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Décisions

Conseil Conc., 28 juin 2001, n° 01-D-36

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte-d'Or

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Bergaentzlé, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Boutard-Labarde, M. Nasse, M. Lasserre, M. Robin, membres.

Conseil Conc. n° 01-D-36

28 juin 2001

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 19 janvier 1996 sous le n° F 843, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte-d'Or ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les décisions n° 99-DSA-7 et n° 99-DSA-8 du 19 novembre 1999 relatives au secret des affaires ; Vu les observations présentées par les sociétés Les Ciments d'Origny, Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Dijon Béton, Les Ciments d'Origny, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux entendus au cours de la séance du 20 mars 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - LES CONSTATATIONS

A. - Les produits

1. Le béton prêt à l'emploi

Le béton prêt à l'emploi est fabriqué à partir du ciment, des granulats (sable et gravier) et d'autres adjuvants, dans des centrales à béton fixes ou mobiles. Les centrales les plus importantes sont fixes et comportent généralement un poste de malaxage automatisé, permettant un dosage régulier des différents composants, selon la qualité de béton souhaitée. Les centrales mobiles sont installées sur les chantiers par les utilisateurs.

Lorsqu'il est produit dans des centrales fixes, le béton prêt à l'emploi est livré le plus souvent par le fabricant sur le chantier de l'utilisateur. Le transport est effectué dans des camions malaxeurs (camions " toupies ") d'une capacité de six à neuf mètres cubes, qui permettent de retarder la prise du béton.

La demande de béton prêt à l'emploi émane des entreprises du bâtiment et de travaux publics. Elle est donc tributaire de l'activité dans ces secteurs.

Le béton prêt à l'emploi est un produit original en raison des modalités de sa distribution à la clientèle : en règle générale, il est, en effet, transporté par le fabricant sur le chantier de l'utilisateur. Le recours à un fabricant de béton prêt à l'emploi présente l'avantage pour l'entreprise cliente d'économiser le matériel de fabrication, le stockage, ainsi que les frais de manutention du béton sur le chantier, dès lors que le camion malaxeur qui transporte et livre le béton peut intervenir sur plusieurs parties d'un chantier.

Les caractéristiques du produit donnent à l'activité de transport une importance déterminante :

· le produit doit être livré rapidement et la distance de livraison ne peut excéder une zone comprise dans un rayon de 20 ou 30 km : au-delà, en effet, le coût du transport serait trop important et obérerait la compétitivité des entreprises ;

· la livraison doit être effectuée à des moments précis de déchargement sur un chantier, obligation qui fait du fabricant de béton prêt à l'emploi un prestataire de services responsable de la fourniture de son produit jusqu'à la mise en place sur le chantier ;

· les entreprises font de plus en plus appel aux services des " transporteurs privés " qui sont propriétaires de leurs véhicules et sont rémunérés en fonction du nombre de mètres cubes transportés.

La connaissance des coûts de transport, qui peuvent représenter 30 % du prix du produit livré, apparaît ainsi comme une nécessité pour les entreprises fabricantes, même si ces coûts sont difficiles à maîtriser en raison des contraintes difficilement prévisibles (facilité plus ou moins grande de communication, modalités du déchargement, aléas du chantier).

2. Les produits en béton préfabriqués

Les agglomérés, les hourdis et les poutrelles sont utilisés dans la construction de bâtiments et d'ouvrages de travaux publics (éléments de construction, les tuiles, les marches d'escaliers, les planchers, les conduits, les canalisations, les bordures, les pavages...).

L'aggloméré en béton est un produit standardisé, interchangeable d'un fabricant à l'autre. Il est fabriqué à l'aide d'une presse et d'un moule à partir de ciments, d'agrégats et d'adjuvants. Les blocs les plus employés sont de dimensions 20x20x50, pour un poids variant de 18 à 22 kilogrammes par bloc selon les fabricants.

Les hourdis et les poutrelles servent à réaliser l'ossature des planchers, lesquels peuvent aussi être construits à partir de dalles et de pré-dalles. Les poutrelles sont essentiellement en béton précontraint et contiennent des fils en tension qui leur donnent un aspect bombé pour renforcer leur résistance. Les poutrelles sont des produits à performances mécaniques similaires dont les différences portent sur l'esthétisme. Les hourdis comportent des oreillettes qui permettent leur assemblage avec les poutrelles. Une fois les hourdis et les poutrelles assemblés, ils sont recouverts d'une dalle en béton coulé pour constituer le plancher.

