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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 27 novembre 2001, n° ECOC0100502X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Caisse Nationale du Crédit Agricole (SA), Société Générale (SA), BNP Paribas (SA), Crédit Lyonnais (SA), Confédération Nationale du Crédit Mutuel, Fédération du Crédit Mutuel Océan, Caisse Régionale du Crédit Agricole de Loire-Atlantique, Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (SA), Caisse d'Epargne des Alpes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulon

Conseillers :

Mme Penichon, M. Le Dauphin

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Hardouin, SCP Dauriac-Guizard, SCP Garnier, SCP Duboscq-Pellerin, Me Olivier

Avocats :

Mes Lazarus, Saint-Esteben, Coutrelis, Vogel, Henry, Salzmann, Lehman, Flecheux, Bazex

CA Paris n° ECOC0100502X

27 novembre 2001

Les crédits immobiliers consentis aux ménages par les établissements de crédit sont constitués par des prêts destinés à financer la construction, l'acquisition, l'aménagement, les grosses réparations et la restauration de logements. Ils sont généralement garantis par une inscription d'hypothèque sur le bien auquel ils se rapportent. On distingue les prêts du secteur libre, les prêts d'épargne-logement, qui sont accordés à un taux préférentiel sous condition de constitution d'une épargne préalable, et les prêts aidés ou réglementés (prêts à l'accession à la propriété, prêts conventionnés ordinaires et prêts en accession sociale).

Après avoir atteint jusqu'à 20 %, au début des années 1980, à une époque de forte inflation (13,4 % en 1981), les taux d'intérêt des crédits immobiliers (ou crédits à l'habitat) ont fléchi brutalement (de 6 à 8 %) en quelques trimestres à partir de 1985, en raison de la chute de l'inflation, pour se stabiliser autour de 12 % jusqu'à la fin de l'année 1992. Les taux ont enregistré une nouvelle baisse importance en 1993-1994 pour se situer à un niveau compris entre 7,5 et 9 %, avant de remonter à l'automne 1994.

La durée des prêts consentis à la fin des années 1980 et au début des années 1990 était en général comprise entre dix et vingt ans. Ces prêts étaient en majorité des prêts à taux fixe.

En période de baisse des taux d'intérêt, lorsque l'écart entre les taux pratiqués pour les nouveaux prêts et les taux fixes pratiqués dans la période antérieure atteint environ deux points, et si la durée de l'amortissement restant à courir est de l'ordre de cinq à sept ans, les emprunteurs ont avantage soit à obtenir un réaménagement ou un rééchelonnement de leur dette auprès de l'établissement de crédit distributeur, soit à renégocier un nouveau prêt auprès d'un autre établissement de crédit et à rembourser le prêt initial par anticipation, le plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé, prévu par l'article L. 312-21 du Code de la consommation, étant de nature à favoriser le recours à la renégociation.

S'agissant des établissements prêteurs, pour qui le coût de la ressource demeure inchangé, le remboursement anticipé est générateur d'un manque à gagner.

Le 30 novembre 1993, le Conseil de la concurrence a décidé de se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier.

A la suite de cette saisine, le grief d'avoir mis en œuvre des pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce, sur le marché du crédit immobilier aux particuliers en constituant un " pacte de non-agression ", pacte tendant à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers de leur clientèle, et qui a conduit les organismes en cause à adopter des politiques commerciales similaires, a été notifié, le 18 octobre 1996, à la société anonyme Banque nationale de Paris, devenue la BNP Paribas, à la société anonyme Société Générale, à la société anonyme Crédit lyonnais, au groupement d'intérêt économique Centre national des caisses d'épargne et de prévoyant, aux droits de qui vient la société anonyme Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (ci-après la CNCEP), à la société anonyme Caisse d'épargne des Alpes, à la Fédération nationale du crédit agricole, à la société anonyme Caisse nationale du crédit agricole de la Loire-Atlantique (ci-après la CRCAM de la Loire-Atlantique), à l'association Confédération nationale du crédit mutuel et à l'association Fédération du crédit mutuel océan.

Par décision n° 00-D-28 du 19 septembre 2000, relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, le Conseil de la concurrence a :

- dit qu'il n'était pas établi que la Fédération nationale du Crédit agricole ait enfreint les dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (article 1er) ;

- dit qu'il était établi que la BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit lyonnais, la CNCEP, la Caisse d'épargne des Alpes, la CNCA, la CRCAM de la Loire-Atlantique, la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan avaient enfreint les dispositions dudit texte (article 2) ;

- infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

450 millions de francs à la CNCA ;

250 millions de francs à la BNP Paribas ;

250 millions de francs à la Société Générale ;

100 millions de francs au Crédit lyonnais ;

70 millions de francs à la CNCEP ;

10 millions de francs à Confédération nationale du crédit mutuel ;

8 millions de francs à la Caisse d'épargne des Alpes ;

6 millions de francs à la CRCAM de la Loire-Atlantique ;

500 000 F à la Fédération du crédit mutuel océan (article 3) ;

- dit que dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, les organismes visés à l'article 2 feront publier la seconde partie et le dispositif de celle-ci, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées, dans le quotidien Libération et dans le quotidien économique Les Echos, ladite publication devant être précédée de la mention : " Décision du Conseil de la concurrence n° 2000-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier " (article 4).

Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception en date du 19 septembre 2000.

LA COUR :

Vu les recours régulièrement formés, les 18, 19 ou 20 octobre 2000, par :

- la CNCA ;

- la Société Générale ;

- la BNP Paribas ;

- le Crédit lyonnais ;

- la Confédération nationale du crédit mutuel ;

- la Fédération du crédit mutuel océan ;

- la CRCAM de la Loire-Atlantique ;

- la CNCEP ;

- la Caisse d'épargne des Alpes ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la BNP Paribas, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :

A titre principal :

- d'annuler les articles 2, 3 et 4 de la décision du 19 septembre 2000 ;

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans Les Echos et Libération, aux frais du Conseil de la concurrence ;

- d'ordonner le remboursement des amendes perçues par le Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement.

A titre subsidiaire :

- de réformer l'article 3 en réduisant l'amende prononcée à l'encontre de la BNP Paribas et d'ordonner le remboursement de la différence par le Trésor public, avec intérêts au taux légal à compter du paiement de l'amende ;

- de réformer l'article 4 en modifiant la mention précédant la publication de la décision de la manière suivante : " Décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des prêts destinés à rembourser anticipativement des prêts immobiliers antérieurement contractés, en 1993 et 1994 ", et d'ordonner la publication de cette mention dans Libération et Les Echos, aux frais du Trésor public ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la Société Générale, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer nulle la saisine du Conseil de la concurrence et l'ensemble de la procédure subséquente, dont la décision attaquée ;

- subsidiairement, de dire non établie la participation de la Société Générale à une " entente nationale " constituée d'un " pacte de non-agression " qui aurait eu pour objet de permettre à la Société Générale de résister aux demandes de renégociation de ses clients ou de renégocier à des conditions plus défavorables pour le client ;

- encore plus subsidiairement, de juger non fondée et en tout cas disproportionnée la sanction pécuniaire infligée à la Société Générale et, par voie de conséquence, d'ordonner la restitution, avec intérêts au taux légal à compter du jour de paiement, des sommes indûment payées à ce titre ;

- d'ordonner au Conseil de la concurrence de faire publier à ses frais l'intégralité du présent arrêt, dans les quotidiens Libération et Les Echos ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens du Crédit lyonnais, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :

- de prononcer la nullité de la procédure pour les motifs suivants :

- insuffisance de la contradiction ;

- irrégularité de la saisine d'office du Conseil de la concurrence ;

- irrégularité de la demande d'enquête ;

- défaut de délai raisonnable de la procédure ;

- nullité des griefs notifiés et du rapport et, par voie de conséquence, nullité des notifications de ces actes administratifs ;

- absence de notification du rapport " aux ministres intéressés " ;

- violation du secret des délibérés,

- de prononcer la nullité de la décision du Conseil pour les motifs suivants :

- interdiction faite aux banques et notamment au Crédit lyonnais de répondre par écrit aux observations du commissaire du Gouvernement ;

- absence totale de débat sur les sanctions ;

- violation du secret des délibérés,

- d'écarter toute observation orale qui n'aurait pas fait l'objet d'une communication préalable sous forme écrite aux défenderesses ainsi que toute observation de l'autorité de première instance, un même organe ne pouvant être juge et partie,

- subsidiairement :

- de dire que l'entente alléguée ne s'est pas exercée au niveau national, le marché géographique à prendre en considération étant local ;

- de dire que la participation du Crédit lyonnais à l'entente reprochée n'est pas démontrée ;

- en tout état de cause, de dire que l'entente alléguée n'a pas eu d'effet sensible et n'a pas constitué un frein aux remboursements anticipés ou aux renégociations ;

- en conséquence, de n'infliger aucune sanction au Crédit lyonnais,

- très subsidiairement, de modérer la sanction en tenant compte de la faible part du Crédit lyonnais dans le secteur des prêts immobiliers ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la CNCEP, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour :

- à titre liminaire, d'écarter des débats l'ensemble des observations déposées par le Conseil de la concurrence dans la présente procédure,

- à titre principal :

- de dire que le Conseil de la concurrence n'était pas compétent pour se prononcer ;

- de dire que les poursuites sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre la CNCEP ;

- de dire que la décision est intervenue au terme d'une procédure d'enquête et d'instruction irrégulière, tant au regard des dispositions de droit interne qu'au regard de celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH) ;

- de dire que l'adoption d'une politique commerciale en réaction à une conjoncture économique défavorable visant à assurer la défense de ses propres intérêts commerciaux n'est pas en elle-même un acte anticoncurrentiel ;

- de dire en conséquence que les griefs retenus par la décision déférée à l'encontre de la CNCEP ne sont fondés ni en fait ni en droit ;

- de dire que cette décision ne respecte ni le principe de la personnalité des délits et des peines, ni l'assiette de la sanction, ni l'obligation de motivation individuelle des sanctions ;

- en conséquence, d'annuler ladite décision,

- à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée en ce qu'elle ne respecte pas les principes de proportionnalité et de non-discrimination de la sanction,

- de condamner l'Etat à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la Caisse d'épargne des Alpes, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :

- à titre principal :

- d'écarter des débats les observations orales et écrites qui pourraient être déposées devant la Cour par le Conseil de la concurrence ;

- de dire que la décision est intervenue au terme d'une procédure d'enquête et d'instruction irrégulière, tant au regard des dispositions de droit interne qu'au regard de celles de la CEDH ;

- de dire que l'adoption d'une politique commerciale en réaction à une conjoncture économique défavorable visant à assurer la défense de ses propres intérêts commerciaux n'est pas en elle-même un acte anticoncurrentiel ;

- de dire en conséquence que les griefs retenus par la décision déférée à l'encontre de la CNCEP ne sont fondés ni en fait ni en droit ;

- de dire que cette décision ne respecte pas l'obligation de motivation individuelle des sanctions ;

- en conséquence, d'annuler ladite décision ;

- à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée en ce qu'elle ne respecte pas les principes de proportionnalité et de non-discrimination de la sanction ;

- de condamner l'Etat à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la Confédération nationale du crédit mutuel, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour, à titre principal, d'annuler la décision déférée et, subsidiairement, de la réformer ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la Fédération du crédit mutuel océan, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la cour, à titre principal, d'annuler la décision déférée et, subsidiairement, de la réformer ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la CNCA, déposé le 20 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :

- à titre principal, d'annuler la décision déférée ;

- subsidiairement, de la réformer et de dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer quelque sanction que ce soit à son encontre ;

- en conséquence, d'ordonner le remboursement à la CNCA de l'amende qu'elle a payée et de condamner le ministre chargé de l'économie à lui payer le montant des frais de publication encourus en exécution de la décision ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la CRCAM de la Loire-Atlantique, déposé le 24 novembre 2000, dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, par lequel cette partie demande à la Cour :

- à titre principal, d'annuler la décision déférée et l'ensemble de la procédure depuis la saisine d'office, ou à tout le moins depuis la demande d'enquête ;

- à titre subsidiaire, d'annuler ladite décision en ce qu'elle a considéré à tort que la CRCAM de la Loire- Atlantique avait enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- à titre infiniment subsidiaire, de la réformer et de réduire le montant de la sanction pécuniaire à un montant en relation avec le caractère ponctuel des faits reprochés à la CRCAM de la Loire-Atlantique ;

Vu les observations déposées le 19 janvier 2001 par le Conseil de la concurrence ;

Vu les observations déposées le 19 janvier 2001 par le ministre chargé de l'économie, tendant au rejet des recours ;

Vu les mémoires en réponse déposés le 23 février 2001 par :

- la CNCA ;

- la Confédération nationale du crédit mutuel ;

- la Fédération du crédit mutuel océan ;

- la BNP Paribas ;

- la CNCEP ;

- la Caisse d'épargne des Alpes ;

- la CRCAM de la Loire-Atlantique ;

- la Société Générale ;

- le Crédit lyonnais ;

Ouï, à l'audience du 11 septembre 2001, les conseils des requérants en leurs plaidoiries, le représentant du ministre en ses observations, le ministère public en ses conclusions tendant au rejet des recours, préalablement mises à la disposition des parties, les requérants ayant eu la parole en dernier ;

Sur ce :

Sur demande du ministre tendant au rejet de certaines pièces :

Considérant que le ministre chargé de l'économie demande à la Cour, aux termes de ses observations déposées conformément aux dispositions de l'article 9, alinéa 2, du décret n° 87-849 du 19 décembre 1987, d'écarter des débats certaines pièces produites par la BNP Paribas, la CNCA, la Société Générale et la Caisse d'épargne des Alpes au motif que ces pièces n'étaient pas mentionnées dans la liste jointe aux déclarations de recours de ces requérantes ;

