CA Paris, 1re ch. H, 12 février 2002, n° ECOC0200053X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Entreprise Industrielle (SA), Entreprise Allez et Cie, Mainguy (SA), Robin (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Renard-Payen
Conseillers :
MM. Le Dauphin, Remenieras
Avoués :
SCP Narrat-Peytavi, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Meyung-Marchand, Brunois, Fourgoux.
Dans le département de la Vendée, les travaux d'électrification rurale et d'éclairage public étaient, à l'époque des faits, réalisés par les 22 syndicats de communes en tant que maître d'ouvrage. La maîtrise d'œuvre était assurée par le Syndicat départemental d'électrification de la Vendée (le Sydex), lequel gérait le financement des travaux, organisait les procédures d'appels d'offres et établissait le bordereau des prix unitaires (le BPU) servant de base aux propositions des entreprises soumissionnaires.
En 1995, 21 marchés d'électrification et 20 marchés d'éclairage public ont été passés, pour une durée maximale de trois ans, comme les précédents marchés, par chaque syndicat pour la zone le concernant.
La procédure suivie est celle des marchés à bons de commande prévue à l'article 273 du Code des marchés publics, les collectivités locales fixant un montant minimum ou maximum de prestations susceptibles d'être commandées au cours de la période en fonction des besoins à satisfaire.
Pour la période 1995-1998, les appels d'offres ont été publiés les 13 et 14 janvier 1995, les dates limites de réception des candidatures étant comprises entre le 20 janvier et le 16 février, celles de réception des offres entre le 22 mars et le 14 avril 1995, selon les syndicats.
Les offreurs étaient appelés à formuler leurs propositions sous la forme d'un rabais ou d'une majoration appliqués aux prestations décrites et évaluées dans le BPU élaboré par le Sydex.
Le montant total des travaux précisé dans l'appel d'offres était de 696 millions de francs hors taxes, à raison de 549 millions de francs pour l'électrification rurale et de 147 millions de francs pour l'éclairage public.
Par lettre du 1er juillet 1998, le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'ententes relevées à l'occasion de la passation de marchés d'électrification rurale et d'éclairage public dans le département de la Vendée.
A la suite de cette saisine, deux griefs ont été notifiés sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce :
1 - Le fait pour les sociétés Mainguy, Robin, Allez & Cie et L'Entreprise Industrielle d'avoir mis en œuvre et participé, avant la remise des offres et à l'insu des maîtres d'ouvrage, à une concertation en vue de la révision de certains prix du bordereau unitaire, qui a eu pour objet et pour effet de réduire l'indépendance des offres des entreprises, en raison des informations échangées sur leurs capacités techniques, leurs structures de coûts ainsi que sur les prix souhaités par elles ;
2 - Le fait pour les sociétés Allez & Cie, L'Entreprise Industrielle, Robin, ETDE, Saunier Duval Electricité Réseaux, Garczynski et Traploir, Jeanneau Electricité d'avoir mis en œuvre une concertation préalable à la remise des offres qui, par des groupements injustifiés au plan économique de quatre entreprises, ainsi que par des propositions d'offres de couverture parfaitement coordonnées entre elles, a eu pour effet de maintenir le partage du marché de l'électrification rurale et de l'éclairage public de la Vendée au bénéfice des titulaires antérieurs et, pour effet, de tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
Par décision n° 01-D-31 du 5 juin 2001 relative à des pratiques relevées lors de la passation de marchés d'électrification rurale et d'éclairage public en Vendée, le Conseil de la concurrence a :
- dit qu'il n'est pas établi que les sociétés Spie-Trindel, ETDE, Saunier Duval Electricité Réseaux, Garczynski et Traploir, Jeanneau Electricité ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- dit qu'il est établi que les sociétés L'Entreprise Industrielle, Allez & Cie, Mainguy et Robin ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- Infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
. 450.000 francs à la société L'Entreprise Industrielle,
. 380.000 francs à la société Allez & Cie,
. 450.000 francs à la société Mainguy,
. 9.000 francs à la société Robin.