Un mètre carré de plancher standard est composé de deux poutrelles d'un mètre chacune et de huit hourdis de 12x50x52. La réalisation d'un plancher exige de la main d'œuvre mais n'implique pas des moyens matériels particuliers. Les planchers sont fabriqués à la commande en fonction des plans de l'ouvrage. Le bureau d'étude du vendeur effectue informatiquement les calculs nécessaires à la bonne fin de l'opération.

Les agglomérés, les hourdis et les poutrelles présentent un caractère pondéreux et ne sont que faiblement valorisés. Ces deux facteurs limitent leur distance d'expédition dans un rayon d'environ cinquante km de leur point de stockage, afin de réduire les coûts de vente liés au transport.

B. - Les producteurs

1. Le béton prêt à l'emploi

La société Dijon Béton, société anonyme, a été créée en 1965. Son capital, de 1 150 000 F, est réparti entre trois catégories d'actionnaires, les entrepreneurs qui constituent le groupe A (40 % du capital), les négociants qui constituent le groupe B (30 % du capital) et les sabliers qui constituent le groupe C (30 % du capital). Son siège social est situé Route de Gray, à Saint-Apollinaire, près de Dijon.

La société Dijon Béton dispose de dix centrales de production de béton prêt à l'emploi implantées en Côte- d'Or : à Chenove, Saint-Apollinaire, Rouvres-en-Plaine, Longvic, Genlis, à proximité de Dijon, au sud et à l'est de la ville, à Nuits-Saint-Georges, entre Dijon et Beaune, à Pouilly-en-Auxois, à l'ouest du département, à Montbard, au nord-ouest du département, à Châtillon-sur-Seine, au nord du département, et à Beaune, au sud du département.

La production totale de béton prêt à l'emploi de la société Dijon Béton était, en 1991, de 224 774 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 89 499 600 F, en 1992, de 204 690 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 82 920 000 F et, en 1993, de 175 409 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 73 118 000 F. La production de béton écoulée sur l'agglomération dijonnaise par la société a été évaluée, par son président du conseil d'administration, M. Jean-Pierre Pion, à 90 000 m3.

La société Maggioni, entreprise créée en nom personnel en 1955, est localisée à Bressey-sur-Tille, à dix km au nord-est de Dijon. Depuis sa création jusqu'en 1988, les activités de la société ne concernaient que la production d'agglomérés et de hourdis. En 1988, son président du conseil d'administration, M. Louis Maggioni, a décidé de construire une centrale à béton prêt à l'emploi normalisé au siège de l'entreprise.

La production totale de béton de l'entreprise Maggioni était, en 1991, de 40 264 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 15 597 000 F, en 1992, de 32 760 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 13 946 000 F et, en 1993, de 32 119 m3 pour un chiffre d'affaires hors taxes de 13 567 000 F. La société Maggioni écoule sa production dans un rayon d'une quinzaine de km autour de l'unité de production et à 48 % dans l'agglomération dijonnaise.

La société Béton Granulats Ile-de-France (BGIE), société anonyme au capital de 17 079 900 F, détenue majoritairement par le groupe Vicat, dispose d'une centrale implantée à Beaune qui couvre les secteurs de Beaune et de Châlon-sur-Saône. L'unité de production a produit 15 000 m3 de béton en 1992 et 14 000 m3, en 1993.

Il résulte des informations fournies par la société Dijon Béton que ses dix centrales sont concurrencées de la façon suivante :

· pour les centrales implantées à Chenove, à Rouvres-en-Plaine, à Longvic, à Saint-Apollinaire et à Genlis, éloignées de 10 à 13 km de Dijon,

- au Nord de Dijon : par les Établissements Maggioni à Bressey-sur-Tille à 10 km, par Unimix du groupe Ciment Français à 49 km, soit à une heure de trajet, par Orsa Béton à Gray à 40 km de Dijon, soit à 50 mn, par les Établissements Gérouville à Villegusien à 32 km, soit à 40 mn ;

- au Sud-est de Dijon : par Orsa à Choisey à 20 km de la centrale de Genlis, soit à 30 mn de trajet, par Baehrel à Champdivers à 18 km de la centrale de Genlis, soit à 30 mn ;

· pour la centrale de Châtillon-sur-Seine, au Nord-ouest : par Béton des Hauts de Seine à Saint-Parres-les- Laudes à 45 km, soit à 45 mn de trajet, par Béton Chantiers de Bourgogne à Le Tronchois, à proximité de Tonnerre, à 50 km, soit à 1h15, par Loret à à Clerey à 50 km, soit à une heure ;

· pour la centrale de Montbard, au Nord-Ouest, par Unimix à Avallon à 37 km, soit à 40 mn de trajet ;

· pour la centrale de Pouilly-en-Auxois, au Sud-Ouest : par SDMC à Autun à 44 km, soit à une heure de trajet ;

· pour les centrales de Beaune et de Nuits-Saint-Georges, au Sud : par Unimix, BGIE et Orsa à Châlon- sur-Saône à 33 km de Beaune, soit à 40 mn de trajet, par BGIE, située à quelques mètres de la centrale de Beaune, à 17 km, soit à 25 mn de Dijon et à 35 km de Dijon, soit à 45 mn.

