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Décisions

Conseil Conc., 2 juillet 2002, n° 02-D-43

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées lors de marchés de travaux sur réseaux de distribution d'eau passés par le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la région de Dunkerque (SIAERD)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Arhel, par Mme Pasturel, vice-présidente, Mmes Mader-Saussaye, Perrot, MM. Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-43

2 juillet 2002

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre, enregistrée le 11 février 1999 sous le numéro F 1128, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-5 du Code de commerce, d'un dossier relatif à des pratiques relevées lors de marchés de travaux sur réseaux de distribution d'eau passés par le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la région de Dunkerque (SIAERD) ; Vu le livre IV du Code de commerce, relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, ainsi que le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés Eurovia Nord, Eurovia, Devin Lemarchand environnement, Edgard Duval, Lamblin, Lyonnaise des Eaux, STR Eurovia, Travaux et Entreprise des Flandres et Faignot ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Eurovia Nord, Eurovia, Duval, Lamblin, Lyonnaise des Eaux, Eurovia STR, Travaux et Entreprise des Flandres entendus lors de la séance du 30 avril 2002, les sociétés Devin Lemarchand environnement et Faignot ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

Le SIAERD regroupait, en 1998, 26 communes comprenant les 18 communes de la Communauté urbaine de Dunkerque et 8 communes rurales extérieures.

Les investissements qu'il a réalisés en matière de renforcement et d'extension des canalisations de moins de 400 mm ont donné lieu, entre 1993 et 1996, à des consultations d'entreprises de pose de canalisations sous la forme d'appels d'offres restreints ; ont répondu à ces consultations les sociétés Eurovia Nord, Cochery Bourdin Chaussé (ci-après Cochery), Devin Lemarchand environnement (ci-après DLE), Edgard Duval (ci-après Duval), Lamblin, Lyonnaise des Eaux (ci-après LDE), STR Huys, qui depuis lors est dénommée Eurovia STR (ci-après STR), Travaux et Entreprises des Flandres (ci-après TEF) et Entreprise Jacques Faignot (ci-après Faignot).

A. - Les réponses aux consultations effectuées de 1993 à 1996 et les résultats de ces consultations

Dès lors que la pose de canalisations de plus de 400 mm requiert des capacités spécifiques, deux appels à candidatures ont été lancés chaque année, l'un pour la pose de canalisations de moins de 400 mm, l'autre pour les canalisations de plus de 400 mm. Les pratiques relevées concernent les canalisations de moins de 400 mm.

Les résultats des consultations sont récapitulés dans les tableaux suivants. Les encadrés gras signalent les entreprises ou groupements attributaires. Les écarts sur estimations se rapportent à l'offre moins-disante.

Année 1993

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Année 1994

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Année 1995

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Année 1996

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Les attributaires (de un ou plusieurs "lots") sont successivement les suivants :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Les éléments qui précèdent font apparaître les évolutions retracées ci-après :

- de 1993 à 1994

Les cinq attributaires de l'année 1993 sont reconduits en 1994 comme attributaires individuels d'un, de deux, voire de trois marchés.

- de 1994 à 1995

Quatre des cinq attributaires individuels de l'année 1994 sont reconduits comme tels en 1995.

STR, associée d'un groupement en 1994, apparaît également à titre individuel en 1995.

Sur les six entreprises attributaires de 1994 (dont 5 étaient déjà attributaires en 1993), cinq sont reconduites.

La nouveauté de l'année 1995 réside dans la disparition de LDE de la liste des attributaires.

Dans le même temps, l'entrée en lice de DLE s'effectue au travers d'une participation à un groupement Faignot//DLE, le partenaire Faignot figurant parmi les attributaires individuels des années antérieures et de l'année 1995.

Par ailleurs, apparaît un second groupement composé de deux entreprises (Duval et Faignot) déjà présentes dans la liste des attributaires individuels en 1993, 1994 et 1995.

- de 1995 à 1996

Deux des attributaires individuels de l'année 1995 sont reconduits comme tels en 1996 cependant que les 3 autres attributaires individuels de l'année 1995 sont reconduits au travers de leur participation à quatre groupements.

Une première nouveauté tient à la réapparition de LDE, qui se réalise au travers du groupement LDE/TEF.

Une seconde tient à l'arrivée d'une entreprise nouvelle, Cochery, au travers d'un autre groupement Duval/DLE/Cochery.

Hormis ces deux changements, la consultation de 1996 se caractérise par une étroite continuité dans la mesure où l'on retrouve toutes les entreprises de l'année précédente.

Quant aux conditions d'introduction du nouvel entrant (Cochery), elles sont analogues à celles de DLE en 1995 étant donné que Cochery se trouve intégré dans un groupement composé de deux entreprises déjà attributaires antérieurement.

On observe également un recours plus fréquent aux groupements (quatre groupements attributaires pour seulement deux entreprises attributaires individuelles). Par ailleurs, certains groupements sont composés de trois entreprises, contre deux seulement antérieurement.

Au total, avec le retour de LDE et l'apparition de Cochery, huit entreprises deviennent attributaires, individuellement ou par le biais de groupements.

Les modalités de soumission des entreprises permettent de faire les constatations ci-après :

1) Duval

Duval a adopté le comportement et obtenu les résultats suivants :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et obtenu 2 marchés

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel aux 10 marchés et obtenu 2 marchés

- en 1995 : a soumissionné à titre individuel à 9 marchés, en groupement au dixième marché et obtenu 3 marchés à titre individuel et 1 marché en groupement (avec Faignot)

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 1 marché, et en groupement aux 5 autres marchés, obtenu 2 marchés en groupement (avec Faignot et DLE, d'une part, Cochery et DLE, d'autre part).

2) DLE

Implantée hors du périmètre du SIAERD, DLE s'est portée candidate en 1994 et a pu commencer à soumissionner en 1995.

Elle a adopté le comportement et obtenu les résultats suivants :

- en 1995 : a soumissionné à un seul marché en groupement et obtenu l'attribution de ce marché avec son partenaire Faignot

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 3 marchés et en groupement à 2 marchés, et obtenu ces 2 marchés en groupement (d'une part, avec Duval et Faignot et, d'autre part, avec Duval et Cochery)

3) Faignot

Implantée en bordure du périmètre du SIAERD, Faignot soumissionne de longue date aux marchés de ce syndicat de communes.

Elle a adopté le comportement et obtenu les résultats suivants :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et obtenu 2 marchés

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel aux 10 marchés et obtenu 3 marchés

- en 1995 : a soumissionné à titre individuel à 8 marchés, en groupement aux deux autres marchés, obtenu 1 marché en individuel et 2 marchés en groupement (dans un cas avec DLE et dans un autre avec Duval)

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 5 marchés et pour le dernier marché en groupement et obtenu 1 marché en individuel et 1 marché en groupement (avec Duval et DLE)

4) Cochery

Implantée dans le périmètre du SIAERD, Cochery a commencé à soumissionner en 1994.

Elle a adopté le comportement et obtenu les résultats suivants :

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel à 8 marchés et obtenu aucun marché

- en 1995 : n'a pas soumissionné et n'a donc obtenu aucun marché

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 1 marché, en groupement à 4 marchés, 1 fois avec Duval/DLE et 3 fois avec Duval et obtenu 1 marché en groupement (avec Duval et DLE)

Il convient de noter que Cochery est aussi intervenue comme sous-traitante.

5) STR et Lamblin

Ces deux entreprises, implantées dans le périmètre du SIAERD, soumissionnent de longue date aux marchés de ce syndicat de communes.

Elles ont adopté le comportement et obtenu les résultats suivants :

STR :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et n'a obtenu aucun marché

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel à 9 marchés, et en groupement sur 1 marché et obtenu ce dernier marché en groupement (avec Lamblin).

