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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 9 avril 2002, n° ECOC0200141X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

France Télécom (SA)

Défendeur :

T-Online France (SAS), Ministre de l'Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Conseillers :

Mmes Penichon, Delmas-Goyon

Avoués :

SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Clarenc, M. Freget

CA Paris n° ECOC0200141X

9 avril 2002

Le 28 novembre 2001, la société T-Online France (ci-après T-Online), filiale de l'opérateur allemand Deutsche Telekom et fournisseur d'accès Internet (FAI), qui exerce son activité sous l'enseigne Club Internet, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques qu'elle estime anticoncurrentielles, relatives à la commercialisation, à travers le réseau de distribution de la société France Télécom, des services d'accès à Internet haut débit par la technologie "Asymetric Digital Subscriber Line" (ADSL) de la société Wanadoo Interactive, filiale de France Télécom à 99 %, (ci-après Wanadoo).

La technologie ADSL permet la fourniture des services d'accès à Internet haut débit sur les lignes existantes du réseau local téléphonique par l'ajout d'équipements spécifiques. L'utilisateur de cette prestation doit souscrire un abonnement audit service auprès d'un FAI ainsi qu'à une offre d'interconnexion rapide de technologie ADSL auprès d'un opérateur de télécommunications. Cette offre lui est vendue sous forme d'un pack par les différents FAI existant sur le marché auxquels France Télécom revend en gros son service Netissimo d'accès à des services Internet utilisant son ADSL, dans le cadre d'un contrat dénommé IP/ADSL.

La société T-Online reproche, pour l'essentiel, à France Télécom de lui offrir, dans le cadre de ce dernier contrat, un service de vérification de l'éligibilité de la ligne téléphonique à l'ADSL et de commande d'adaptation de cette ligne peu performant, qui se traduit par une procédure lourde et formaliste, engendrant des délais de connexion longs, incompatibles avec une distribution de masse, alors que Wanadoo bénéficierait d'un service immédiat et automatisé mis en place dans les agences de France Télécom. Par ailleurs, France Télécom aurait proposé aux FAI de commercialiser, dans la grande distribution, leurs propres offres d'accès à Internet associées à son offre d'accès ADSL, sous forme d'un pack, en mettant à leur disposition une plate-forme spécifique utilisant les services de son réseau d'agences commerciales, moyennant renonciation à leur liberté commerciale en matière de fixation des prix de revente de leurs offres et application de la politique de rémunération des enseignes de la grande distribution décidée par elle.

Accessoirement à cette saisine au fond, la société T-Online a sollicité le prononcé de mesures conservatoires qui lui ont été accordées par décision n° 02-MC-03 du 27 février 2002 du Conseil de la concurrence dans les termes suivants :

"Article 1er - Il est enjoint à la société France Télécom de mettre à la disposition de l'ensemble des fournisseurs d'accès Internet un serveur d'accès Extranet permettant d'accéder aux mêmes informations sur l'éligibilité des lignes téléphoniques à l'ADSL et sur les caractéristiques techniques des modems compatibles avec l'équipement de ces lignes que celles dont dispose Wanadoo Interactive et de commander aux services spécialisés de France Télécom l'opération matérielle de la connexion dans les mêmes conditions d'efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive, selon les mêmes conditions tarifaires, mais selon des conditions techniques autorisant le traitement de masse en ligne.

Article 2 - Dans l'attente de la mise en place de ce système, il est enjoint à la société France Télécom de suspendre la commercialisation des packs ADSL de la société Wanadoo Interactive dans ses agences commerciales jusqu'à ce que l'outil Extranet soit rendu effectivement disponible pour l'ensemble des fournisseurs d'accès Internet qui en font la demande.

Cette suspension pourra être levée par le Conseil, qui sera saisi à cet effet par la partie la plus diligente, dès que deux contrats au moins auront été signés entre France Télécom et des fournisseurs d'accès à Internet autres que Wanadoo pour l'utilisation de ce système, et à l'issue d'une période d'essai d'un mois.

Article 3 - Dans un délai de quatre mois au plus tard à compter de la notification de la présente décision, il sera rendu compte au Conseil par les parties des dispositions prises par France Télécom pour se conformer à l'injonction définie à l'article 1er.

