CA Paris, 1re ch. H, 9 avril 2002, n° ECOC0200138X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bloc Matériaux (SA)
Défendeur :
Etablissements L. Maggioni (SA), Dijon Béton (SA), Pagot & Savoie (SAS), Doras Matériaux (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mmes Penichon, Delmas-Goyon
Avoués :
SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Fisselier-Chilloux-Boulay, SCP Lagourgue
Avocats :
SCP Du Parc-Bonnard-Decaux, Mes Seutet, de la Laurencie, Selinsky, Grall, Donnedieu de Vabres.
La société Dijon Béton, créée en 1965, est un important producteur de béton prêt à l'emploi dans le département de la Côte d'Or.
Son capital est réparti entre trois catégories d'actionnaires des entrepreneurs qui, détenant ensemble 40% du capital, constituent le groupe A, des négociants, à savoir à l'époque des faits, les sociétés Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, qui détiennent 30% du capital et constituent le groupe B, et des sabliers qui, avec 30% du capital, constituent le groupe C.
L'instruction a montré, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les responsables des sociétés du groupe B, actionnaires de la société Dijon Béton, se réunissent régulièrement pour décider de la politique commerciale de l'entreprise en présence du président du conseil d'administration de celle-ci.
Les trois négociants bénéficient, en outre, d'une exclusivité de distribution du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton dans les zones où ils sont implantés. La société Dijon Béton approvisionne par ailleurs en direct d'une part, les entreprises dont le siège est situé en dehors du département de la Côte d'Or et le chantier emploie une quantité importante de béton prêt à l'emploi, et d'autre part, les négociants situés dans les zones non couvertes par ses actionnaires négociants.
La société Maggioni, créée en 1955, et qui ne fabriquait que des agglomérés et des hourdis, produits en béton préfabriqués, a décidé en 1988 de construire une centrale de béton prêt à l'emploi à côté de Dijon et de commercialiser ce produit.
Onze autres négociants de produits en béton sont installés dans le département, dont la société Rolland Matériaux, à l'origine de l'enquête menée dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte d'Or.
Sur ordonnance d'autorisation rendue par le président du tribunal de grande instance de Dijon le 15 juin 1994, différentes opérations de visites et de saisies se sont déroulées dans les entreprises précitées.
Par lettre du 19 janvier 1996, le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans ce secteur.
Par la décision n° 01-D-36 du 28 juin 2001, le Conseil de la concurrence a retenu, d'une part, à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux la mise en place d'une structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi et, d'autre part, à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, la mise en œuvre d'une entente consistant à se répartir la clientèle du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni, qui a eu pour objet et pour effet de limiter l'accès aux marchés.
Il a en conséquence infligé aux entreprises les sanctions pécuniaires suivantes :
* 1.900.000 francs à la société Dijon Béton,
* 1.000.000 francs à la société Maggioni,
* 5.700.000 francs à la société Doras Matériaux,
* 7.400.000 francs à la société Pagot & Savoie,
* 1.700.000 francs à la société Bloc Matériaux,
et ordonné la publication de sa décision.
LA COUR,
Vu les recours en annulation, et subsidiairement en réformation, déposés par les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux contre cette décision ;
Vu le mémoire du 4 septembre 2001 et le mémoire en réplique du 20 décembre 2001 déposés par la société Dijon Béton, par lesquels elle demande à la cour de :
à titre principal,
- prononcer l'annulation de la décision déférée en ce qu'elle s'appuie sur des pièces et documents prescrits, méconnaît les règles de procédure et les droits de la défense et a condamné des pratiques dont il n'est pas établi qu'elles résultent d'une concertation anticoncurrentielle,
- ordonner le remboursement immédiat à la société Dijon Béton des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation des intérêts à compter du dit paiement,
à titre subsidiaire,
- prononcer la réformation de la décision en ce que la sanction pécuniaire qui a été infligée à la société Dijon Béton est disproportionnée au regard des exigences de l'article L. 464-2 du Code de commerce et dans la mesure où elle s'ajoute aux amendes infligées à ses actionnaires pour les mêmes faits,
- réduire substantiellement le montant de ladite sanction,
- ordonner le remboursement à la société Dijon Béton des sommes éventuellement trop perçues versées au titre de la sanction pécuniaire, avec intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation des intérêts à compter du dit paiement par la société Maggioni, par lesquels elle demande à la cour d'annuler, ou à tout le moins réformer, la décision du Conseil en ce qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire de 1.000.000 francs, de déclarer qu'il n'est pas établi qu'elle ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce, de la décharger de toute sanction pécuniaire et d'ordonner le remboursement de la totalité de la somme de 1.000.000 francs versée au Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter de la date de son paiement ;
