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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 18 janvier 2002, n° 2001-16200

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SEVIC (SA)

Défendeur :

MAN Camions et Bus (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cuinat

Conseillers :

MM. André, Valette

Avoués :

SCP Lecharny-Calarn, SCP Garrabos Gerigny-Freneaux

Avocats :

Mes Martin, Feuerbach.

T. com. Evry, près., du 11 juill. 2001

11 juillet 2001

La SA SEVIC a relevé appel d'une ordonnance de référé du 11 juillet 2001 rendue par le président du Tribunal de commerce d'Évry qui, statuant sur les demandes qu'elle formait à l'encontre de la SA MAN Camions & Bus, a:

- débouté la société SEVIC de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société MAN Camions & Bus une somme de 4.000 F au titre de l'article 700 du NCPC;

- débouté la société MAN Camions & Bus du surplus de ses demandes;

- laissé les dépens à la charge de la société SEVIC.

Vu les conclusions du 27 septembre 2001 de la SA SEVIC qui, au soutien de son appel. conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et prie la Cour de:

- condamner la SA MAN Camions & Bus à lui délivrer dans un délai de 48 heures les trois attestations de conformité afférentes aux véhicules suivants:

* type F09, n° de série WMAF099427M160102

* type F04, n° de série WMAM081030M150894

* type F09, n° de série WMAM081000M152566,

et ce, sous astreinte de 1.000 F par attestation et par jour de retard, passé ce délai;

- condamner la SA MAN Camions & Bus à lui verser une indemnité provisionnelle de 40.000F:

- ordonner qu'en cas de renouvellement de telles pratiques anticoncurrentielles, soit la délivrance d'attestations de conformité et de notices descriptives dans un délai supérieur à 3 semaines ou à un coût supérieur à 100 Euros, la SA MAN Camions & Bus versera à la SA SEVIC une indemnité provisionnelle de 100.000 F par infraction constatée;

- condamner la SA MAN Camions & Bus à lui verser la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions du 27 novembre 2001 de la SA MAN Camions & Bus, intimée, qui conclut en priant la Cour de:

- constater que la SA MAN Camions & Bus est investie du droit spécial et exclusif de délivrer des certificats de conformité de véhicules industriels d'occasion ;

- la déclarer indemne de tout grief d'exploitation abusive de position dominante;

- déclarer l'activité de certification et de normalisation par délégation de service public, compatible avec les règles du droit de la concurrence;

- dire que sa prestation fut diligente raisonnable et équitable;

- en conséquence et vu les articles 81, 82 et 86 du Traité de Rome, L. 410-1 et L. 420-4-1 du Code de commerce, déclarer l'appelante irrecevable ou mal fondée en ses prétentions, dire n'y avoir lieu à référé et confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée;

- condamner la société SEVIC à lui payer la somme de 4.000 euros de dommages-intérêts et celle de 6.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la SA SEVIC, dont l'activité consiste à acheter des véhicules poids-lourds à l'étranger, en particulier des véhicules de marque MAN, et à les revendre en France, et qui est obligée, pour pouvoir immatriculer ces véhicules en France, d'obtenir un certificat de conformité qui ne peut être délivré que par le représentant accrédité de la marque en France, prétend que la SA MAN Camions & Bus se trouve ainsi en situation de position dominante -et même de monopole- pour la délivrance de ces attestations de conformité et qu'elle-même se trouve à l'égard de cette société dans un état de dépendance économique contraire aux règles de la concurrence;

Mais considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que, s'il est constant que la société MAN Camions & Bus est seule habilitée par les pouvoirs publics français à délivrer le certificat de conformité pour les véhicules de sa marque importés de l'étranger, à l'instar des autres constructeurs quant aux véhicules de leur propre marque, il n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé que ladite société ait, en l'espèce, abusé d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, et qu'elle ait en cela enfreint les règles de la concurrence posées par les articles 81, 82 du Traité de Rorne instituant la Communauté européenne, dont les dispositions sont reprises pour l'essentiel par les articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce, notamment par l'article L. 420-2 prohibant l'abus de position dominante;