Mais considérant que les pièces visées par les observations du ministre - dont certaines ont, au demeurant, un caractère public - ont été jointes aux exposés des moyens déposés par les requérantes ci-dessus mentionnées dans le délai visé à l'article 2-3°, du décret précité ; qu'elles sont en conséquence recevables ;

Sur les observations du Conseil de la concurrence devant la Cour :

Considérant que, faisant valoir que l'intervention du Conseil de la concurrence dans une procédure ayant pour objet de contester le bien-fondé de ses décisions est contraire aux dispositions de la CEDH, la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes demandent à la Cour d'écarter des débats l'ensemble des observations déposées par le Conseil de la concurrence dans la présente procédure ; que le Crédit lyonnais forme la même demande ;

Mais considérant qu'il résulte de l'article 9, alinéa 1er, du décret du 19 décembre 1987 que le Conseil de la concurrence n'est pas partie à l'instance devant la Cour et que s'il a la faculté de présenter des observations écrites, portées par le greffe à la connaissance des parties, l'exercice de cette faculté ne porte pas atteinte au droit des entreprises poursuivies à un procès équitable dès lors que les intéressés disposent eux-mêmes [de] la faculté, dont ils ont usé en l'espèce, de répliquer, par écrit et oralement, aux observations de cette autorité administrative ;

I. - Sur les moyens tendant à l'annulation de la décision :

1. Sur la saisine du Conseil de la concurrence :

Considérant qu'aux termes de l'article 11, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 462-5 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence peut se saisir d'office ;

Considérant qu'une telle décision a été prise le 30 novembre 1993 ; qu'après avoir visé l'ordonnance précitée, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application, ainsi que la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, et notamment son article 89, et indiqué que le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement avaient été entendus, ladite décision énonce que le Conseil de la concurrence " se saisit d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier " ; qu'il est précisé : " Délibéré sur le rapport oral de M. Bernard Thouvenot, par M. Barbeau, président, MM. Jenny et Cortesse, vice-présidents " ; que cette décision est signée par le rapporteur général et le président du Conseil de la concurrence ;

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent que la commission permanente n'est pas investie du pouvoir de prendre une décision de saisine d'office dès lors que ses attributions sont limitativement énumérées par la loi et le décret précité, auxquels il ne peut être dérogé par le règlement intérieur du Conseil ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article L. 461-3 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente et que les dispositions conférant à la commission permanente certaines attributions n'ont ni pour objet ni pour effet de restreindre à ces attributions la compétence de cette dernière ; que c'est donc sans excéder ses pouvoirs que la commission permanente a pris, au nom du Conseil, la décision susvisée ;

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan font aussi valoir que, n'étant pas motivée et n'ayant pas été notifiée aux parties mises en cause, la décision de saisine d'office, qui leur fait grief, ne respecte pas l'exigence d'impartialité rappelée à l'article 6 de la CEDH ; que la Société Générale soutient que l'absence totale de motivation de l'acte de saisine, de référence à des qualifications précises ou à des pièces et faits précis, entache de nullité tant cet acte que la procédure subséquente ; que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes font observer que la procédure de saisine d'office a méconnu les exigences d'impartialité et de respect des droits de la défense en ne permettant pas aux personnes concernées de prendre connaissance de l'existence et du contenu de cette saisine ;

Mais considérant que la décision du 30 novembre 1993 a eu pour seul objet d'ouvrir la procédure devant le Conseil de la concurrence afin que puissent être conduites les investigations pouvant servir de base à la notification ultérieure de griefs, sans qu'à ce stade aucun fait ne puisse être qualifié ni aucune pratique anticoncurrentielle imputée à quiconque ; qu'une telle décision, qui ne constitue pas une décision administrative individuelle entrant dans les prévisions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, n'est pas soumise à l'obligation de motivation et de notification et que l'absence de motivation ne caractérise, en l'espèce, aucune atteinte à la règle d'impartialité inhérente au droit à un procès équitable ;

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent encore que la présence du rapporteur au délibéré du 30 novembre 1993 est contraire aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH ; que telle est aussi l'analyse du Crédit lyonnais, qui relève que l'acte de saisine est un acte qui fait grief, dès lors notamment que la saisine est le préalable à la mise en œuvre des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et que M. Thouvenot, présent en violation de la règle du secret du délibéré, a pu influencer la décision du Conseil de la concurrence, d'autant plus que ce rapporteur a été ultérieurement désigné pour instruire l'affaire ; que la Société Générale fait valoir que l'acte de saisine est nul du fait de la participation irrégulière - y compris au délibéré - d'une personne, en l'occurence M. Thouvenot, dénuée de toute qualité puisque sa nomination en tant que rapporteur est postérieure audit acte et que cette irrégularité entache également de nullité la désignation ultérieure du rapporteur, celui-ci ayant déjà exprimé une opinion sur le fond avant même sa désignation ; que la CNCA expose que c'est une formation dépourvue d'existence légale qui a décidé de la saisine d'office du fait de la participation à cette formation de deux personnes n'appartenant pas à la commission permanente, et n'ayant aucun titre à y participer, à savoir, d'une part, M. Thouvenot, qui a participé à la séance et développé des observations orales bien qu'il ne fût pas encore désigné comme rapporteur et, d'autre part, le commissaire du Gouvernement ; que selon la CNCA, cette double irrégularité, outre qu'elle fonde l'incompétence de l'organe ayant décidé la saisine, révèle un manquement au principe d'impartialité ; que la CRCAM de la Loire-Atlantique soutient, quant à elle, qu'une première irrégularité tient à ce que M. Thouvenot n'avait aucune qualité pour présenter un rapport à la commission permanente et une seconde au fait qu'il a participé au délibéré ;

Mais considérant, d'une part, que selon les mentions de la décision de saisine d'office du 30 novembre 1993 celle-ci a été prise par le Conseil de la concurrence, après délibéré du président et des deux vice-présidents composant la commission permanente du Conseil, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans sa rédaction alors applicable ;

Considérant, d'autre part, que le Conseil de la concurrence a justement retenu qu'aucun texte ne faisait obstacle à ce qu'il demande à un rapporteur permanent - en l'espèce M. Bernard Thouvenot - de rassembler des éléments lui permettant d'apprécier l'intérêt qu'il pouvait y avoir à se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier et à ce que ce rapporteur présente des observations orales devant la commission permanente appelée à se prononcer sur ce point ;

Considérant, encore, que l'audition du commissaire du Gouvernement, sur cette même question, lors de la séance du Conseil n'affecte pas la validité de la décision de la commission permanente, étant observé que, contrairement à ce que soutient la CNCA, il ne résulte ni des énonciations de cette décision, ni d'aucun autre élément que le commissaire du Gouvernement a participé au délibéré.

Considérant, enfin, que le fait que M. Thouvenot ait assisté au délibéré de la commission permanente n'affecte pas davantage la validité de la décision du 30 novembre 1993 dès lors que celle-ci s'est bornée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à ouvrir la procédure afin qu'il puisse être ultérieurement procédé aux investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil estimait devoir se saisir, peu important que M. Thouvenot, qui n'avait alors procédé à aucun acte d'instruction, ait été, une fois le Conseil saisi, régulièrement désigné pour l'examen de l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que la BNP Paribas soutient, de son côté, que faute d'éclaircir pleinement les circonstances de son auto-saisine, notamment en expliquant comment il est entré en possession d'une circulaire interne au Crédit commercial de France, visée dans la décision n° 93-DE-07 du 30 novembre 1993 portant demande d'enquête à la DGCCRF et en précisant quels étaient les courriers de consommateurs sur " lesquels il se serait basé pour prendre sa décision " de saisine d'office, le Conseil s'expose à l'annulation de l'ensemble de la procédure ;

Mais considérant qu'aucune disposition n'impose au Conseil de la concurrence de rendre compte des circonstances dans lesquelles il a estimé opportun d'exercer le pouvoir de se saisir d'office que la loi lui reconnaît afin, notamment, de le mettre en mesure de donner sa propre orientation à la politique de la concurrence ;qu'au surplus, rien ne permet de considérer que les éléments visés par le moyen ont été obtenus illicitement ;

2. Sur la demande d'enquête :

Considérant que le Crédit lyonnais soutient que la procédure est, à cet égard, viciée à un double titre : d'une part, le président du Conseil de la concurrence a désigné le rapporteur postérieurement à la demande d'enquête, d'autre part, les orientations de l'enquête ont été définies par le Conseil lui-même ou par un rapporteur non désigné au sens de l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il ajoute qu'à supposé M. Thouvenot régulièrement désigné, sa participation au délibéré de la décision de demande d'enquête, laquelle lui fait grief, puisqu'elle le vise implicitement, l'enquête portant sur tous les réseaux bancaires, entache ladite décision d'irrégularité ;

Que la CNCA fait valoir qu'il ressort sans ambiguïté de la lettre adressée le 3 décembre 1993 par le président du Conseil de la concurrence au directeur général de la DGCCRF que le Conseil de la concurrence ou son président demande à ce dernier de mettre en œuvre les pouvoirs d'investigation exorbitants prévus à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que pourtant ni le Conseil de la concurrence ni son président ne disposent du pouvoir de déterminer les modalités de l'enquête administrative, ce choix relevant de la seule compétence de l'autorité chargée de l'enquête ; qu'il s'ensuit que la décision de demande d'enquête est irrégulière et qu'il y a lieu d'annuler la décision entreprise, laquelle repose sur des pièces irrégulièrement obtenues ; que la CNCA ajoute que rien ne permet de déterminer que le rapporteur désigné est l'auteur de la fiche intitulée : " note relative à une demande d'enquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier ", jointe à la demande d'enquête n° 93-DE-07 en date du 30 novembre 1993, adressée le 3 décembre 1993 au directeur de la DGCCRF ; que cette partie observe, sur ce point, qu'en l'absence, contraire aux dispositions de l'article L. 450-2 du Code de commerce, de procès-verbal de transmission de document, l'attestation en date du 2 avril 1999 par laquelle M. Thouvenot déclare être l'auteur de la note d'orientation qui a été jointe à la délibération du Conseil de la concurrence portant sur une demande d'enquête devait - et ne peut - qu'être écartée des débats, de sorte que la cour ne trouvant pas dans le dossier la preuve que les investigations demandées par le président du Conseil de la concurrence faisaient suite à une demande du rapporteur ne pourra qu'annuler la totalité de la procédure ;

Que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes considèrent, pour leur part, que la concomitance et l'imprécision des actes de procédure accomplis le 30 novembre 1993 font peser un doute sérieux sur le respect des compétences respectives du rapporteur et du Conseil en matière d'enquête ; qu'en particulier l'on ne peut s'assurer que le Conseil n'a pas outrepassé sa compétence en matière de demande d'enquête et ne s'est pas substitué au rapporteur ; que la CRCAM de Loire-Atlantique fait valoir que les orientations de l'enquête ont été irrégulièrement définies par le Conseil de la concurrence ;

Mais considérant que, par une décision n° 93-DE-07 en date du 30 novembre 1993, portant la mention " délibéré sur le rapport oral de M. Bernard Thouvenot, par M. Barbeau, président, MM. Jenny et Cortesse, vice-présidents ", le Conseil a demandé au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de faire procéder sans délai à l'enquête dont l'objet est indiqué par ladite décision ; que, par lettre du 3 décembre 1993, le président du Conseil de la concurrence a transmis ladite décision au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en précisant que celle-ci était " susceptible de permettre la mise en œuvre des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ; qu'à cette lettre, laquelle indiquait que M. Thouvenot avait été désigné comme rapporteur, était jointe une note " relative à une demande d'enquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier ", énumérant les diligences attendues des enquêteurs ;

Et considérant, d'abord, que les visites et saisies prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 450-4 du Code de commerce, ne pouvaient, selon les dispositions de ce texte, dans leur rédaction applicable en la cause, laquelle ne méconnaissait pas les exigences de l'article 6 de la CEDH, être autorisées que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'Economie ou le Conseil de la concurrence et que, dans ce second cas, la décision était prise par le Conseil délibérant collégialement ;

Considérant, ensuite, que si l'article 50 de l'ordonnance précitée, devenu l'article L. 450-6 du Code de commerce, attribue au rapporteur le pouvoir de définir les orientations de l'enquête, le rapporteur a bien exercé ce pouvoir en l'espèce ;

Considérant, sur ce point, d'une part, que M. Thouvenot a été désigné le 30 novembre 1993, conformément aux dispositions du texte précité, pour rapporter l'affaire dont le Conseil s'était saisi d'office le même jour et que cette désignation a précédé la décision n° 93-DE-07, ainsi que cela résulte des mentions de ladite décision, laquelle énonce que " pour procéder à l'instruction de cette saisine, une enquête est nécessaire afin de recueillir les éléments jugés utiles par le rapporteur " et indique que celui-ci a été entendu par les membres de la commission permanente, de qui émane la décision n° 93-DE-07 ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de ces mêmes énonciations, qu'aucun élément ne permet de mettre en doute, que M. Thouvenot a lui-même défini les diligences demandées aux enquêteurs ; qu'en effet, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision n° 93-DE-07 constate qu'une enquête est nécessaire " afin de recueillir les éléments jugés utiles par le rapporteur ", ce qui implique que ce dernier a estimé qu'il y avait lieu de procéder à une enquête et déterminé les orientations de celle-ci, étant observé que le Conseil s'est contenté, comme le relèvent la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes (exposé des moyens p. 14 et p. 12), de reproduire, dans sa décision, partie des termes de la note d'orientation ; qu'au demeurant il est encore, et surabondamment, établi, par l'attestation signée par M. Thouvenot le 2 avril 1999, régulièrement versée au dossier et annexée au rapport, que ce dernier est bien l'auteur de la note relative à une demande d'enquête sur les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit immobilier, note transmise, avec la délibération portant demande d'enquête, au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil de la concurrence n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tenait des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en prenant une décision de nature à conduire à la mise en œuvre des modes d'investigation prévus par ce texte, sans porter atteinte aux attributions appartenant en propre au rapporteur ou à l'autorité chargée de l'enquête ;