Vu le mémoire du 31 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Doras Matériaux, par lesquels elle demande à la cour de :
à titre principal, prononcer l'annulation de la décision en ce que :
- le Conseil s'est prononcé sur la base d'une saisine irrégulière, la lettre de saisine en date du 12 janvier 1996 émanant d'une autorité qui n'était pas habilitée pour procéder à une telle formalité,
- la décision, pour affirmer l'existence de pratiques anticoncurrentielles, a utilisé des documents couverts par la prescription,
- la participation de la société Doras Matériaux, d'une part, à la mise en place d'une prétendue structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi, et d'autre part, à de prétendues pratiques de répartition de clientèle du béton prêt à l'emploi produit par la société Maggioni n'est pas démontrée,
- la sanction pécuniaire infligée à l'encontre de la société Doras Matériaux n'a pas été motivée, contrairement aux exigences de l'article L. 464-2 du code de commerce,
- ordonner le remboursement immédiat à la société Doras Matériaux des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement et la capitalisation des dits intérêts à compter du paiement,
à titre subsidiaire, prononcer la réformation de la décision, en ce que la sanction pécuniaire infligée à la société Doras Matériaux est disproportionnée au regard des critères de l'article L. 464-2 du code de commerce,
- réduire de façon substantielle le montant de ladite sanction, ordonner le remboursement immédiat du trop-perçu des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement, et la capitalisation des dits intérêts à compter du paiement,
- ondamner le ministre chargé de l'économie au paiement d'une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu le mémoire du 29 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Pagot & Savoie, par lesquels elle demande à la cour :
à titre principal,
d'annuler la décision en ce que :
- le Conseil a considéré que la société Pagot & Savoie s'est concertée avec les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux, d'une part, pour convenir d'une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi, et d'autre part, pour se répartir la clientèle en matière de béton prêt à l'emploi,
- le Conseil lui a infligé une amende de 7.400.000 francs et a ordonné la publication de sa décision dans la publication quotidienne régionale Le Progrès,
- d'ordonner le remboursement immédiat des sommes versées par la société Pagot & Savoie au titre de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, ainsi que le remboursement des frais engagés par elle pour procéder à la publication de la décision, avec intérêts au taux légal à compter de leur paiement,
à titre subsidiaire,
- de réformer la décision en ce qu'elle a infligé une sanction pécuniaire à la société Pagot & Savoie sans proportion avec, d'une part, la gravité des pratiques poursuivies et du dommage causé à l'économie et, d'autre part, le montant de son chiffre d'affaires annuel concerné par les pratiques en cause,
- de réduire sensiblement le montant de l'amende infligée à la société Pagot & Savoie,
- d'ordonner le remboursement immédiat du trop-perçu des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de leur paiement,
- en toutes hypothèses, de condamner le ministre chargé de l'économie au paiement de la somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu le mémoire du 29 août 2001 et le mémoire en réplique du 19 décembre 2001 déposés par la société Bloc Matériaux, par lesquels elle demande à la cour de :
- dire que le Conseil n'a pas été valablement saisi, le 12 janvier 1996, par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, et prononcer en conséquence l'annulation de la décision,
- subsidiairement, dire qu'il n'est pas établi que les Sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux se soient concertées d'une part, pour convenir d'une structure tarifaire commune concernant la vente de béton prêt à l'emploi, d'autre part, pour se répartir la clientèle en matière de béton prêt à l'emploi,
- annuler les sanctions pécuniaires infligées et ordonner le remboursement à la Société Bloc Matériaux de la somme de 1.700.000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du versement,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans le journal Le Progrès, aux frais de l'Etat français,
- ordonner le remboursement à la société Bloc Matériaux des frais exposés pour concourir à la réalisation de la publication ordonnée par la décision entreprise,
- condamner le ministre de l'économie et des finances à payer à la société Bloc Matériaux la somme de 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Vu les observations écrites déposées le 14 novembre 2001 par le ministre chargé de l'économie, aux termes desquelles il conclut au rejet des recours, sauf à ce que la cour apprécie si la démonstration de l'adhésion de la société Maggioni à la structure tarifaire mise en place par les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux est suffisante et qualifiable au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et si les éléments retenus par le Conseil quant à la participation de la société Maggioni aux pratiques de répartition de clientèle sont suffisamment probants ;