Qu'en effet, la société SEVIC ne prouve en rien qu'en lui délivrant sous deux mois et au prix unitaire de 2.000 F HT, soit 304,90 euros, les précédents certificats qu'elle lui avait demandés, la société MAN Camions & Bus lui aurait appliqué des conditions de vente discriminatoires, alors que la société MAN Camions & Bus produit des factures d'un montant identique adressées à une autre société et qu'il ne peut être sérieusement soutenu que la gratuité et l'immédiateté que la société MAN Camions & Bus se consentirait à elle-même pour la délivrance de cette pièce à ses propres véhicules serait discriminatoire, s'agissant soit des véhicules neufs de sa marque qu'elle construit elle-même, soit de véhicules de sa marque qu'elle reprend d'occasion et pour lesquels elles expose des frais de vérification et subit nécessairement le temps nécessaire à de telles révisions;

Qu'en ce qui concerne plus précisément les trois certificats litigieux, la société MAN Camions & Bus fait valoir avec raison que n'ayant pas été réglée de sa précédente facture du 11 juin 2001 relative à deux autres certificats, elle était fondée à différer les trois nouvelles demandes, reçues les 28 mai, 7 juin et 21 juin 2001, jusqu'au règlement en souffrance, qui ne lui a été adressé que par un chèque de 4. 784 F de la société SEVIC du 13 novembre 2001 qu'elle verse aux débats;

Considérant que la société SEVIC excipe vainement de la Communication interprétative de la Commission européenne concernant les procédures de réception et d'immatriculation de véhicules précédemment immatriculés dans un autre Etat membre (96/C 143/04) , laquelle n'a valeur qu'incitative, ne vise principalement que les véhicules particuliers (affecté au transport des personnes jusqu 'au nombre de 9 places assises) et précise que, pour les camions, autobus et autocars, la réception nationale par type subsistera jusqu'à l'adoption des dernières directives particulières et l'application obligatoire de la réception CEE; qu'en tout état de cause, la condition de délivrance "à un coût et dans des délais raisonnables" préconisée par cette Communication et assortie de la précision selon laquelle "à titre indicatif serait considéré comme raisonnable un coût autour de 100 euros et un délai ne dépassant pas 3 semaines" ne permet pas de dire qu'un délai et un coût triple pour un camion, par rapport à un véhicule particulier serait à l'évidence excessif et déraisonnable;

Qu'en l'espèce, il est évident que la certification de conformité d'un véhicule industriel ayant subi ou pu subir des modifications ou transformations, implique de la part des agents de la société MAN Camions & Bus des vérifications approfondies de l'état de conformité du véhicule aux normes françaises et communautaires;

Que c'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société SEVIC de ses demandes ; qu'il convient de débouter pareillement cette société, de toutes ses demandes formées devant la Cour;

Qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions;

Considérant que faute par la société MAN Camions & Bus de caractériser et de démontrer le principe, la nature et l'étendue du préjudice dont elle réclame l'indemnisation et qui serait distinct de celui compensé par la condamnation ci-après prononcée à son profit sur le fondement de l'article 700 du NCPC, il convient de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Considérant que l'équité conduit à condamner la société appelante à verser à l'intimée une indemnité compensant une partie de ses frais irrépétibles exposés en appel;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare la SA SEVIC mal fondée en son appel et l'en déboute; Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise; Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de la SA MAN Camions & Bus; Rejette sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; Condamne la SA SEVIC à verser à la SA MAN Camions & Bus la somme de 1.000 euros (6.559,57 F) au titre de l'article 700 du NCPC; La condamne également aux dépens d'appel ; admet la SCP GARRABOS & GERIGNY- FRENEAUX, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.