CJCE, 21 septembre 1989, n° 46-87
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hoechst (AG)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
MM. Koopmans, Joliet, O'Higgins, Grévisse
Avocat général :
M. Mischo.
Juges :
Sir Gordon Slynn, MM. Mancini, Kakouris, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias, Díez de Velasco, Zuleeg
LA COUR,
1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement le 16 février 1987 et le 5 août 1988, la société Hoechst AG a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, deux recours visant à l'annulation de trois décisions de la Commission, prises dans les affaires IV/31.865 - PVC et IV/31.866 - Polyéthylène sur la base du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962 (premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité, JO 13, p. 204). Le premier recours vise la décision du 15 janvier 1987 (K(87)19/5), concernant une vérification au sens de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, et la décision du 3 février 1987 (K(87)248), infligeant une astreinte en application de l'article 16 du règlement n° 17. Le second recours vise la décision du 26 mai 1988 (K(88)928), fixant le montant définitif d'une astreinte en application de l'article 16 du règlement n° 17.
2. Disposant d'informations lui permettant de présumer l'existence d'accords ou de pratiques concertées concernant la fixation de prix et de quotas de livraison de PVC et de polyéthylène entre certains producteurs et fournisseurs de ces substances dans la Communauté, la Commission a décidé de procéder à une vérification auprès de plusieurs entreprises, dont la requérante, et a adopté à l'égard de celle-ci la décision litigieuse précitée du 15 janvier 1987 (ci-après "décision de vérification ").
3. Les 20, 22 et 23 janvier suivants, la Commission a tenté de procéder à la vérification en question, mais la requérante a refusé de s'y soumettre au motif qu'il s'agissait d'une perquisition illégale. La requérante a maintenu ce point de vue dans sa réponse à un télex par lequel la Commission lui demandait de s'engager à se soumettre à la vérification sous peine d'une astreinte de 1 000 écus par jour de retard. La Commission a alors adopté la décision litigieuse du 3 février 1987, précitée, par laquelle elle lui a infligé l'astreinte mentionnée ci-dessus (ci- après "décision infligeant l'astreinte ").
4. Par décision du 12 février 1987, l'Amtsgericht Frankfurt am Main a rejeté la demande du Bundeskartellamt (l'autorité allemande compétente en matière de concurrence), dont l'assistance avait été demandée conformément au règlement n° 17, pour obtenir un mandat de perquisition, au motif qu'aucun élément de fait susceptible d'étayer la présomption de l'existence d'accords ou de pratiques concertées ne lui avait été fourni.
5. Par ordonnance du 26 mars 1987, le président de la Cour de justice a rejeté la demande de la requérante visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision de vérification et de la décision infligeant l'astreinte.
6. Le 31 mars 1987, le Bundeskartellamt a obtenu de l'Amtsgericht Frankfurt am Main un mandat de perquisition, délivré en faveur de la Commission. Celle-ci a procédé à la vérification les 2 et 3 avril suivants.
7. Après avoir donné à la requérante l'occasion de faire connaître son point de vue et après avoir entendu le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a fixé une astreinte définitive de 55 000 écus, à savoir 1 000 écus par jour, à compter du 6 février au 1er avril 1987 inclus, par la décision litigieuse du 26 mai 1988, précitée (ci-après "décision fixant l'astreinte ").
8. Pour un plus ample exposé des antécédents du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la décision de vérification
9. La requérante invoque à l'encontre de la décision de vérification trois moyens tirés du dépassement des limites des pouvoirs de vérification de la Commission, du défaut de motivation et de l'irrégularité de la procédure suivie.
a) Quant aux pouvoirs de vérification de la Commission
10. La requérante estime que la décision litigieuse est illégale pour autant qu'elle autoriserait les agents de la Commission à procéder à des mesures qu'elle qualifie de perquisition, mesures qui ne seraient pas prévues par l'article 14 du règlement n° 17 et qui léseraient des droits fondamentaux reconnus par le droit communautaire. Elle ajoute que, si cette disposition devait être interprétée en ce sens qu'elle confère à la Commission le pouvoir de perquisitionner, elle serait illégale du fait de son incompatibilité avec les droits fondamentaux, dont la protection exige qu'une perquisition ne puisse avoir lieu qu'en vertu d'un mandat judiciaire préalable.