L'unité de production de la société Maggioni, quant à elle, se trouve en concurrence avec les cinq centrales de production de la société Dijon Béton implantées dans l'agglomération dijonnaise, ainsi qu'avec les centrales de la BGIE à Beaune, d'Unimix, de la BGIE et d'Orsa à Châlon-sur-Saône, à 40 mn de Dijon.

Selon le Syndicat national du béton prêt à l'emploi (SNBPE), la production nationale de béton était de 35 440 571 m3 en 1991 (1587 centrales), 31 688 928 m3 en 1992 (1597 centrales) et de 28 086 606 m3 en 1993 (1571 centrales).

2. Les agglomérés et les hourdis

Deux producteurs d'agglomérés et de hourdis sont installés en Côte-d'Or : les entreprises Maggioni et Baehrel.

Depuis sa création en 1955, la société Maggioni fabrique et commercialise des agglomérés et des hourdis. Selon les déclarations de son dirigeant, M. Louis Maggioni, l'entreprise commercialise 95 % de sa production en Côte-d'Or. En 1993, la vente de ces produits a généré un chiffre d'affaires hors taxes de 11 798 059 F. La vente des agglomérés et des hourdis dans le département de la Côte-d'Or a représenté, la même année, 60 238 tonnes pour un chiffre d'affaires hors taxes correspondant de 10 803 400 F.

La société Baehrel, au capital de 5 millions de F, dont le siège est situé à Broye-les-Pesmes en Haute-Saône, possède plusieurs sites de production : au siège social de l'entreprise ouvert en 1965, le deuxième ouvert à Dijon en 1975 et le troisième à Champdivers dans le Jura. Ces sites fabriquent des agglomérés, des hourdis et des pavés.

L'entreprise Baehrel a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes pour l'année 1993 de 25 808 000 F, dans lequel les pavés ont représenté 53 % , les agglomérés 20 %, le béton prêt à l'emploi 15,5 % et les planchers 11,5 %. La même année, la société Baehrel a commercialisé 11 400 tonnes d'agglomérés et de hourdis en Côte-d'Or pour un chiffre d'affaires hors taxes de 2 128 509 F.

Les sociétés Maggioni et Baehrel exploitent en commun une filiale de production d'agglomérés et de hourdis, la SAMB, située à Châlon-sur-Saône, à une soixantaine de km au Sud de Dijon. La société Maggioni assure la commercialisation des agglomérés et des hourdis de la société Baehrel.

La société Tubagglo, rachetée par le groupe Sturm, est détenue majoritairement par la société Tuilerie Jean Philippe Sturm. Le groupe Sturm a pénétré le secteur des agglomérés et des hourdis par le rachat de la société Tubagglo, en 1988. Les unités de productions sont situées à Strasbourg, à Mulhouse, à Metz et à Dannemarie dans le Doubs. Ce dernier site, le plus proche de Dijon, est à quatre-vingts km de la ville. La société Tubagglo a réalisé, en 1993, un chiffre d'affaires de 18,4 millions de F. La société a vendu, en 1993, 10 670 tonnes d'agglomérés et de hourdis pour un chiffre d'affaires hors taxes de 1 910 000 F, en Côte-d'Or.

En 1993, les sociétés Maggioni, Baehrel et Sturm occupent, dans cet ordre, les trois premières places en matière de commercialisation d'agglomérés et de hourdis dans le département de la Côte-d'Or. Elles sont suivies par la société Dragages et Matériaux Verdunnois (7 500 tonnes), SABEM (3 620 tonnes pour un chiffre d'affaires de 648 077 F), SAMB (3 146 tonnes pour un chiffre d'affaires de 563 052 F), Buonomi (1 801 tonnes pour un chiffre d'affaires de 322 400 F), Agraco (1 660 tonnes pour un chiffre d'affaires de 298 826 F), Cogebat (585 tonnes) et Gérouville (500 tonnes pour un chiffre d'affaires de 89 946 F).