Considérant, par ailleurs, qu'à le supposer établi, le fait que M. Thouvenot, qui a sollicité l'enquête et défini ses orientations, ait assisté au délibéré de la commission permanente ayant abouti à la décision n° 93-DE-07 du 30 novembre 1993 est sans incidence sur la validité de celle-ci ;

3. Sur le cumul des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement :

Considérant que la CRCAM de la Loire-Atlantique soutient qu'après s'être saisi d'office, le Conseil de la concurrence a lui-même défini, dans la demande d'enquête, les orientations de l'enquête, qu'il a donc agi à l'origine de la procédure comme un organe de poursuite et d'instruction et que cette confusion des actes de poursuite, d'instruction et de jugement, contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, vicie toute la procédure ;

Que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes relèvent que le Conseil de la concurrence ayant délibéré en vue de permettre la mise en œuvre des enquêtes sous contrôle judiciaire et sanctionné les faits constatés, c'est la même autorité qui a détenu les pouvoirs d'instruction et de jugement et ce en violation du droit à un procès équitable ;

Mais considérant, en premier lieu, que l'affirmation de la CRCAM de la Loire-Atlantique selon laquelle le Conseil de la concurrence a lui-même défini les orientations de l'enquête manque par le fait qui lui sert de base ;

Considérant, en second lieu, que le cumul au sein du Conseil de la concurrence des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement n'est pas, en soi, contraire aux exigences inhérentes au droit à un procès équitable ; qu'il y a lieu de rechercher si, compte tenu des modalités concrètes de mise en œuvre de ces attributions, ce droit a été ou non méconnu ;

Considérant, en l'espèce, que si le Conseil de la concurrence a, dans les conditions ci-dessus rappelées, décidé de se saisir d'office et formulé une demande d'enquête - afin que les méthodes d'investigation prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce puissent, le cas échéant, être mises en œuvre sur autorisation de l'autorité judiciaire - il n'est intervenu d'aucune autre manière pendant le cours de l'instruction et aucun des membres du Conseil ayant pris part au délibéré des deux décisions prises le 30 novembre 1993 n'a siégé lorsque le Conseil a, le 9 mai 2000, examiné si les pratiques dont il était saisi entraient dans le champ des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ;

Considérant, dès lors, que les critiques ci-dessus rappelées sont dénuées de fondement ;

4. Sur la consultation de la Commission bancaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 " le Conseil de la concurrence communique aux autorités administratives énumérées en annexe du présent décret toute saisine entrant dans le champ de sa compétence. Ces autorités disposent d'un délai de deux mois pour faire part de leurs observations éventuelles. Celles-ci sont jointes au dossier " ; que la Commission bancaire est l'une des autorités énumérées en annexe du décret susvisé ;

Considérant que l'article 89, alinéa 2, de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, dans sa rédaction issue de l'article 62 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999, dispose que les articles 7 à 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent aux établissements de crédit pour leurs opérations de banque et les opérations connexes à leur activité, que les infractions à ces dispositions sont poursuivies dans les conditions fixées par les titres III et VI de ladite ordonnance et que la notification de griefs prévue à l'article 21 est communiquée à la Commission bancaire qui rend son avis dans un délai de deux mois ;

Considérant que, par lettre en date du 27 novembre 1998, la présidente du Conseil de la concurrence a transmis au président de la Commission bancaire " copie de la saisine d'office du Conseil de la concurrence ainsi que de la notification de griefs élaborée par le rapporteur " ; que l'avis délibéré par la Commission bancaire, en date du 28 janvier 1999, a été annexé au rapport ;

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan soutiennent que l'obligation de communication prévue par l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 s'applique à la saisine et que celle à laquelle a procédé le Conseil de la concurrence, cinq ans après la saisine, est tardive ; que ces requérantes ajoutent que l'avis émis par la Commission bancaire aurait dû être joint au dossier ouvert à la consultation des parties, dans le délai de deux mois suivant la notification des griefs ; qu'elles font encore valoir qu'il est permis de s'interroger sur la teneur exacte de la lettre de transmission du 27 novembre 1998, ce document n'ayant pas été joint au rapport ; que la BNP Paribas relève que la Commission bancaire devait, en application du décret du 29 décembre 1986, être informée de l'acte de saisine et ce en temps utile, ce qui n'a pas été le cas ; que la Société Générale fait grief au Conseil de la concurrence de ne pas avoir consulté la Commission bancaire dès la saisine, comme l'exigeait le décret précité, d'avoir manqué à l'obligation de loyauté en s'abstenant de remettre à la Commission bancaire les observations des parties sur la notification des griefs et d'avoir manqué au respect du contradictoire en s'abstenant de faire figurer en annexe du rapport sa demande d'avis ; que la CNCA fait valoir qu'en vertu de l'article 16 du décret du 29 octobre 1986 le document à transmettre à l'autorité consultée était la " saisine " du Conseil de la concurrence, ce qui emportait des conséquences en termes de délai de transmission, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes formes de saisine du Conseil, et que cette violation du texte précité a porté atteinte aux droits de la défense, les entreprises en cause n'ayant pu prendre connaissance de l'avis de la Commission bancaire dès le stade de la notification des griefs ; que la CRCAM de la Loire-Atlantique fait également valoir que l'obligation de communication pesant sur le Conseil de la concurrence en vertu de l'article 16 du décret du 29 décembre 1986, non abrogé par l'article 62 de la loi du 25 juin 1999, porte sur la saisine et expose que l'inobservation de cette formalité substantielle affecte la validité de la procédure ; que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes font pareillement valoir que la demande d'avis adressée à la Commission bancaire méconnaît, à raison de son caractère tardif, les prescriptions du décret du 29 décembre 1986 ; qu'elles ajoutent qu'il en est résulté une atteinte aux droits de la défense " dans la mesure où la Commission bancaire n'a pas été mise à même de jouer pleinement son rôle " ;

Mais considérant, d'une part, que l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 ne précise pas le moment auquel la saisine doit être communiquée à l'autorité administrative concernée et n'impose donc pas que l'avis de cette dernière, tenue de faire part de ses observations éventuelles dans un délai de deux mois, soit sollicité dès le stade de la saisine du Conseil de la concurrence ; qu'il suffit que cette disposition soit mise en œuvre dans des conditions compatibles avec le respect du caractère contradictoire de la procédure devant le Conseil de la concurrence ; que c'est donc sans violer le texte précité, alors même que l'article 89 de la loi du 24 janvier 1984 n'avait pas été modifié par l'article 62 de la loi du 25 juin 1999, que le Conseil a estimé, en l'espèce, qu'il convenait de transmettre à la Commission bancaire, outre l'acte de saisine, dont il avait pris l'initiative, la notification des griefs, document propre à favoriser l'émission d'un avis éclairé par cette autorité, et qu'il n'a pas porté atteinte aux droits de la défense en procédant à cette formalité le 27 novembre 1998 dès lors que celle-ci a été accomplie avant la notification du rapport, accompagné des observations de la Commission bancaire ;

Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition ou principe général du droit ne fait obligation au Conseil de la concurrence de communiquer à l'autorité consultée les observations présentées par les parties à la suite de la notification des griefs ;

Considérant, enfin, qu'aucune atteinte aux droits de la défense ne résulte du défaut d'annexion au rapport du courrier du 27 novembre 1998 par laquelle la présidente du Conseil de la concurrence s'est bornée à solliciter les observations de la Commission bancaire en application des dispositions de l'article 16 du décret du 29 décembre 1986 sur le dossier objet de la saisine du 30 novembre 1993, en précisant qu'étaient jointes à la lettre " copie de la saisine d'office du Conseil de la concurrence ainsi que de la notification des griefs élaborée par le rapporteur ", étant ici observé que la lettre du président de la Commission bancaire, en date du 28 janvier 1999, annexée au rapport, par laquelle se trouvent exprimées les observations de l'autorité ainsi consultée, contient un résumé fidèle de la teneur du courrier du 27 novembre 1998 et que le rapporteur ne s'est pas fondé sur ce dernier document ;

5. Sur la violation du principe de la contradiction :

Considérant que la BNP Paribas et la CNCA font grief au Conseil d'avoir invoqué à l'appui de sa décision des courriers de consommateurs alors que la notification des griefs n'y fait pas référence et que ces documents ne sont pas annexés au rapport, de sorte que, leur attention n'ayant jamais été appelée sur lesdits documents, les entreprises en cause n'ont pas été mises en mesure de les discuter ;

Mais considérant que la teneur des lettres ou déclarations de consommateurs visées par la décision déférée (pages 14, 15 et 34) est analysée dans le corps du rapport d'enquête, lequel, de surcroît, en reproduit les passages essentiels, dont tous ceux cités dans la décision du Conseil, que le rapport d'enquête est annexé au rapport visé à l'article L. 463-2 du Code de commerce (rapport, annexe B, pages 79 à 189, et spécialement pages 174 à 176), que ces documents sont en outre annexés au rapport d'enquête (cotes 3349 à 3362), que ledit rapport et ses annexes figuraient dans le dossier ouvert à la consultation des parties destinataires de la notification des griefs, que la Caisse d'épargne des Alpes a fait état des " huit plaintes de consommateurs " dans ses observations sur la notification des griefs et que le rapport fait référence à ces pièces tant dans son analyse des observations de la Caisse d'épargne des Alpes (p. 18) que dans sa réponse à celles-ci (p. 43) ;

Considérant, dès lors, que la BNP Paribas et la CNCA ne sont pas fondées à soutenir que la prise en considération des pièces susvisées par le Conseil de la concurrence caractérise une atteinte aux droits de la défense ;

Considérant que le Crédit lyonnais soutient que les banques n'ont pas été en droit de répondre aux observations du commissaire du Gouvernement, lequel a pour la première fois évoqué les sanctions et qu'aucun débat n'a eu lieu sur l'assiette à prendre en considération pour la fixation des amendes non plus que sur le dommage causé à l'économie par les pratiques reprochées ; qu'il ajoute que devant le Conseil de la concurrence les droits de la défense s'exercent de manière très parcimonieuse, qu'il n'existe aucune " égalité des armes " entre les organes de poursuite et les entreprises en cause, qu'il n'a pu se défendre efficacement eu égard à l'ampleur du dossier et que l'absence d'une contradiction suffisante doit emporter l'annulation de l'ensemble de la procédure ;

Mais considérant, en premier lieu, qu'en déposant, le 6 décembre 1999, des observations écrites sur le rapport, le commissaire du Gouvernement a fait connaître son opinion sur les différents aspects du dossier, notamment sur les sanctions encourues ; que les parties ont ainsi été mises à même de tenir compte, lors de la séance du Conseil, laquelle a eu lieu le 9 mai 2000, de ces observations, qui ne sont pas assimilables à l'énoncé de griefs ouvrant droit à la présentation d'observations en réponse ;

Considérant, en deuxième lieu, que, répondant le 18 février 2000 à une demande en date du 3 février 2000, par laquelle le rapporteur l'invitait à lui faire parvenir les éléments relatifs au chiffre d'affaires du dernier exercice clos, accompagné des bilans et comptes de résultat, le Crédit lyonnais a transmis les données relatives à l'exercice clos le 31 décembre 1998 ; que, répondant à une nouvelle demande du 9 mars 2000, cet établissement de crédit a transmis au rapporteur les produits de l'exercice clos le 31 décembre 1999 ; qu'ayant ainsi elle-même communiqué les éléments financiers soumis à l'examen du Conseil de la concurrence pour la détermination de l'assiette de la sanction pécuniaire, la société Crédit lyonnais ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance, sous ce rapport, du principe du contradictoire ;

Considérant, enfin, que les dispositions légales régissant la procédure devant le Conseil de la concurrence, dont les décisions subissent, en droit et en fait, le contrôle d'un organe offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens de l'article 6 de la CEDH, ont permis au Crédit lyonnais, comme aux autres parties, d'accéder à l'intégralité du dossier, de faire valoir les moyens et de produire des pièces que cette entreprise jugeait appropriés à la défense de ses intérêts ; qu'elle avait ainsi la faculté de soulever le moyen tiré de l'absence de dommage à l'économie ;

Qu'il s'ensuit qu'aucune des critiques articulées, de ce chef, par le Crédit lyonnais n'est fondée ;

6. Sur le délai raisonnable :

Considérant que le Crédit lyonnais, faisant valoir que la procédure, qui a durée près de sept ans, n'a pas été diligentée dans un délai raisonnable, conclut, pour ce motif, à son annulation ;

Mais considérant que, devrait-il être admis, ce qui n'est pas le cas, eu égard à la nature et à la complexité de l'affaire, qu'un tel délai est excessif au regard des exigences inhérentes au droit à un procès équitable, la sanction attachée à ce constat ne serait pas l'annulation de la décision déférée, non plus que sa réformation, mais la réparation du préjudice qui aurait été subi à raison de la durée anormale de la procédure :