Vu les observations écrites déposées le 14 novembre 2001 par le Conseil de la concurrence, par lesquelles il réfute chacun des moyens avancés par les sociétés requérantes ;
Le ministère public ayant été entendu en ses observations orales tendant à la réformation de la décision en ce que la qualification par le Conseil des comportements de l'entreprise Maggioni au titre des dispositions de l'article L. 420-l du code de commerce n'est pas caractérisée, et au rejet des recours des autres requérantes ;
Les Sociétés requérantes ont été mises en mesure de prendre la parole en dernier pour répondre à l'ensemble des observations écrites et orales ;
Sur ce,
Sur la procédure
Sur l'enquête préalable à l'ordonnance de visites et saisies
Considérant que la société Dijon Béton soutient que le Conseil a méconnu les droits de la défense en refusant de vérifier la régularité des actes d'enquête ayant abouti à l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies, motif pris que sa contestation ne concernait que la véracité d'éléments sur lesquels le juge s'est fondé, et non sur la licéité des documents qui lui ont été présentés
Mais considérant qu'en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, l'ordonnance ayant autorisé les opérations de visites et saisies n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation, le Conseil n'ayant pas compétence pour apprécier la régularité de l'autorisation judiciaire ;que la société Dijon Béton, qui avait ainsi la faculté de former un recours contre l'ordonnance ayant autorisé les visites et saisies, n'allègue pas que les documents sur lesquels a été fondée l'autorisation judiciaire, dont elle conteste la véracité, aient ultérieurement servi de fondement à des griefs formulés à son encontre ;
Considérant, en conséquence, que ce moyen est inopérant ;
Sur les procès-verbaux de visite et de saisie du 22 juin 1994
Considérant, tout d'abord, que les sociétés Dijon Béton, Maggioni et Pagot & Savoie font valoir que le procès-verbal de visite et de saisie dressé dans les locaux de la société Dijon Béton serait nul en ce qu'il n'a pas été signé par Monsieur Szydlowski, directeur technique de cette société, qui a pourtant assisté seul à une partie des opérations, de 9h30 à 10h45 ; que la société Maggioni invoque le même moyen concernant le procès-verbal de visite et de saisie dressé dans ses locaux, non signé par Madame Maggioni, secrétaire, qui a assisté à une partie des opérations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 32 alinéa 2 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, les procès-verbaux dressés en application de l'article L. 450-4 du code de commerce sont signés par les enquêteurs, par l'occupant des lieux ou son représentant, ainsi que par l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations ;
Considérant, en l'espèce, que le procès-verbal dressé dans les locaux de la société Dijon Béton énonce que les opérations qu'il relate se sont déroulées en la présence de Monsieur Jacotot, directeur, à partir de 10h25, ou de son représentant, Monsieur Jzydlowski, directeur technique, de 9h30 à 10h25 ;
Que celui dressé dans les locaux de la société Maggioni mentionne que les opérations se sont déroulées en la présence de Monsieur Maggioni, directeur commercial, et de Madame Maggioni, secrétaire, et précise que la visite d'une partie des locaux s'est effectuée en la seule présence de Madame Maggioni ;
Qu'en apposant leur signature sur ces procès-verbaux en qualité d'occupant des lieux, Monsieur Jacotot et Monsieur Maggioni ont, par là-même, relevé respectivement Monsieur Jzydlowski et Madame Maggioni de leur mandat de représentation ; qu'en conséquence, ces procès-verbaux satisfont aux prescriptions légales, lesquelles n'exigent pas que les procès-verbaux soient signés par toutes les parties ayant assisté aux opérations ;
Qu'au surplus, les requérantes ne font état d'aucun fait précis de nature à établir que l'absence de signature des deux procès-verbaux en cause par Monsieur Jzydlowski et Madame Maggioni leur ferait grief, étant observé, en outre, que la société Dijon Béton n'indique pas en quoi le procès-verbal dressé en ses locaux ne rendrait pas compte fidèlement du déroulement des opérations ;
Considérant, ensuite, que la société Pagot & Savoie soutient que les procès-verbaux dressés dans les locaux des sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux ne sont pas exhaustifs car ils ne permettraient pas de savoir ce que les enquêteurs ont fait entre 9h, heure de leur arrivée, et 9h30 ou 9h45, heure à laquelle ils ont notifié l'ordonnance d'autorisation ;
Mais considérant que le procès-verbal ne mentionne aucune opération durant ce laps de temps et qu'il n'est pas allégué par les sociétés concernées, lesquelles ne formulent pour leur part aucune contestation de ce chef, que des opérations de visite et de saisie auraient été effectuées ;
Considérant qu'il s'ensuit que les moyens soulevés à l'encontre des procès-verbaux de visite et de saisie dressés le 22 juin 1994 dans les locaux des sociétés Dijon Béton, Maggioni et Doras Matériaux doivent être écartés ;
Sur le procès-verbal de déclaration de Monsieur Jean-Pierre Pion du 13 décembre 1994