3. Les poutrelles

Il existe quatre marques de notoriété de poutrelles qui appartiennent à trois grands groupes : Feder et PPB du groupe Bédaricienne Doras Industrie, contrôlé à 50 % par le groupe Doras, Rector du groupe Lesage, Sturm du groupe Sturm.

Le groupe Bédaricienne Doras Industrie dispose de dix usines implantées en France. Le groupe Lesage a également une implantation nationale. Le groupe Sturm est essentiellement implanté dans le quart Nord-est du territoire. L'offre de poutrelles apparaît plus diffuse que celle des autres produits en béton. La commercialisation de ces produits s'appuie sur les dépositaires de marques.

Selon les statistiques de l'Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (UNICEM) fournies par le rapport administratif d'enquête, le montant de la production nationale de produits en béton préfabriqués de l'année 1993 a, par catégorie de produits, été de :

· 12 386 000 tonnes d'agglomérés en béton ;

· 1 404 000 tonnes d'hourdis ;

· 31 179 000 mètres linéaires de poutrelles ;

· 10 901 000 mètres carrés de dalles et prédalles pour planchers.

Selon les données issues de la société Doras Matériaux, le marché des poutrelles, limité au seul département de la Côte-d'Or, serait évalué à 357 000 mètres linéaires en 1991 et à 369 400 mètres linéaires en 1992.

C. - La commercialisation des produits

En 1994, il était possible de recenser quatorze sociétés de négoce en matériaux de construction et vingt- quatre points de vente dans le département de la Côte-d'Or. Parmi ces négociants, figurent les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, qui sont également actionnaires de la société Dijon Béton.

La société anonyme Doras Matériaux appartient au groupe Doras, lequel comporte trois branches : la branche " négoce ", la branche " granulats " et la branche " industrielle ". La branche " négoce " comprend plusieurs sociétés regroupées par la société holding " Serdis " : Doras Matériaux qui possède deux dépôts, l'un à Chenove, l'autre à Dijon, Doras Associés qui a trois établissements, dont deux à Beaune et un à Nuits-Saint-Georges, Bouvet Doras qui dispose de deux dépôts à Auxonne et à Saint-Usage et Belin Matériaux qui possède deux dépôts à Châtillon-sur-Seine et à Fain-les-Montbard.

L'entreprise exerce des activités de négoce dans tous les domaines du bâtiment et des travaux publics, à l'exception de l'électricité. Son siège social est situé à Chenove, près de Dijon. Selon les informations fournies par son président, M. Robert Ronot, son activité est circonscrite à l'agglomération dijonnaise dans un rayon d'action de vingt km.

La société Doras Matériaux s'approvisionne en béton prêt à l'emploi auprès des sociétés Dijon Béton et Maggioni, en agglomérés et hourdis auprès de la société Maggioni. Ce négociant est dépositaire de la marque de poutrelles Feder. L'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes total de 205 millions de F en 1993 et un chiffre d'affaires hors taxes de 212 millions de F en 1994.

La société anonyme Pagot et Savoie est une entreprise familiale, créée il y a plus d'un siècle, appartenant au groupe Comafranc. Ce groupe est essentiellement implanté dans l'est, la région parisienne et la région Rhône-Alpes. Le groupe compte trente sociétés. Selon les déclarations de son président, M. Pascal Gay, la société s'est spécialisée dans le négoce des matériaux de construction et du sanitaire-chauffage-carrelage.

L'entreprise dispose de cinq points de vente en Côte-d'Or qui emploient cent quatre-vingt-dix salariés. Ces dépôts sont implantés à Semur-en-Auxois, à Arnay-le-Duc, à Pouilly-en-Auxois, à Auxonne et à Chenove. Ce négociant s'approvisionne en béton prêt à l'emploi auprès des sociétés Dijon Béton et Maggioni, en agglomérés et hourdis auprès de la société Maggioni. Il est dépositaire de la marque de poutrelles Rector. Sur l'ensemble des établissements de la Côte-d'Or, la société a réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes de 202 464 000 F en 1993.

La société anonyme Bloc Matériaux a été créée en 1987 par la cession d'un fonds de commerce appartenant à Socamat. Cette société, dont M. Yvon Bloc est le président du conseil d'administration, ne possède pas de filiale. L'entreprise est située à Fontaine-lès-Dijon, près de Dijon.

Ce négociant s'approvisionne en béton prêt à l'emploi auprès des sociétés Dijon Béton et Maggioni. Il est dépositaire de la marque de poutrelles PPB. La société a réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes de 58 033 000 F en 1993.