7. Sur la violation du " principe d'authentification des actes juridictionnels " :

Considérant que le Crédit lyonnais fait valoir que l'authentification des actes des autorités chargées de mettre en œuvre le droit de la concurrence constitue une formalité substantielle et qu'en l'espèce ni la notification des griefs ni le rapport ne sont datés et signés par leur rédacteur ; que le requérant en déduit que ces actes administratifs sont nuls et qu'il en est également ainsi, par voie de conséquence, de leur notification par le président du Conseil de la concurrence ;

Mais considérant, d'abord, que le Crédit lyonnais rappelle lui-même que la notification des griefs est intervenue " le 18 octobre 1996 " (exposé des moyens p. 8, alinéa 5) et que le rapport a été notifié le " 5 octobre 1999 " (exposé des moyens p. 4), ce dont il résulte que cette partie, qui ne conteste avoir bénéficié des délais visés à l'article L. 463-2 du Code de commerce, ne peut utilement se faire un grief du défaut de mention de leur date sur les actes dont s'agit ;

Considérant, ensuite, que la mention portée en première page de ces actes, selon laquelle ils ont été " établi(s) par M. Bernard Lavergne, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence ", mention que rien ne vient contredire, suffit à établir que lesdits actes sont bien imputables à M. Lavergne, désigné le 9 mai 1994 par le président du Conseil de la concurrence, en remplacement de M. Thouvenot, pour instruire le dossier F. 637 relatif à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier ;

8. Sur l'absence de notification du rapport aux ministres intéressés :

Considérant que le Crédit lyonnais expose que l'absence de notification du rapport aux ministres intéressés, " en l'occurrence au moins le ministre de l'économie et des finances et/ou le ministre chargé de la consommation ", soit vicie la notification du rapport, soit constitue une violation des droits de la défense et que, dans les deux cas, la procédure est nulle ;

Mais considérant que les ministres cités par ce requérant n'ont pas, en l'espèce, la qualité de ministre intéressé au sens de l'article L. 463-2 du Code de commerce ; qu'en effet les pratiques anticoncurrentielles imputées aux personnes morales de droit privé en cause n'ont pas à être examinées au regard de textes dont la mise en œuvre relèverait de la mission propre du ministre chargé de l'économie ou de celui chargé de la consommation et que l'avis de ces derniers ou la fourniture d'éléments d'information qu'ils seraient seuls à détenir ne sont pas nécessaires à l'appréciation de la licéité ou de l'effet des pratiques litigieuses ; qu'il s'ensuit qu'aucune nullité ne saurait résulter du défaut de notification du rapport auxdits ministres ;

9. Sur la violation du principe d'impartialité par le rapporteur du Conseil de la concurrence :

Considérant que la BNP Paribas fait valoir que l'instruction devant le Conseil de la concurrence a été conduite en méconnaissance du principe ci-dessus visé dès lors que le rapporteur, tenu d'instruire à charge et à décharge, a systématiquement ignoré les éléments à décharge figurant au dossier et que ce comportement a exercé une influence sur la décision du Conseil ;

Mais considérant que la BNP Paribas ne rapporte pas la preuve de ses allégations ; que cette argumentation est, au demeurant, inopérante dès lors que cette entreprise ayant acquis la qualité de partie en cause à compter de la notification des griefs, il lui était loisible de soumettre à l'examen du Conseil de la concurrence les moyens et les pièces qu'elle estimait utiles à la défense de ses intérêts et que cette faculté lui a, à nouveau, été ouverte à la suite de l'exercice d'un recours en annulation et réformation devant la cour d'appel de Paris ;

Qu'il y a lieu, par les mêmes motifs, de rejeter la demande de la CNCA tendant à l'annulation de l'ensemble de la procédure à raison du prétendu manquement à l'impartialité qu'aurait commis le rapporteur en soumettant au précédent rapporteur, M. Thouvenot, aux fins de simple signature, un texte dactylographié pré-rédigé, lui " suggérant " ainsi sa réponse sur les circonstances ayant entouré la rédaction de la note jointe à la demande d'enquête du 30 novembre 1993 ; qu'au demeurant, M. Thouvenot s'est nécessairement approprié les termes de ce document en y apposant sa signature, non contestée ;

10. Sur l'article 625 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant que, par ordonnance du 22 mai 1995, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a, dans le cadre de l'enquête demandée le 30 novembre 1993 par le Conseil de la concurrence, autorisé des agents de la DGCCRF, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux de 9 sociétés bancaires à 12 adresses distinctes, dont 3 dans son ressort ; que le président du tribunal de grande instance de Rodez, saisi sur commission rogatoire, ayant par ordonnance du 13 juin 1995, désigné deux officiers de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les lieux situés dans son ressort, la Cour de cassation a, par arrêt du 10 février 1998, partiellement annulé ladite ordonnance ;

Considérant que la BNP Paribas soutient que le Conseil a fait une application erronée des dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile en se bornant à écarter, au stade de la décision, les pièces irrégulièrement saisies ; qu'en effet, le rapporteur n'a tenu aucun compte de l'arrêt du 10 février 1998 alors que la cassation replaçant les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé, l'application du texte précité devait conduire, selon elle, à la rédaction d'une nouvelle notification des griefs suivie d'un nouvel accès au dossier ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce " un ou plusieurs officiers de police judiciaire " sont chargés d'assister aux opérations de visite et de saisie et de tenir informé de leur déroulement le juge qui les a autorisées ; que le président du tribunal de grande instance de Rodez a, par ordonnance du 13 juin 1995, désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie, d'une part, M. Regourd, d'autre part, M. Capelle, ce dernier étant inspecteur principal de police au commissariat de Rodez ;

Et considérant que l'ordonnance du 13 juin 1995 a été cassée sans renvoi " mais seulement en ce qu'elle a désigné M. Regourd comme officier de police judiciaire " ; qu'elle est en conséquence devenue irrévocable en sa disposition portant désignation de M. Capelle, lequel, selon les énonciations du procès-verbal de visite et de saisie en date du 15 juin 1995, a assisté aux opérations que celui-ci relate ; qu'il s'ensuit que la cassation partielle prononcée le 10 février 1998 n'a pas emporté, quant à la régularité des opérations litigieuses, les conséquences que la BNP Paribas croit pouvoir y attacher ;

Considérant, en toute hypothèse, qu'ayant décidé d'écarter tous les documents saisis sur le fondement de l'ordonnance visée par l'arrêt du 10 février 1998 et d'apprécier le bien-fondé du grief notifié aux entreprises en cause à la lumière des autres éléments de preuve figurant au dossier, le Conseil de la concurrence ne saurait encourir le grief de violation de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

11. Sur les prétendus vices de motivation :

Considérant que la BNP Paribas soutient que constitue une " violation des formes substantielles " le défaut d'indication de la nature et de la durée de l'infraction dans le dispositif de la décision du 19 septembre 2000 et que les contradictions et, dans certains cas, les absences totales de motifs qui émaillent ladite décision doivent conduire à son annulation, que la CNCA soutient que le Conseil n'a pas motivé la sanction prononcée et que la CNCEP comme la Caisse d'épargne des Alpes font valoir qu'il n'a pas été satisfait aux exigences de motivation individuelle de la sanction ; que la Société Générale soutient que le Conseil s'est abstenu de définir le marché pertinent ; que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes soutiennent, en outre, que la décision déférée doit être annulée car elle est, selon ces parties, entachée d'erreur de droit et de violation de la loi quant à la définition du marché, la preuve d'une collusion entre les entreprises poursuivies, la démonstration d'un effet anticoncurrentiel et l'assiette de la sanction ;

Mais considérant d'abord qu'aucun texte n'impose au Conseil de la concurrence, à peine de nullité de sa décision, de rappeler dans le dispositif de celle-ci, lequel est éclairé par les motifs qui précèdent, la " nature " et la " durée " de la pratique anticoncurrentielle que le Conseil tient pour établie ;

Considérant, ensuite, que la décision n° 2000-D-28 du 19 septembre 2000 contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, y compris quant aux sanctions, et que, sous couvert de griefs non fondés de défaut ou de contradiction de motifs, les requérantes discutent le bien-fondé des analyses et appréciations du Conseil, ce qui ne saurait conduire à l'annulation de sa décision ;

II. - Sur les moyens tendant à la réformation de la décision :

A. - Sur la compétence du Conseil de la concurrence

Considérant que, selon l'article L. 410-1 du Code de commerce, les règles définies au titre " De la liberté des prix et de la concurrence " du Code précité s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ;

Considérant que la CNCEP, qui vient aux droits du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (le CENCEP), lequel était constitué sous forme de groupement d'intérêt économique, fait valoir que ce dernier, à la fois organe central en vertu de l'article 21 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 et chef de réseau en vertu de l'article 4 de la loi n° 83-557 du 1er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance, était notamment chargé, en cette double qualité, comme l'est désormais la CNCEP, de veiller à la cohésion de son réseau, de s'assurer du bon fonctionnement des établissements de crédit qui lui étaient affiliés, de prendre toutes mesures et d'exercer les contrôles nécessaires à ces fins ; qu'il était en outre doté du pouvoir de prendre les sanctions prévues par les textes législatifs ou réglementaires propres au réseau des caisses d'épargne et de prévoyance ; qu'ainsi le CENCEP était investi d'une mission de service public, pour l'exercice de laquelle il disposait de prérogatives de puissance publique, et que, cet organisme s'étant borné, conformément à ses attributions d'autorité de tutelle, et comme il en avait le devoir, à inciter à la prudence les caisses membres du réseau, afin que leur comportement ne mette pas leur situation financière en péril et que soient respectées les règles prudentielles qu'impose leur activité, ce dont il devait être informé, le Conseil était en présence d'actes échappant manifestement à sa compétence ;

Considérant cependant qu'il a été, en l'espèce, reproché au CENCEP d'avoir mis en œuvre le pacte de non-agression auquel avaient adhéré les principaux réseaux d'établissements de crédit et qui tendait à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers, partant à limiter le jeu de la concurrence, et ce en adressant aux établissements de crédit qui lui étaient affiliés des recommandations circonstanciées qui allaient, sans le dire formellement, dans le sens dudit pacte et en avalisant les pratiques locales dont il était informé;

Qu'il s'ensuit que la pratique imputée au CENCEP implique l'intervention de cet organisme sur le marché de la distribution des crédits immobiliers aux particuliers, hors des limites de sa mission de service public et dans des conditions ne manifestant pas l'exercice de prérogatives de puissance publique, et que le Conseil de la concurrence est compétent pour connaître de tels actes conformément aux dispositions du texte susvisé;

B. - Sur les éléments constitutifs de la pratique anticoncurrentielle

1. Sur la définition du marché pertinent :

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan font valoir que le Conseil de la concurrence n'a pas satisfait à l'exigence de définition du marché pertinent ; qu'en effet, indiquent-elles, tant le rapport que la décision déférée se réfèrent constamment à deux notions différentes, d'une part, le marché du crédit immobilier, d'autre part, celui de la renégociation des taux d'intérêt des crédits immobiliers, qui serait un segment - artificiel selon ces requérantes - du marché précité ; que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes relèvent que le rapport n'avait pas résolu la question du marché pertinent et que le Conseil de la concurrence, qui s'est borné à renvoyer à l'analyse du rapporteur, encourt la même critique ; que la Société Générale soutient que le Conseil, tenu de délimiter de manière claire et précise le marché de référence, s'est livré à une " analyse tout à fait incertaine du marché pertinent ", se dispensant ainsi de caractériser précisément la demande spécifique et potentielle de renégociation, dont les critères ne sont pas définis, et de rechercher sérieusement l'importance des renégociations effectives ;

Que la BNP Paribas fait valoir, de son côté, que le Conseil a procédé à une analyse erronée du marché en cause, lequel n'est pas celui du crédit immobilier mais celui des prêts destinés à permettre le remboursement anticipé de prêts précédemment conclus auprès d'autres établissements pour des biens immobiliers ayant déjà fait l'objet d'une transaction immobilière ;

Mais considérant, d'abord, que, faisant sienne l'analyse du rapporteur, le Conseil de la concurrence a défini le marché de référence comme étant le marché national du crédit immobilier aux particuliers ;

Considérant, ensuite, que, contrairement à ce que soutient la BNP Paribas, il n'existe pas de marché distinct des prêts destinés au remboursement anticipé des emprunts immobiliers précédemment contractés et que le marché pertinent est bien le marché du crédit immobilier aux particuliers ;

Considérant, sur ce point, qu'il s'agit toujours de satisfaire la demande de financement créée par l'acquisition, la construction ou la restauration d'un bien immobilier et que, en période de forte baisse des taux d'intérêts, il peut être alternativement répondu au besoin d'adaptation du financement en cours lié à une telle évolution par la conclusion, auprès d'un autre établissement distributeur de crédit, d'un nouveau contrat de prêt destiné au remboursement anticipé du prêt initial (renégociation externe) ou par le réaménagement du prêt d'origine par la banque prêteuse (renégociation interne) ; que, dans le cas où il est recouru à la souscription d'un emprunt substitutif, ce prêt est intégré, sans distinction aucune, dans la production des nouveaux crédits immobiliers à l'habitat, étant en outre observé que la renégociation des prêts immobiliers ne fait pas partie, ainsi que l'observent la Confédération nationale du crédit mutuel et la Fédération du crédit mutuel océan, des prestations habituellement proposées à leurs clients par les établissements de crédit offrant de tels prêts ;

Considérant, encore, contrairement à ce qu'allègue la Société Générale, le Conseil de la concurrence a précisé les données du marché de référence utiles à la qualification de la pratique litigieuse ;