Article 4 - Il est enjoint à la société France Télécom de suspendre toute offre multi-FAI destinée à être commercialisée dans la grande distribution et associant la fourniture de son offre de service ADSL Netissimo à une offre de fourniture d'accès à Internet qui présenterait les mêmes caractéristiques que celles détaillées à l'annexe 10 de la saisine."

La société France Télécom a formé un recours, par voie d'assignation à l'audience du 19 mars 2002, aux fins d'annulation et, subsidiairement, de réformation de cette décision. Ce recours vise uniquement les trois premiers articles de la décision du Conseil.

LA COUR,

Vu l'assignation du 15 mars 2002 de la société France Télécom tendant à titre principal,

- dire et juger que l'article 1er de la décision du Conseil de la concurrence n° 02-MC-03 du 27 février 2002 viole, en fait et en droit, les exigences de l'article L. 464-1 du code de commerce;

- en conséquence, annuler l'ensemble des mesures techniques figurant à l'article 1er de la décision du Conseil à titre subsidiaire;

- dire et juger que la mesure de suspension prononcée au premier paragraphe de l'article 2 de la décision du Conseil viole l'article L. 464-1 du code de commerce;

- dire et juger que les modalités de la levée de cette suspension prévues au deuxième paragraphe de l'article 2 de la décision du Conseil violent les articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce;

- en conséquence, annuler l'article 2 de la décision du Conseil et, le cas échéant, réformer l'article 1er de cette décision;

Vu les conclusions du 19 mars 2002 de la société T-Online tendant à :

- rejeter le recours formé par France Télécom à l'encontre des articles 1er, 2 et 3 de la décision du Conseil du 27 février 2002;

- condamner France Télécom à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC,

Le Conseil de la concurrence n'a pas fait valoir d'observations.

Le ministre de l'économie et le ministère public ont été entendus en leurs observations orales tendant au rejet du recours ;

La requérante a eu la parole en dernier

Sur ce,

Sur la mise en cause de Wanadoo Interactive :

Considérant que vainement France Télécom invoque la nullité de la procédure au motif que sa filiale, Wanadoo Interactive, qui serait gravement pénalisée par la mesure de suspension prise par le Conseil, dans son article deuxième, n'est pas partie à la procédure; qu'en effet, France Télécom n'a pas sollicité devant le Conseil la mise en cause de sa filiale laquelle ne s'est manifestée ni devant l'autorité de marché ni devant la Cour ; qu'en outre, l'éventuelle répercussion de la mesure conservatoire sur le mode de commercialisation des produits de Wanadoo n'est pas de nature à affecter la validité de la procédure dès lors que l'injonction a été adressée à la seule société France Télécom ;

Sur l'existence de pratiques abusives :

Considérant que, pour contester l'existence de pratiques abusives, la société France Télécom fait valoir, d'une part, que l'avantage concurrentiel résultant de la mise à disposition de sa filiale, Wanadoo Interactive, d'un service d'éligibilité et de commande d'accès ADSL plus performant, n'est pas démontré; qu'elle prétend, d'autre part, que l'incompatibilité présumée dudit service avec le traitement de masse des commandes d'accès ADSL ne saurait être retenue à sa charge, le fait que T-Online ne dispose pas d'un réseau d'agences comparable au sien ne pouvant lui être imputé ; qu'elle ajoute enfin que la commercialisation du pack ADSL eXtense de Wanadoo dans les agences de France Télécom ne constitue pas en soi une pratique abusive justifiant la mesure de suspension prise ;

Mais considérant, d'une part, que, selon un communiqué du 21 décembre 2001 de la Commission européenne, Wanadoo occuperait " près de 60 % du marché français de l'accès Internet à haut débit (y compris l'accès par câble) et plus de 90 % de l'accès ADSL de la clientèle résidentielle ", étant observé que ni les réseaux câblés, limités géographiquement, ni les boucles locales radio, en cours de déploiement et positionnées sur la clientèle professionnelle, ne peuvent se substituer à la technique ADSL; qu'il résulte, en outre, de l'avis n° 02-35 de l'ART du 9 janvier 2002 que France Télécom exploiterait et utiliserait le réseau téléphonique local "en situation de monopole", en dépit de l'existence des procédés complémentaires mais distincts que sont le dégroupage de la boucle locale et l'accès à un circuit virtuel permanent, lesquels restent circonscrits ; qu'en conséquence, il ne peut être exclu, ainsi que le relève le Conseil, que le groupe France Télécom détienne une position dominante sur le réseau local de télécommunications et pour la fourniture de l'accès Internet haut débit;