11. La Commission soutient que les pouvoirs qu'elle détient en vertu de l'article 14 du règlement n° 17 comprennent des mesures qui, selon le droit de certains États membres, relèveraient de la notion de perquisition. Elle estime néanmoins que les exigences de protection judiciaire découlant des droits fondamentaux, exigences qu'elle ne conteste pas en principe, sont satisfaites dès lors que les destinataires des décisions de vérification ont la possibilité, d'une part, d'attaquer ces décisions devant la Cour et, d'autre part, de demander le sursis à leur exécution par la voie du référé qui permet à la Cour de vérifier rapidement le caractère non arbitraire des vérifications ordonnées. Un tel contrôle serait équivalent à un mandat judiciaire préalable.
12. Face à ce débat, il importe de relever, avant d'examiner la nature et la portée des pouvoirs de vérification dont dispose la Commission en vertu de l'article 14 du règlement n° 17, que cet article ne saurait recevoir une interprétation aboutissant à des résultats qui seraient incompatibles avec les principes généraux du droit communautaire, et notamment avec les droits fondamentaux.
13. En effet, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, conformément aux traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi qu'aux instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré (voir, notamment, arrêt du 14 mai 1974, Nold, 4-73, Rec. p. 491). La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (ci-après "convention européenne des droits de l'homme "), revêt à cet effet une signification particulière (voir, notamment, arrêt du 15 mai 1986, Johnston, 222-84, Rec. p. 1651).
14. Pour interpréter l'article 14 du règlement n° 17, il convient de tenir compte notamment des exigences découlant du respect des droits de la défense, principe dont le caractère fondamental a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour(voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, Michelin, 322-81, Rec. p. 3461, point 7).
15. Il y a lieu de préciser que, s'il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour a relevé que les droits de la défense doivent être respectés dans les procédures administratives susceptibles d'aboutir à des sanctions, il importe d'éviter que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d'enquête préalable, dont notamment les vérifications, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement de preuves du caractère illégal de comportements d'entreprises de nature à engager leur responsabilité.
16. Par conséquent, si certains droits de défense ne concernent que les procédures contradictoires qui font suite à une communication de griefs, d'autres droits, par exemple celui d'avoir une assistance juridique et celui de préserver la confidentialité de la correspondance entre avocat et client (reconnu par la Cour dans l'arrêt du 18 mai 1982, AM & S, 155-79, Rec. p. 1575), doivent être respectés dès le stade de l'enquête préalable.
17. La requérante ayant invoqué également les exigences découlant du droit fondamental à l'inviolabilité du domicile, il convient d'observer que, si la reconnaissance d'un tel droit en ce qui concerne le domicile privé des personnes physiques s'impose dans l'ordre juridique communautaire en tant que principe commun aux droits des États membres, il n'en va pas de même en ce qui concerne les entreprises, car les systèmes juridiques des États membres présentent des divergences non négligeables en ce qui concerne la nature et le degré de protection des locaux commerciaux face aux interventions des autorités publiques.
18. On ne saurait tirer une conclusion différente de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, dont le paragraphe 1 prévoit que "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". L'objet de la protection de cet article concerne le domaine d'épanouissement de la liberté personnelle de l'homme et ne saurait donc être étendu aux locaux commerciaux. Par ailleurs, il y a lieu de constater l'absence d'une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à cet égard.
19. Il n'en demeure pas moins que, dans tous les systèmes juridiques des États membres, les interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne, qu'elle soit physique ou morale, doivent avoir un fondement légal et être justifiées par les raisons prévues par la loi et que ces systèmes prévoient, en conséquence, bien qu'avec des modalités différentes, une protection face à des interventions qui seraient arbitraires ou disproportionnées. L'exigence d'une telle protection doit donc être reconnue comme un principe général du droit communautaire.A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a affirmé sa compétence de contrôle à l'égard du caractère éventuellement excessif des vérifications effectuées par la Commission dans le cadre du traité CECA (arrêt du 14 décembre 1962, San Michele et autres, 5 à 11 et 13 à 15-62, Rec. p. 859).
20. C'est donc à la lumière des principes généraux rappelés ci-dessus qu'il convient d'examiner la nature et la portée des pouvoirs de vérification conférés à la Commission en vertu de l'article 14 du règlement n° 17.
21. Le paragraphe 1 de cet article habilite la Commission à procéder à toutes les vérifications nécessaires auprès des entreprises et associations d'entreprises et précise que, "à cet effet, les agents mandatés par la Commission sont investis des pouvoirs ci-après :
a) contrôler les livres et autres documents professionnels ;
b) prendre copie ou extrait des livres et documents professionnels ;
c) demander sur place des explications orales ;
d) accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises ".