Les autres négociants installés dans le département sont les sociétés Rolland Matériaux, Dragages et Matériaux Verdunnois (DMV), le Comptoir Auxonnais des Matériaux (CAM), Ducros, Stoker, Pissot, Herren Matériaux, Socamat.

La société Rolland Matériaux, à l'origine de la saisine, a été créée en 1969. Spécialisée dans le négoce de produits pétroliers, elle a élargi ses activités au négoce en matériaux d'isolation, en 1973. Après avoir abandonné le négoce en produits pétroliers, elle s'est orientée, en 1984, vers le négoce en matériaux de construction. La société possède deux dépôts, l'un à Seurre, au Sud du département, l'autre à Fenay, à proximité de Dijon. Le chiffre d'affaires hors taxes de la société est passé de 5 754 789 F en 1989 à 21 624 351 F en 1997.

Au moment des faits, le négociant Rolland Matériaux s'approvisionnait en agglomérés, hourdis et poutrelles auprès de l'entreprise Sturm et obtenait son approvisionnement en béton prêt à l'emploi par l'intermédiaire du groupement Gédimat.

La société Dragages et Matériaux Verdunnois (DMV) a son siège social à Verdun-le-Doubs en Saône-et- Loire, mais dispose d'une agence à Beaune en Côte-d'Or. L'approvisionnement en béton prêt à l'emploi est assuré par les centrales de Beaune et de Nuits-Saint-Georges de la société Dijon Béton et par celle de la BGIE à Beaune. L'approvisionnement en agglomérés et hourdis est effectué par les propres usines de fabrication de DMV, situées en Saône-et-Loire.

L'agence DMV à Beaune réalise un chiffre d'affaires hors taxes annuel moyen compris entre 14 et 15 millions de F pour un chiffre d'affaires, toutes activités confondues, compris entre 55 et 60 millions de F.

Le Comptoir Auxonnais des Matériaux (CAM) est une société anonyme à responsabilité limitée, au capital de 50 000 F, qui possède un seul établissement à Auxonne, ville située à l'est de Dijon. En 1993, elle a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes de 6 161 000 F. Jusqu'en 1992, les fournisseurs de la CAM en béton prêt à l'emploi étaient les sociétés Dijon Béton et Maggioni. A partir de 1993, l'entreprise s'est rapprochée de la société Baehrel qui produit aussi du béton sur son site de Champdivers dans le Jura. La société Sturm assure son approvisionnement en agglomérés et hourdis.

La société à responsabilité limitée Ducros est implantée à Is-sur-Tille à quinze km au Nord de Dijon. Son capital de 50 000 F est réparti respectivement à 70 % et à 30 % entre les familles Siri et les Établissements Gérouville situés en Haute-Saône, lesquels fabriquent des agglomérés et des hourdis. Le négociant Ducros se fournit en béton prêt à l'emploi auprès des sociétés Dijon Béton et Maggioni et en agglomérés et hourdis auprès des Établissements Gérouville ou de l'entreprise Maggioni.

La société anonyme Stoker a un capital de 2 500 000 F réparti entre les cinq membres de la famille Stoker. Elle dispose de deux établissements implantés l'un au siège social à Pouilly-en-Auxois et l'autre à Saulieu. Cette entreprise de négoce a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes de 34 millions de F en 1993, dont 24 millions de F au titre de la vente de matériaux.

En matière d'approvisionnement, le responsable de la société, M. Jean-François Stoker, a précisé que le béton prêt à l'emploi lui était fourni par la société Dijon Béton, que les agglomérés et les hourdis lui étaient fournis par l'entreprise Maggioni et que les planchers lui étaient fournis par DMV.

L'entreprise Pissot est une entreprise exploitée en nom personnel, implantée à Ménétreux-le-Pitois près de Venarey-lès-Laumes, à proximité de Montbard. Le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par la société est de 10 677 000 F, en 1993. La société se fournit en béton prêt à l'emploi auprès de la société Dijon Béton par l'intermédiaire du négociant Bloc Matériaux et en agglomérés et en planchers auprès des Établissements Gérouville en Haute-Saône.

La société anonyme Herren Matériaux, au capital de 250 000 F, est aussi localisée à Vénarey-lès-Laumes. Le chiffre d'affaires hors taxes de 1994 était de 7 millions de F. L'approvisionnement en béton est assuré par la société Dijon Béton par l'intermédiaire du négociant Bloc Matériaux. Les agglomérés et les hourdis ont été fournis par l'entreprise Maggioni jusqu'en 1993. Ensuite, le négociant Herren Matériaux s'est approvisionné auprès de la société Agraco dans l'Yonne. Ce négociant est dépositaire de la marque de poutrelles Feder.