Considérant que le 13 décembre 1994, les enquêteurs ont recueilli de Monsieur Jean-Pierre Pion, président directeur général de la société Dijon Béton, des explications sur les documents saisis et des informations complémentaires ; que, selon le procès-verbal de déclaration, il a été convenu que le procès-verbal relatant l'entretien serait présenté à Jean-Pierre Pion le 6 janvier 1995 ; qu'en raison de l'annulation de ce rendez-vous, les enquêteurs ont transmis un projet de procès-verbal par courrier à Jean-Pierre Pion, qui a fait part de ses observations sur ce projet par lettre du 19 janvier 1995, à laquelle les enquêteurs ont répondu, le procès-verbal définitif ayant été signé le 7 février 1995 ;
Que figurent ainsi au dossier un projet de procès-verbal non signé, qui comporte les commentaires manuscrits de Jean-Pierre Pion, auquel est annexé un bordereau de remise de pièces, mais sans qu'une quelconque allusion à ce bordereau ne soit faite dans le projet de procès-verbal, et le procès-verbal définitif signé le 7 février 1995, mais auquel le bordereau de remise de pièces n'est pas annexé, ainsi que la correspondance échangée au sujet de ce procès-verbal ; que, cependant, si le projet de procès-verbal annoté auquel est joint le bordereau de remise de pièces a été annexé à la notification des griefs, seul le procès-verbal définitif, donc sans ce bordereau, a été annexé au rapport ;
Considérant que les sociétés Dijon Béton et Pagot & Savoie soutiennent qu'en prenant en considération, pour sanctionner les entreprises poursuivies, le projet de procès-verbal et deux des pièces listées sur le bordereau sous les numéros 17 et 18, à savoir une note explicative sur la société Dijon Béton (pièce n° 18) et un compte rendu de réunion du Groupe B du 3 août 1972 (pièce n° 17), le Conseil a violé les règles de procédure ; qu'elles soulignent qu'au surplus, les deux pièces se trouvent dans le dossier en dehors de tout procès-verbal de remise de documents, et que dès lors, rien ne permet de vérifier qu'elles ont été régulièrement obtenues par les enquêteurs ;
Mais considérant que les modalités de rédaction du procès-verbal, qui ont permis de prendre en considération les commentaires de Monsieur Jean-Pierre Pion, ne font pas grief aux requérantes, et ce d'autant que la décision du Conseil s'est fondée sur les seules mentions du procès-verbal définitif de ses déclarations ;
Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de la correspondance de Monsieur Jean-Pierre Pion du 19 janvier 1995 que celui-ci a demandé que la pièce n° 18 soit versée au dossier ; que la note de présentation de Dijon Béton en annexe 23 du rapport, pages 575 à 580, est bien identifiée "pièce n° 18" ; que le texte de cette note mentionne que lui est annexé le compte rendu de la réunion du groupe B du 3 août 1972, également en annexe 23 du rapport pages 579 et 580, en sorte que l'origine de ces pièces, communiquées par Monsieur Jean-Pierre Pion, ne souffre aucune contestation, peu important que le bordereau de remise de pièces, versé au dossier, n'ait pas été annexé au rapport ;
Considérant, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces en cause ;
Sur les allégations de déloyauté de l'enquête
Considérant, en premier lieu, que la société Dijon Béton dénonce une manœuvre déloyale consistant pour les enquêteurs à conseiller à la société Rolland Matériaux de lui demander ses tarifs par lettre recommandée avec accusé de réception, alors qu'une telle demande n'avait d'autre but que de lui tendre un piège et de provoquer un refus fautif de sa part ;
Mais considérant que tout producteur est tenu de communiquer ses tarifs et conditions de vente à tout acheteur qui en fait la demande dans l'exercice de son activité professionnelle, en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, et qu'il ne saurait y avoir ainsi manœuvre déloyale par laquelle la société Dijon Béton aurait été amenée à s'auto-incriminer ; qu'au surplus, la réponse de la société Dijon Béton n'a pas été utilisée pour étayer les griefs retenus à son encontre ;
Considérant, en second lieu, que les sociétés Dijon Béton et Pagot & Savoie invoquent, au titre de la déloyauté de l'enquête, la présence au dossier du projet de procès-verbal de déclaration précité de Monsieur Jean-Pierre Pion du 13 décembre 1994 ;
Mais considérant que dans le contexte ci-dessus précisé, la présence de ce projet dans le dossier ne saurait être qualifiée de déloyale, alors que les requérantes ne démontrent pas qu'elle leur aurait fait grief, et que seules les énonciations du procès-verbal définitif ont été retenues par le Conseil ;
Que l'affirmation de la société Dijon Béton selon laquelle la signature de Monsieur Jean-Pierre Pion sur le procès-verbal définitif lui aurait été "extorquée" n'est étayée par aucun élément ;
Considérant en troisième lieu, que la société Pagot & Savoie critique le procès-verbal de déclaration de Monsieur Georges Pernot, directeur de la société Tubaggo, du 22 novembre 1994, en ce que Monsieur Pernot fait référence au début de cette déclaration à une enquête menée en 1992, dont l'objet était beaucoup plus large, ce qui impliquerait une confusion dans son esprit sur l'objet de l'enquête menée en 1994, sans que les enquêteurs ne le détrompent ;