22. Les paragraphes 2 et 3 du même article prévoient que les vérifications peuvent être effectuées sur production d'un mandat écrit ou sur la base d'une décision obligeant les entreprises à s'y soumettre. Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, la Commission a le choix entre ces deux possibilités, selon les particularités de chaque espèce (arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic, 136-79, Rec. p. 2033). Tant les mandats écrits que les décisions doivent indiquer l'objet et le but de la vérification. Quelle que soit la procédure suivie, la Commission est tenue d'informer au préalable l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée, autorité qui, en vertu du paragraphe 4 de l'article 14, doit être entendue avant l'adoption d'une décision ordonnant une vérification.
23. Selon le paragraphe 5 du même article, les agents de la Commission peuvent être assistés dans l'exécution de leurs tâches par des agents de l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée. Une telle assistance peut être accordée sur demande soit de cette autorité, soit de la Commission.
24. Enfin, selon le paragraphe 6, l'assistance des autorités nationales est nécessaire pour l'exécution de la vérification lorsqu'une entreprise s'y oppose.
25. Ainsi que la Cour l'a relevé dans l'arrêt précité du 26 juin 1980 (point 20), il ressort des septième et huitième considérants du règlement n° 17 que les pouvoirs conférés à la Commission par l'article 14 de ce règlement ont pour but de permettre à celle-ci d'accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité CEE, de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun. Ces règles ont pour fonction, ainsi qu'il ressort de l'alinéa 4 du préambule du traité, de l'article 3, sous f), et des articles 85 et 86, d'éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l'intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs. L'exercice des pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 concourt ainsi au maintien du régime concurrentiel voulu par le traité dont le respect s'impose impérativement aux entreprises. Le huitième considérant, précité, précise que, à ces fins, la Commission doit disposer, dans toute l'étendue du marché commun, du pouvoir d'exiger les renseignements et de procéder aux vérifications "qui sont nécessaires" pour déceler les infractions aux articles 85 et 86, précités.
26. Tant la finalité du règlement n° 17 que l'énumération, par son article 14, des pouvoirs dont sont investis les agents de la Commission font apparaître que les vérifications peuvent avoir une portée très large. A cet égard, le droit d'accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises présente une importance particulière dans la mesure où il doit permettre à la Commission de recueillir les preuves des infractions aux règles de concurrence dans les lieux où elles se trouvent normalement, c'est-à-dire dans les locaux commerciaux des entreprises.
27. Ce droit d'accès serait dépourvu d'utilité si les agents de la Commission devaient se limiter à demander la production de documents ou de dossiers qu'ils seraient à même d'identifier au préalable de façon précise. Un tel droit implique, au contraire, la faculté de rechercher des éléments d'information divers qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés. Sans une telle faculté, il serait impossible à la Commission de recueillir les éléments d'information nécessaires à la vérification au cas où elle se heurterait à un refus de collaboration ou encore à une attitude d'obstruction de la part des entreprises concernées.
28. Si l'article 14 du règlement n° 17 confère ainsi à la Commission de larges pouvoirs d'investigation, l'exercice de ces pouvoirs est soumis à des conditions de nature à garantir le respect des droits des entreprises concernées.
29. A cet égard, il convient de relever d'abord l'obligation imposée à la Commission d'indiquer l'objet et le but de la vérification. Cette obligation constitue une exigence fondamentale en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de l'intervention envisagée à l'intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de défense.
30. Il y a lieu de relever ensuite que les conditions pour l'exercice des pouvoirs de vérification de la Commission varient en fonction de la procédure choisie par la Commission, de l'attitude des entreprises concernées ainsi que de l'intervention des autorités nationales.
31. L'article 14 du règlement n° 17 vise en premier lieu des vérifications effectuées avec la collaboration des entreprises concernées, soit de façon volontaire, dans l'hypothèse du mandat écrit de vérification, soit en vertu d'une obligation découlant d'une décision de vérification. Dans cette dernière hypothèse, qui est celle de l'espèce, les agents de la Commission ont, entre autres, la faculté de se faire présenter les documents qu'ils demandent, d'entrer dans les locaux qu'ils désignent et de se faire montrer le contenu des meubles qu'ils indiquent. En revanche, ils ne peuvent pas forcer l'accès à des locaux ou à des meubles ou contraindre le personnel de l'entreprise à leur fournir un tel accès, ni entreprendre des fouilles sans l'autorisation des responsables de l'entreprise.