Considérant d'autre part que, saisi de pratiques entrant dans le champ de l'article L. 420-2 du code de commerce, le Conseil a, par des motifs pertinents que la cour adopte, suffisamment caractérisé l'existence d'une discrimination structurelle entre opérateurs, résultant de la mise en place par France Télécom, à partir de ses agences commerciales, d'un système performant de vérification de l'éligibilité des lignes et de passation des commandes, pour la mise en service des connexions ADSL dans des délais compatibles avec une distribution de masse, service dont ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions de fiabilité et de sécurité, et en l'absence d'une implantation territoriale comparable, la société T-Online;

Qu'en effet, il ressort notamment des constats d'huissier établis le 14 novembre 2001 et des propos tenus par la direction de l'entreprise, que Wanadoo bénéficie pour la distribution de son pack ADSL eXtense du support des agences de France Télécom, lesquelles orientent systématiquement la demande sur les produits Wanadoo afin de "préempter le marché, en coupant l'herbe sous le pied de (ses) concurrents" (annexes 44 et 45 de la saisine) ; que ces mêmes documents ainsi que l'annexe 27 de la saisine relative au dossier d'information ADSL sur le service Netissimo-Turbo IP, composante réseau de la prestation Internet ADSL, et la pièce n° 10 de France Télécom montrent que Wanadoo bénéficie d'un service immédiat et simultané d'éligibilité de la ligne à l'ADSL, par un accès fiable et rapide aux informations dont dispose France Télécom sur le réseau local téléphonique ainsi que d'un service de passation des commandes performant, qui lui permet de consulter sur un écran le processus complet du traitement de celle-ci, grâce à la combinaison de ses serveurs avec les serveurs de commandes de France Télécom ;

Qu'à l'inverse, ainsi que l'a justement retenu le Conseil, il résulte des clauses 5-1 et 5-5 ainsi que de l'annexe 3 du contrat IP/ADSL que les FAI se voient proposer, pour le même service, une procédure lourde et formaliste de vérification d'éligibilité de la ligne et de passation des commandes ; qu'il s'ensuit pour les FAI, outre des refus d'accès injustifiés dus à des informations erronées résultant du manque de fiabilité du fichier, dont la mise à jour n'est au mieux qu'hebdomadaire (pièces 10, 11 et 12 de T-Online), des délais de connexion d'une dizaine de jours environ, incompatibles avec une distribution de masse de 15 à 20.000 raccordements par semaine et plus longs que ceux dont bénéficie Wanadoo, qui obtient la connexion en quatre jours grâce aux informations techniques détenues par les agences de France Télécom sur le territoire géographique qu'elles recouvrent (annexe 36 de la saisine, page 10).

Que sous ce regard, le constat d'huissier du 4 mars 2002 et l'article du Journal du Net du 8 janvier 2002 "Les packs ADSL au banc d'essai" produits par France Télécom afin d'établir la similarité des délais de connexion entre les opérateurs sont insuffisamment probants dès lors que le premier ne porte que sur trois demandes d'accès isolées et qu'il est mentionné dans le second que les informations n'ont pas été vérifiées ; que, par ailleurs, l'existence d'une offre promotionnelle lancée par T-Online, qui lui apporterait 1000 à 2000 nouveaux clients par jour, ne saurait constituer la preuve de ce que le service d'éligibilité et de commande d'accès ADSL permet une distribution de masse, dès lors que le succès de cette offre repose essentiellement sur son caractère promotionnel (offre du modem pendant un mois) et qu'il est peu probable que T-Online puisse maintenir durablement sa présence sur le marché en compensant par cette action le handicap né des conditions opérationnelles mises en œuvre par France Télécom dans ses agences ; qu'enfin, si France Télécom projette, à partir de février 2002, de fournir aux FAI un service similaire à celui qu'elle rend à Wanadoo, c'est en utilisant un processus qui n'est compatible avec le traitement de masse requis qu'à la condition de disposer d'un réseau d'agences comparable au sien, ce qui n'est pas le cas des FAI ainsi que l'a noté le Conseil ;