Qu'il suffit de rappeler à ce stade que l'encours des crédits immobiliers versés aux ménages était de l'ordre de 1 500 milliards de francs à la fin de l'année 1992, 1 556 milliards de francs à la fin de 1993 et 1 580 milliards de francs à la fin de 1994, étant précisé que la part représentée par les prêts d'épargne logement, lesquels ne sont pas renégociables, était respectivement, selon l'étude de M. Mouillart, publiée à la revue " Banque " de septembre 1995, de 250, 266 et 272 milliards de francs ; que les crédits nouveaux à l'habitat versés aux ménages, c'est-à-dire la production brute, celle-ci incluant la production associée à la renégociation - dans l'acception la plus étroite de cette dernière notion, à savoir l'ouverture d'une ligne de crédit en vue du remboursement anticipé d'un précédent crédit - s'est élevée à 215 milliards de francs en 1993 et 280 milliards de francs en 1994 ;

Considérant que la part des réseaux en cause dans la production de crédits immobiliers aux ménages a été la suivante en 1994 : Crédit agricole : 26,4 %, Caisses d'épargne : 11,4 %, Crédit mutuel : 8,3 %, Société Générale : 7,2 %, BNP : 6,8 %, Crédit lyonnais : 6 %, soit ensemble les deux tiers du marché ;

Considérant que, se fondant sur des éléments émanant des parties, spécialement une note de la direction des programmes et du contrôle de gestion du Crédit lyonnais datée du 18 février 1994 (rapport p. 504), le Conseil a évalué à environ 600 milliards de francs l'encours sensible total, c'est-à-dire la fraction de l'encours des crédits de l'habitat dont les caractéristiques sont telles qu'ils sont susceptibles de faire l'objet d'une demande de renégociation interne ou externe, étant ici rappelé qu'en fait la renégociation n'est avantageuse pour l'emprunteur que lorsque l'écart entre les taux pratiqués pour les nouveaux prêts et les taux fixes pratiqués pendant la période antérieure atteint deux points et qu'étaient de la sorte essentiellement visés les contrats produits en 1989, 1990, 1991 et 1992 ;

2. Sur la preuve de l'entente :

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé que la preuve était rapportée de l'existence de concertations tant au plan national que, dans certaines régions, au plan local ; que, selon le Conseil, ces concertations avaient pour objet de décourager les titulaires de crédits immobiliers de tenter d'obtenir un réaménagement ou une renégociation de leurs emprunts et de limiter la concurrence sur le marché des crédits immobiliers aux particuliers de manière à figer les parts de marché détenues par les réseaux pour les crédits antérieurement accordés et à préserver le niveau de leurs marges sur ces opérations ;

Considérant que la Confédération nationale du crédit mutuel soutient que les éléments de preuve retenus par le Conseil de la concurrence ne permettent pas de la mettre en cause ; que la Fédération du crédit mutuel océan affirme qu'elle n'a participé à aucune entente sur le marché du crédit immobilier ;

Que le Crédit lyonnais fait valoir que non seulement aucun indice pouvant accréditer la thèse d'une prétendue participation à une entente nationale n'a été découvert dans ses locaux, mais que la preuve est rapportée par certains documents internes qu'il s'est agi pour lui, en matière de rachat de prêts, de mettre en place, unilatéralement et dans son intérêt bien compris, une stratégie purement défensive visant à limiter les effets néfastes de la concurrence de ses confrères lesquels sont parvenus à la même conclusion et à la même politique ;

Considérant que la Société Générale, qui indique avoir adopté, lors de la période considérée, comme tous les établissements de crédit, qu'ils soient ou non parties à la procédure, une politique commerciale défensive selon laquelle il convenait, en matière de renégociation, de traiter les demandes spontanées de la clientèle, en évitant de prendre les devants, pour limiter le coût de ces opérations, fait état de ce qu'elle a cependant été conduite à procéder entre la mi-1993 et la mi-1995, d'une part, à des renégociations de prêts de ses clients, renégociations qu'elle qualifie de " massives " puisque le montant ainsi renégocié, au taux du marché ou à un taux proche, représentait 57 % des encours concernés pour un montant supérieur à 13 milliards de francs et, d'autre part, à des rachats, pour plus de 950 millions de francs, de prêts de clients de banques concurrentes ; qu'elle souligne qu'outre le fait que ces éléments permettent de contester l'existence de l'entente alléguée et, en tout cas, d'établir sa totale inefficacité, les différents indices relevés par la décision critiquée ne sont ni précis ni surtout concordants sur les éléments essentiels de l'accord prétendu, en particulier quant à son caractère national, à l'identité des parties audit accord et à l'objet de celui-ci ;

Considérant que la BNP Paribas affirme que la pratique incriminée, à savoir l'existence d'un " pacte de non-agression " au niveau national, n'est nullement établie par des preuves directes et qu'elle ne l'est pas davantage par des preuves indirectes ; qu'elle observe qu'instruite par " l'expérience désastreuse des années 1987-1988 ", elle était " bien décidée à ne pas se lancer à nouveau dans une guerre des taux " et qu'il s'agissait pour elle de préserver tout à la fois ses encours de crédit et sa rentabilité, dont le niveau dépend en partie des refinancements antérieurement mis en place, en l'espèce, à des niveaux très supérieurs à ceux pratiqués par la suite ; qu'elle ajoute avoir été consciente que, naturellement, les autres banques de la place devraient en faire autant et que le comportement parallèle des banques s'explique par une analyse autonome de la situation économique du moment et montre simplement que chacune en ce qui la concernait poursuivait son intérêt propre, en dehors de toute concertation ;

Considérant que la CNCA soutient que le prétendu faisceau d'indices graves, précis et concordants invoqué par le Conseil de la concurrence est inapte à prouver l'entente nationale dont le Conseil prétend avoir établi l'existence, que ces indices soient examinés un à un ou ensemble ; qu'elle relève encore que le Conseil de la concurrence n'a pas démontré sa participation à une telle entente, observant, à cet égard, qu'aucune des pièces utilisées par le rapporteur pour retenir un grief d'entente à son encontre ne mentionne la Caisse nationale de crédit agricole, la seule mention " Crédit agricole " figurant sur certaines d'entre elles étant insuffisante pour caractériser un grief puisque le " Crédit agricole " est une appellation générique qui ne correspond à aucune personne morale en particulier ; que la CNCA rappelle, par ailleurs, que les caisses régionales, loin d'avoir bénéficié d'une prétendue entente, ont subi les effets de la vague de renégociation qui s'est manifestée à partir d'avril 1993 et qu'elle leur a constamment donné, sous forme d'avances, les moyens d'y faire face ;

Que la CRCAM de la Loire-Atlantique fait, de son côté, valoir que c'est à tort que le Conseil de la concurrence a relevé à son encontre que la preuve de l'application du prétendu accord national était rapportée, les trois éléments retenus par la décision déférée étant dénués de pertinence ;

Considérant que la CNCEP souligne que le CENCEP se contentait de recommander aux caisses d'épargne une attitude prudente face aux demandes de renégociation des prêts, en précisant les principes à suivre, à savoir ne pas anticiper la demande et ne prendre en compte que les demandes de clients ayant fait l'objet d'une véritable proposition de la concurrence ; qu'elle ajoute que ces recommandations de prudence, loin d'obéir à des fins anticoncurrentielles, étaient économiquement et financièrement justifiées à raison du risque de perte lié à une politique agressive en matière de renégociation, mais qu'il n'a jamais été donné de consignes de refus systématique de renégociations externes des prêts immobiliers ; qu'elle observe, à cet égard, que de multiples documents émanant d'autres réseaux ainsi que des articles de presse démontrent la politique offensive généralement développée par le réseau des caisses d'épargne sur le marché en cause ; qu'elle indique, en outre, que le fait pour le CENCEP de demander aux membres du réseau de l'informer était une conséquence de son organisation et de l'existence même du réseau décentralisé des caisses d'épargne et n'impliquait aucune volonté d'adhésion à l'entente alléguée ;

Que, selon la Caisse d'épargne des Alpes, rien ne permet d'étayer la thèse selon laquelle elle aurait acquiescé à l'entente alléguée alors que, tout en adoptant unilatéralement, comme les autres établissements de crédit, un comportement de défense en présence d'une situation qui apparaissait à première vue dangereuse pour ses intérêts, elle ne s'est pas interdite, dans le même temps, de mener une politique concurrentielle autonome en matière de renégociation de prêts externes ;

Mais considérant, en premier lieu, qu'après avoir exactement énoncé que si la constatation d'un parallélisme de comportement ne suffit pas à elle seule à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, une telle attitude pouvant résulter de décisions prises par des entreprises qui s'adaptent de façon autonome au contexte du marché, l'existence d'une entente peut être établie dès lors que des éléments autres que la constatation du seul parallélisme de comportement s'ajoutent à celui-ci pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants, le Conseil a justement estimé, par des motifs qui répondent, en les écartant, aux arguments développés par les requérantes et que la Cour fait siens, qu'il en était ainsi en l'espèce ;

Considérant, en effet, que constituent des indices présentant les qualités ci-dessus mentionnées et qui s'ajoutent à la similitude des politiques commerciales des réseaux en cause :

- les références écrites ou orales à l'existence d'un accord national de la part de responsables locaux ;

- les instructions de ne pas chercher à démarcher la clientèle de réseaux concurrents nommément désignés ;

- la preuve de ce que des agences refusaient effectivement d'engager des négociations avec des clients d'autres banques, sans même prévoir d'exception pour ceux qu'il était commercialement intéressant d'attirer, attitude qui ne peut s'expliquer que s'il existe une forte probabilité que leurs concurrents adopteront la même ;

- la surveillance insistante du comportement des autres réseaux, avec remontée systématique d'information aux sièges ;

- le fait que les négociations entreprises avec des clients d'autres banques étaient regardées comme la rupture d'un engagement préalable ;

- l'existence de contacts entre réseaux lorsqu'une renégociation était malgré tout engagée avec le client d'une autre banque ;

- le fait que le " pacte de non-agression " était invoqué face aux clients pour expliquer la résistance opposée à la demande de renégociation ;

Considérant, au titre de la première catégorie d'indices, qu'il y a lieu de préciser que, le 21 juin 1993, M. Mathé, adjoint au directeur du réseau France de la Société Générale, a adressé aux directeurs commerciaux des quinze délégations régionales de la Société Générale une convocation, comportant un ordre du jour détaillé, à une réunion organisée à Paris, le 24 juin 1993 ; que l'un des points figurant audit ordre du jour était la " politique en matière de renégociation de prêts " ; que des notes manuscrites se rapportant à chacun des thèmes figurant à l'ordre du jour ont été prises par M. d'Angleville, directeur commercial de la délégation régionale Bretagne-Pays de la Loire de la Société Générale, participant à cette réunion, sur un document en tête duquel figure la mention " Le 24 juin 1993 réunion des directeurs commerciaux " ; que, sous la rubrique " Renégociations ", il est écrit, notamment : " Pacte de non-agression entre BNP, CL, SG et CA " (rapport, p. 251) ; que la preuve est ainsi rapportée qu'il a été fait état, en présence de hauts responsables de la Société Générale, de l'existence, à la date précitée, d'un pacte de non-agression entre cette banque, la BNP, le Crédit lyonnais et le réseau du Crédit agricole ;

Considérant encore que, le 14 juin 1993, la DCRM (direction centrale des réseaux métropolitains) de la BNP a, sous la signature du responsable des crédits aux particuliers, adressé aux " directeurs des directions de réseau " une note où il est donné instruction à ses destinataires de veiller à ce que les principaux concurrents de la BNP respectent le " Code de bonne conduite " que celle-ci entendait pour sa part observer et qui était défini comme l'exclusion de " toute action de rachat de prêt sur la concurrence et ce, quel que soit l'intérêt de la clientèle concernée " (rapport, p. 580) ; que M. Dreyer, directeur régional de la BNP pour le Nord - Pas-de- Calais - Picardie, a apposé sur la note précitée des annotations destinées à l'un de ses collaborateurs, M. Leleu, par lesquelles il demandait à ce dernier de faire appliquer ladite note et où il est écrit : " Traiter comme je l'ai dit les incartades des concurrents (...) c) Info à remonter de directeur à directeur de groupe, voire à mon niveau pour contact avec le directeur régional. M'informer d'urgence quand le nécessaire aura été fait pour l'offre écrite du C.L. " ; qu'un document en date du 18 juin 1993, adressé sous la signature de M. Leleu et ayant pour objet, conformément aux instructions reçues, de diffuser auprès des succursales implantées dans le ressort de la direction régionale Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP le contenu de la note du 14 juin 1993, contient le passage suivant : " Bien entendu nous veillerons, avec votre participation, à ce que nos principaux concurrents adoptent la même attitude : la Société Générale, le Crédit lyonnais et le Crédit agricole s'y sont engagés " (rapport, p. 265) ; que lorsque sont constatées des " incartades des concurrents ", celles-ci sont regardées comme autant de manquements à un engagement préexistant, comme le montre la lettre en date du 19 octobre 1993 de la direction régionale de Lyon de la BNP au groupe de Chambéry, où il est écrit : " Depuis quelques semaines, la règle de "bonne conduite" que nous vous avions demandé d'adopter en matière de renégociation des prêts à l'égard de nos confrères semble être devenue unilatérale, c'est-à-dire appliquée par notre réseau BNP mais bafouée progressivement par la concurrence à l'égard de nos clients " ;

Considérant que Mme Coroller, directeur commercial de la CRCAM de le Loire-Atlantique, a, à l'occasion d'une réunion tenue au siège de cet établissement de crédit à une date se situant fin mai ou début juin 1993, porté sur son cahier, sous l'indication " Réunion Réaménagement des dossiers de crédit ", la mention suivante : " Accord oral entre tous les grands réseaux de ne pas s'attaquer (Le risque CFF, CE et Crédit mutuel) " ;