- en 1995 : a soumissionné à titre individuel aux 10 marchés et obtenu 1 marché

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 5 marchés et en groupement pour le sixième marché et obtenu ce dernier marché en groupement (avec Lamblin)

Lamblin :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et obtenu 2 marchés

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel à 7 marchés, en groupement sur 1 marché et obtenu 2 marchés en individuel et un marché en groupement (avec STR)

- en 1995 : a soumissionné à titre individuel aux 10 marchés et obtenu 2 marchés

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 5 marchés et en groupement sur 1 marché et a obtenu un marché en individuel et un marché en groupement (avec STR)

6) TEF et LDE

Ces deux entreprises, implantées dans le périmètre du SIAERD, soumissionnent de longue date aux marchés de ce syndicat de communes

Elles ont adopté les comportements et obtenu les résultats suivants :

TEF :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et obtenu 1 marché

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel à 9 marchés et obtenu 1 marché

- en 1995 : a soumissionné à titre en individuel à 10 marchés et obtenu 1 marché

- en 1996 : a soumissionné à titre en individuel à 3 marchés, en groupement à 2 marchés (avec LDE) et obtenu 1 de ces marchés en groupement

LDE :

- en 1993 : a soumissionné à titre individuel aux 8 marchés et obtenu 1 marché

- en 1994 : a soumissionné à titre individuel aux 10 marchés et obtenu 1 marché

- en 1995 : a soumissionné à titre individuel à 10 marchés et obtenu aucun marché

- en 1996 : a soumissionné à titre individuel à 4 marchés, en groupement à 2 marchés (avec TEF) et obtenu 1 de ces marchés en groupement

B. - Le comportement d'ensemble des enentreprises

L'analyse des résultats des procédures d'appel d'offre montre que toutes les entreprises attributaires ont concentré leurs efforts sur un, deux et plus exceptionnellement trois marchés seulement.

Ces comportements sont schématisés, pour les années 1995 et 1996, dans les tableaux suivants où sont symbolisées les offres d'un montant inférieur à l'estimation, et où seront considérés comme "privilégiés" les deux marchés de chacune des entreprises pour lesquels les "rabais" sont les plus importants.

Les deux meilleures offres (ou la meilleure, le cas échéant,s'il n'y en a qu'une en deçà de l'estimation)de chaque entreprise sont indiquées en rose.

Les autres offres présentées par les autres entreprises et qui sont inférieures à l'estimation sont indiquées en jaune.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Ainsi, en ce qui concerne :

Lamblin :

Les 2 offres les plus compétitives de cette entreprise, faites sur les marchés 5 et 10 n'ont pas rencontré de véritables concurrents, c'est-à-dire qu'aucune des autres entreprises mises en cause n'a choisi de privilégier ces deux marchés.

Duval :

Une des 2 offres les plus compétitives de Duval (marché 6) coïncide avec une des offres compétitives de Faignot, mais il s'agit précisément de l'offre faite en groupement avec Faignot.

Aucune des autres entreprises, en dehors de l'associé Faignot, n'a donc choisi de privilégier ce marché.

La seconde offre compétitive de Duval (marché 9) a rencontré un concurrent (LDE).

TEF :

La seule offre compétitive de TEF (marché 7) n'a rencontré aucun concurrent ayant fait le même choix.

Faignot :

La première offre compétitive de Faignot (marché 2) n'a rencontré aucun concurrent ayant fait le même choix.

La seconde offre compétitive de Faignot (marché 6) coïncide avec une des offres compétitives de Duval, mais il s'agit précisément de l'offre faite en groupement avec Duval.

Aucune des autres entreprises, en dehors de l'associé Duval, n'a donc choisi de privilégier ce marché.

STR :

La seule offre compétitive de STR (marché 3) a rencontré un concurrent (LDE).

DLE :

La seule offre compétitive de DLE (marché 1) n'a pas rencontré de concurrent, étant précisé que cette offre correspond à une proposition en groupement avec Faignot.

Aucune des autres entreprises, en dehors de l'associé Faignot, n'a donc choisi de privilégier ce marché.

LDE :

Comme indiqué précédemment, les deux offres compétitives de LDE ressortent "contrées", l'une par Duval, l'autre par STR.

Ainsi, hormis les propositions de LDE, les choix faits par les entreprises en 1995 ne se contrarient pas.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Ainsi :

Lamblin a privilégié le marché n° 2, sur lequel il ne rencontre pas de concurrents ayant fait le même choix.

Duval a privilégié le marché n° 3, sur lequel il rencontre DLE mais c'est justement un marché pour lequel il se présente groupé avec DLE (et Faignot).

TEF a privilégié le marché n° 5, sur lequel il rencontre LDE, mais c'est précisément le marché pour lequel il se présente groupé avec LDE.

Faignot a privilégié le marché n° 6 sur lequel il ne rencontre pas de concurrents ayant fait le même choix.

STR a privilégié le marché n° 1, sur lequel il ne rencontre pas de concurrents ayant fait le même choix, étant précisé qu'il partage ce marché avec Lamblin.

DLE a privilégié le marché n° 3, sur lequel il rencontre Duval, mais comme indiqué ci-dessus, c'est justement le marché pour lequel il se présente groupé avec Duval (et Faignot).

Cochery a privilégié le marché n° 4, sur lequel il ne rencontre pas d'autres concurrents que Duval et DLE avec lesquels il partage ce marché.

LDE a privilégié le marché n° 5, sur lequel il rencontre TEF, mais c'est justement le marché pour lequel il est groupé avec TEF.

En résumé, en 1996, la meilleure offre de chacune des entreprises attributaires, autrement dit le choix du marché privilégié, ne coïncide jamais avec le choix d'une autre entreprise (hormis la circonstance d'un groupement où se rejoignent les choix des entreprises groupées).

C. - Les indications d'une note manuscrite provenant de LDE

Dans l'agenda professionnel de M. Proix, ingénieur chargé du service distribution au sein de la société Lyonnaise des eaux, figurait une note manuscrite comportant essentiellement une liste d'entreprises, des lettres (A, B, C et D), des chiffres rattachés à ces lettres, quelques noms de communes, les numéros de téléphone de la majeure partie des entreprises listées, et pour certaines de ces entreprises, quelques noms de personnes.

Au vu des éléments qui précèdent et des déclarations des responsables des entreprises concernées, recueillies par les enquêteurs et qui seront relatées dans la partie II de la présente décision, le rapporteur a estimé qu'il existait au dossier un certain nombre d'indices d'entente anticoncurrentielle qu'il a définis comme suit :

- 1er et 4e indices : les attributaires de 1993 (Lamblin, Faignot, Duval, TEF et LDE) ont toujours été régulièrement reconduits chaque année (sauf LDE, en 1995) ; en 1996, alors que le nombre plus réduit des marchés faisant l'objet d'appels d'offres aurait dû entraîner une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises, de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996.

- 2e indice : les nouveaux attributaires (Eurovia STR, DLE et Cochery), se sont introduits exclusivement au travers de groupements les associant aux entreprises en place.

- 3e indice : les groupements se sont, en général, développés en associant des entreprises habituées à répondre individuellement, et continuant aussi à répondre individuellement.

- 5e indice : certains groupements ne répondaient pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisaient la volonté des entreprises de se répartir les marchés et d'ajuster collectivement les variations de charges de travail.

- 6e indice : les entreprises se groupaient pour certains marchés (parfois à 3), alors qu'elles pouvaient répondre individuellement.

- 7e indice : les entreprises ont adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de leurs objectifs (elles ne s'intéressaient qu'à un seul ou quelques marchés du SIAERD) ; en principe, la meilleure offre de chacune des entreprises attributaires ne coïncidait jamais avec la meilleure offre d'une autre entreprise (sauf en cas de constitution d'un groupement).

- 8e indice : la société LDE a établi, avant la remise des offres, une note manuscrite révélant l'existence d'un échange d'informations sur la constitution de groupements et sur les prix de soumissions.

Un grief de concertation visant à une répartition de marchés a été notifié sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce, aux sociétés Eurovia Nord, Devin Lemarchand environnement (ci-après DLE), Duval, Lamblin, Lyonnaise des Eaux (ci-après LDE), Eurovia STR (ci-après STR), Travaux et Entreprise des Flandres (ci-après TEF) et Faignot.

S'agissant de la société Cochery Bourdin chaussé, le grief a été notifié dans un premier temps à la société Eurovia Nord, au motif que celle-ci assurait la continuité organique et juridique de la société Cochery. A la suite des observations de la société Eurovia Nord soutenant que les pratiques devaient être imputées, non à elle-même mais à la société Eurovia, le rapporteur a également notifié le grief à cette dernière société ; une notification de griefs complémentaire a, en conséquence, été adressée aux huit entreprises énumérées au paragraphe précédent et à la SA Eurovia.