La société Socamat, société anonyme à responsabilité limitée, est installée à Châtillon-sur-Seine. Son capital de 100 000 F est réparti à égalité entre deux groupes familiaux. Elle a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes de 19 200 000 F en 1993. La société Socamat est approvisionnée en direct en béton prêt à l'emploi par la société Dijon Béton. Les agglomérés, les hourdis et les poutrelles sont fournis par des entreprises situées dans l'Aube et en Haute-Marne (Cogebat et François).

L'agglomération dijonnaise comporte également deux grandes enseignes, Leroy-Merlin et Castorama. Leroy-Merlin choisit ses fournisseurs en béton et en agglomérés à partir d'un référencement national, mais se fournit aussi auprès des fournisseurs locaux. Parmi ceux-ci, figurent les entreprises Maggioni et Baehrel pour le béton, les agglomérés et les hourdis. Le fournisseur de Castorama en agglomérés est le négociant Bloc Matériaux. Les chiffres d'affaires se rapportant à ces activités avoisinent 0,8 % pour Leroy-Merlin et 1,3 % pour Castorama.

D. - Les faits

1. L'organisation du système de distribution du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton

La distribution du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton destiné aux entrepreneurs, artisans ou particuliers est assurée, soit directement par le producteur, soit par les négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, soit par des négociants qui n'ont pas de lien avec la société Dijon Béton.

Les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux font partie du groupe B " Négoce " des actionnnaires de la société Dijon Béton. Il ressort de l'enquête que leurs responsables se réunissent régulièrement trois ou quatre fois par an pour décider de la politique commerciale de l'entreprise en présence du président du conseil d'administration de celle-ci, M. Jean-Pierre Pion.

Une note du 3 janvier 1995, émanant de la société Dijon Béton et saisie au siège de cette société, précise que la politique commerciale de la société était, depuis l'origine, initiée par le groupe B " Négoce " de la société : " La commercialisation depuis l'origine a été confiée aux négociants actionnaires pour les zones de chalandise que ceux-ci couvraient commercialement. La société a choisi dans les zones non couvertes par les actionnaires des distributeurs locaux avec lesquels elle a établi une relation commerciale suivie ".

Ainsi, il a été décidé que le producteur livrerait en direct les entreprises actionnaires de la société Dijon Béton, des " revendeurs ", ainsi que certaines entreprises répondant à certains critères. Les revendeurs sont des négociants avec lesquels la société Dijon Béton a établi des relations commerciales suivies. Il s'agit des sociétés Ducros, Stoker, Dragages et Matériaux Verdunnois (DMV) et Socamat.

Les entreprises pouvant être livrées en direct par la société Dijon Béton doivent répondre à deux critères exposés par M. Jean-Pierre Pion dans ses déclarations aux enquêteurs le 13 décembre 1994 : " leur siège doit être situé en dehors de la Côte d'Or " et " le chantier doit employer des quantités de BPE supérieures à 500 m3. Ces deux conditions ont été posées en accord avec les actionnaires de Dijon Béton ".

Les critères de livraison en direct de la société Dijon Béton s'appliquent également aux négociants qui ne sont pas actionnaires de l'entreprise. Trois négociants interrogés au cours de l'enquête, MM. Pissot, Bailly et Tamain, négociants en matériaux de construction installés en Côte-d'Or, ont déclaré qu'ils ont été obligés de passer par les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux pour être approvisionnés en béton. Seule l'entreprise Pissot a pu choisir son négociant jusqu'en 1988 :

" En ce qui concerne le BPE, je m'approvisionnais pendant longtemps en direct chez Dijon Béton...Mais depuis 1988/1989, ils m'ont imposé de passer par un négociant en raison de mon cubage qu'ils estimaient insuffisant " (déclarations du 28 novembre 1994 de M. Pissot, exploitant des Établissements Pissot).

" Concernant mon approvisionnement en béton prêt à l'emploi, j'avais jusqu'en 1992, deux fournisseurs, Dijon Béton et Maggioni. Jusqu'à la moitié de l'année 1992, Dijon Béton nous facture directement les livraisons faites à nos clients. Puis à l'occasion d'une commande importante (80 m3) d'un de mes clients (l'entreprise Negrello à Genlis), Dijon Béton a délivré à mon insu le bon de livraison au nom de Doras Matériaux ou de sa filiale Matériaux de Val de Saône. Ce n'est qu'en vérifiant les différents bons de commande que je me suis aperçu que Dijon Béton voulait détourner cette commande au profit de Doras. Aussitôt, j'ai téléphoné à M. Jacotot (responsable de Dijon Béton). J'ai donc demandé un avoir et bloqué la facture jusqu'à réception de celui-ci. Ayant reçu une promesse de règlement de l'avoir, j'ai réglé la facture en fin d'année 1992. Pour autant, la société Dijon Béton n'a jamais honoré son engagement. C'est pourquoi, j'ai cessé toute relation commerciale avec cette entreprise " (déclarations du 10 octobre 1994 de M. Bailly, gérant du Comptoir Auxonnais des Matériaux).