32. La situation est tout autre lorsque la Commission se heurte à l'opposition des entreprises concernées. Dans ce cas, les agents de la Commission peuvent, sur le fondement de l'article 14, paragraphe 6, rechercher, sans la collaboration des entreprises, tous les éléments d'information nécessaires à la vérification avec le concours des autorités nationales, qui sont tenues de leur fournir l'assistance nécessaire à l'accomplissement de leur mission. Si cette assistance n'est exigée que dans le cas où l'entreprise manifeste son opposition, il convient d'ajouter que l'assistance peut également être demandée à titre préventif, en vue de surmonter l'opposition éventuelle de l'entreprise.
33. Il résulte de l'article 14, paragraphe 6, que c'est à chaque État membre qu'il appartient de régler les conditions dans lesquelles l'assistance des autorités nationales aux agents de la Commission est fournie. A cet égard, les États membres sont tenus d'assurer l'efficacité de l'action de la Commission tout en respectant les principes généraux susvisés. Il s'ensuit que, dans ces limites, c'est le droit national qui définit les modalités procédurales appropriées pour garantir le respect des droits des entreprises.
34. Par conséquent, dès lors que la Commission entend mettre en œuvre, avec le concours des autorités nationales, des mesures de vérification non fondées sur la collaboration des entreprises concernées, elle est tenue de respecter les garanties procédurales prévues à cet effet par le droit national.
35. La Commission doit veiller à ce que l'instance compétente en vertu du droit national dispose de tous les éléments nécessaires pour lui permettre d'exercer le contrôle qui lui est propre. Il importe de souligner que cette instance - qu'elle soit judiciaire ou non - ne saurait, à cette occasion, substituer sa propre appréciation du caractère nécessaire des vérifications ordonnées à celle de la Commission, dont les évaluations de fait et de droit ne sont soumises qu'au contrôle de légalité de la Cour de justice. En revanche, il entre dans les pouvoirs de l'instance nationale d'examiner, après avoir constaté l'authenticité de la décision de vérification, si les mesures de contrainte envisagées ne sont pas arbitraires ou excessives par rapport à l'objet de la vérification et de veiller au respect des règles de son droit national dans le déroulement de ces mesures.
36. A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que les mesures que la décision de vérification litigieuse autorisait les agents de la Commission à mettre en œuvre n'excédaient pas les pouvoirs dont ils disposent en vertu de l'article 14 du règlement n° 17. En effet, l'article 1er de la décision en cause se limitait à imposer à la requérante l'obligation de "permettre aux agents mandatés par la Commission d'accéder à ses locaux aux heures normales d'ouverture des bureaux, de produire aux fins d'inspection et de laisser prendre copie des documents professionnels relatifs à l'objet de l'enquête, requis par lesdits agents, et de fournir immédiatement toutes explications que ceux-ci pourraient demander ".
37. Il est vrai que, au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a soutenu que ses agents seraient fondés à procéder, dans le cadre de vérifications, à des fouilles sans le concours des autorités nationales et sans respecter les garanties procédurales prévues par le droit national. Le caractère erroné d'une telle interprétation de l'article 14 du règlement n° 17 ne saurait toutefois entraîner l'illégalité des décisions adoptées sur la base de cette disposition.
38. Le moyen tiré du dépassement des limites des pouvoirs de vérification de la Commission doit donc être rejeté.
b) Quant à la motivation
39. Selon la requérante, la décision de vérification viole l'article 190 du traité ainsi que l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 au motif qu'elle manque de précision, notamment en ce qui concerne l'objet et le but de la vérification.
40. Il convient de rappeler que, comme la Cour l'a déjà jugé dans l'arrêt précité du 26 juin 1980 (National Panasonic, point 25), l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 définit lui-même les éléments essentiels de motivation de la décision qui ordonne une vérification en prévoyant qu'elle "indique l'objet et le but de celle-ci, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous c), et à l'article 16, paragraphe 1, sous d), ainsi que le recours devant la Cour de justice contre la décision ".
41. Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, l'exigence pour la Commission d'indiquer l'objet et le but de la vérification constitue une garantie fondamentale des droits de la défense des entreprises concernées. Il s'ensuit que la portée de l'obligation de motivation des décisions de vérification ne peut pas être restreinte en fonction de considérations tenant à l'efficacité de l'investigation. A cet égard, il convient de préciser que, s'il est vrai que la Commission n'est pas tenue de communiquer au destinataire d'une décision de vérification toutes les informations dont elle dispose à propos d'infractions présumées ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, elle doit, en revanche, indiquer clairement les présomptions qu'elle entend vérifier.
42. Il convient de constater que, si la motivation de la décision de vérification litigieuse est rédigée en termes très généraux qui auraient mérité d'être précisés et peut donc être critiquée à cet égard, elle contient néanmoins les éléments essentiels exigés par l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. En effet, la décision en cause fait état notamment d'informations indiquant l'existence et l'application d'accords ou de pratiques concertées entre certains producteurs et fournisseurs de PVC et de polyéthylène (y inclus mais non limité à LdPE) dans la CEE, relatifs aux prix, quantités ou objectifs de vente de ces produits. Elle relève que ces accords et pratiques pourraient constituer une infraction grave à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon l'article 1er de la décision en question, la requérante "est tenue de se soumettre à une vérification concernant sa participation éventuelle" à ces accords ou pratiques concertées et, par conséquent, de permettre l'accès des agents de la Commission à ses locaux, de produire ou de laisser prendre copie aux fins d'inspection des documents professionnels "relatifs à l'objet de l'enquête ".
43. Dans ces circonstances, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être rejeté.
c) Quant à la procédure d'adoption
44. Il est constant que la décision de vérification attaquée a été adoptée selon la procédure dite d'habilitation, prévue par la décision de la Commission, du 5 novembre 1980, habilitant son membre chargé des questions de concurrence à prendre, au nom et sous la responsabilité de la Commission, une décision au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, ordonnant aux entreprises de se soumettre à des vérifications. Dans l'arrêt du 23 septembre 1986 (AKZO Chemie/Commission, 5-85, Rec. p. 2585), la Cour a déjà jugé que cette décision d'habilitation ne portait pas atteinte au principe de la collégialité inscrit à l'article 17 du traité de fusion.
45. La requérante estime cependant nécessaire que la Cour réexamine la régularité de cette procédure d'habilitation qu'elle considère comme incompatible avec le principe "nulla poena sine lege ". Elle soutient, en effet, que la Commission a modifié par une simple mesure d'administration interne les éléments constitutifs de l'infraction susceptibles d'entraîner une amende en vertu de l'article 15 du règlement n° 17, puisque, à partir de la décision susmentionnée du 5 novembre 1980, une telle infraction serait constituée par le refus de se soumettre à une vérification ordonnée par un seul membre de la Commission, et non pas, comme auparavant, par la Commission en tant qu'organe collégial.
46. A cet égard, il y a lieu de relever que, s'il est exact que les conditions dans lesquelles une amende peut être infligée en vertu de l'article 15 du règlement n° 17 ne sauraient être modifiées par une décision de la Commission, la décision d'habilitation précitée n'a ni pour objet ni pour effet d'introduire une telle modification. En effet, dès lors que le système d'habilitation pour les décisions de vérification ne porte pas atteinte au principe de la collégialité, les décisions prises sur habilitation doivent être regardées comme des décisions de la Commission au sens de l'article 15 du règlement n° 17.
47. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être rejeté.
48. Aucun des moyens invoqués contre la décision de vérification n'ayant pu être accueilli, la demande en annulation de cette décision doit être rejetée.
Sur la décision infligeant l'astreinte
49. Selon la requérante, l'adoption de la décision infligeant l'astreinte est entachée d'une violation des formes substantielles parce que la Commission a arrêté cette décision sans avoir procédé préalablement à l'audition de l'entreprise intéressée et à la consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.
50. La Commission considère au contraire qu'il n'y a pas eu de violation des formes substantielles étant donné que l'audition et la consultation susmentionnées ont eu lieu avant la fixation définitive de l'astreinte.
51. Il convient de relever que l'audition des intéressés pour "faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission" est exigée par l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 avant l'adoption de différentes décisions, dont celles prévues à l'article 16, relatives aux astreintes.
52. Une telle audition constitue un élément essentiel des droits de la défense. Elle est, en effet, nécessaire afin "d'assurer aux entreprises et associations d'entreprises le droit de présenter des observations à l'issue des instructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose de retenir contre elles dans ses décisions" ((troisième considérant du règlement n° 99-63 de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 127, p. 2268))).