Le rapport établi au vu des observations des entreprises et du commissaire du Gouvernement considère que la participation des entreprises Eurovia Nord, SA Eurovia, STR Huys, DLE, Duval, Lamblin, TEF et Faignot à la pratique prohibée est démontrée pour les années 1995 et 1996 et que celle de la Lyonnaise des Eaux est démontrée pour l'année 1996.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

A. - Sur la procedure

1) Sur l'information concernant l'objet de l'enquête

Considérant que la SA Eurovia soutient que le procès-verbal de communication établi le 21 novembre 1996 par les enquêteurs dans les locaux de la société Cochery est irrégulier dans la mesure où la demande de communication a été formulée en des termes généraux et imprécis ne mentionnant pas expressement l'étendue de l'enquête ; qu'elle ajoute que ce défaut d'information est d'autant plus grave que la personne ayant reçu les enquêteurs était une secrétaire qui, de par ses fonctions, n'était pas la mieux à même de répondre aux questions de ces derniers ;

Mais considérant, en premier lieu, qu'aux termes d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 novembre 2001, société Bec frères, "la mention pré-imprimée sur le procès-verbal selon laquelle l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue suffit à justifier, jusqu'à preuve contraire, de l'indication de cet objet" ;que le procès-verbal de communication contesté comporte la mention préimprimée suivante : "nous (...) lui avons indiqué l'objet de notre enquête relative à la situation de la concurrence au regard des titres III et IV de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 dans le secteur des marchés de travaux portant sur les réseaux de distribution d'eau" ;que cette formule démontre que l'objet et l'étendue de l'enquête ont bien été communiqués à la personne qui a remis les pièces aux enquêteurs ;

Considérant, en second lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit aux enquêteurs de demander la communication de pièces visées à l'article L. 450-3 du Code de commerce, à une secrétaire présente dans les locaux auxquels ils accèdent ;qu'au surplus, le procès verbal mentionne que "M. Pascal Duthoo, chef de secteur, empêché, a été contacté par téléphone pour l'informer du contrôle et de l'objet de l'enquête" ; que cette indication permet de constater que l'obligation de loyauté dans la recherche des preuves a été respectée ;qu'enfin et en tout état de cause, les documents recueillis le 21 novembre 1996 n'ont pas été utilisés pour établir le grief notifié ;

2) Sur les destinataires de la notification de griefs

Considérant qu'aux termes d'une jurisprudence constante, et notamment de l'arrêt Enichem Anic Spa du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 décembre 1991, "lorsque l'existence d'une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise, afin qu'elle réponde de celle-ci" ; que la Cour de cassation a précisé, dans l'arrêt du 20 novembre 2001, précité, que "(...) l'entreprise dont les moyens humains et matériels ont concouru à la mise en œuvre d'une pratique prohibée par les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenus les articles L. 420- 1 et L. 420-2 du Code de commerce encourt les sanctions prévues à l'article 13 devenu L. 464-2 du même code tant qu'elle conserve une personnalité juridique indépendamment de la cession desdits moyens humains et matériels."

Considérant que le fonds de commerce de travaux publics et privés précédemment exploité par la SARL Cochery Bourdin chaussé (n° Siret B 348866260), a, lors d'une assemblée générale extraordinaire de la SNC Eurovia Nord tenue en février 1999, été apporté par la société Eurovia à la SNC Eurovia Nord, qui est immatriculée au RCS sous le numéro B 420504466 et dont le siège se trouve à Villeneuve d'Ascq, 18 rue Alfred de Vigny ; que la SA Eurovia, société holding dont le siège social se trouve à Rueil Malmaison, exerce ses activités sous le même numéro Siret que la SARL Cochery Bourdin chaussé ; que la SNC Eurovia Nord explique, dans ses observations écrites, que la SARL Cochery Bourdin chaussé s'est transformée en société anonyme et a changé de dénomination pour prendre celle d'"Eurovia" ; que, dès lors, si le fonds de commerce de cette SARL a été transféré à la SNC Eurovia Nord, la continuité organique et juridique de la SARL Cochery Bourdin chaussé n'en est pas moins assurée par la SA Eurovia, qui lui a succédé dans ses droits et obligationset que c'est à cette dernière société que doivent être imputés les faits susceptibles d'être relevés à l'encontre de la société Cochery Bourdin chaussé;

Considérant qu'en raison des interrogations que lui a paru devoir susciter la pertinence de la jurisprudence précitée et l'opportunité de son maintien, le rapporteur a notifié un grief à la société Eurovia et à la société Eurovia Nord ; que les deux sociétés soutiennent que cette double notification viole le principe de la personnalité des poursuites et des sanctions et entache toute la procédure d'un vice irrémédiable ;

Mais considérant que s'il a été jugé par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 13 mars 2001, société Entreprise Jean Lefebvre Méditerranée, que le principe de la proportionnalité des sanctions est applicable devant le Conseil de la concurrence, et si la même analyse doit aussi prévaloir en ce qui concerne le principe de la personnalité des poursuites, corollaire du précédent, les sociétés Eurovia et Eurovia Nord, qui ont l'une et l'autre présenté leur défense sur les faits relevés à l'encontre de la société Cochery, ne démontrent pas en quoi ces deux principes auraient été mis en échec par la double notification effectuée pour des considérations d'ordre juridique, dès lors que ne saurait, en tout état de cause, être sanctionnée par le conseil, si le grief est retenu, que celle des deux sociétés qui assure la continuité organique et juridique de la société Cochery, peu important le transfert de fonds de commerce intervenu au bénéfice de l'autre ;

3) Sur l'information relative au grief notifié

Considérant qu'il est encore prétendu par les entreprises mises en cause que la notification de grief n'était pas suffisamment précise ; que la société Lamblin soutient que les éléments de preuve n'étaient pas individualisés ; que la SA Eurovia fait valoir qu'elle n'a pu "identifier les chefs de griefs que la notification de griefs prétend mettre à (leur) charge au sein des pratiques alléguées vis-à-vis des autres entreprises mises en cause" ; que le marché et la période concernés ne seraient pas clairement exposés ;

Considérant, cependant, s'agissant de l'individualisation des éléments de preuve, qu'il résulte de la rédaction de la notification de grief que chaque indice concernait toutes les entreprises en cause, sauf observation particulière ; que, concernant l'objet du grief, la notification énonce que "le présent rapport porte (...) sur les investissements réalisés par le SIAERD en matière de renforcement et d'extension des canalisations, opérations donnant lieu à des consultations d'entreprises de pose des canalisations (...) le rapport sera essentiellement axé sur les marchés relatifs à la pose de canalisations de moins de 400 mm" ; qu'elle se termine par la phrase suivante : "L'analyse à laquelle il a procédé conduit le rapporteur à retenir (...) le grief suivant : concertation visant à répartir les marchés" ; que les entreprises concernées ne pouvaient, dès lors, que conclure que la notification de grief portait sur une concertation visant à répartir les marchés relatifs à la pose de canalisations de moins de 400 mm. dans le cadre des investissements réalisés par le SIAERD ; que la notification de grief a analysé le comportement des attributaires au cours des années 1993 à 1996 avant de retenir l'existence d'une "concertation visant à répartir les marchés" ; que le rapport a précisé que la participation de ces entreprises était établie pour les années 1995 et 1996 ; que les entreprises concernées ne pouvaient donc conclure que la notification visait une période différente de celle couverte par ces deux années ; qu'en conséquence, le moyen doit être écarté ;

B. - Sur le fond

1) Sur l'existence de la pratique en cause

a) Sur la reconduction des entreprises attributaires

Considérant que le rappel des faits figurant dans la partie I de la présente décision permet de constater que les sociétés attributaires en 1993 (Lamblin, Faignot, Duval, TEF et LDE) ont toujours été régulièrement reconduites chaque année (sauf LDE en 1995), y compris en 1996 ; que les entreprises ont adopté ou reproduit un même comportement consistant en une limitation de leurs objectifs à quelques marchés du SIAERD sur lesquels elles concentraient leurs efforts en ce qui concerne les rabais qu'elles proposaient ; que l'analyse des résultats de 1995 et 1996 (ci-dessus, partie I.B) fait apparaître, par ailleurs, que, sauf exception, la meilleure offre de chacune des entreprises attributaires n'a jamais coïncidé avec la meilleure offre d'une autre entreprise, mis à part le cas de constitution d'un groupement ; que, dès lors que la composition des marchés n'a jamais été la même d'une année sur l'autre, les constatations ainsi effectuées qui, par leur répétition, excluent l'effet du hasard, ne peuvent davantage trouver d'explication dans une éventuelle volonté des soumissionnaires de conserver des lots sur lesquels ils auraient travaillé et de consentir pour cela à baisser leurs prix ; qu'elles constituent un indice d'entente de répartition de marchés ;

b) Sur le recours aux groupements

Considérant que les entreprises STR, DLE et Cochery se sont introduites dans la compétition et ont remporté des marchés exclusivement au travers de groupements les associant aux entreprises en place ; que les groupements se sont, en général, développés entre entreprises habituées à répondre individuellement et continuant aussi à répondre de cette manière ; qu'en 1996, alors que le nombre de marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué, passant de dix en 1995 à six en 1996, ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, le nombre des groupements et des entreprises composant ces groupements a augmenté, de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ;