" Pour le BPE, nous nous approvisionnions auprès de Dijon Béton par l'intermédiaire de Bloc Matériaux. Nous ne sommes pas traités en direct parce que Dijon Béton a toujours refusé de nous ouvrir un compte. Le choix du négociant nous a été imposé par Dijon Béton " (déclarations du 21 avril 1995 de M. Tamain, responsable de la société Herren Matériaux).

Dans ses déclarations recueillies par procès-verbal du 13 décembre 1994, M. Jean-Pierre Pion, président du conseil d'administration de la société Dijon Béton, a confirmé que : " En effet, les trois actionnaires de Dijon Béton bénéficient d'une exclusivité d'approvisionnement en direct dans les zones où ils sont implantés ".

Ainsi, une entreprise du BTP implanté en Côte-d'Or souhaitant commander du béton prêt à l'emploi, quelle que soit sa capacité de chantier, doit s'adresser soit à un négociant, lequel doit s'adresser à son tour à un négociant actionnaire de la société Dijon Béton, soit directement à un négociant actionnaire de la société Dijon Béton.

Il en résulte un coût plus élevé pour l'entrepreneur, l'artisan ou le particulier, utilisateur de béton prêt à l'emploi, ainsi que l'indique M. Bailly du Comptoir Auxonnais des Matériaux dans ses déclarations, confirmées par celles de M. Tamain, responsable de la société Herren Matériaux, et de M. Delaire, gérant du négoce Socamat :

" Il est évident que par l'intermédiaire des filiales-négoces, la concurrence joue en leur faveur du fait qu'ils bénéficient d'une meilleure tarification " (déclarations du 21 avril de M. Tamain, responsable de la société Herren Matériaux).

" A partir de 90, Dijon Béton nous ayant démarché et proposé un approvisionnement direct avec des prix identiques à ceux de notre concurrent Belin (installé depuis novembre 1988), nous avons décidé de travailler avec ce fournisseur " (déclarations du 16 mai 1995 de M. Delaire, gérant de la société Socamat). La société Belin appartient au groupe Doras.

Il a aussi été relevé par l'enquête que les négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux perçoivent des primes de fin d'année, l'une appelée prime d'objectif, l'autre, prime quantitative de fin d'année. La première est versée aux négociants si ceux-ci dépassent un objectif de commercialisation de béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton fixé en commun au cours des réunions du groupe B " Négoce ". Cette prime porte sur la différence entre l'objectif de vente et la réalisation effective de vente de béton. La seconde porte sur les volumes de béton prêt à l'emploi vendus. Si la prime d'objectif peut présenter un caractère aléatoire, par contre la prime quantitative de fin d'année est acquise aux négociants, dès lors que les commandes de béton passent par leur intermédiaire.

2. La mise en place d'une structure tarifaire commune aux sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux

Les tarifs au 1er janvier 1992 versés au dossier par la société Dijon Béton ne comportent aucune mention concernant le caractère indicatif, conseillé ou maximum, des prix au mètre cube du béton prêt à l'emploi.

Lors de son audition par le rapporteur, le président du conseil d'administration de la société Dijon Béton a expliqué la manière dont le prix au mètre cube du béton prêt à l'emploi était annoncé au client : " Lorsqu'une demande de prix est faite par un client directement à Dijon Béton, le prix qui lui est indiqué inclut la marge du négociant. Le client est donc en possession d'un prix final de vente (...) Cette marge est, pour Dijon Béton, un maximum " et " les négociants demeurent libres de la moduler à la baisse, ce qui est souvent le cas pour les grosses entreprises. Il s'agit en quelque sorte d'un prix conseillé plafond, le négociant restant libre de moduler son prix " (déclarations de M. Pion du 14 décembre 1998).

Dans le même cadre, les responsables des trois sociétés de négoce ont affirmé que les prix indiqués par la société Dijon Béton sont des prix indicatifs conseillés ou des prix maximums conseillés.