53. En ce qui concerne le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, l'article 16, précité, prévoit, en son paragraphe 3, que "les dispositions de l'article 10, paragraphes 3 à 6, sont applicables ". Ces dispositions règlent les compétences, la composition et la procédure de consultation du comité en cause.
54. Aux termes de l'article 1er du règlement n° 99-63, précité, "avant de consulter le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission procède à une audition en application de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 ". Cette disposition confirme que l'audition des entreprises intéressées et la consultation du comité sont nécessaires dans les mêmes situations.
55. Afin de déterminer si la Commission était tenue d'entendre la requérante et de consulter le comité susmentionné avant l'adoption de la décision infligeant l'astreinte, il convient de rappeler que la fixation d'astreintes en vertu de l'article 16 du règlement n° 17 comporte nécessairement deux phases. En effet, par une première décision, visée au paragraphe 1 dudit article, la Commission inflige une astreinte à raison d'un certain nombre d'unités de compte par jour de retard à partir de la date qu'elle fixe. Cette décision, faute de déterminer le montant total de l'astreinte, ne peut pas recevoir exécution. Ce montant ne peut être définitivement fixé que par une nouvelle décision.
56. Dès lors, il est satisfait à l'obligation d'audition de l'intéressé et de consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes si l'audition et la consultation ont lieu avant la fixation définitive de l'astreinte, de sorte que tant l'entreprise concernée que le comité consultatif sont en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet de tous les éléments retenus par la Commission pour infliger l'astreinte et en fixer le montant définitif.
57. Par ailleurs, l'exigence de procéder auxdites audition et consultation préalablement à l'adoption d'une décision infligeant une astreinte à une entreprise ayant refusé de se soumettre à une vérification reviendrait à différer la date d'adoption de cette décision et, partant, à mettre en cause l'efficacité de la décision de vérification.
58. Il résulte de ce qui précède que l'adoption de la décision infligeant l'astreinte n'est pas entachée d'une violation des formes substantielles. La demande en annulation de cette décision doit donc être rejetée.
Sur la décision fixant le montant définitif de l'astreinte
59. Selon la requérante, le montant définitif de l'astreinte, fixé par la décision litigieuse du 26 mai 1988, doit être réduit pour deux raisons.
60. Elle soutient, en premier lieu, que la Commission aurait dû exclure de son calcul la durée de la procédure en référé devant la Cour, par laquelle la requérante avait demandé de surseoir à l'exécution de la décision de vérification. La Commission se serait mise en contradiction avec sa propre position, dans la mesure où elle avait déclaré être disposée à retarder l'exécution d'une telle décision jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée.
61. A cet égard, il suffit de relever que la déclaration faite en ce sens par la Commission au cours de la procédure ne concernait que l'attitude qu'elle adopterait éventuellement par la suite au cas où, conformément à la thèse qu'elle soutenait, la procédure en référé devant la Cour serait reconnue comme la voie appropriée d'un contrôle judiciaire préalable des vérifications ordonnées par la Commission. Une telle déclaration ne saurait donc avoir en l'espèce des conséquences quelconques sur la fixation du montant définitif de l'astreinte.
62. En second lieu, la requérante estime que le montant définitif est disproportionné, car elle aurait agi exclusivement en fonction d'intérêts supérieurs correspondant à la garantie d'une procédure d'instruction conforme aux lois et à l'ordre constitutionnel.
63. A cet égard, il y a lieu de constater que la requérante ne s'est pas limitée à s'opposer à des mesures particulières qui, selon elle, auraient dépassé les pouvoirs des agents de la Commission, mais qu'elle a refusé toute espèce de collaboration en vue de l'exécution de la décision de vérification qui lui avait été adressée.
64. Un tel comportement qui est incompatible avec l'obligation pour tous les sujets du droit communautaire de reconnaître la pleine efficacité des actes des institutions tant que leur non-validité n'a pas été établie par la Cour et d'en respecter la force exécutoire tant que la Cour n'a pas décidé de surseoir à leur exécution (voir, notamment, arrêt du 13 février 1979, Granaria, 101-78, Rec. p. 623, point 5) ne peut être justifié par des intérêts juridiques supérieurs.
65. Il résulte de l'ensemble des éléments pris en considération par la Cour qu'il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'astreinte. La demande doit donc être rejetée.
66. Il découle de tout ce qui précède que les recours doivent être rejetés.
Sur les dépens
67. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) La partie requérante est condamnée aux dépens.