Considérant qu'en vertu d'une jurisprudence constante (Paris, 5 déc. 2000 SA Entreprise industrielle ; Cons. conc. n° 98-D-26 du 7 avr. 1998 ; Cons. Conc. n° 99-D-11 du 9 févr. 1999), la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, d'un groupement en vue de répondre à un appel à concurrence ne constitue pas en soi une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que, cependant, il résulte des déclarations recueillies au cours de l'enquête et ci-après reproduites qu'au cas d'espèce, les groupements constitués ne répondaient pas à des impératifs techniques ou de concentration de moyens mais avaient essentiellement pour objet d'assurer une répartition de l'ensemble des travaux entre les entreprises et que, dans plusieurs cas, d'ailleurs, les entreprises membres des groupements sont, en réalité, intervenues seules, dans le cadre d'une répartition géographique des chantiers, ou n'ont fourni aucune prestation ;

* Déclarations de M. Duthoo, chef de secteur de l'entreprise Cochery (cotes 185 et suivantes des annexes du rapport) :

"Mon agence avait la possibilité de réaliser des travaux pour le compte du SIAERD dans le cadre de ses consultations (en 1996) pour une valeur globale de 500 000 F sur deux ou trois marchés soit en réfection (dans le cadre d'un groupement ou d'une sous-traitance) soit en pose de canalisations et dans ce cas soit sur un marché individuel soit sur un ou deux marchés en groupement.

Le chiffre d'affaires de l'agence est représenté pour l'essentiel par l'activité VRD (95 %, y compris la part assainissement). Le chiffre eau potable est donc limité (0 à 5 %). Il s'agit surtout dans ce domaine de conserver des références et un savoir faire en pose.

M. Duval m'a téléphoné pour savoir si j'étais intéressé par un travail en groupement sachant que je travaille souvent en réfection d'assainissement ou en entretien de routes (enrobés).

J'ai donné mon accord en disant que j'étais aussi référencé en pose de conduite éventuellement.

J'ai été voir M. Duval.

Il m'a dit faire les études pour les marchés où on serait conjoints (1 Ville de Cappelle Grand Fort etc. 2 Centre Malo Rosendael Petite Synthe 3 Craywick).

Je suis retourné chez M. Duval pour la signature des marchés groupés en adoptant les détails estimatifs qu'il avait étudiés.

Entre temps j'avais consulté M. Christophe Bourse, conducteur de travaux de la société Cochery à Santes afin d'avoir une idée des prix. M. Bourse avait travaillé précédemment chez Lamblin. M. Bourse n'a pas fait de détails estimatifs mais seulement indiqué des idées de prix de vente usuel. Ayant ces éléments en tête j'ai vu que les prix étudiés par Duval étaient compétitifs. J'ai donc adopté les prix des détails estimatifs de Duval et signé les actes d'engagement. M. Duval m'a donné copie des actes d'engagement et a déclaré m'envoyer ultérieurement les détails estimatifs des marchés pour lesquels nous serions adjudicataires.

La répartition des travaux n'était pas du tout définie. Je pouvais éventuellement intervenir soit en pose soit en réfection.

Lors de la signature de l'acte d'engagement du marché Cappelle Grand Fort, Monsieur Corre de la société DLE était également présent. C'est à ce moment là que j'ai su que la société DLE participait à l'un des groupements. Il m'a été dit que la société DLE participerait sur la pose. L'entreprise Duval était chargée d'envoyer les plis (...).

Par ailleurs Monsieur Yon de l'entreprise Lamblin m'a contacté pour savoir si j'étais intéressé par une sous- traitance de réfection sur un marché qu'il m'a lui même défini (Dunkerque section Centre Malo Rosendael et Petite Synthe).

J'ai accepté. Lamblin m'a donc proposé une sous-traitance d'environ 150 000 francs et m'a donné à signer l'annexe d'agrément d'un sous-traitant sans m'indiquer le montant de son offre".

* Déclarations de M. Edgard Duval, gérant de la SARL Duval (cotes 141 et suivantes) :

"DLE a pris l'initiative de nous appeler. J'ai fait valoir que ce n'était pas tellement son secteur mais il tenait à soumissionner.

J'ai donc accepté de faire deux groupements avec DLE.

S'agissant de Faignot nous avons l'habitude de travailler ensemble. Il se peut que j'aie moi-même appelé Faignot.

J'ai dit à Faignot que DLE voulait avoir quelque chose et qu'il était possible de l'intégrer compte tenu du nombre de rues à réaliser".

* Déclarations de M. Corre, chef de centre de l'enteprise DLE (cotes 160 et suivantes) :

"Les travaux que nous exécutions pour Transmanche se sont terminés fin 1994. Cette baisse d'activité importante (très) nous a déterminés à soumissionner dans une zone géographique plus étendue (...) En 1995 je n'ai soumissionné auprès du SIAERD que pour un marché d'eau potable en raison de mon chiffre d'affaires et de la diversité d'activité que je dois maintenir.

En 1996 dans le même cadre, j'ai soumissionné pour des marchés plus nombreux pour augmenter mon CA.

Pour le marché de 1995 précité, j'ai soumissionné en groupement sur des travaux dont je n'ai exécuté aucune partie du fait de ma charge de travail.

Ceci explique le fait que je n'ai aucun dossier aujourd'hui relatif à cette affaire. J'ignore le montant du marché, quels travaux ont été effectués.

Pour les deux marchés de 1996 : je n'ai pas de conventions de groupement puisqu'aucune n'a été établie (pas plus qu'en 1995) avec les entreprises qui ont cosigné les actes d'engagement.

Les groupements ont plutôt été conçus comme un instrument pour répartir le chiffre d'affaires généré par ces marchés. Matériellement les travaux sont scindés et chacun exécute sa part sous sa propre responsabilité. Compte tenu de la baisse d'activité au plan local dans notre secteur d'activité, nous avons soumissionné, cette année, dans le cadre de groupements plus importants (3 entreprises) ce qui permet de répartir l'activité. Sur ces deux marchés j'ai réalisé une part des travaux. Un autre avantage du groupement réside dans le fait que si un membre est dans l'impossibilité (planning) de réaliser des travaux un autre membre du groupement peut palier la carence. Nous nous groupons donc puisque cette modalité offre une souplesse d'action par rapport à un chiffre d'affaires déterminé. Les groupements ont été constitués de manière informelle".

* Déclarations de M. Dellienne, directeur administratif et président du conseil d'administration de la société Faignot (cotes 167 et suivantes) :

"Jusqu'en 1994 je répondais individuellement sur le SIAERD. Depuis 95, j'ai choisi de répondre en groupement avec Duval et DLE. Cette façon de faire permet de limiter les risques et donne plus de souplesse dans la répartition de la charge de travail.

Ainsi en 95, j'ai eu 2 marchés avec Duval et DLE. Ma charge de travail étant au jour le jour ces deux entreprises m'ont cédé leur part complète.

En 96, sur le marché commun avec Duval et DLE, je ne ferai presque rien, DLE récupèrera ce qu'il m'a cédé l'année dernière.

Sur Craywick, j'ai répondu seul, s'agissant d'un travail qui ne peut être scindé en plusieurs parties pour sa réalisation.

Dans les groupements la répartition prévisionnelle se faisait à part égale entre les associés et la répartition du travail de façon géographique sans mise en commun de moyens.

Le choix de Duval notamment et de DLE est lié à des affinités personnelles et à des habitudes de travail en commun (SIDEN avec Duval Moncheaux Mons et Attiches Mérignies)".

* Déclarations de M. Rodoz, directeur général adjoint de la STR (cote 173) :

"En 1994, nous nous sommes mis en groupement avec l'entreprise Lamblin pour un marché (extension Gravelines et Craywick) au 26/04/94 pour lequel un dossier a été enregistré avec un numéro d'étude. Une étude a été effectuée mais nous n'avons pas ouvert de chantier. Nous n'avons pas participé à son exécution.

En 1996, nous avons refait un groupement avec Lamblin pour le marché (renforcement et extension secteur Dunkerque centre, Malo, Rosendael et Petite Synthe) au 23/02/96.

Un dossier a été enregistré avec un numéro d'étude (96079). Nous n'avons pas effectué l'étude de prix, et nous n'avons pas réalisé de travaux, à ce jour.