LA COUR,
Vu les recours régulièrement formés, les 29 juin, 5 et 11 juillet 2001 par les Sociétés L'Entreprise Industrielle, Allez & Cie, Mainguy et Robin ;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société L'Entreprise Industrielle, déposé le 3 août 2001, dans le délai visé à l'article 2-3° du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :
- de constater :
. que l'échange d'informations incriminé n'a aucunement eu lieu "dans le cadre des appels d'offres" lancé en mars 1995 mais 9 mois avant ces derniers,
. qu'aucun échange d'informations lors de ces appels d'offres n'est reproché aux entreprises,
. que l'étude critiquée n'avait aucun objet anticoncurrentiel et a été motivée par les pertes subies au 31 décembre 1993 par l'agence de Champ-Saint-Père de L'Entreprise Industrielle au titre du marché conclu avec le syndicat d'Angles,
. qu'aucune pièce du dossier ne démontre d'une manière concrète l'existence d'un échange d'informations et d'une concertation illicite sur les rabais ou majorations de prix susceptibles d'être ultérieurement proposés lors de la divulgation des éléments du nouveau BPU avec les appels d'offres,
. qu'aucune pièce du dossier ne démontre non plus que les entreprises aient échangé des informations sur leurs capacités techniques ou leurs structures de prix personnelles,
. que l'étude critiquée n'a par ailleurs eu aucune espèce d'incidence sur la confection du nouveau BPU par le maître d'ouvrage, puisqu'il n'en a jamais été destinataire,
. qu'aucun dommage à l'économie n'a pu être déterminé,
- en conséquence de réformer la décision déférée et d'annuler la sanction prononcée,
- subsidiairement, de réduire la sanction à un franc symbolique, en l'absence de toute preuve d'un dommage à l'économie ;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la société Allez & Cie, déposé le 1er août 2001, dans le délai visé à l'article 2-3° du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour de réformer la décision déférée et de la mettre hors de cause ;
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens des sociétés Mainguy et Robin, déposé le 3 août 2001, dans le délai visé à l'article 2-3° du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel ces parties demandent à la cour :
- à titre principal, d'annuler la décision déférée,
- à titre subsidiaire, de réformer ladite décision en ce qu'elle a considéré que les sociétés Mainguy et Robin avaient enfreint l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- plus subsidiairement, de la réformer en ce qu'elle a prononcé une sanction pécuniaire à leur encontre ;
Vu les observations déposées le 18 octobre 2001 par le Conseil de la concurrence ;
Vu les observations déposées le 18 octobre 2001 par le ministre chargé de l'économie, tendant au rejet du recours ;
Vu les mémoires complémentaires déposés le 14 novembre 2001 par les sociétés L'Entreprise Industrielle, Mainguy et Robin ;
Ouï, à l'audience du 11 décembre 2001, les conseils des requérants en leurs plaidoiries, le représentant du ministre en ses observations, le ministère public en ses conclusions tendant au rejet du recours, préalablement mises à la disposition des parties, les requérantes ayant eu la parole en dernier ;
Sur ce :
Sur la procédure :
Considérant que par ordonnance du 21 mai 1997, le président du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a, en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce, autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux de dix entreprises, dont ceux de la société Robin, à Périgny (17), en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article L. 420-1 du Code précité relatives aux 21 marchés d'électrification et aux 20 marchés d'éclairage public soumis à appel d'offres en 1995 par les syndicats d'électrification de la Vendée ; que par la même ordonnance, ce magistrat a donné commission rogatoire aux présidents des tribunaux de grande instance des Sables d'Olonne, d'Angers, de Nantes et de La Rochelle afin qu'ils exercent, dans leurs ressorts respectifs, le contrôle des opérations de visites et de saisies ;
Considérant que le 10 juin 1997, les enquêteurs de la DGCCRF se sont présentés, accompagnés d'un officier de police judiciaire, dans les locaux de la société Robin, à Périgny, où ils ont été reçus par M. Francis Gousseaud, conducteur de travaux ;
Considérant que les sociétés Mainguy et Robin contestent la validité des opérations faites dans les locaux de la société Robin, où a été saisie la lettre du 13 juillet 1994 adressée par la société L'Entreprise Industrielle à la société Mainguy, avec copie aux sociétés Robin et Allez & Cie, et retenue par le Conseil à l'appui de sa décision ;
