CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 8 novembre 1989, n° ECOC8910139X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Polytitan (SA)
Défendeur :
Ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Montanier, MM. Borra, Gelineau-Larrivet
Conseillers :
MM. Gourlet, Canivet
Avocat :
Me Bernard.
LA COUR statue sur le recours formé par la Société Polytitan contre la décision n° 89-D-19 prise le 30 mai 1989 par le Conseil de la Concurrence qui a dit n'y avoir lieu à poursuivre la procédure relative à la situation de la concurrence sur le marché de certains dérivés à base d'organo-étains qui servent notamment d'intermédiaires dans la fabrication de stabilisants pour PVC, procédure dont le Ministre de l'Economie avait précédemment saisi la Commission de la Concurrence :
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que dans ses observations orales le Ministre de l'Economie a développé des arguments tendant à démontrer que la Société Polytitan n'ayant pas saisi elle-même le Conseil de la Concurrence, n'était pas partie en cause devant cet organisme et n'avait donc pas le droit d'agir contre sa décision ;
Considérant que la Société Polytitan a répliqué qu'elle avait manifesté tout au long de l'instruction un comportement signifiant qu'elle s'estimait partie à l'instance et qu'en outre elle a reçu notification de la décision de classement ;
Considérant qu'en application de l'article 52 de l'ordonnance numéro 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix, modifiée, le Ministre de l'Economie avait, le 13 mai 1986 saisi la Commission de la Concurrence de la situation de la concurrence sur le marché de certains dérivés d'organo-étains qui servent notamment d'intermédiaire dans la fabrication de stabilisants pour PVC ;
Considérant que l'action du Ministre de l'Economie fait suite à une réclamation de la Société Polytitan qui a provoqué l'ouverture d'une enquête concernant les agissements de la Société Schering sur le marché des biocides, agissements tendant apparemment à favoriser une Société Tinstab au détriment de la Société Polytitan ;
Considérant que la Société Polytitan n'avait pas dans le régime antérieur à l'ordonnance du 1er décembre 1986, modifiée, et au Décret du 29 décembre 1986 pris pour son application, la possibilité de saisir la Commission de la Concurrence ;
Qu'en revanche elle avait la faculté de saisir le Conseil de la Concurrence, organisme qui a succédé à la Commission de la Concurrence, en application de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que pendant toute la durée de l'instruction de l'affaire devant le Conseil de la Concurrence la Société Polytitan n'a pas usé de ce droit qui lui aurait permis de se joindre à la saisine du Ministre et d'intervenir dans l'instance en tant que partie au sens de l'article 12 de l'ordonnance précitée ;
Considérant en effet que les seules interventions de la Société Polytitan résultent de deux lettres l'une du 25 juin 1987 portant à la connaissance du rapporteur du Conseil de la Concurrence des documents concernant le comportement de la Société Schering, l'autre du 23 septembre 1987 transmettant à ce même rapporteur un document supplémentaire relatif à l'attitude de la Société Schering et exprimant l'opinion que ce comportement "justifie de plus fort l'engagement de poursuites à son encontre" ;
Considérant que la Société Polytitan fait valoir en outre que dans une lettre du 9 mars 1989, son Avocat interrogeait le rapporteur sur le point de savoir quand elle pouvait "espérer recevoir un exemplaire du rapport" ;
Considérant que si la correspondance entretenue avec le rapporteur démontre tout l'intérêt que la Société Polytitan portait au déroulement d'une procédure dont elle avait, par son intervention amené l'ouverture, sur saisine du Ministre elle ne contient aucun terme d'où l'on puisse déduire l'intention de la Société Polytitan de se joindre à l'action engagée par le Ministre ;
Considérant que la Société Polytitan n'est donc pas devenue devant le Conseil de la Concurrence l'une des parties en cause, bénéficiant des droits et prérogatives s'attachant à cette qualité ;
Considérant que la notification qui lui a été faite le 2 juin 1989 pour l'informer de la décision du Conseil de la Concurrence et de la possibilité d'exercer un recours en annulation ou réformation ne suffit pas à lui conférer la qualité de "partie" qu'elle n'avait pas prise précédemment ;
Considérant que l'article 12 alinéa 4 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que le recours contre les décisions de la Concurrence est ouvert "aux parties en cause" ;
Qu'il résulte de cette disposition, comme d'ailleurs des principes généraux que seules les parties en cause ont le droit d'attaquer une décision rendue dans le cours d'une procédure <s/trong>;
Qu'à défaut d'avoir été partie devant le Conseil de la Concurrence la Société Polytitan n'est pas en droit de former un recours contre la décision qu'il a rendue ;
Que son recours est donc irrecevable ;
Considérant cependant que la Société Polytitan a pu se méprendre de bonne foi sur l'étendue de ses droits notamment en raison de la notification de la décision qui lui a été faite ; qu'il y a lieu dans ces conditions de laisser les dépens de la présente instance à la charge du Trésor Public.
Par ces motifs : Déclare irrecevable le recours de la Société Polytitan ; Met les dépens de la présente instance à la charge du Trésor Public.