Pour ces deux groupements nous ne disposons pas de convention ; celles-ci ne sont établies qu'en cas de réalisations communes.

Au moment de la réalisation des marchés obtenus le planning des charges ne nous permettant pas d'intervenir nous avons demandé à l'entreprise Lamblin, avec laquelle nous étions groupés, de réaliser notre part".

Considérant, en outre, que le planning des travaux adressé au SIAERD par la société Duval, relativement aux deux "lots" obtenus en groupement en 1996 (cotes 149 et suivantes), montre que les entreprises n'avaient pas prévu de travailler conjointement sur les chantiers mais que les chantiers étaient répartis entre elles ;

Considérant que les sociétés Lamblin, Duval, Faignot et STR n'ont pas estimé nécessaire de constituer des groupements en 1993 pour répondre, avec succès pour les cinq premières, aux appels d'offres organisés par le SIAERD, alors même que le dossier ne met pas en évidence des caractéristiques différentes entre ces marchés et ceux passés les années suivantes ; qu'en 1994, les sociétés Duval et Faignot n'ont pas non plus constitué de groupement et ont néanmoins remporté des marchés ; que, s'agissant de la société Lamblin, elle a, parallèlement à l'offre en groupement avec STR en 1994, présenté des offres individuelles sur d'autres lots, avec succès pour deux d'entre eux ; que les sociétés Lamblin et STR ont été attributaires individuellement de marchés en 1995 et 1996 ; qu'en 1996, la présentation d'une offre groupée avec STR n'a pas empêché Lamblin de présenter une offre individuelle ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune convention de groupement n'a été établie entre les sociétés Lamblin et STR ; qu'au regard de ce qui précède, la déclaration de M. Yon, directeur du service travaux de la société Lamblin, invoquée par STR pour justifier la constitution d'un groupement avec cette entreprise et selon laquelle : "Lorsqu'il y a groupement, Lamblin s'associe avec une entreprise routière. Il est probable s'agissant du groupement Lamblin/STR de 1996 que j'ai moi-même contacté STR ; après accord, les responsables d'études de prix se réunissent chacun apportant ses prix sur l'ensemble du marché. En pratique on retient pour l'élaboration de l'offre commune les prix STR en réfection de voirie et les prix de Lamblin en terrassement et pose", n'est pas de nature à démontrer que le groupement en cause répondait à des nécessités techniques justifiées par les caractéristiques des marchés et les moyens des entreprises ;

Considérant que la société Duval invoque les compétences techniques de la société Cochery pour justifier la constitution du groupement Duval/DLE/Cochery ;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté qu'il n'y a pas eu de discussion entre Duval et Cochery sur le choix des marchés censés être les plus à même de faire pleinement jouer l'efficience liée aux complémentarités prétendues des deux entreprises ; qu'au contraire, M. Duthoo, chef de secteur de la société Cochery a déclaré, au sujet des marchés de 1996, que la répartition des travaux n'avait pas été définie et que son entreprise pouvait intervenir "soit en pose, soit en réfection" ; que cette société n'a découvert l'existence d'un troisième partenaire, la société DLE, qu'à la signature des actes d'engagement, ce qui confirme que la recherche d'une optimisation attendue de l'association des compétences n'a pas présidé à la constitution du groupement ; qu'en ce qui concerne les conditions de définition des prix de l'offre commune, la société Duval n'a associé ni Cochery, ni DLE ; qu'il est indifférent à cet égard que la société Cochery ait vérifié que les prix qu'elle a calculés étaient "conformes" "aux prix usuels" "pratiqués sur d'autres secteurs géographiques", alors que la recherche d'une optimisation de l'association des compétences aurait dû conduire Duval à demander à Cochery le chiffrage correspondant aux travaux qui devaient revenir à cette entreprise ;

Considérant qu'il résulte de tous ces éléments que les groupements formés par les sociétés Lamblin, STR, Duval, Faignot, DLE et Eurovia n'étaient pas motivés par la recherche d'une complémentarité technique et constituent un indice supplémentaire d'entente entre ces entreprises ;

Considérant que, concernant le groupement constitué en 1996 entre les sociétés TEF et LDE, la société TEF fait valoir qu'elle ne disposait pas de la compétence nécessaire pour réaliser des marchés de canalisations en polyéthylène, que, pour de tels marchés, elle était contrainte de louer le matériel de soudure approprié et qu'elle ne disposait pas de soudeurs compétents pour exécuter ce type d'ouvrage ; qu'elle ajoute que les marchés ouverts à la concurrence par le SIAERD en 1996 concernaient toujours, à la différence des années précédentes, la pose de produits en polyéthylène ; que la société LDE déclare, pour sa part, n'avoir pas la compétence requise pour effectuer des travaux de terrassement ; qu'il n'est, dès lors, pas exclu que le groupement dont il s'agit ait été justifié par une complémentarité technique des deux entreprises ;

c) Sur la liste d'entreprises établie par M. Proix

Considérant que, M. Proix, ingénieur à la société LDE, chargé de la gestion d'eau potable dans le secteur compris entre la frontière belge et la limite du département du Pas-de-Calais, a déclaré aux enquêteurs que son entreprise avait pour mission de chiffrer les demandes de travaux de renforcement et d'extension du réseau émanant des communes, que le SIAERD constituait ensuite les lots et que la société LDE était chargée, sur la base des éléments fournis par le SIAERD, d'élaborer les dossiers de consultation ; qu'il a encore indiqué qu'à partir du 1er janvier 1997, le syndicat de communes avait confié à la CUD (Communauté urbaine de Dunkerque) la mission de maîtrise d'œuvre précédemment assurée de fait par la Lyonnaise (cotes 199 et 200) ;

Considérant que, dans l'agenda professionnel de M. Proix, figurait une note manuscrite comportant essentiellement la liste des entreprises ayant répondu à l'appel à concurrence lancé par le SIAERD en 1996, des lettres (A, B, C et D), des chiffres rattachés à ces lettres, quelques noms de communes, les numéros de téléphone de la majeure partie des entreprises listées, et pour certaines de ces entreprises, quelques noms de personnes ;

Sur les indications relatives aux entreprises, numéros de téléphone et noms de personnes

Considérant que la note dont il s'agit mentionne 14 entreprises (Duval, Cochery, Faignot, LDE, EI, SOGEA, TEF, STPV, STR, DLE, SEMIP, SADE, Entrepose et Lamblin) dont la liste correspond exactement à celle des entreprises admises à concourir au titre de l'année 1996, pour les conduites allant jusqu'à 400 mm et pour les conduites de tout diamètre ; que dès lors que les sociétés SEMIP et EI, qui figuraient sur la liste établie par M. Proix, n'ont pas répondu à la consultation, il apparaît que cette liste a été établie avant la promulgation des résultats de la consultation ;

Sur les indications de communes

Considérant que cinq noms de communes (St-Pol, Holque, Craywick, Petite S., Rosendael) sont portés - après des mentions de lettres et/ou de chiffres - au regard de certains noms d'entreprises ; que le tableau ci-dessous met en parallèle, s'agissant des canalisations de moins de 400 mm, d'une part, la constitution des lots (les différents marchés) telle que prévue pour l'année 1996 selon deux documents de travaux prévisionnels à en-tête du SIAERD retrouvés dans les locaux de l'entreprise Duval (cote 206) et de l'entreprise DLE (cote 210), d'autre part, la composition des lots telle que réalisée selon les documents de la consultation (composition officielle des lots) ;

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Considérant que la comparaison des deux colonnes fait apparaître, dans la colonne "composition officielle des lots", outre la mention d'un lot supplémentaire (Craywick), en fait ajoutée à la main sur la liste initiale communiquée par l'entreprise DLE, de simples modifications dans l'ordre de désignation des communes ; que quatre des cinq noms de communes figurant sur la liste manuscrite de M. Proix correspondent à la commune tête de liste de quatre des cinq lots définis dans le programme prévisionnel des marchés de 1996 (St-Pol, Holque, Petite S. c'est-à-dire Petite Synthe, et Rosendael) ; que le cinquième nom de la note manuscrite Proix (Craywick) correspond au lot supplémentaire, qui est limité à la commune en question ; que, pour ce qui concerne le cinquième lot de la consultation de 1996, celui de Coudekerque Branche, il est très vraisemblablement désigné par l'abréviation CK figurant à la fin de la ligne "Faignot" du document manuscrit, étant observé que l'abréviation DK est usuellement utilisée pour la ville de Dunkerque ; qu'ainsi, les communes mentionnées par M. Proix représentent d'une manière simplifiée l'ensemble des lots de la consultation 1996, tels que définis avant le lancement de la procédure de consultation ;