Mais considérant que l'objet de l'enquête tel qu'il figure sur le procès-verbal du 22 novembre 1994 est clair et précis et qu'au demeurant, la déclaration de Monsieur Georges Pernot ne concerne pas le marché du béton prêt à l'emploi, mais celui des agglomérés, au sujet duquel le Conseil n'a retenu aucun grief ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces dont le rejet est sollicité ;
Sur la saisine du Conseil
Considérant que, dans leur mémoire en réplique, les sociétés Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux demandent l'annulation de la décision déférée en raison de l'irrecevabilité de la saisine du Conseil par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ;
Mais considérant qu'il résulte de l'article 2.3° du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 que lorsque la déclaration de recours contre la décision du Conseil ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le requérant doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision frappée de recours ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque ce moyen de nullité de la décision n'a pas été formulé par les sociétés requérantes dans leur mémoire initialement déposé au greffe dans le délai susvisé ;
Considérant que ce moyen sera donc rejeté ;
Sur l'utilisation de documents couverts par la prescription
Considérant que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Pagot & Savoie, et Doras Matériaux soutiennent que le Conseil ne s'est pas contenté d'éclairer les pratiques incriminées à l'aide de documents prescrits, mais a utilisé des documents couverts par la prescription pour présumer l'existence des pratiques reprochées et comme indices de pratiques anticoncurrentielles, fondant des sanctions sur lesdits documents ; qu'il en serait ainsi en particulier, de la note de Monsieur Philippe Logerot, dont la date d'établissement se situe probablement en 1988, des deux contrats de commercialisation du 14 octobre 1988 et du projet de compte-rendu de réunion du groupe B du 28 juin 1988 ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que les faits antérieurs au 20 décembre 1990 sont prescrits ;
Considérant que si, en application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, des faits antérieurs ne peuvent être sanctionnés, il est permis d'éclairer des faits non prescrits au moyen de faits antérieurs couverts par la prescription, à la condition que ces éléments d'information ne soient ni qualifiés, ni poursuivis ; que par ailleurs, une entente peut être sanctionnée même si elle trouve son origine pendant la période prescrite, dès lors qu'elle s'est poursuivie pendant la période non prescrite ;
Considérant que l'utilisation des documents en cause sera appréciée ci-après, à la lumière des principes précédemment rappelés, à l'occasion de l'examen de la qualification des pratiques anticoncurrentielles retenues ;
Sur le fond
Sur l'existence d'une structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi
Considérant, tout d'abord, que la société Dijon Béton fait valoir que le Conseil aurait laissé sans réponse la question de savoir si une structure qui associe des entreprises exerçant des activités complémentaires (fournisseurs, revendeurs utilisateurs), appelle des critiques du point de vue du droit de la concurrence ; que si le Conseil n'était pas tenu de répondre à cette question, il convient cependant d'observer qu'en page 29 de sa décision, il a précisé que la mise en place de cette structure commune ne constituait pas, en soi, une pratique anticoncurrentielle et que l'entente par laquelle la société Dijon Béton et ses actionnaires négociants ont décidé de confier à ces négociants, sur leur zone d'activité, l'exclusivité de la commercialisation du béton prêt à l'emploi produit par Dijon Béton, n'était pas contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
Considérant, ensuite, que la société Dijon Béton soutient qu'en retenant à son encontre un grief d'entente tarifaire avec la société Maggioni qui ne lui a pas été notifié, le Conseil a violé le principe du contradictoire ; qu'en effet, elle n'a pu s'expliquer sur l'entente horizontale pour laquelle elle a été sanctionnée, de nature et de gravité différentes de l'entente verticale dont elle était par ailleurs accusée ;
Or considérant que le rapport retient, en premier lieu, un grief d'entente entre les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux sur une structure tarifaire commune, comportant des montants de marge minimum et l'affectation à une clientèle commune de montants de marges identiques ; que ce grief porte sur les prix de vente du béton prêt à l'emploi fabriqué par l'entreprise Dijon Béton ;
Qu'il retient, en second lieu, un grief d'entente entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, concernant la mise en place d'une structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi ; que l'examen des griefs montre que ce grief porte exclusivement sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni et qu'aucun grief n'a été notifié à la société Dijon Béton de ce chef ;
