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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 2 juin 1993, n° 891-92

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Direction régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

Défendeur :

Lelandais, Lelandais (SA), Lelandais (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champeval

Conseillers :

MM. Solle-Tourette, Massu

Avoué :

Me Paillette

Avocat :

Me Beaussart.

TGI Rouen, ch. corr., du 22 oct. 1992

22 octobre 1992

Jacques Lelandais a été cité devant le tribunal correctionnel de Rouen par le Procureur de la République suivant acte d'huissier délivré le 2 juillet 1992 à domicile sous la prévention d'avoir à Rouen de septembre 1989 à mai 1990 et de mai 1990 à décembre 1990 effectué des achats, ventes ou prestations de service pour une activité professionnelle sans facture confirme, infraction prévue et réprimée par les articles 31 al. 2, 3, 4, 55 al. 1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.

Par jugement contradictoire en date du 22 octobre 1992 le tribunal correctionnel de Rouen, faisant droit à la demande de nullité du procès-verbal de délit présentée par le prévenu, a renvoyé Jacques Lelandais des fins de la poursuite sans peine ni dépens faute d'éléments de preuve régulièrement obtenus.

Par déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Rouen en date du 30 octobre 1992 le Ministère Public a interjeté appel de ce jugement.

Le prévenu et la SA Lelandais civilement responsable ont déposé in limine litis des conclusions aux termes desquelles ils reprennent leurs moyens de forme soulevés en première instance à savoir l'annulation de l'intégralité de la procédure pour violation des dispositions des articles 47 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 32 du décret du 29 décembre 1986 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par les agents verbalisateurs qui ont procédé à des recherches et contrôles en consultant eux-mêmes les dossiers suspendus et ont rédigé très tardivement le procès verbal de délit 1C 3 juin 1991 pour des investigations des 21 et 28 décembre 1990.

Le Ministère Public estimant que les agents de la répression des fraudes ont agi régulièrement dans le cadre de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui n'exige pas la présence du chef d'entreprise sur les lieux a demandé la réformation du jugement et après jonction de l'incident au fond a requis une peine de 10 000 F d'amende en répression du délit constitué.

Le chef de service régional de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes du département de Seine Maritime a conclu à la réformation du jugement et à la déclaration du caractère illégal des agissements de Jacques Lelandais,

Il a fait valoir :

Que les éléments recueillis au cours de l'enquête n'ont pas été saisis à l'insu de Jacques Lelandais qui a signé les procès verbaux,

Que les agents ont régulièrement accédé aux locaux à usage professionnel et demandé communication des factures de prothèse en application de l'article 47,

Que leur manière de procéder dans le cadre de cet article 47 en l'absence du responsable de l'entreprise pendant la première heure de leurs opérations n'est pas critiquable, et que c'est à tort qu'a été invoqué pour annuler la procédure l'article 48 concernant les visites domiciliaires qui exige la présence de l'occupant.

SUR CE,

Attendu que l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en application duquel les agents de l'administration sont intervenus au siège de la SARL Lelandais dispose que les enquêteurs peuvent accéder à tous locaux à usage professionnel, demander la communication de livres, factures ou tous autres documents professionnels et en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements ou justifications,

Attendu que si la présence de l'occupant en titre des lieux ou de son représentant exigée par l'article 48 de la même ordonnance dans le cadre des enquêtes sous contrôle judiciaire n'est pas indispensable dans le cadre des enquêtes simples régies par l'article 47 les enquêteurs n'en sont pas pour autant dispensés du strict respect des limites de leurs pouvoirs,

Attendu que depuis l'ordonnance sus-visée du 1er décembre 1986 ces enquêteurs auxquels il ne peut être refusé la communication d'aucun document professionnel ont perdu dans le cadre des enquêtes simples l'initiative et le droit de fouiller eux-mêmes dans les locaux de l'entreprise et qu'en cas de refus de communication immédiate par tout personnel de l'entreprise ayant qualité pour accéder aux dossiers concernés ils ne peuvent qu'en faire mention au procès-verbal, laissant à la juridiction qui en serait éventuellement saisie le soin d'apprécier s'il y a délit d'entrave à leurs fonctions au sens de l'article 52 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Attendu que selon les mentions du procès-verbal de délit dressé le 3 juin 1991 et du procès-verbal de déclaration en annexe 1 dressé le 28 décembre 1990 :

- les interventions des agents de l'administration se sont déroulées les 21 et 28 décembre 1990 pendant les deux matinées,

- la première intervention a été effectuée inopinément et a commencé en l'absence de Jacques Lelandais qui est arrivé environ une heure plus tard,

- les enquêteurs se sont présentés le 21 décembre 1990 à 9 H 30 au siège de la SARL Lelandais où ils ont été reçus par les secrétaires de la société dans l'attente du retour du gérant qui s'est présenté à 10 H 30 et avec lequel ils ont " poursuivi " le contrôle,

- ils ont initialement demandé que leur soient communiquées les factures de prothèses aux cliniques clientes de la SARL Lelandais,

- Jacques Lelandais a fourni les doubles des avoirs rectificatifs établis pour la clinique Saint Hilaire, copie des documents suivants : facture n° 1015127 du 11 décembre 1990, lettre à la clinique Saint Hilaire du 7 avril 1989, copie des conditions générales de vente, chiffrage d'un dépôt de prothèse,

Attendu qu'il est précisé au procès-verbal du délit que les enquêteurs ont " constaté sur les factures de la SARL Lelandais à la clinique Saint Hilaire qu'il n'était pas fait mention de l'escompte sur la facture (voir annexes 3-1 à 3-3, 4-1 à 4-4, 5-1 à 5-5, 6-1 à 6-3, 7-1, 8-1 à 8-2, 9-1 à 9-7, 10-1 à 10-5, 11-1) ",

Attendu qu'aucune mention des procès-verbaux sus-visés ne précise par qui ont été remises aux enquêteurs les dites factures ou les conditions de cette remise,

Attendu que par son caractère incomplet ce procès-verbal ne permet pas à la juridiction de contrôler si le commencement de leur intervention a excédé les limites de l'article 47 comme l'affirme les attestations de Madame Mamouni délivrée le 2 octobre 1992 par cette ex-secrétaire qui déclare à ce jour ne plus faire partie de l'effectif de la société Lelandais et de Monsieur Branchard gérant d'une autre société présent lors de l'intervention des inspecteurs desquelles il résulte que ceux-ci ont effectué des contrôles et recherches dans les dossiers suspendus de leur propre initiative sans attendre que les pièces demandées leur soient remises,

Attendu qu'en conséquence le procès-verbal et son annexe qui porte atteinte aux droits de la défense doit être annulé et que doivent être écartés les éléments de preuve du délit reproché recueillis à l'occasion des opérations qu'il rapporte, la recherche de la vérité se trouvant fondamentalement viciée par l'irrégularité avérée,

Attendu que dès lors la décision de relaxe doit être confirmée.

Par ces motifs : LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement. Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.