Sur la mention "mandataire"

Considérant que la mention "mandataire" figure deux fois, dès la première ligne, à proximité immédiate de Duval, et est suivie du nom d'une commune (St-Pol et Holque) ; qu'elle peut être interprétée comme s'appliquant à la notion de groupement ; qu'en effet, Duval a bien été le mandataire du groupement attributaire des marchés de Holque et de St-Pol ;

Sur les mentions de lettres

Considérant que les lettres A, B, C et D sont mentionnées à proximité immédiate du nom de certaines entreprises ; que sur les onze mentions de lettres, seule la première lettre D est d'une attribution incertaine, en raison de son emplacement, comme pouvant désigner Faignot ou LDE ; qu'à ce stade de l'analyse, cette lettre est affectée à Faignot ;

Considérant que les autres attributions ne sont pas discutables ; qu'en résumé,

la lettre A, répétée 3 fois, est attribuée à 1 Duval, 2 Faignot et 3 DLE

la lettre B, répétée 3 fois, est attribuée à 1 Duval, 2 Cochery et 3 DLE

la lettre C, répétée 3 fois, est attribuée à 1 Cochery, 2 STR et 3 Lamblin

la lettre D, répétée 2 fois, est attribuée à 1 Faignot et 2 Lamblin

Considérant, par ailleurs, que si on adjoint à ces correspondances entre les lettres A, B, C, D et les noms des entreprises les noms de communes accolés à certaines de ces dernières (ainsi la commune de Holque, rapportée à l'entreprise Duval), sachant, comme il a été vu précédemment, que les noms de communes désignent les différents marchés, on aboutit au tableau synthétique suivant :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Considérant que les sociétés Duval, Faignot et DLE ont effectivement constitué un groupement qui a été attributaire du marché de "Holque" ; que les sociétés Duval, Cochery et DLE ont constitué un groupement qui a été effectivement attributaire du marché de "St-Pol" ; que les sociétés STR et Lamblin ont effectivement constitué un groupement qui a été attributaire du marché de "Petite Synthe" (correspondant à ville de Dunkerque Sections Centre, Malo, Rosendael, Petite Synthe) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe une correspondance étroite entre l'affectation des lettres A et B et la distribution des entreprises entre les groupements constitués pour les soumissions ; qu'une correspondance existe également pour ce qui concerne la lettre C, même si une discordance partielle peut être relevée en ce que Cochery n'a pas constitué un groupement avec Lamblin et STR, mais avec Duval et DLE sur un autre marché ;

Considérant, enfin, que la lettre D se rapporte à deux entreprises qui ne se sont pas groupées entre elles pour répondre sur les 2 marchés indiqués de Craywick et Rosendael ; que s'agissant de cette dernière lettre, il n'y a donc pas apparemment de cohérence avec les résultats de la consultation ; que cette circonstance ne saurait, cependant, compte tenu des multiples coïncidences relevées sur les lettres A B et C, remettre en cause l'interprétation de ces lettres ; que l'absence de concordance, pour ce qui concerne la lettre D, atteste plutôt que la feuille manuscrite a été établie avant la remise des offres puisqu'elle contient des différences avec la réalité des soumissions ;

Considérant que la note manuscrite ne fait apparaître aucune mention concernant le marché de Coudekerque Branche ; que, cependant, dès lors que ce marché est revenu conjointement à LDE et à TEF, M. Proix, de LDE, rédacteur du document manuscrit, pouvait ne pas estimer nécessaire de noter ce qu'il savait devoir s'appliquer à sa propre entreprise ; que, parmi les entreprises attributaires mentionnées sur la liste manuscrite, ce sont les deux seules entreprises sans affectation de lettres, et figurant parmi les attributaires, qui se trouvent être précisément conjointement attributaires du marché restant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les lettres A, B, C et D correspondent à la constitution des groupements ; que cette conclusion se trouve confortée par l'analyse des chiffres portés sur la note manuscrite ;

Sur les mentions chiffrées

Considérant que les données chiffrées de la feuille manuscrite et les lettres qui leur sont souvent étroitement associées sont reproduites ci-après et mises en relation avec les groupements précédemment déterminés ainsi qu'avec les marchés dont ces groupements ont effectivement été attributaires (les informations reproduites de la feuille manuscrite apparaissent en caractères gras) ;

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Considérant, ainsi, que trois types de mentions chiffrées figurent dans ce tableau : des chiffres associés aux lettres, une indication 1 135 000 HT relative à "CK" et une indication 100 % relative à Lamblin / D /Rosendael ;

1) Sur les chiffres associés aux lettres

Considérant que la juxtaposition de chiffres ronds, susceptibles de traduire des arrondissements ou des évaluations (500, 200), de chiffres répétés (360) et de chiffres précis (554, 414 et, dans une certaine mesure, 140), nécessairement tirés de données précises, permet de supposer l'existence de sources d'informations différentes excluant une provenance de la lecture des résultats de la consultation :

Sur les chiffres précis (414, 554 et 140)

Considérant que les chiffres précis se rapportent à la même lettre C et aux sociétés STR, Lamblin et Cochery, c'est-à-dire aux entreprises qui se sont effectivement groupées sur un même marché, celui de Petite Synthe (Cochery intervenant en qualité de sous-traitant), ce qui tend à conforter le lien, d'une part, entre les chiffres et les marchés et, d'autre part, entre les lettres et les groupements ;

Considérant que la somme de ces chiffres est égale à 1 108, soit 1 336,25 si l'on ajoute la TVA (1 108 x 0,206= 228,25), ce qui correspond exactement à l'estimation du marché de Petite Synthe (1 337 414 soit, en milliers de francs, 1 337) ;

Sur la valeur 360 mentionnée deux fois

Considérant que la valeur 360 se rapporte à la même lettre B et aux sociétés Cochery et DLE c'est-à-dire à deux entreprises qui se sont effectivement groupées sur un même marché, celui de St-Pol ; que la répétition d'une même valeur sur une même lettre et au sujet de deux entreprises ayant participé à un même groupement tend aussi à confirmer le lien, d'une part, entre les chiffres et les groupements et, d'autre part, entre les lettres et les groupements ;

Sur les valeurs les plus arrondies à savoir 500 et 200

Considérant que les valeurs arrondies à la centaine se rapportent à la même lettre A et aux sociétés Duval, Faignot et DLE et concernent trois entreprises qui se sont effectivement groupées sur un même marché, celui de Holque ; que le fait que la même caractéristique (arrondissement) puisse s'appliquer à la même lettre et à des entreprises ayant participé à un même groupement tend également à confirmer le lien, d'une part, entre les chiffres et les groupements et, d'autre part, le lien entre les lettres et les groupements ;

Sur la mention d'un montant de 1 135 000 HT accolé à la mention à "CK"

Considérant que, comme cela a déjà été mentionné, l'abréviation CK désigne la ville de Coudekerque Branche ; qu'elle figure sur la ligne de l'entreprise Faignot ; que l'offre de cette entreprise pour le marché ville de Coudekerque Branche s'est élevée à 1 135 598 F HT ; que dès lors que ce marché est revenu à LDE au travers de son groupement avec TEF et que M. Proix ne pouvait avoir de raison de noter a posteriori l'offre d'une entreprise non attributaire, il convient de conclure que M. Proix a reçu l'information du prix qu'allait remettre l'entreprise concurrente Faignot sur un marché qui intéressait LDE ;

Sur les moyens de défense présentés par les entreprises mises en cause

Considérant que la société LDE soutient que M. Proix, auteur de la note manuscrite, a agi de sa propre initiative, sans en référer à sa hiérarchie ;

Mais considérant que les dispositions du livre IV du Code de commerce relatives à la liberté des prix et de la concurrence visent les entreprises et non les personnes ; que, dès lors, il importe peu, pour la qualification d'une pratique, que celle-ci ait été ou non mise en œuvre par une personne de sa propre initiative, dès lors que l'auteur de la pratique agissait dans le cadre de ses fonctions au sein de l'entreprise ; que tel était le cas de M. Proix, ingénieur à la Lyonnaise des Eaux, chargé, notamment, de "consult(er) les agents de terrain de la Lyonnaise et complét(er) l'enquête technique pour élaborer le montant des offres" (cote 199) ;

