Cass. com., 12 février 2002, n° 99-20.564
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Conseil National des Professions de l'Automobile
Défendeur :
Leclerc Rennes Saint-Grégoire (Sté), Centre Leclerc (SA), Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 1999) que, du 22 juillet au 16 août 1997, les 465 stations d'essence à l'enseigne Leclerc ont, à la suite d'une campagne publicitaire nationale, commercialisé les carburants à prix coûtant ; que le Conseil national des professions de l'automobile (le CNPA) a saisi le Conseil de la concurrence de ces pratiques en ce qu'elles avaient été mises en œuvre par deux magasins situés à Rennes, en faisant valoir qu'elles constituaient une entente ayant pour objet d'évincer les distributeurs indépendants du marché, prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le Conseil de la concurrence a, par décision n° 99-D-17 du 24 février 1999, déclaré la saisine irrecevable, faute d'éléments probants ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que le CNPA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours alors, selon le moyen : 1°) qu'il avait soutenu devant la cour d'appel que le Conseil de la concurrence devait vérifier si, au regard des conditions dans lesquelles la campagne litigieuse s'était exécutée, les principes de fixation indépendante des prix rappelés dans sa décision avaient été respectés, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'il avait aussi fait valoir qu'il incombait aux deux centres Leclerc mis en cause d'indiquer clairement la définition exacte du "prix coûtant" de référence retenue par eux au cours de la campagne litigieuse et de démontrer la conformité de leurs pratiques tarifaires sur la période du 22 juillet 1997 au 16 août 1997 avec le prix de référence ainsi identifié, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que la cour d'appel a constaté que les sociétés Leclerc Rennes Saint-Grégoire et SA Centre Leclerc, qui avaient participé à la campagne nationale de commercialisation des carburants à prix coûtant initiée par les magasins à l'enseigne Leclerc, pratiquaient des prix strictement identiques, si bien qu'en ne recherchant pas si ce comportement ne traduisait pas le renoncement de ces deux entreprises à suivre une politique commerciale autonome, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui devait seulement rechercher si la saisine était étayée d'éléments suffisamment probants, a légalement justifié sa décision en retenant qu'une identité de prix sur trois produits, relevée sur une seule journée, ne suffisait pas, à elle seule, à établir l'existence d'une concertation entre les deux centres Leclerc pour la fixation des prix, dès lors que des éléments objectifs tels que les conditions d'approvisionnement ou d'exploitation, identiques ou très proches, pouvaient expliquer une uniformité de prix ;que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches: - Attendu que le CNPA fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 "sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits" ; qu'en vertu de cette disposition, le prix de vente d'un produit inférieur à son coût variable est présumé avoir un effet d'éviction ; que le CNPA avait fait valoir que tel était le cas des prix pratiqués par les centres distributeurs Leclerc n'incluant aucun coût variable ou indirect, pratiqués de façon répétitive, à la période des plus fortes ventes saisonnières des carburants, par des entreprises pour lesquelles ce produit ne présente qu'une faible part de leur activité et qui peuvent compenser les pertes éventuellement enregistrées par les gains qu'elles réalisent sur les autres produits qu'elles distribuent, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel n'a pas légalement justifié se décision au regard de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; 3°) qu'il résultait des factures d'achat produites par les deux centres Leclerc rennais pour justifier de leurs conditions d'approvisionnement au 2 août 1997 que le prix de vente aux consommateurs des carburants correspondait exactement à leur prix d'achat majoré du seul coût du transport, à l'exclusion des autres coûts supportés par les entreprises, notamment le coût de la campagne publicitaire litigieuse, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments établissant que les prix pratiqués étaient des prix d'éviction, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle n'avait été invoquée conformément aux dispositions de l'article 2.3°, du décret du 19 octobre 1987, qu'une pratique d'entente prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a suffisamment motivé sa décision en retenant que la partie saisissante n'avait apporté aucun élément sur la situation des pompistes indépendants et notamment sur les conséquences de la campagne promotionnelle sur l'activité de ceux-ci et que les faits invoqués ne permettaient pas de présumer que les pratiques dénoncées auraient eu pour effet d'évincer les distributeurs indépendants du marché de la distribution des carburants dans l'agglomération de Rennes ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.