Qu'en conséquence, contrairement à ce qui est soutenu par France Télécom, c'est l'ensemble du processus de commercialisation des packs ADSL au travers de son réseau de distribution, qui est susceptible de se trouver affecté par la discrimination résultant des conditions opérationnelles de mise en œuvre du contrat IP/ADSL;

Sur la gravité et l'immédiateté de l'atteinte :

Considérant que France Télécom prétend que le Conseil ne justifie pas de ce que l'insuffisance d'automatisation du processus d'éligibilité et de commande d'accès qu'il relève et la commercialisation des packs de Wanadoo dans les agences France Télécom sont à l'origine d'une atteinte grave et immédiate à la concurrence ;

Mais considérant, en premier lieu, que les pratiques évoquées par le Conseil comme susceptibles de constituer un abus de position dominante, ne sauraient être réduites par France Télécom à "une insuffisance d'automatisation" du processus d'éligibilité et de commande ; que c'est une discrimination structurelle résultant des conditions opérationnelles de la commercialisation des packs ADSL qui a été retenue, à bon droit, par le Conseil ; que ces pratiques portent une atteinte grave à la concurrence en ce qu'elles renforcent les tendances monopolistiques des secteurs concernés et permettent à France Télécom de structurer le marché à sa guise, en donnant à sa filiale un avantage décisif sur ses concurrents, lié à une meilleure connaissance de son infrastructure de réseau par la commercialisation du service ADSL dans ses agences ; qu'elle empêche ainsi les FAI, et parmi eux T-Online, de s'implanter durablement sur le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit et décourage les opérateurs d'investir sur le marché connexe du dégroupage, ce qui nuit, à terme, aux consommateurs, lesquels sont privés des effets bénéfiques d'une saine compétition ;

Considérant en second lieu, que, selon diverses sources citées par le Conseil dans sa décision, 70 à 75 % des lignes téléphoniques pourront bénéficier de la technologie ADSL d'ici la fin de l'année 2003 et qu'un million d'abonnés disposera d'accès ADSL à la fin de l'année 2002, contre 40.000 au 31 décembre 2001 et 60.000 à la fin de l'année 2000 ; que les dirigeants du groupe France Télécom ont souligné, dès octobre 1981, que le rythme d'adoption de l'ADSL s'accélérait, la société comptabilisant 10.000 nouveaux abonnés par semaine et la demande représentant de 45 à 55 % des nouveaux accès à Internet suivant les mois ; que, compte tenu de la diffusion rapide de cette technique et de l'évolution corrélative des parts de marché des différents opérateurs,la structuration du marché connaît, à l'heure actuelle, une phase décisive, le groupe France Télécom ayant pris sur ses concurrents une avance certaine en raison des économies d'échelle qu'il réalise grâce à un nombre d'abonnés ADSL de sa filiale en forte croissance; qu'il n'apparaît, dès lors, pas certain que des opérateurs tels que T-Online, qui compte 13.500 abonnés, puissent survivre sur le marché ainsi structuré par l'opérateur historique ; qu'en conséquence, l'immédiateté de l'atteinte à la concurrence a été justement et suffisamment caractérisée par le Conseil ;

Sur les mesures conservatoires :

Considérant que la société France Télécom fait encore observer que ces mesures conservatoires seraient contraires aux articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce en ce qu'elles tendraient à lui imposer d'améliorer "le sort de ses concurrents" et " les conditions d'efficacité du marché "; que cette exigence serait également imprécise, l'autorité de marché n'ayant pas précisé le contenu technique de l'amélioration demandée en sorte que chaque FAI l'interprète comme la fourniture d'un service adapté à ses propres besoins qu'en outre, la mesure de suspension de la commercialisation des packs mentionnée à l'article 2 ne serait pas motivée ; que l'ensemble des mesures serait disproportionné par rapport aux demandes de T-Online et aux conséquences résultant de la mise en place de ce "service amélioré" pour France Télécom et sa filiale, au regard du préjudice subi par ces deux entreprises, "du délai d'exécution qui n'est pas déterminable" et du fait que ce sont les concurrents qui sont juge de l'exécution de la mesure conservatoire ;