Considérant que la société Eurovia fait valoir que le numéro de téléphone mentionné sur la note de M. Proix, au regard du nom de Cochery, n'est pas celui de l'agence Cochery de Loon, située à proximité de Dunkerque, mais celui de l'agence Cochery de Santes, implantée dans la banlieue de Lille ; que, cependant, cette circonstance ne remet pas en cause la valeur probante de la fiche établie par M. Proix ;

Considérant que, de son côté, la société STR justifie l'établissement de la note de M. Proix par la mission, confiée à LDE par le SIAERD, d'instruire les demandes de travaux émises par les collectivités ; que, cependant, si la société LDE était bien investie d'une telle mission, celle-ci n'impliquait nullement des échanges d'informations sur les intentions des entreprises avant le dépôt des offres ;

Considérant que les sociétés Eurovia, STR, LDE, TEF et Lamblin soulignent encore que la note manuscrite n'est pas datée ;

Mais considérant que la liste figurant sur ce document correspond exactement à celle des entreprises admises à concourir au titre de l'année 1996, pour les conduites allant jusqu'à 400 mm et pour les conduites de tout diamètre ; que des différences de données ont été relevés entre ce document et les résultats de la consultation et, notamment, le fait que toutes les entreprises mentionnées sur ce dernier n'ont pas répondu à la consultation ; que M. Proix a, d'ailleurs, déclaré que la liste manuscrite "correspond manifestement aux entreprises intéressées par la consultation" (cote 195) ; que les sommes mentionnées proviennent de sources différentes ; que les noms de communes qui désignent les différents marchés se rapportent à une composition des lots qui diffère de celle du dossier de consultation ; que l'ensemble de ces éléments conduit à conclure que cette liste a été établie avant la diffusion des résultats de la consultation ;

Considérant que les sociétés Eurovia, STR, TEF et Lamblin soutiennent enfin que la note manuscrite ne mentionne pas leur participation à la concertation et ne saurait donc constituer, pour ce qui les concerne, un indice de comportement anticoncurrentiel ;

Mais considérant que si les indications de la note manuscrite ne suffisent pas à elles seules à établir que chacune des entreprises, dont le nom est suivi de la mention du numéro de téléphone a participé à la concertation visée dans la notification de grief, elles n'en constituent pas moins un indice supplémentaire venant s'ajouter aux indices précédemment relevés pour établir la réalité de cette participation qui a eu lieu antérieurement au dépôt des offres sous la forme d'un échange d'informations portant sur la constitution de groupements et sur les prix de soumissions ; qu'en effet, aucun motif ne justifie que la société LDE ait eu connaissance des candidatures, ni que M. Proix ait estimé nécessaire d'établir cette liste dès lors, d'une part, que LDE ne participait pas à la réunion de choix des candidatures et, d'autre part, que l'envoi des dossiers d'appels d'offres, bien que préparés par LDE, était effectué par le SIAERD ; que n'ayant pas de motif légitime de connaître la liste des candidats, LDE ne pouvait en avoir davantage de noter leur numéro de téléphone ainsi que l'identité de certains de leurs responsables ; que les communes mentionnées par M. Proix représentent d'une manière simplifiée l'ensemble des lots de la consultation de 1996, tels que définis avant le lancement de la procédure de consultation ; que les lettres A, B, C et D portées sur la note manuscrite correspondent à la constitution des groupements ; que les sommes portées sur la note manuscrite sont liées aux lettres A, B, C et D et ne proviennent pas de la lecture des résultats de la consultation ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments relevés ci-dessus que les entreprises ayant répondu aux appels à concurrence lancés par le SIAERD se sont consultées pour se répartir les marchés de 1995 et 1996 relatifs à la pose de canalisations de moins de 400 mm. ;

d) Sur le comportement du maître d'ouvrage et de la DGCCRF

Considérant que la société LDE observe que le SIAERD a fait fonctionner la procédure d'appel d'offres comme s'il s'agissait d'une procédure d'adjudication en attribuant les marchés aux entreprises moins-disantes, soutient que cette pratique est de nature à favoriser la concertation et regrette l'absence du représentant de la DGCCRF aux séances des commissions d'appel d'offres ; que, cependant, ces facteurs n'ont aucune incidence sur la qualification du comportement reproché aux entreprises en cause ;

e) Sur le marché des canalisations de plus de 400 mm

Considérant que certaines entreprises observent que les comportements adoptés lors de la passation des marchés de canalisations de plus de 400 mm n'ont pas fait l'objet d'une analyse, ce qui aurait pour effet, selon elles, de remettre en cause les calculs de probabilité sur lesquels s'appuie le grief de répartition des marchés ;

Considérant, cependant, qu'en l'absence de tout élément à cet égard, l'instruction n'a pas permis de recueillir le moindre commencement de preuve d'une concertation sur ce segment de marché ; qu'en tout état de cause, la remarque qui est ainsi faite est sans effet sur l'appréciation du grief, dont le bien fondé se trouve établi par le faisceau d'indices relevés ci-dessus ;

2) Sur la participation des entreprises aux faits de la cause

Considérant que la société Cochery s'est introduite sur les marchés en cause, en 1996, au travers d'un groupement l'associant à la société Duval, habituée au cours des années précédentes à répondre individuellement, et à la société DLE ; que ce groupement ne répondait pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens, mais traduisait une volonté de répartition des marchés et constitue un indice de la participation de la société Cochery à la pratique en cause ; que cet indice n'est pas contredit par l'affirmation de la société Eurovia venant aux droits de la société Cochery, selon laquelle son métier premier était la réalisation de travaux routiers, l'activité de pose et réfection de canalisation ne représentant qu'une partie minime du chiffre d'affaires de l'agence considérée ; que, d'une part, en effet, il ressort des déclarations de M. Duthoo, chef de secteur de l'entreprise Cochery, rapportées ci-dessus, que la répartition des travaux n'était pas du tout définie et que Cochery pouvait éventuellement intervenir soit en pose soit en réfection ; que, d'autre part, cette société a reproduit, en 1996, le comportement adopté par les autres entreprises depuis 1993, consistant à privilégier un seul marché de telle sorte que la meilleure offre qu'elle a présentée ne s'est trouvée en concurrence avec aucune autre offre présentée par une autre entreprise ; qu'il est, dès lors, établi que la société Cochery a participé à la pratique en cause en 1996, et que cette pratique doit être imputée à la société Eurovia, venant aux droits et obligations de la société Cochery ;

Considérant que la société DLE s'est introduite sur les marchés en cause, en 1995, au travers d'un groupement l'associant à l'entreprise Faignot, habituée au cours des années précédentes à répondre individuellement et continuant à répondre individuellement sur certains lots ; que la société DLE a également été attributaire dans des conditions analogues en 1996 ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à trois entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; que la décision de la société DLE de créer un groupement avec la société Faignot, en 1995, et avec les sociétés Duval, Faignot et Cochery, en 1996, ne répondait pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisait une volonté de répartition du chiffre d'affaires généré par les marchés, ainsi que cela résulte des déclarations de M. Corre, chef de centre de DLE, ci-dessus reproduites ; que la société DLE pouvait répondre individuellement aux appels à concurrence lancés par le SIAERD ; que, comme la plupart des autres entreprises en cause, elle a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre du groupement auquel elle participait en 1995 ou 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que la société DLE a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant que la société Duval, qui a été attributaire à titre individuel en 1993, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année jusqu'en 1996 ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; qu'il résulte des déclarations de MM. Duval, gérant de la société, Duthoo, chef de secteur de Cochery et Dellienne, président du conseil d'administration de la société Faignot, ci-dessus reproduites, que la décision de la société Duval de créer un groupement avec la société Faignot, en 1995 et avec les sociétés Faignot et Cochery en 1996, alors que la société Duval pouvait répondre individuellement, comme elle l'avait fait précédemment, aux appels à concurrence lancés par le SIAERD, ne répondait pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisait une volonté de répartition des marchés ; que, comme la plupart des autres entreprises en cause, elle a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1995 ou 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que la société Duval a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant que la société Lamblin, qui a été attributaire à titre individuel en 1993, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année jusqu'en 1996 ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont au contraire étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; que la décision de la société Lamblin de créer un groupement avec la société STR, en 1994 et 1996, alors que la société Lamblin pouvait répondre individuellement, comme elle l'avait fait précédemment, aux appels à concurrence lancés par le SIAERD, ne répondait pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisait une volonté de répartition des marchés ; que, comme la plupart des autres entreprises en cause, la société Lamblin a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1995 ou 1996 n'a coïncidé avec aucune offre d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que la société Lamblin a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant que la société LDE, qui a été attributaire, à titre individuel en 1993, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année (sauf en 1995) ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; que, comme la plupart des entreprises en cause, elle a adopté un comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre émanant d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; que le document saisi dans l'agenda de M. Proix, cadre salarié de LDE, démontre que cette société, concessionnaire du SIARED, assurant de fait une mission de maîtrise d'œuvre des travaux de renforcement et d'extension du réseau et investie, à ce titre, d'un rôle prééminent dans la mise en place des marchés de 1996, a, avant les réponses à l'appel d'offres correspondant lancé en 1996, échangé des informations avec les autres entreprises en cause sur la constitution de groupements et sur les prix de soumission ; qu'il est, dès lors, établi que la société LDE a participé à la pratique en cause en 1996 ;

