Conseil Conc., 10 janvier 1989, n° 89-D-02
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine et demande de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des artisans installateurs de sanitaires et en techniques thermiques et climatiques des Pyrénées-Orientales
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en commission permanente sur le rapport oral de M. Somny dans sa séance où siégeaient : M. Laurent, président ; MM. Béteille, Pineau, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre enregistrée le 15 novembre 1998 sous les numéros C 235 et C 236 par laquelle le Syndicat des artisans installateurs en sanitaires et techniques thermiques et climatiques des Pyrénées-Orientales a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande dirigée contre les pratiques du centre de distribution EDF/GDF de Perpignan qu'il estime anticoncurrentielles et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires en application des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, ainsi que l'allocation de dommages et intérêts ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations du Syndicat des artisans installateurs en sanitaires et en techniques thermiques et climatiques des Pyrénées-Orientales enregistrées le 23 décembre 1988 ; Vu les observations d'Elecricité de France enregistrées le 23 décembre 1988 ; Vu les observations du Commissaire du Gouvernement enregistrées le 26 décembre 1988 ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et Electricité de France entendus, la partie saisissante ayant été avisée de la date de la séance ;
Considérant que le Syndicat des artisans installateurs en sanitaires et techniques thermiques et climatiques des Pyrénées-Orientales expose que le centre de distribution EDF/GDF de Perpignan a lancé au mois d'avril 1988 une campagne de promotion de la climatisation en y associant seulement deux grossistes de la région, sans avoir consulté au préalable l'ensemble des professionnels intéressés ;
Considérant que, selon le syndicat demandeur, cette campagne, qui s'est concrétisée par l'envoi de documents publicitaires portant le sigle EDF/GDF invitant les clients à faire appel aux conseils de ces deux seuls grossistes, aurait eu pour effet, en orientant vers ceux-ci la clientèle potentielle, d'entraver l'accès au marché des autres professionnels intéressés, et notamment des installateurs ;
Considérant que le syndicat estime que ces pratiques commerciales constituent une exploitation abusive par EDF de sa position dominante sur le marché et qu'elles ont porté une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur intéressé ;
Considérant que le syndicat demande en conséquence au Conseil de la concurrence d'ordonner des mesures conservatoires tendant à faire cesser " la distribution des publicités litigieuses sous peine d'une sanction pécuniaire de 10 000 F par infraction ", ainsi que l'attribution d'une somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que l'application des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 est subordonnée à la constatation de comportements manifestement illicites se rattachant aux pratiques visées par les articles 7 et 8 et auxquels il faudrait mettre fin sans délai pour prévenir ou faire cesser un trouble grave et immédiat ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que l'opération de promotion entreprise par le centre de distribution EDF/GDF de Perpignan s'inscrivait dans le contexte d'une campagne nationale d'information sur la climatisation organisée par EDF, avec des grands constructeurs d'appareils de climatisation ;
Considérant que le centre de distribution EDF/GDF de Perpignan a en conséquence procédé aux consultations des professionnels intéressés par l'objet de la campagne et pris contact avec les quatre grossistes dépositaires locaux desdits contructeurs susceptibles d'y participer, dont deux ont accepté ses propositions ;
Considérant que la diffusion par le centre de distribution EDF/GDF de Perpignan, dans les conditions ci-dessus exposées, du nom des deux seuls dépositaires grossistes ayant accepté de participer à l'opération de promotion de la climatisation, ne peut être regardée comme constitutive d'une exploitation abusive par EDF d'une position dominante, dès lors, en particulier, qu'aucun élément du dossier ne permet de supposer que cet établissement public ait cherché, en s'appuyant sur son monopole légal en matière de production et de distribution de l'énergie électrique, à exercer une influence sur le marché connexe de l'installation d'appareils utilisant l'électricité tels que les climatiseurs ;
Considérant que les accords de coopération souscrits entre le centre de distribution EDF/GDF de Perpignan et les deux dépositaires grossistes participant à l'opération de promotion de la climatisation, n'ont pas eu pour objet et n'ont pu avoir pour effet de faire obstacle à l'accès au marché des autres professionnels et notamment des installateurs, alors qu'au contraire EDF, dont l'intérêt est de développer l'installation d'appareils utilisant l'électricité, ne pouvait que souhaiter leur participation en fonction même des objectifs recherchés par la campagne de promotion entreprise ; que dès lors, ces accords ne sauraient être assimilés à une entente anticoncurrentielle ;
Considérant d'ailleurs que les deux entreprises dont les noms ont été diffusés par le centre EDF/GDF de Perpignan au cours de la campagne de promotion de la climatisation n'ont réalisé que 17 p. 100 des ventes et 4 p. 100 des installations, alors que les autres professionnels ont pris une part prépondérante dans les ventes et installations effectuées pendant la période concernée ;
Considérant que les faits invoqués par le syndicat demandeur ne sont susceptibles d'être rattachés ni à l'exploitation abusive d'une position dominante visée par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni aux conventions ou ententes, visés par l'article 7 du même texte, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la saisine au fond n'est pas recevable, et que, par voie de conséquence et en application de l'article 12 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, la demande de mesures conservatoires ne peut être que rejetée ;
Considérant que le Conseil de la concurrence n'a pas compétence pour statuer sur une demande de dommages et intérêts, ni sur une demande, présentée en application del'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Décide :
Art. 1er - La saisine au fond présentée par le syndicat des artisans installateurs en sanitaires et en techniques thermiques et climatiques des Pyrénées-Orientales, enregistrée sous le numéro C 236, est déclarée irrecevable.
Art. 2 - La demande de mesures conservatoires enregistrées sous le numéro C 235 est rejetée.