Qu'elles font valoir, à cette fin, en premier lieu, que les opérations de visite et de saisie n'ont été effectuées qu'en présence de M. Gousseaud, conducteur de travaux, salarié de la société Mainguy, qui ne pouvait être considéré ni comme le représentant légal, ni comme le mandataire de la société Robin, occupant les lieux ; qu'elles ajoutent que lesdites opérations ont "débuté simultanément avec la notification des ordonnances sans que M. Gousseaud ait pu les examiner et se rapprocher de la société Mainguy pour déterminer s'il avait la capacité à représenter la société Robin" ;
Mais considérant, d'abord, qu'il résulte des mentions du procès-verbal de notification et de celles du procès-verbal de visite et de saisie du 10 juin 1990 qu'à 9 heures 30, préalablement à toute autre opération, les enquêteurs ont notifié à M. Gousseaud les ordonnances en date, respectivement, des 21 mai 1997 et 2 juin 1997, des présidents des tribunaux de grande instance de La Roche-sur-Yon et de La Rochelle ; qu'ils ont ensuite procédé aux opérations de visite et de saisie, en présence de M. Gousseaud ; que ces opérations se sont achevées à 14 heures quarante cinq ;
Et considérant que M. Gousseaud a, sans émettre de réserve, apposé sa signature, d'abord sur le procès-verbal de notification, ensuite sur celui de visite et de saisie, en qualité de représentant de l'occupant des lieux et ce après avoir à plusieurs reprises personnellement approuvé, en y portant son paraphe, la rature, dans les mentions imprimées figurant dans le corps de l'un et l'autre de ces procès-verbaux, de la mention "occupant des lieux" précédant immédiatement celle de "représentant de l'occupant des lieux" ;qu'il est ainsi établi que M. Gousseaud, qui n'a pu se méprendre sur la qualité en laquelle il a apposé sa signature sur les procès-verbaux litigieux, était investi du mandat de représenter la société Robin, étant surabondamment observé que l'existence d'un tel mandat est l'une des manifestations de l'étroitesse des liens - relevés par le Conseil - unissant les sociétés Mainguy et Robin ;qu'il suffit de rappeler, à cet égard, que lors de son audition du 4 décembre 1997, M. Jacques Cossais, à la fois directeur de l'agence de la société Mainguy à La Roche-sur-Yon et directeur de la société Robin, a déclaré, à propos de la révision de la série de prix du syndicat d'électrification de la Vendée, que son collaborateur, M. Groizard, avait "pris contact avec MM. Gousseaud (de chez Robin) et Faucher pour L'Entreprise Industrielle et un autre de chez Allez" ;
Considérant que les sociétés Mainguy et Robin soutiennent, en deuxième lieu, que le courrier du 13 juillet 1994 a été irrégulièrement saisi en l'absence de lien entre ce document et les appels d'offres ;
Mais considérant que le Conseil a retenu, par des motifs pertinents, que la cour fait siens, que les enquêteurs n'avaient pas outrepassé les limites de l'autorisation donnée par l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon en date du 21 mai 1997 ;
Considérant que les sociétés Mainguy et Robin font encore valoir que la durée excessive de la procédure a porté atteinte aux droits de la défense dès lors qu'elles n'ont pu produire les éléments de comptabilité analytique leur permettant de démontrer qu'elles ont conservé une indépendance dans leur politique commerciale et tarifaire en 1994 ;
Mais considérant que les requérantes n'apportent aucun élément de preuve à l'appui de leur allégation selon laquelle elles auraient été privées de la possibilité de présenter correctement leur défense à raison de la durée prétendument excessive de la procédure ; que le moyen est sans fondement ;
Sur le fond :
Considérant que les enquêteurs de la DGCCRF ont saisi le 10 juin 1994, dans les locaux de l'entreprise Robin une lettre sur papier à en-tête de L'Entreprise Industrielle, signée par M. Faucher, responsable de l'agence de Champ-St-Père de cette entreprise et ainsi rédigée "Veuillez trouver ci-joint le projet de série de prix travaux sur les chapitres 2, 5, 6, 7 et 8 réalisé par notre groupe de travail", ce texte étant précédé des mentions suivantes :
- "Objet : Projet de série de prix pour le Syndicat d'Electrification de la Vendée",
- "Les prix ont été revus avec les hypothèses suivantes coef/Fourniture : 1,25"
- "PU MO : 260 F/H" ;