Considérant que la société STR, qui a été attributaire à titre individuel en 1994, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; qu'il résulte des déclarations de M. Rodoz, directeur général adjoint de STR, ci-dessus reproduites, que les groupements que la société STR a créés avec la société Lamblin en 1994 et 1996, alors qu'elles pouvaient répondre individuellement aux appels à concurrence lancés par le SIAERD, comme elles l'avaient fait au cours des années précédentes, ne répondaient pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisaient la volonté des deux entreprises de se répartir les marchés ; que, comme la plupart des autres entreprises en cause, elle a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1995 et en 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre émanant d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que la société STR a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant que la société TEF, qui a été attributaire à titre individuel en 1993, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; que, comme la plupart des entreprises en cause, elle a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1995 ou 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre émanant d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, la répartition harmonieuse des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que la société TEF a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant que la société Faignot, qui a été attributaire à titre individuel en 1993, a été ensuite régulièrement reconduite chaque année ; qu'en 1996, alors que le nombre des marchés ayant fait l'objet d'un appel d'offres a diminué (six en 1996 contre dix en 1995), ce qui pouvait laisser présager une réduction du nombre des entreprises bénéficiaires, les groupements se sont, au contraire, étoffés à 3 entreprises (contre deux antérieurement), de telle sorte qu'aucune des entreprises attributaires de 1995 ne s'est trouvée exclue des attributions de 1996 ; qu'il ressort des déclarations du président du conseil d'administration de la société Faignot, ci-dessus reproduites, que les groupements créés avec les sociétés DLE et Duval en 1995 et 1996, alors que l'entreprise Faignot pouvait répondre individuellement aux appels à concurrence lancés par le SIAERD, comme elle l'avait fait précédemment, ne répondaient pas à une nécessité technique ou de concentration de moyens mais traduisaient la volonté des deux entreprises de se répartir les marchés ; que, comme les autres entreprises en cause, la société Faignot a adopté et répété un même comportement consistant en une limitation de ses objectifs dans le cadre d'une concertation ; qu'en effet, la meilleure offre qu'elle a proposée en 1995 et 1996 n'a coïncidé avec aucune autre offre émanant d'une autre entreprise ; que, compte tenu de l'ensemble des indices recueillis, l'harmonieuse répartition des marchés qui en résultait ne peut être attribuée au hasard ; qu'il est, dès lors, établi que l'entreprise Faignot a participé à la pratique en cause en 1995 et 1996 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus que les sociétés Cochery, DLE, Duval, Lamblin, LDE, STR, TEF et Faignot se sont concertées pour se partager les marchés de travaux sur réseaux de distribution d'eau passés par le SIAERD en 1995 et 1996 ; que cette pratique avait un objet anticoncurrentiel et a eu pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés considérés ; qu'elle est donc prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

- Sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence "peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnés à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;

Considérant que l'infraction relevée est regardée par les autorités de concurrence comme une pratique grave par nature ; que, dans un arrêt en date du 24 mars 1998, société SADE-Compagnie générale de travaux hydrauliques, la chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé le motif de l'arrêt de la cour d'appel objet du pourvoi, selon lequel "la tromperie de l'acheteur public érigée en système perturbe le secteur où elle est pratiquée et porte une atteinte grave à l'ordre public économique" ; que plusieurs des sociétés ayant pris part aux pratiques ci-dessus analysées sont des sociétés connues, qui appartiennent à des groupes d'envergure nationale et que leurs comportements sont d'autant plus graves qu'elles peuvent avoir un effet d'entraînement sur des sociétés de taille plus modeste ;

Considérant que, s'agissant du dommage à l'économie, la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 15 juin 1999, SA Société languedocienne de travaux publics et de génie civil (Solatrag), a retenu que "(...) le dommage à l'économie, indépendant du préjudice subi par le maître de l'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires, doit s'apprécier en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence par la généralisation de telles pratiques" ; qu'en l'espèce, l'entente de répartition de marchés s'est poursuivie sur deux années et a concerné un secteur géographique limité ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la SA Eurovia, lors du dernier exercice clos (2001), s'élève à 2 053 568 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Devin Lemarchand environnement, lors du dernier exercice clos (2000), s'élève à 81 056 709 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Duval, lors du dernier exercice clos (2000), s'élève à 3 389 413 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 115 000 euros ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Lamblin, lors du dernier exercice clos (2000), s'élève à 21 152 546 euros ; que lors du même exercice, cette entreprise a réalisé une perte de 393 534 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Lyonnaise des Eaux, lors du dernier exercice clos (2001), s'élève à 1 224 795 331 euros ; que par décision n° 81-03-DC du 13 janvier 1981, le ministre de l'économie a sanctionné la société Lyonnaise des Eaux et de l'eclairage (aujourd'hui société Lyonnaise des Eaux) pour avoir participé à une entente à l'occasion d'appels à la concurrence pour la délégation de services de distribution de l'eau ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 4 500 000 euros :

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Eurovia STR, lors du dernier exercice clos (2000), s'élève à 36 149 430 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci- dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 700 000 euros ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Travaux et Entreprise des Flandres, lors du dernier exercice clos (2000), s'élève à 4 457 459 euros ; qu'au vu des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 euros ;

Considérant qu'il résulte d'un extrait K bis du registre du commerce et des sociétés du Tribunal de grande instance à compétence commerciale d'Hazebrouck en date du 17 avril 2002 que la société Entreprise Jacques Faignot a été mise en redressement judiciaire par décision de cette juridiction en date du 29 avril 1998 ; que par jugement du 22 janvier 1999, le tribunal a arrêté le plan de cession de l'entreprise ; que le bénéficiaire du plan ne peut, en vertu de l'article L. 621-63 du Code de commerce, se voir imposer des charges autres que celles qu'il a souscrites au cours de sa préparation et qu'il ne peut donc être recherché dans le cadre de la présente procédure ; que la société Entreprise Faignot, qui a pris fin par l'effet du jugement du 22 janvier 1999 (article 1844-7-7° du Code civil), se survit néanmoins pour les besoins de sa liquidation et doit répondre des pratiques qui lui sont reprochées mais qu'il n'y a pas lieu, compte tenu de sa situation, de lui infliger de sanction ;

Considérant que, pour renforcer l'efficacité de la concurrence dans les marchés de travaux sur réseaux de distribution d'eau passés dans la région de Dunkerque, il convient de porter à la connaissance des collectivités locales le caractère illicite de la pratique visée ci-dessus et les sanctions prononcées à l'encontre des entreprises qui s'y sont prêtées ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 464-2, 5e alinéa, du Code de commerce, d'ordonner la publication de la partie II de la présente décision par les entreprises visées à l'article 1er, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, dans le quotidien La voix du Nord.

Décide :

Article 1er - Il est établi que les sociétés Eurovia, Devin Lemarchand environnement, Edgard Duval, Lamblin, Lyonnaise des eaux, Eurovia STR, Travaux et entreprise des Flandres et Faignot ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Eurovia : 50 000 euros

- à la société Devin Lemarchand environnement : 1 500 000 euros

- à la société Edgard Duval : 115 000 euros

- à la société Lamblin : 200 000 euros

- à la société Lyonnaise des Eaux : 4 500 000 euros

- à la société Eurovia STR : 700 000 euros

- à la société Travaux et Entreprise des Flandres : 100 000 euros

Article 3 - Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, les sociétés visées à l'article 2 ci-dessus feront publier la partie II de celle-ci, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires prononcées, dans une édition du quotidien La voix du Nord. Cette publication sera précédée de la mention "Décision du Conseil de la concurrence n° 02-D-43 du 2 juillet 2002 relative à des pratiques relevées lors de marchés de travaux sur réseaux de distribution d'eau passés par le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la région de Dunkerque (SIAERD)".