Que dans sa décision le Conseil, après avoir retenu, au titre du premier grief, l'existence d'une entente entre la société Dijon Béton et les négociants sur les marges applicables aux ventes du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Dijon Béton et, au titre du second grief, l'adhésion de l'entreprise Maggioni à la structure tarifaire résultant de la première entente, a déduit de ces éléments l'existence d'une structure tarifaire commune entre les entreprises Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi ;
Considérant, cependant, que n'ayant pas reçu notification du second grief retenu par le rapport, la société Dijon Béton n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations de ce chef ni, par voie de conséquence, sur le grief unique pour lequel elle a été sanctionnée par le Conseil ;
Considérant qu'il convient ainsi d'annuler partiellement la décision du Conseil en ce qu'elle a sanctionné la société Dijon Béton pour sa participation à une entente portant sur une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi produit par la société Maggioni ;
Que, toutefois, la cour, saisie d'un recours de pleine juridiction, aux termes de l'article L. 464 8 du code de commerce, est en mesure de statuer sur les deux griefs ci-dessus rappelés, qu'il convient, au vu de ce qui précède, d'apprécier de façon distincte ;
Sur la structure tarifaire commune mise en place par les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, concernant la vente du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton
Considérant que c'est à bon droit que le Conseil a retenu, à l'encontre de ces entreprises, l'existence d'une structure tarifaire commune résultant des indices suivants :
- les comptes-rendus des réunions du groupe B "Négoce" des 28 juin 1988, 25 janvier 1991, 30 janvier 1992, 15 décembre 1992 et 2 février 1994, qui font apparaître que les marges des négociants pour chaque catégorie de clients étaient révisées chaque année, en fonction d'une formule existante ;
- l'examen de facturations des négociants en 1994, qui montre que, dans de très fortes proportions, les marges pratiquées sont identiques ou très légèrement supérieures à celles fixées pour cette période, le total s'établissant à 100% pour Doras Matériaux, 92% pour Pagot & Savoie et 72% pour Bloc Matériaux ;
- la proposition de classement des clients du négoce dans les catégories A, B et C jointe aux comptes-rendus des 28 juin 1988, 30 janvier 1992 et 15 décembre 1992, étant précisé que le montant des marges correspondant à chaque catégorie de clients est explicitement rappelé dans le document du 15 décembre 1992 et que le compte-rendu du 28 juin 1988 explique qu'ainsi, les clients peuvent se voir proposer les mêmes prix, qu'ils soient livrés par Dijon Béton en direct ou par les négociants, tout en ayant la possibilité d'être facturés par la société de leur choix ;
un rapprochement entre les noms de plusieurs clients figurant dans la liste de classement jointe au compte-rendu du 15 décembre 1992 et la facturation qui leur a été consentie, montrant que les marges qui leur ont été appliquées sont identiques à celles prévues dans la proposition de classement ;
Considérant, en effet, que s'il est exact que le procès-verbal du 28 juin 1988 est couvert par la prescription, le Conseil a justement observé qu'il n'était utilisé que pour éclairer le mécanisme de l'entente qui, ainsi qu'il ressort des autres documents, s'est poursuivi entre 1991 et 1994, période non prescrite ;
Qu'en outre, si les marges effectivement pratiquées par les négociants n'ont pas été systématiquement contrôlées, il ressort cependant du dossier de l'enquête que les factures examinées ont été sélectionnées de manière aléatoire, et peuvent ainsi être utilisées pour effectuer des comparaisons ;
Que c'est en vain que les sociétés requérantes contestent que ces comparaisons illustrent une application effective des marges préconisées, dès lors qu'elles ne contestent pas les chiffres rapportés en page 10 de la décision ;
Qu'enfin, les éléments ci-dessus montrent que les marges ainsi fixées n'étaient pas des marges maximales, ou des marges indicatives conseillées que les négociants étaient libres de moduler à la baisse, ainsi que le prétendent les sociétés requérantes ;
Sur la mise en place, par les entreprises Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, d'une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni ;
Considérant que, selon le Conseil, l'existence entre ces entreprises d'une structure tarifaire identique à celle résultant de l'entente entre l'entreprise Dijon Béton et les trois négociants, se déduit des éléments suivants :
- une mention manuscrite de la société Doras Matériaux sur le compte-rendu de la réunion du groupe B du 1er juillet 1993 ainsi rédigée : "le problème des marges Maggioni évoqué à la réunion ne figure pas sur le compte-rendu - MB sur grosses affaires - Ravetto, Grosse, Bourg, Travaux - MB < 4% alors que les règles veulent que les MB soient de 10% ",
- deux lettres du président de Doras Matériaux des 8 juillet et 10 août 1993, par lesquelles celui-ci rappellerait à l'entreprise Maggioni leurs accords concernant l'application d'une marge de 10% en ces termes :
"Il apparaît que contrairement aux accords que nous avions pris de facturer ces entreprises en gardant une marge de 8% (au lieu de 10% habituellement), les prix de vente que vous nous appliquez nous laissent une marge de 3 ou 4% en moyenne."