Considérant qu'un document en date du 10 décembre 1993 à en-tête de la " Direction Marketing des particuliers et des associations Marché des particuliers " de la Caisse d'épargne des Alpes, ayant pour objet de faire le compte rendu de la réunion des conseillers en financement immobilier qui s'était tenue le 1er décembre 1993, avec comme ordre du jour, notamment, le " point sur les renégociations ", énonce : " Des consignes ont été données et il faut les respecter " et " Il faut donc actuellement "résister au maximum" dans un contexte difficile. Cependant, il y a nécessité de se tenir prêt à réagir rapidement au cas où il y aurait rupture des accords "inter-banque", afin de satisfaire notre clientèle au plus vite" " ; que le tableau retraçant le " suivi des renégociations au 1er décembre 1993 " joint au document précité émanant de la Caisse d'épargne des Alpes porte, en face de l'indication " Groupe Annecy Mont-Blanc ", la mention : " Le pacte de non-agression inter-banque fonctionne bien " (rapport, pages 330 à 340) ;

Considérant qu'il convient de mentionner, au titre de la deuxième catégorie d'indices, la note adressée le 1er juillet 1993 par l'agence Société Générale de Lyon-République à celle de Rillieux, laquelle énonce : " Pas d'action offensive envers nos confrères CL, BNP, CRCA (nous tenir informés des éventuels "dérapages" observés chez ces confrères). Attention, le crédit logement refusera de donner sa caution, si provenance CL, BNP, CRCA " (rapport p. 357) ; qu'il doit être relevé que les banques ou réseaux cités par ce document, émanant d'une agence lyonnaise, sont ceux-là mêmes que l'on retrouve sur les notes précitées de M. d'Angleville, responsable de la région Bretagne-Pays de la Loire, relatives à la réunion organisée le 24 juin 1993 à l'échelon national, ce qui établit que les consignes et informations données à ce niveau, au sein de la Société Générale, étaient relayées sur l'ensemble du territoire national ; que ce constat vaut pareillement pour la BNP, autre réseau centralisé, comme le montre l'exemple de la région Nord - Pas-de-Calais - Picardie, cité plus haut ;

Considérant, s'agissant de la troisième catégorie d'indices, que le refus délibéré d'attirer, à la faveur du " rachat " d'un prêt immobilier, la clientèle de la concurrence, sans prévoir d'exceptions, alors même qu'il s'agirait d'une clientèle commercialement intéressante et que le prêt immobilier est regardé par les banquiers comme un produit permettant de fidéliser la clientèle dès lors que l'établissement distributeur d'un crédit de cette nature, s'inscrivant dans la durée, peut raisonnablement escompter faire d'autres opérations rentables avec le titulaire du prêt, ne peut s'expliquer, comme l'a noté le Conseil, que s'il existe une très forte probabilité que les concurrents adopteront la même attitude ;

Or, considérant qu'un tel refus est exprimé dans divers documents ; qu'outre la note de la DCRM de la BNP du 14 juin 1993, transmise aux diverses directions régionales, excluant " toute action de rachat de prêt et ce, quel que soit l'intérêt de la clientèle ", il convient de citer :

- la télécopie adressée le 3 novembre 1993 par M. Quittard, directeur du marché de la clientèle individuelle, à l'intention des directeurs de groupe de la Société Générale, où se trouve rappelée l'opposition de la direction de la banque à " tout procédé consistant à offrir la possibilité de racheter des crédits consentis par la concurrence " (rapport, p. 203) ;

- la note rédigée le 22 avril 1994 par M. Guillet, directeur de l'exploitation de la Fédération du crédit mutuel océan, par laquelle ce dernier " rappelle " les principales règles que cet établissement de crédit s'est fixé en matière de renégociations des crédits, dont celle-ci : " ne pas reprendre sur la concurrence " ;

- le document précité du 10 décembre 1993, émanant de la Caisse d'épargne des Alpes, où il est indiqué, sous les rubrique " Réaménagement : approche commerciale " et sous-rubrique " Décisions prises lors du comité de développement du 6 octobre 1993 " : " Prêts de la concurrence : on ne fait pas " (rapport, p. 336) ;

Considérant, quant à la quatrième catégorie d'indices, que le Conseil de la concurrence retient à juste titre que l'insistance des réseaux à faire surveiller le comportement des établissements concurrents constitue un indice de ce qu'un système de vérification du respect des termes du " pacte de non-agression " avait été mis en place ; que la réalité d'une telle surveillance est établie par une pluralité de documents ; qu'il suffit de citer ici le message adressé, dans son ressort, par M. Juan, délégué régional de la délégation Bretagne-Pays de la Loire de la Société Générale, contenant le passage suivant : " Vous n'omettrez pas bien sûr de nous signaler tous les cas éventuels de rachat par la concurrence de crédits immobiliers à nos propres clients " (rapport, p. 202), la note rédigée le 17 septembre 1993 par M. Vogel, membre du directoire du CENCEP, à l'intention des directeurs de développement des caisses d'épargne, où il est dit qu'afin de permettre au CENCEP de suivre les opérations de renégociation il y a lieu de lui communiquer aussi régulièrement que possible toute information susceptible d'avoir une influence sur la stratégie du réseau, et " notamment les éventuelles actions organisées par la concurrence " (rapport, p. 365), la note en date du 29 juin 1993 émanant de la succursale de Lille de la BNP, destinées à tous les bureaux, où il est écrit que la règle générale " exclut tout rachat de prêt sur la concurrence (quel que soit l'intérêt de la clientèle) et que " a contrario vous devrez nous informer de toute proposition éventuellement faite par d'autres banques à vos clients " (rapport, p. 319) ;

Considérant, s'agissant des indices des cinquième et sixième catégories, qu'il résulte d'une série d'éléments de preuve que lorsqu'un établissement acceptait de renégocier un emprunt avec un client d'une autre banque, des contacts étaient noués à ce sujet entre les établissements en cause, ce qui, comme l'observe le Conseil, ne relève pas de comportements commerciaux normaux mais s'explique, en revanche, dès lors que de telles renégociations apparaissent comme constitutives de manquements à un engagement préalable, suscitant, de la part des confrères, " des doléances précises avec preuves écrites à l'appui ", selon les termes utilisés dans une note en date du 21 décembre 1994 émanant de la direction du réseau de Lille de la BNP ;

Considérant que méritent d'être cités, à cet égard, la note manuscrite de M. Perruchas, responsable du financement des ménages à la CRCAM de la Loire-Atlantique, datée du 21 juin 1994, à l'attention de M. Giard, directeur général adjoint de cet établissement, note faisant état d'une " attaque du Crédit Mutuel Carquefou sur un encours CAM " et sur laquelle M. Giard a porté la mention suivante : " 23.6.94 Tél. ce jour avec le DGA du C. MUT. Ce sera corrigé ", une correspondance intérieure en date du 29 juin 1994 transmise à M. Perruchas portant la mention : " Ci-joint une proposition de refinancement faite à l'un de nos clients. A-t-on toujours des accords de non-financement ? " et faisant apparaître que la réponse à cette question a été apportée par téléphone le 1er juillet 1994 (rapport, p. 194), le courrier adressé le 9 décembre 1993 par le délégué régional de la Société Générale pour la Bretagne et les Pays de la Loire au directeur régional de la Caisse d'épargne de Bretagne par lequel celui-là porte à la connaissance de celui-ci trois opérations de rachat de crédits immobiliers réalisées auprès de la clientèle de l'agence Société Générale de Quimper, ledit courrier précisant qu'il s'inscrit dans le fil d'un récent échange téléphonique et dans la perspective d'une future rencontre (rapport p. 198) et enfin, la note de la direction du réseau Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP en date du 3 novembre 1993, destinée aux succursales du ressort, note selon laquelle les offres de renégociation de la concurrence clairement identifiée devront conduire le directeur d'agence ou de groupe " à prendre contact avec son homologue pour l'inciter à cesser sans délai les hostilités " (rapport, p. 151) ;

Considérant, en second, lieu, que, faisant, là encore, une juste appréciation de la valeur des éléments de preuve figurant au dossier, le Conseil de la concurrence a, par des motifs pertinents, auxquels la cour se réfère, et qui ne sont utilement combattus par aucune des pièces invoquées par les requérantes, caractérisé, par recoupement d'un ensemble d'indices graves, précis et concordants, la volonté conjointe de ces dernières de participer à l'action concertée dont il a constaté l'existence, en vue de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intéressé ;

Qu'au demeurant, les constatations qui précèdent suffisent à établir que la BNP et la Société Générale ont activement contribué à la mise en œuvre de la pratique susvisée, étant ici observé, s'agissant de ces requérantes, comme des autres parties en cause, que le fait qu'elles aient été conduites, sous l'influence de différents facteurs, et en particulier de l'amplification alors donnée par les médias à la question de la révision des taux d'intérêts, à procéder à des renégociations, essentiellement internes, parfois pour une proportion substantielle de l'encours sensible, au sens précédemment donné à cette notion, n'est pas de nature, au regard des éléments de preuve réunis à leur encontre, à accréditer la thèse de leur absence d'adhésion au " pacte de non-agression " et à établir qu'elles ont déterminé de manière autonome leur " politique défensive ".

Considérant qu'il convient, pour ce qui est du Crédit lyonnais, de rappeler que l'implication de cette banque en tant qu'acteur du pacte de non-agression ressort de documents d'origines divers, aussi bien sous l'angle de l'identité des réseaux dont dépendent leurs auteurs que sous celui de la localisation géographique des établissements où ces derniers exercent leurs fonctions, et qui font mention du Crédit lyonnais soit expressément, soit implicitement mais nécessairement ; que peuvent être cités, à cet égard, la directive du 18 juin 1993 émanant de la direction régionale Nord - Pas-de-Calais - Picardie de la BNP (rapport, p. 265), les notes manuscrites de M. d'Angleville relatives à la réunion tenue le 24 juin 1993 au siège de la Société Générale (rapport, p. 251), le cahier de Mme Coroller, directeur commercial de la CRCAM de la Loire-Atlantique (rapport, p. 192) ou encore le tableau intitulé " suivi des renégociations au 1er décembre 1993 " annexé au compte-rendu de la réunion des conseillers en financement immobilier de la Caisse d'épargne des Alpes du 1er décembre 1993, ledit tableau indiquant que dans le ressort du groupe Annecy-Mont-Blanc trois prêts de la concurrence ont été réaménagés " après accord préalable de la banque (Crédit lyonnais) " ;

Considérant, s'agissant de la Confédération nationale du crédit mutuel, que son adhésion à l'entente ressort suffisamment du " relevé de note ", dressé sur papier à en-tête de la Confédération à la suite de la réunion du groupe " crédit restreint " qui s'est tenue le 11 juin 1993, à La Roche-sur-Yon, en présence du chef de la direction du développement de la Confédération et d'un cadre de cette direction, ce document rendant compte, sous la rubrique " point sur les négociations de taux ", de l'existence d'un " gentleman agreement " entre la Fédération du crédit mutuel Océan et le Crédit agricole et du fait que le Crédit mutuel de Bretagne négociait un " gentleman agreement avec la concurrence " (rapport, p. 758), ce dont il résulte que la mise en œuvre du pacte de non-agression, même si elle n'affectait pas l'ensemble des fédérations composant le réseau du crédit mutuel, s'inscrivait dans une politique menée à l'échelle de ce réseau avec le nécessaire consentement de sa structure centrale, à savoir la Confédération nationale du crédit mutuel, peu important à cet égard que le groupe " crédit restreint " n'ait eu aucun " rôle officiel " au sein de la Confédération ;

Considérant, en ce qui concerne la Fédération du crédit mutuel Océan, que le constat, en juin 1993, de la conclusion d'un " gentleman agreement " avec le Crédit agricole, démontré par le document cité plus haut mais aussi par la note manuscrite du directeur de ladite fédération (rapport, p. 298), confirmant l'existence de cet accord, établit, avec les autres éléments relevés par le Conseil, que cet établissement de crédit a participé, par un comportement qui lui était propre, tenant compte de sa position sur le marché en cause, à la mise en œuvre de l'action concertée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la CNCA, le Conseil de la concurrence a démontré sa participation à l'entente, abstraction faite d'une erreur matérielle (p. 38), sans incidence sur cette démonstration, relative au nombre total des caisses du groupe Crédit agricole lequel est en réalité de l'ordre de 3 000, comme il est indiqué en page 7 de la décision déférée ; que s'il est exact qu'aucune des pièces auxquelles se réfère le Conseil ne vise nommément la Caisse nationale puisqu'elles portent la mention " Crédit agricole " ou " CA " ou encore " CRCA ", la diversité de leurs provenances, tant sur le plan géographique que sur celui des réseaux auxquels appartiennent les instances dont émanent lesdites pièces, établit que l'entente fonctionnait à l'échelon national et ce avec la participation active de la CNCA, à laquelle il appartenait, au demeurant, de définir la politique à suivre en matière de renégociation des prêts immobiliers, ainsi que cela résulte des déclarations de M. Bouysset, directeur de la gestion financière de la CNCA, faisant référence aux " instructions " demandées, " sur ce point ", dès avril 1993, par les caisses régionales (rapport, p. 637) ; qu'il convient en outre de relever que le compte-rendu de la réunion du conseil d'administration de la CNCA en date du 23 juin 1993, comme la note adressée le 25 juin 1993 par M. Bouysset aux caisses régionales à la suite de cette séance, font clairement apparaître que le dispositif de réaménagement alors mis en place sous forme d'enveloppes accordées aux instances régionales du Crédit agricole était conçu comme l'instrument d'une politique essentiellement défensive, se donnant pour objectif, conforme à celui du pacte de non-agression, de " préserver le plus possible les encours de crédits à taux élevés " (note du 25 juin 1993) ;

