point relatif à l'utilisation de la raison sociale "Apple" par la société Faz, qu'il ressort de l'instruction que cette utilisation s'est inscrite dans le contexte de la campagne de promotion "Apple/Mac OS 8.1" commanditée par la société Apple elle-même ; qu'une telle utilisation n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché ;

Considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la délimitation exacte des marchés pertinents, ou encore sur l'existence d'une éventuelle position dominante ou d'un état de dépendance économique, que l'ensemble des griefs relatifs au comportement des sociétés Apple et Faz doit être rejeté soit parce que les pratiques manquent en fait soit parce qu'en aucun cas elles n'ont eu pour objet ou pu avoir pour effet de fausser de manière sensible le jeu de la concurrence ; qu'il y a donc lieu de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce ;

Décide

Article unique : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.