Considérant toutefois que le requérant ne saurait alléguer que les mesures conservatoires, objet du présent recours, ne remplissent pas les conditions légales quant à leur nature ; qu'elles ont pour objet, en leurs articles 1er et 2, comme les précédentes prises par cette même autorité dans sa décision du 23 juin 1999, de suspendre la commercialisation par France Télécom de ses offres de packs ADSL, afin de mettre les FAI sur un pied d'égalité, ce qui ne peut être obtenu que par la mise en place d'un outil automatisé, le serveur d'accès Extranet, de nature à faire respecter le principe de non-discrimination lors de la fourniture du service de vérification de l'éligibilité de la ligne et de passation des commandes et donc dans l'ensemble du processus de commercialisation des packs ADSL ;

Que ces mesures apparaissent suffisamment motivées par l'analyse de la discrimination structurelle effectuée par le Conseil, notamment la suspension de la commercialisation des packs ADSL dans les agences France Télécom, qui a pour but de remédier à cette situation d'inégalité; qu'elles sont également précises, France Télécom ne pouvant feindre de les interpréter comme "un surplus d'automatisation non défini" alors, d'une part, que ces termes ne figurent pas dans la décision du Conseil, qui a décidé la mise en place d'"un serveur d'accès Extranet permettant d'accéder aux mêmes informations sur l'éligibilité des lignes téléphoniques à l'ADSL et sur les caractéristiques techniques des modems compatibles avec l'équipement de ces lignes que celles dont dispose Wanadoo Interactive et de commander aux services spécialisés de France Télécom l'opération matérielle de la connexion dans les mêmes conditions d'efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive, selon les mêmes conditions tarifaires, mais selon des conditions techniques autorisant le traitement de masse en ligne" et, d'autre part, que le Conseil n'a pas à se substituer à France Télécom pour définir les éléments techniques de l'accès au serveur ;

Considérant enfin que le Conseil tient de l'article L. 464-1 du code de commerce le pouvoir de prendre " les mesures qui lui apparaissent nécessaires ", sans être lié par les demandes de l'entreprise requérante, dès lors que celles-ci demeurent "strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence"; qu'à cet égard,lesdites mesures apparaissent proportionnées à la gravité et à l'immédiateté de l'atteinte en ce que elles constituent l'unique moyen de mettre fin à une discrimination structurelle susceptible d'affecter les opérateurs et le marché et en ce qu'elles sont limitées, pour la mesure prévue à l'article premier au strict rétablissement de l'égalité entre les FAI et, s'agissant de la mesure de suspension, à la commercialisation des packs ADSL dans les agences de France Télécom;

Qu'il ne saurait, par ailleurs, être soutenu que le délai de mise en œuvre est indéterminé et que les concurrents sont juge de l'exécution de la mesure, dès lors que le Conseil a pris soin de limiter à quatre mois, à compter de la notification de sa décision, la période dans laquelle il lui sera rendu compte de la procédure, enfermant ainsi dans un délai maximal l'exécution de la mesure relative au serveur Extranet et celle de la suspension prise "dans l'attente de la mise en place de ce système ", ce qui est de nature à dissuader les FAI d'adopter une attitude dilatoire dans la signature des contrats et à permettre, le cas échéant, à France Télécom de saisir le Conseil avant l'expiration dudit délai ;

Que, par ailleurs, France Télécom ne justifie d'aucun préjudice personnel ni pour elle-même ni pour sa filiale, qui continue, sans dommage, à commercialiser les packs ADSL par ses propres circuits de distribution ainsi qu'il ressort du communiqué de presse du 19 mars 2002 et des constats d'huissier produits par T-Online (pièces 4, 5, 17 et 18) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision déférée n'est entachée d'aucune nullité; que le recours exercé par la société France Télécom doit, en conséquence, être rejeté ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner la société France Télécom à payer, outre les entiers dépens, la somme de 10.000 euros à la société T-Online;

Par ces motifs, Statuant dans la limite du recours formé par la société France Télécom, Rejette le recours formé par la société France Télécom contre la décision du Conseil de la concurrence n° 02-MC-03 du 27 février 2002 ; Condamne la société France Télécom à payer à la société T-Online la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société France Télécom aux entiers dépens.