Considérant que la preuve de ce que la CRCAM de la Loire-Atlantique a mis en œuvre dans le champ de son ressort territorial, et au cours de la période visée par le Conseil de la concurrence, l'entente existant au niveau national résulte de la conjonction d'une série d'éléments dont ceux, déjà cités, tirés des mentions portées sur son cahier par Mme Coroller, directeur commercial de cet établissement de crédit, fin mai ou début juin 1993, de la note manuscrite de M. Perruchas, responsable du financement des ménages à la CRCAM de la Loire-Atlantique, à l'attention du directeur général adjoint de cet établissement, datée du 21 juin 1994, et de la correspondance intérieure transmise à M. Perruchas le 29 juin 1994 ;

Considérant que, qualifiant de totalement erronée en droit et en fait l'analyse du Conseil de la concurrence, la Caisse d'épargne des Alpes dénie toute participation à une entente et affirme avoir " toujours mené une politique concurrentielle autonome en matière de renégociation de prêts " ; que la preuve est cependant rapportée de l'adhésion de cette caisse régionale à l'action concertée et de sa mise en œuvre, dans son ressort, ne serait-ce que par le rappel, formulé lors de la réunion des conseillers en financement immobilier du 1er décembre 1993, ayant donné lieu à un compte-rendu adressé à tous les directeurs de groupe de la région, de la nécessité qu'il y avait à " respecter les consignes ", celles-ci étant de ne pas renégocier les prêts de la concurrence, sauf " attaques franches ", et de résister " au maximum " aux demandes de réaménagements de la clientèle, mais aussi, dans le même temps, " de se tenir prêt à régir rapidement au cas où il y aurait rupture des accords "interbanque" ", ce rappel précédant le constat du bon fonctionnement du " pacte de non-agression inter-banque ", s'agissant du groupe Annecy-Mont-Blanc ;

Considérant, enfin, s'agissant du CENCEP, qu'allant au-delà de ce qu'impliquaient l'organisation du réseau décentralisé des caisses d'épargne et son rôle d'organe central de ce réseau, cet organisme a, comme le relève le Conseil, manifesté son adhésion à la concertation tant par la formulation de recommandations circonstanciées qui allaient, sans le dire formellement, dans le sens du pacte de non-agression que par son implication dans le dispositif de surveillance du respect de l'accord par les autres réseaux ; qu'il convient de mentionner, à cet égard, que lors de la réunion du comité des prix de la Caisse d'épargne des Alpes, qui s'est tenue le 28 juillet 1993, soit dès le lendemain de la réunion des directeurs du développement des différentes caisses d'épargne organisée par le CENCEP, il a été décidé que " les renégociations des prêts de la concurrence (devaient) être refusées " (rapport, p. 336), que dans sa note précitée du 17 septembre 1993, adressée aux " Directeurs de développement des caisses d'épargne ", M. Hervé Vogel, membre du directoire du CENCEP, chargé de la direction du développement, rappelle, notamment, aux intéressés que doivent seules être prises en compte les demandes des clients " ayant fait l'objet d'une véritable proposition de la concurrence " et qu'il leur appartient de le tenir informé des " éventuelles actions organisées de la concurrence ", que le compte-rendu de la réunion organisée le 1er décembre 1993 par la Caisse d'épargne des Alpes précise qu'une " synthèse de ce qu'il se passe localement en matière de renégociations sera faite à M. Vogel du CENCEP lors de sa prochaine visite le 10 décembre " et que des contacts et échanges d'informations relatifs à des opérations de rachat de crédits immobiliers ont eu lieu en des points éloignés du territoire entre des réseaux concurrents (Société Générale, Crédit lyonnais) et celui des caisses d'épargne (rapport, pages 198 et 339) ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ont, par des comportements qui leur étaient propres, en fonction de leur statut juridique et de leur position sur le marché, exprimé leur volonté commune de s'entendre pour refuser de proposer un nouveau crédit aux particuliers ayant contracté un emprunt immobilier susceptible de renégociation auprès d'une autre banque ; que cette pratique a eu pour effet ou a pu avoir effet de priver une partie de la clientèle de la possibilité de renégocier ses emprunts soit avec un établissement concurrent, soit avec l'établissement prêteur d'origine, ou de rendre plus difficile ou plus tardive cette renégociation, et de permettre, par là-même, aux établissements en cause de limiter le manque à gagner consécutif à de telles renégociations ;

3. Sur les effets de l'entente :

Considérant que la CNCA fait grief au Conseil de la concurrence d'avoir procédé à une analyse superficielle des effets de l'entente alléguée ; qu'elle fait plus précisément valoir que les chiffres utilisés par le Conseil sont biaisés, que ce dernier, au lieu de procéder à sa propre analyse, s'est contenté de s'approprier une étude académique, à savoir l'article du professeur Mouillart, dont les chiffres, reposant sur des simulations informatiques, semblent très éloignés de la réalité, et que ceci l'a conduit à une minoration des volumes réaménagés, à une majoration de l'assiette réaménageable et à la non-prise en compte de la remontée des taux en 1994-1995, partant à des conclusions erronées ;

Considérant que, selon le Crédit lyonnais, les pratiques relevées n'ont pas eu d'effet sur le jeu de la concurrence et n'ont pas pu empêcher les titulaires de prêts immobiliers de renégocier ou de réaménager leurs prêts lorsqu'ils en faisaient la demande ;

Considérant que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes font valoir que la concurrence a continué de s'exercer, comme l'a du reste reconnu le Conseil de la Concurrence, et que si l'on constate une certaine restriction de concurrence dans le secteur, celle-ci est imputable non à l'action d'opérateurs méconnaissant l'article L. 420-1 du Code de commerce mais à la structure même du marché lequel se distingue, notamment, par l'existence d'une régulation sectorielle de nature à limiter l'intensité de la concurrence et les particularités des produits litigieux, comportant une forte dimension " intuitu personae " ;

Considérant, toutefois, que la restriction de concurrence relevée par le Conseil ne saurait être imputée à la structure du marché, caractérisée par la pluralité et la diversité des offreurs, exclusives d'une configuration d'oligopole, ainsi que par l'homogénéité des produits ; qu'elle n'est pas davantage imputable à l'existence d'un régulation sectorielle, étant ici relevé que s'il est exact que par lettre du 18 juillet 1995, le président de la Commission bancaire adressait des recommandations de prudence au président de l'Association française des établissements de crédit en rappelant à ce dernier quelles devaient être les conditions d'une saine exploitation de ces derniers en matière de distribution de crédits, et spécialement de fixation des taux appliqués à la clientèle, l'autorité de régulation prenait soin d'appeler la profession à " une discipline individuelle " pleinement respectueuse des règles de bonne gestion qui s'attachent normalement à la distribution du crédit ;

Considérant, en revanche, que le Crédit lyonnais, et d'autres requérantes, font justement observer qu'un certain nombre de facteurs étaient de nature à influer, dans le sens de la limitation, sur le montant des renégociations indépendamment de toute pratique de concertation et de coordination ; que tel est le cas du poids des formalités inhérentes à une opération de rachat d'un prêt par la concurrence, nécessitant la domiciliation de ressources, ou de la difficulté qu'il y a, pour une partie des clients, même titulaires d'emprunts répondant aux critères de la renégociation, à s'engager dans une négociation délicate avec leur banquier ;

Qu'en outre le " pacte de non-agression " n'a été qu'imparfaitement respecté par ceux-là mêmes qui y avaient adhéré, particulièrement par les établissements de crédit appartenant à des réseaux décentralisés, plus influencés par les contextes locaux ;

Que, de plus, les prêts immobiliers, produits fidélisants, pouvant ainsi servir de produits d'appel, se prêtent mieux que d'autres à une compétition entre les établissements distributeurs de crédit ; qu'une telle compétition dans l'offre de production nouvelle a effectivement été observée, ainsi que cela ressort du bulletin de novembre 1995 de la Commission bancaire, précité, versé aux débats par la Société Générale ;

Que la concurrence a donc continué de s'exercer sur le marché des crédits immobiliers aux particuliers considérés dans son ensemble au cours de la période considérée ;

Mais considérant qu'en dépit de ces constatations, il doit être tenu pour certain que l'entente ci-dessus définie est à l'origine d'un amoindrissement sensible de l'intensité de la concurrence sur ce marché ;

Considérant que cette certitude se fonde, d'abord, sur les caractéristiques ci-dessus décrites de l'entente en cause, sous le triple aspect du nombre des participants et de leur influence cumulée sur le marché de référence, de la durée de la pratique anticoncurrentielle, de l'ordre de dix-huit mois, et de la dimension géographique, laquelle correspondait au territoire de la métropole ; que ces éléments sont, surabondamment, attestés par la diversité des lieux où ont été constatés, tout au long de la période considérée, les refus de reprendre les prêts de concurrents que relatent les courriers de particuliers parvenus à certaines directions départementales de la DGCCRF (rapport, pages 174 à 176), ces refus étant pour la plupart expressément motivés par l'existence d'accords de non-concurrence impliquant des participants à l'entente ;

Considérant, ensuite, que le rapprochement du montant des crédits immobiliers " éligibles " à la renégociation en 1993 avec celui des renégociations qui ont effectivement eu lieu au cours de la période considérée conduit à la même conclusion ;

Considérant que la première de ces données a été évaluée par le Conseil à 600 milliards de francs en 1993 ; que ce chiffre, discuté par une partie des requérantes mais non sérieusement contesté par d'autres, telle la Société Générale, qui se déclare " prête à admettre " cette évaluation (exposé des moyens, p. 39), s'il ne représente qu'un ordre de grandeur, constitue, au vu des pièces mises aux débats, une estimation acceptable du volume de l'encours sensible, représenté, pour l'essentiel, par les prêts immobiliers du secteur libre et les prêts réglementés, hors prêts d'épargne logement, produit à partir de 1989 et au début de 1993, étant ici rappelé que l'encours global des crédits relevant de ces deux catégories était, à la même époque, de l'ordre de 1 300 milliards de francs ; qu'il convient en outre de relever, en réponse aux observations de la CNCA, que le chiffre de 211,5 milliards de francs cité par le Conseil (décision, p. 3) correspond, selon les indications d'un document émanant de la CNCA, établi à la fin de 1994, au moment de l'encours habitat à taux élevés, c'est-à-dire supérieurs à 10 %, existant en juin 1993 au Crédit agricole, que ce chiffre n'est pas en contradiction avec celui de " l'encours sensible " à la même date, tel que le définit la CNCA, sur la base d'une note de son groupe de politique financière en date du 15 juin 1993, soit 95,1 milliards de francs (en réalité 100,1 milliards de francs selon ladite note), cet encours correspondant aux prêts à taux supérieurs à 11 %, et que l'encours éligible ainsi entendu n'a pu que s'accroître en 1993 en raison de la poursuite de la baisse des taux lesquels ont fléchi au cours de cette année pour se situer à un niveau compris entre 7,5 % et 9 %, avant de se stabiliser et de remonter au cours du second semestre de 1994, comme cela ressort du graphique établi par la CNCA (exposé des moyens, p. 44) ;

Considérant, quant au montant des renégociations, qu'en se fondant sur les données détaillées figurant dans l'étude de M. Mouillart, professeur d'économie, publiée à la revue Banque en septembre 1995, lesquelles sont corroborées par celles citées dans une autre étude du même auteur publiée en juin 1997 dans la même revue que produit la Société Générale et où il est précisé que la quasi-totalité des renégociations liées à la baisse des taux amorcée en 1993 a eu lieu en 1994, le Conseil a estimé à 36,7 milliards de francs le montant des renégociations externes (remboursement anticipé avec ouverture d'une nouvelle ligne de crédit par une banque tierce) ; que la même étude fait apparaître que les renégociations internes (réaménagement ou rééchelonnement de la dette par le prêteur initial) ont été de l'ordre de 29,6 milliards de francs en 1994, soit un total proche de 67 milliards de francs au titre des renégociations au sens large durant les deux années 1993-1994, tandis que les remboursements anticipés non liés à des renégociations sont évalués pour la même période à 28,2 milliards de francs ;

Considérant que les éléments invoqués par les requérantes - y compris les indications, insuffisamment explicitées, contenues dans l'avis de la Commission bancaire - ne conduisent pas la Cour à regarder ces données comme dépourvues de pertinence ;

Et considérant que s'il est vrai que la part de l'encours sensible des participants à l'entente ne représente qu'environ deux tiers du total, soit 400 milliards de francs - la même observation valant, au demeurant, pour l'estimation du volume des renégociations, au sens large, qui leur est imputable - et que pour apprécier l'effet des pratiques en cause, il doit, sous la réserve ci-après exprimée, être tenu compte, en plus des renégociations externes, du montant des crédits à l'habitat ayant donné lieu à réaménagement par l'établissement préteur ou à un simple remboursement anticipé, soit environ 60 milliards de francs, dès lors que les titulaires de ces crédits n'avaient plus de raison de se tourner vers la concurrence pour obtenir un prêt lui permettant de racheter de leur, il reste que le profit retiré par les emprunteurs de l'ensemble de ces opérations apparaît être demeuré en-deçà du niveau qu'il aurait dû atteindre selon le cours normal des choses, dans un contexte qui était favorable aux consommateurs, tant sur le plan juridique, par suite du plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé, qu'à raison de la forte médiatisation pendant la période considérée du thème de la renégociation des crédits immobiliers ;