Qu'à cette lettre, adressée par M. Faucher à l'entreprise Mainguy, avec copie aux entreprises Allez & Cie et Robin, est joint un document se présentant comme l'énumération des articles figurant aux chapitres 2, 5, 6, 7 et 8 du bordereau de prix unitaires élaboré en 1991 par le Sydex en vue de la passation des marchés attribués en 1992, avec l'indication d'un prix unitaire en face de chacun de ces articles ; que selon les déclarations concordantes de MM. Faucher, Le Comte, directeur de l'agence Allez à Saint-Gilles Croix de Vie, et Cossais, le "groupe de travail" mentionné dans la lettre du 13 juillet 1994, composé de représentants des entreprises précitées, avait pour objectif de réévaluer les prix des rubriques des chapitres du BPU relatifs aux interrupteurs aériens, aux supports bétons, aux travaux aériens conducteurs nus, aux travaux aériens conducteurs isolés et, enfin, aux branchements et divers et ce dans le but de proposer au Sydex de réviser les prix de ces travaux ; qu'il est constant que cette étude de la série des prix d'une partie du BPU de 1991 n'a pas été présentée au maître d'œuvre ;
Considérant qu'à partir de ces éléments de preuve, le Conseil de la concurrence a estimé que les sociétés L'Entreprise Industrielle, Allez & Cie, Mainguy et Robin ont mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres et à l'insu du maître de l'ouvrage et des autres candidats, une concertation à propos de la révision de certains prix du BPU, qui a eu pour objet et pour effet potentiel de réduire l'indépendance des offres, en raison des informations échangées sur leurs capacités techniques et leurs structures de coût, ainsi que sur les prix souhaités par elles ;
Considérant, certes, qu'un échange d'informations entre entreprises, de nature à réduire l'indépendance de leurs offres futures, en ce qu'il leur permet d'avoir une meilleure connaissance des marchés, des concurrents, du coût de réalisation de leurs chantiers, peut, comme le relève le Conseil de la concurrence, être qualifié de pratique anticoncurrentielle, entrant dans les prévisions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, peu important que la concertation soit antérieure à la publication des appels d'offres dès lors que ceux-ci sont rendus inéluctables par l'arrivée du terme des marchés antérieurs ;
Considérant, cependant, que les requérantes font exactement valoir qu'une telle qualification suppose que la pratique incriminée porte une atteinte sensible, avérée ou potentielle, au jeu de la concurrence sur le marché considéré ;
Or considérant que les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne suffisent pas à établir que la concertation imputée aux entreprises requérantes était de nature à perturber de manière significative le jeu de la concurrence lors de la passation, en 1995, des marchés d'électrification rurale et d'éclairage public en Vendée ;
Considérant, à cet égard, en premier lieu, qu'en réponse aux appel d'offres relatifs aux travaux d'électrification ou d'éclairage public en Vendée, pour la période 1995-1998, les entreprises candidates étaient appelées à formuler leurs propositions sous la forme d'un unique taux de rabais ou de majoration applicable à un ensemble très divers de prestations décrites et évaluées dans le BPU élaboré par le Sydex, maître d'œuvre, et susceptibles d'être ultérieurement commandées ;
Et considérant, d'une part, que, selon les constatations du Conseil, "les prix figurant sur le bordereau arrêté en définitive par le maître d'œuvre ont été différents des prix suggérés par les entreprises", étant ici rappelé que l'étude matérialisée par le document du 13 juillet 1994 n'a pas été communiquée au Sydex et n'a donc eu aucune incidence sur la confection du nouveau BPU, cette étude étant, au demeurant, limitée à cinq chapitres, soit le quart, environ, des rubriques de l'ancienne série de prix, relatives aux seuls travaux aériens, alors qu'en application de la politique d'enfouissement des lignes électriques, la part des travaux souterrains tend à devenir prépondérante, notamment dans les zones touristiques, comme le montre le nouveau BPU modifié, dont la structure reflète cette évolution ;
Considérant, d'autre part, que le Conseil constate que la pratique de concertation incriminée n'empêchait pas les entreprises de proposer des majorations ou des rabais différents au vu du BPU actualisé, joint au règlement de l'appel d'offres - lequel n'a été connu qu'en 1995 - et que les requérantes font justement observer qu'aucune preuve n'a été rapportée d'un échange d'informations sur le pourcentage de rabais ou de majoration de prix susceptible d'être proposé sur la base des éléments du nouveau BPU ;