"Ravetto : nous avons constaté que la marge sur cette entreprise est de 17F par m3. Cette marge d'environ 4% est bien inférieure à la marge de 10% normalement consentie au négoce. Ce niveau de marge pour cette entreprise est ancien et les négociants ont été contraints de s'y plier.
Bourgogne Travaux : à la différence de Ravetto, cette entreprise est présente depuis peu sur le marché dijonnais, il n'y a donc aucune raison de pratiquer le niveau de marge de 4%. Lors de la négociation pour le chantier de l'Hôpital, nous avions consenti de ramener notre niveau de marge de 10 à 8% ",
Une note manuscrite de Doras Matériaux du 9 septembre 1993 : "marge Maggioni/Négoces - 10% - cette marge n'est plus respectée - refaire le tarif sur base DB (Dijon Béton) ",
- un rapprochement effectué entre des entreprises du BTP qui figurent sur la liste de classement jointe au compte-rendu du groupe B du 15 décembre 1992 et les mêmes entreprises qui, en 1994, ont passé aux trois négociants des commandes de béton prêt à l'emploi en provenance de l'entreprise Maggioni, qui montre que celles-ci se voient appliquer des montants de marge identiques à ceux définis en commun lors des réunions du groupe B, quatre exemples de marges étant cités dans la décision : 4,9% - 5% - 5,6% et 14,4% ;
Considérant, cependant, que ces documents, en provenance de la société Doras Matériaux, lesquels témoignent essentiellement du comportement de cette seule entreprise et font apparaître que la marge évoquée de 10% habituellement pratiquée n'a pas été appliquée, sont insuffisants à démontrer l'existence d'une entente entre la société Maggioni et les trois négociants sur une structure tarifaire commune ;
Qu'en outre, le niveau de marge sur lequel aurait porté l'entente n'apparaît pas clairement, dès lors que les documents sur lesquels le Conseil s'appuie mentionnent une marge de 10% puis, dans les exemples cités, des taux de marge réellement appliqués de 4,9% à 14,4%, dont il est indiqué en bas de la page 31 de la décision qu'ils correspondraient aux marges définies (en valeur absolue) lors des réunions du groupe B, sans qu'aucune démonstration n'en soit apportée ;
Qu'au surplus, les quatre exemples cités dans la décision de marges effectivement pratiquées, qui seraient identiques à celles résultant des ventes du béton produit par l'entreprise Dijon Béton, ne sont pas de nature à conforter l'existence de la pratique reprochée, alors que la facturation des négociants examinée par les enquêteurs montre que les marges appliquées sur le béton en provenance de l'entreprise Maggioni ont été différentes et ne peuvent illustrer une structure de marge commune, ainsi que relevé en page 41 du rapport ;
Qu'enfin, l'ensemble des éléments du dossier tend à montrer que l'entreprise Maggioni était perçue comme un concurrent, sur les produits duquel les marges des négociants étaient trop basses ;
Considérant qu'il s'ensuit que le grief d'entente entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux portant sur une structure tarifaire commune du béton prêt à l'emploi fabriqué par l'entreprise Maggioni doit être écarté ;
Sur la mise en place, par les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Fagot & Savoie et Bloc Matériaux, d'une entente consistant à se répartir la clientèle du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni ;
Considérant que la note du 9 septembre 1993 saisie au siège de la société Doras Matériaux - laquelle comporte les mentions manuscrites : "accord de base 17% du marché D~jon affecté à Maggioni lors de sa création" et "contrôle mensuel de m3 avec DB + Maggioni + négoces" - confirmée par la note de Monsieur Philippe Logerot (Doras Matériaux) datant de 1988 indiquant : "s'entendre et sur les aggios et sur le béton avec Maggioni ... on lui laisse 20.000 m3 de béton ... ", est insuffisante à établir, contrairement à ce qu'a retenu le Conseil, que lors de l'installation de la centrale de béton de l'entreprise Maggioni, en 1988, une entente de répartition de marché, qui était encore en vigueur au moment de l'enquête, s'était constituée en vue d'affecter à l'entreprise Maggioni un pourcentage du marché de 17%, avec un contrôle de ses ventes ;
Qu'en effet, d'une part, il ne ressort pas des documents précités que l'entreprise Maggioni ait participé à une entente visant à limiter sa part de marché à 17%, laquelle n'aurait au demeurant pas été respectée, ce d'autant qu'elle était perçue par les autres entreprises comme un concurrent sur le marché dont la progression était préoccupante, ainsi qu'il ressort des éléments du dossier ;
Que ces pièces ne sont pas non plus de nature à établir un contrôle effectif des ventes de l'entreprise Maggioni, alors au surplus que les relevés des volumes commercialisés par elle, figurant en annexe 70 au rapport, ont été adressés à la société Dijon Béton par les négociants, qui pouvaient disposer facilement de ces données du marché, sans intervention de l'entreprise Maggioni ;