4. Sur l'imputabilité de l'entente :

Considérant que la CNCEP, faisant valoir, d'un côté, que les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence revêtent un caractère pénal au sens de l'article 6 de la CEDH et, de l'autre, que le groupement d'intérêt économique Centre national des caisses d'épargne (CENCEP), visé par la notification de griefs, a fait l'objet d'une dissolution dans le délai de trois mois suivant la publication de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière, conformément aux dispositions de l'article 29 de ladite loi, soutient que c'est au prix d'une violation du principe de la personnalité des peines, applicable aux personnes morales, que le Conseil a refusé de la mettre hors de cause ;

Mais considérant que s'il est exact que doivent être regardées comme une accusation en matière pénale les poursuites engagées en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d'une punition prononcée par une autorité administrative, telles que celles que peut infliger le Conseil de la concurrence, et s'il est vrai, aussi, qu'il existe une règle fondamentale du droit pénal selon laquelle la responsabilité pénale ne suivit pas à l'auteur de l'infraction, c'est sans méconnaître ladite règle que le Conseil de la concurrence a imputé à la CNCEP la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles relevées à l'encontre du CENCEP ;

Considérant, en effet, d'une part, que les sanctions prévues à l'article L. 464-2 du Code de commerce sont applicables aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 et suivants du même Codeet, d'autre part, que lorsque, entre le moment où les pratiques ont été mises en œuvre et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne morale responsable de l'exploitation a cessé d'exister juridiquement, les pratiques sont imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a été juridiquement transmise et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle;

Considérant qu'en l'espèce les biens, droits et obligations du CENCEP ont été, ainsi que le prévoyait le texte précité, transférés à la CNCEP qui a repris son activité et à laquelle appartiennent désormais les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction ; qu'en conséquence, la CNCEP doit répondre des pratiques du CENCEP;

C. - Sur les sanctions

Considérant que, selon l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ;

Considérant que les requérantes reprochent au Conseil de la concurrence d'avoir, en se fondant sur des données ni pertinentes ni exactes et au prix d'erreurs manifestes d'appréciation, infligé des sanctions manifestement disproportionnées à la gravité des faits qu'il a estimé établis et au prétendu dommage à l'économie, lequel n'a pas été prouvé, et est, en tout cas, difficile à percevoir, comme l'avait du reste reconnu le ministre chargé de l'économie dans ses observations du 6 décembre 1999, au terme desquelles il invitait le Conseil à prononcer des " sanctions limitées " ; que les parties font en outre grief au Conseil de la concurrence d'avoir, en méconnaissance des dispositions précitées selon lesquelles les sanctions sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné, négligé de tenir compte des éléments propres à chacune d'elles et de leur contribution réelle au fonctionnement de l'entente retenue ;

Mais considérant, en premier lieu, s'agissant de la gravité des faits, qu'il doit être souligné que les pratiques constatées à l'encontre des requérantes tendaient à priver les emprunteurs, souhaitant atténuer les effets d'un taux fixe élevé, de la possibilité de se prévaloir auprès de leur propre banque de l'offre d'un concurrent, ce qui permettait à l'établissement de crédit prêteur de mieux résister aux demandes de ses clients ou, à tout le moins, de limiter les effets des réaménagements des crédits à l'habitat en termes de perte de rémunération, notamment en subordonnant ceux-ci à des contreparties ;

Que sont révélateurs, à cet égard, le " Guide de la renégociation " élaboré en janvier 1994 par la direction centrale des réseaux métropolitains de la BNP, selon lequel il y a lieu, en cas de renégociation, de " négocier une contrepartie " et de valoriser l'importance de ce geste qui doit constituer " une opportunité de placement de produit ou de service " (pièce figurant à l'annexe XI jointe à la déclaration de recours de la BNP), ainsi que l'argumentaire annexé à l'instruction n° 1988 du 23 juillet 1993, émanant de la direction du réseau France (clientèle individuelle) de la Société Générale, et où il est indiqué, sous l'intitulé " pourquoi et comment limiter l'impact des renégociations dans le cadre d'une politique de préservation de notre fonds de commerce ? ", que si, sur le plan juridique, le client ne peut remettre en cause le taux qui lui a été consenti à l'origine, " sur le plan commercial, il en va tout autrement et les propositions de rachat de la concurrence, notamment, nous obligent à envisager la possibilité d'une renégociation " (rapport, p. 211) ; que cette dernière observation fait clairement ressortir que c'est le jeu d'un marché pleinement concurrentiel, entravé par l'action concertée, qui conduisait à l'octroi par l'établissement prêteur, à qui il était demandé de s'aligner sur la meilleure offre de la concurrence, des conditions les plus avantageuses, c'est-à-dire équivalentes à cette offre, compte tenu du coût du départ vers la concurrence (indemnité de remboursement anticipé et, le cas échéant, frais de dossier, de mainlevée et d'inscription d'hypothèque) ;

Considérant que ce type d'entente, affectant indirectement les taux d'intérêts, c'est-à-dire en définitive le prix d'un service payé par les consommateurs, par l'effet de dissuasion recherché auprès de ces derniers, constitue, comme le relève le Conseil, l'une des pratiques anticoncurrentielles les plus graves; que cette appréciation est d'autant plus fondée en l'espèce que la concertation incriminée entravait l'application, au bénéfice des consommateurs, des dispositions des articles L. 312-21 et R. 312-2 du Code de la consommation en vertu desquelles l'indemnité stipulée en cas de remboursement par anticipation ne peut dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement ;

Qu'il doit être pareillement souligné, sous ce rapport, que l'entente a été mise en œuvre par les réseaux les plus importants, jouissant d'une forte réputation, qu'aucun d'eux ne pouvait ignorer l'illicéité d'une telle pratique et que, de surcroît, celle-ci a couvert une période étendue, comprise entre la deuxième moitié du deuxième trimestre de 1993 et la fin de l'année 1994; que l'invocation de la dégradation de la rentabilité de l'activité bancaire, à partir de 1991, sous l'effet de la crise immobilière et de l'augmentation du nombre des défaillances d'entreprises est, à cet égard, inopérante;

Considérant, en deuxième lieu, que la réalité du dommage causé à l'économie sur le marché de référence résulte suffisamment des constatations qui précèdent, relatives aux effets de l'entente, et notamment des chiffres précédemment cités, quant au montant des encours potentiellement renégociables, lesquels donnent un ordre de grandeur de l'assiette du dommage à l'économie, et quant à celui des renégociations tant externes qu'internes ; qu'il y a lieu, en outre, de rappeler ici que l'entrave apportée au jeu de la concurrence, ayant pour conséquence d'affaiblir la position des clients sollicitant le réaménagement de leur dette par l'établissement prêteur d'origine, a nécessairement eu un impact significatif, même s'il est impossible de le mesurer, sur les conditions dans lesquelles ces réaménagements ont eu lieu; que le Conseil, qui n'était pas tenu de rechercher quel avait été le comportement des établissements de crédit n'ayant pas participé à l'entente, a par ailleurs relevé que le logement constitue l'investissement en valeur le plus important des ménages, qu'une part substantielle d'un tel investissement est constituée par les sommes acquittées au titre des emprunts et que le remboursement de ces emprunts représente 30 % en moyenne du revenu disponible des ménages concernés;

Considérant, cependant, que doit aussi être pris en considération le fait que l'application du " pacte de non-agression ", loin d'être uniforme, a varié dans le temps et selon les régions et qu'ainsi qu'il a été dit, la concurrence s'est maintenue à un degré appréciable, même pour la distribution de crédits affectés au remboursement anticipé de prêts à taux élevés ; que cette observation est vérifiée par le fait que la production nouvelle associée à ces renégociations a représenté 16 % de la production brute correspondante de 1994 ;

Considérant, en troisième lieu, que la BNP Paribas soutient à tort qu'elle a été sanctionnée en tant qu'instigatrice de l'action concertée ; qu'au demeurant l'instruction n'a pas mis en évidence l'existence d'un ou plusieurs " instigateurs ", les établissements de crédit en cause ayant pris part dans des conditions équivalentes à l'entente relevée ;

Que c'est également à tort que cette partie soutient que le Conseil de la concurrence n'a pas précisé sur quels éléments il s'était appuyé pour déterminer l'assiette de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée ; que le Conseil précise sur ce point qu'il s'est référé au chiffre d'affaires du dernier exercice clos et que ce n'est que lorsque cette donnée faisait défaut, pour les raisons qu'il indique - ce qui n'était pas le cas s'agissant de la BNP - qu'il a pris en considération, pour évaluer le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue, le produit brut bancaire ;

Considérant que, contrairement à ce qu'allègue le Crédit lyonnais, il est tenu compte, pour la fixation des sanctions, du pouvoir de chacun des réseaux concernés sur le marché du crédit immobilier aux particuliers, et donc de la situation qui était sienne à l'époque des faits ;

Considérant que la Société Générale déclare avoir été renégocié, au taux du marché, 57 % de son encours éligible de mi-93 à mi-95, soit 13,3 milliards de francs ; qu'elle indique en outre que pour les deux années précitées, des prêts ont été " rachetés " à la concurrence pour un montant total de 950 millions de francs ;

Considérant cependant que, selon l'argumentaire annexé à l'instruction précitée du 23 juillet 1993, il était " impératif ", à partir de l'analyse du dossier, " de rechercher une proposition limitant l'ampleur de la baisse de taux consentie " (rapport, p. 208) et qu'à les supposer exacts, les chiffres invoqués sont impropres à démontrer qu'aucun dommage à l'économie n'est résulté du comportement du réseau centralisé de la Société Générale dès lors qu'ils font ressortir que cette banque a essentiellement procédé à des réaménagements internes et que l'action concertée visait précisément, comme il a été dit, à prévenir l'immixtion de concurrents dans le processus de renégociation ;

Considérant, s'agissant des chefs de réseaux mutualistes, à savoir la CNCA, la CNCEP et la Confédération nationale du crédit mutuel, qu'il est exact que le comportement des caisses régionales membres de ces réseaux, dotées du statut d'établissements de crédits, a été hétérogène et que certains de ces établissements, telle la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, ont permis le maintien d'une concurrence perceptible non seulement sur le terrain de la production nouvelle de crédits à l'habitat, mais même sur celui de la renégociation externe d'emprunts antérieurement contractés ; que cette observation vaut particulièrement pour les caisses d'épargne et les caisses du crédit mutuel, dont l'attitude a, localement, suscité les protestations parfois vives d'autres réseaux participants aux pratiques litigieuses ; qu'il n'en demeure pas moins qu'un tel constat, qui s'explique par la structure des réseaux mutualistes, laquelle les rend plus sensibles aux facteurs locaux de concurrence, n'est pas de nature à atténuer la responsabilité propre des organes centraux ayant manifesté leur volonté d'adhérer au " pacte de non-agression " ;

Considérant qu'en dépit du réel degré d'autonomie inhérent à leur statut, la Caisse d'épargne des Alpes, la CRCAM de la Loire-Atlantique et la Fédération du crédit mutuel océan ont mis en œuvre la pratique anticoncurrentielle ; que les éléments de preuve précédemment cités, corroborés par la teneur d'un courrier en date du 25 octobre 1994 d'un client du Crédit mutuel de la Vendée (rapport, p. 176), contredisent la thèse de la CRCAM de la Loire-Atlantique selon laquelle seule une " application ponctuelle " de ladite pratique pourrait être retenue à son encontre ; que la contribution active de la Caisse d'épargne des Alpes à la mise en œuvre de l'entente dans son ressort territorial a été précédemment mise en évidence ;

Considérant que la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes soutiennent que le Conseil de la concurrence, qui s'est référé, en ce qui les concerne, au " produit brut bancaire ", ne pouvait prononcer de sanction pécuniaire à leur encontre faute de disposer d'une assiette telle que définie à l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais considérant, d'une part, que, répondant, respectivement, les 28 avril et 12 mai 2000 aux demandes de chiffres d'affaires relatives à l'exercice clos le 31 décembre 1999 qui leur avaient été adressées par le rapporteur, la CNCEP et la Caisse d'épargne des Alpes n'ont pas communiqué de chiffres d'affaires, la rubrique correspondante de leur liasse fiscale n'étant pas remplie, mais ont indiqué avoir réalisé en France, au cours de l'exercice 1999, un produit brut bancaire s'élevant, respectivement, à 20 759 248 000 F et 3 027 444 901 F ; qu'ayant ainsi elles-mêmes communiqué les éléments financiers auxquels s'est référé le Conseil de la concurrence pour la détermination de l'assiette de la sanction pécuniaire encourue, ces entreprises ne peuvent utilement lui faire grief de les avoir pris en considération ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les sanctions prononcées à l'encontre de ces dernières, qui ne justifient pas avoir réalisé des activités à l'étranger, excèdent la limite de 5 % prévue par le texte précité calculée sur la base de la notion qu'il convenait, selon elles, de retenir, notion qu'elles ne jugent pas utile de préciser ;

Considérant qu'en l'état de l'ensemble des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, les sanctions pécuniaires respectivement infligées aux requérantes apparaissent proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation des entreprises et organismes sanctionnés, au regard, notamment, de leur position sur le marché considéré et de leurs facultés contributives;

Considérant que la publication ordonnée par le Conseil de la concurrence est justifiée par des motifs appropriés, qu'il s'agisse du principe ou des modalités de cette mesure ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les observations déposées par le Conseil de la concurrence ; Déclare mal fondée la demande du ministre de l'économie tendant au rejet de pièces produites par les sociétés BNP Paribas, Société Générale, Caisse nationale de crédit agricole et Caisse d'épargne des Alpes ; Rejette les recours ; Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés au titre de la présente instance.