Considérant, en deuxième lieu, que le BPU contient, au regard, de chacun des articles qu'il énumère, l'indication d'un prix censé correspondre au prix moyen du marché déterminé par le maître d'œuvre à partir de données générales connues des professionnels concernés, sans prise en considération de situations individuelles, qu'il s'agisse du coût des fournitures, du temps de travail ou des salaires horaires moyens dans la profession ;
Considérant que la révision de partie des prix de l'ancien BPU à laquelle a procédé le groupe de travail commun aux entreprises en cause a été faite sur la base d'un coefficient de 1,25 pour les prix des fournitures et d'un coût de l'heure de main d'œuvre de 260 francs ; que selon le Conseil de la concurrence, si ces données ont pu s'inspirer de prix moyens connus de tous, "elles ont été, cependant, adaptées au contexte local des marchés d'électrification rurale de la Vendée et fixée par rapport aux conditions financières de réalisation des marchés antérieurs" ;
Considérant cependant que la démonstration n'a pas été faite de l'existence d'une corrélation nécessaire entre un échange d'informations sur leurs coûts de revient, la structure de leurs prix ou leurs capacités techniques - à supposer ces données inconnues des concurrents - et la détermination par les représentants des entreprises en cause d'un coefficient de majoration du prix des fournitures relatives aux travaux aériens et d'un prix moyen de main d'œuvre ; que, du reste, le travail en commun sur l'ancien BPU ayant été accompli avec l'intention - non réalisée - d'en saisir le Sydex avant que celui-ci ne lance les nouveaux marchés, ce travail ne pouvait être utile que dans la mesure où était proposé au syndicat départemental d'électrification de la Vendée, tant au regard des fournitures que de la main d'œuvre, un prix moyen, qui ne pouvait correspondre aux coûts propres à chaque entreprise ;
Considérant, en troisième lieu, que le Conseil retient, pour en déduire que l'existence d'une entente générale de répartition des marchés litigieux n'a pas été établie, que si, à de rares exceptions près, les titulaires des marchés de 1992 se sont trouvés être les moins-disants, marché par marché, en 1995, cette circonstance, qui ne pouvait constituer, en elle-même, qu'un indice, a fait l'objet, de la part des entreprises d'explications précises tenant aux économies sur les frais d'étude résultant de la connaissance du terrain dont bénéficient les entreprises sortantes, le coût à la charge d'un nouvel arrivant au titre des études techniques, cartographiques et de repérage demandées par le maître d'ouvrage étant évalué de 4 à 5 % du montant du marché ; que le Conseil ajoute que la présentation d'offres attractives par les titulaires en place, sur les zones où sont situés leurs centres de travaux, peut également être justifiée par l'importance des coûts en personnel et en matériel tenant à la distance des lieux d'intervention et que les indemnités supplémentaires versées à chaque salarié lorsque le déplacement dépasse 50 km étaient, à l'époque des faits, de 221 francs par jour et peuvent représenter jusqu'à 20% du coût total de la main d'œuvre ; que la décision déférée énonce encore qu'il n'est pas exclu que les niveaux très différents des offres faites par les entreprises puissent être influencées par la nature très hétérogène des sols en Vendée, la gêne apportée durant certaines périodes de l'année au travail des équipes dans les parties touristiques du département, ainsi que par le choix de développement et la disparité des moyens dont elles disposent pour assurer des chantiers importants et qui évoluent rapidement du fait de la politique d'enfouissement des lignes ;
Considérant que de ces constatations, et de celles qui précèdent, il résulte que la concertation reprochée aux entreprises requérantes n'a pu avoir qu'un effet négligeable sur les propositions qu'elles ont présentées à la suite du lancement des appels d'offres correspondant aux marchés litigieux ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer la décision du 5 juin 2001 et de dire qu'il n'est pas établi que les sociétés L'Entreprise Industrielle, Allez & Cie, Mainguy et Robin ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
Par ces motifs : Réforme, dans la limite des recours, la décision n° 01-D-31 du 5 juin 2001 du Conseil de la concurrence ; Et statuant à nouveau ; Dit qu'il n'est pas établi que les sociétés L'Entreprise Industrielle, Allez & Cie, Mainguy et Robin ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés au titre de la présente instance.