Que, d'autre part, si les notes précitées traduisent une volonté commune de la société Dijon Béton et des négociants de limiter la part de marché de l'entreprise Maggioni et de parvenir à un accord l'associant à une telle limitation, aucun des éléments du dossier ne révèle que ces entreprises auraient exercé sur elle des pressions à cet effet, ni qu'elles auraient tenté de limiter son développement par des actions effectives sur le marché ;
Que dès lors, et contrairement à ce qu'ont soutenu le ministre et le ministère public, la seule tentative d'accord anticoncurrentiel non suivie d'effet, et la seule intention de limiter la part de marché de leur concurrent non suivie de manœuvres en ce sens, ne sauraient caractériser une entente au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce ;
Considérant, en conséquence, qu'il ne peut être retenu, ni à l'encontre de l'entreprise Maggioni, ni à l'encontre des entreprises Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, un accord anticoncurrentiel de répartition de clientèle du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni ;
Sur les sanctions
Considérant qu'il convient tout d'abord de mettre hors de cause la société Maggioni, à l'encontre de laquelle l'instruction n'a permis d'établir aucune pratique anticoncurrentielle ;
Considérant, ensuite, que ne subsiste à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux qu'un seul grief, concernant la mise en place d'une structure commune de marge applicable aux prix de vente du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton ;
Considérant que cette pratique a eu pour objet et pour effet de dissuader les entreprises de déterminer leurs prix de façon autonome et de supprimer toute concurrence par les prix entre elles sur ce produit ;
Que toutefois, s'agissant du dommage causé à l'économie, la pratique en cause a été circonscrite à un secteur géographique limité et, sur ce marché, les prix se sont révélés "plutôt compétitifs" et les marges ont été "plutôt modestes" par rapport aux autres marchés géographiques, ainsi que l'a constaté le Conseil ;
Qu'en outre, il convient de prendre en considération que, malgré l'importance de la société Dijon Béton et des trois négociants sur le marché local, une concurrence a néanmoins existé sur ce marché, ainsi qu'il ressort des énonciations de la décision sur les caractéristiques de celui-ci ;
Considérant, par ailleurs, que l'observation des sociétés Pagot & Savoie et Doras Matériaux selon laquelle la sanction pécuniaire qui leur a été infligée est sans proportion avec le montant de leur chiffre d'affaires annuel concerné par les pratiques en cause est sans portée dès lors que le montant de la sanction s'apprécie en fonction du chiffre d'affaires global de l'entreprise, et non de celui du secteur concerné par les pratiques ;
Considérant, également, que la société Dijon Béton n'est pas fondée à faire valoir qu'en sanctionnant la société et ses actionnaires, le Conseil a sanctionné deux fois les mêmes faits, dès lors que la participation des sociétés Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux au capital de la société Dijon Béton à hauteur, ensemble, de 30%, ne saurait en soi exclure l'indépendance de Dijon Béton par rapport à ses actionnaires ; que chacune des entreprises est sanctionnée en tant qu'entité juridique et économique autonome ayant participé à une pratique anticoncurrentielle ;
Considérant qu'au vu des éléments qui précèdent, il convient de réduire les sanctions pécuniaires infligées par le Conseil, dans les termes du dispositif ci-après, et de rejeter la demande de publication, laquelle n'apparait pas justifiée ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs : Annule la décision n° 01-D-36 du Conseil de la Concurrence en ce qu'elle a infligé une sanction à la société Dijon Béton pour avoir mis en œuvre, avec les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot & Savoie et Bloc Matériaux, une structure tarifaire commune sur le prix du béton prêt à l'emploi, La réforme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Met hors de cause la société Maggioni, Inflige les sanctions pécuniaires suivantes : 65.000 Euros à la société Dijon Béton, 200.000 Euros à la société Doras Matériaux, 250.000 Euros à la société Pagot & Savoie, 60.000 Euros à la société Bloc Matériaux ; Dit que le Trésor public restituera aux sociétés requérantes le trop perçu au titre des sanctions infligées par le conseil, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt et, au profit des sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux, capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du code civil ; Rejette toutes autres demandes.