Ces indications sont cependant contredites par un compte rendu de réunion du groupe B du 3 août 1972, annexé à la note précitée du 3 janvier 1995, qui comporte un paragraphe 4 intitulé " Questions diverses " rédigé comme suit : " Quelques observations ont été faites sur des disparités tarifaires existant entre les négociants. Les écarts sont très faibles, à 2 centimes en plus ou en moins, mais ils peuvent avoir une certaine portée psychologique. Après échange de vues, il est admis de tolérer un écart maxi de 2 centimes s'il est justifié par des contraintes techniques (mécanographie entre autres) mais à la condition que l'information tarifaire croisée soit faite ".

Ces échanges concernant les tarifs sont confirmés par plusieurs autres comptes rendus de réunion du groupe B " Négoce " (28 juin 1988, 25 janvier 1991, 30 janvier 1992, 15 décembre 1992 et 2 février 1994) saisis, pour les uns, au siège de la société Dijon Béton, pour les autres, au siège de la société Doras Matériaux, lesquels comportent un paragraphe intitulé " révision des marges ". Cette révision intervient en début d'année pour l'année en cours ou en fin d'année pour l'année à venir.

Par ailleurs, il ressort de ces comptes rendus ou des projets de comptes rendus que la clientèle du producteur Dijon Béton et des négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux est aussi classifiée en cinq catégories A, B, C, " Autres " et " Particuliers ". A chacune des cinq catégories de clients est affecté un montant de marge, ainsi qu'il ressort du tableau suivant :

La facturation des sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, examinée au cours de l'instruction, montre que les marges pratiquées par ces négociants sont très proches de celles fixées au cours des réunions du groupe B " Négoce " : 73 % des prix de vente de béton prêt à l'emploi de la société Doras Matériaux (47/64) comportent des marges identiques à celles définies en commun, 56 % (36/64) des prix de vente de béton de la société Pagot et Savoie comportent également des marges identiques, 72 % (9/11) des prix de la société Bloc Matériaux comportent aussi des marges identiques. Tout en demeurant très proches des marges définies en commun, dix-sept marges de la société Doras Matériaux sont supérieures à celles définies en commun et vingt-trois marges de la société Pagot et Savoie sont également supérieures à celles définies en commun.

Les comptes rendus de réunion du groupe B " Négoce " font état de l'existence de marges d'un montant identique appliquées à une clientèle commune. L'origine de la pratique est révélée par le compte rendu du 28 juin 1988, saisi au siège de la société Dijon Béton, lequel comporte un paragraphe II intitulé " La répartition des clients suivant les taux de marge " dont la teneur est la suivante : " Les négociants ont été d'accord pour revoir la classification de leurs clients. Monsieur Pion a fait alors remarquer que si cette classification était avant tout du ressort des négociants, Dijon Béton avait quand même son mot à dire, puisque indirectement les clients des négociants sont également ceux de Dijon Béton. En conclusion, un système est mis en place qui permet de proposer les mêmes prix aux clients, soit en direct, soit par le négoce, mais qui laisse la possibilité à ces derniers d'être facturés par la société de son choix ".

En annexe II de ce même compte rendu, figure " Une proposition de classement des clients du négoce au 1er juillet 1988 " laquelle, au sein des catégories A, B et C, identifie nommément des entreprises qui bénéficieront de montants de marges identiques, quelle que soit l'entreprise qui les livrera en béton. Cette pratique était encore en vigueur au moment des faits relevés au cours de l'enquête, comme le confirment les annexes aux comptes rendus de réunions du groupe B " Négoce " du 30 janvier 1992 et du 13 décembre 1992, saisis, pour le premier, au siège de la société Dijon Béton et, pour le second, au siège de la société Doras Matériaux.

Un rapprochement entre les noms de plusieurs entreprises figurant dans la liste de classement du 1er janvier 1993 et la facturation qui leur est appliquée montre que les marges qui leur sont appliquées sont identiques à celles prévues dans la proposition de classement. Ainsi, l'entreprise Aller, classée en B, est facturée par la société Doras Matériaux sur la base d'une marge de 15,25 F, l'entreprise Viafrance, classée en B, est facturée par la société Pagot et Savoie sur la base d'une marge de 15,25 F, l'entreprise Curot, classée en A, est facturée sur la base d'une marge de 11,60 F par la société Pagot et Savoie, l'entreprise Zinetti, classée en A, est facturée sur la base d'une marge de 11,60 F par la société Bloc Matériaux.

3. La mise en place d'un quota de distribution de béton prêt à l'emploi produit par la société Maggioni sur l'agglomération dijonnaise

L'entreprise Maggioni commercialise son béton prêt à l'emploi en direct et par l'intermédiaire de négociants. Lorsque le béton prêt à l'emploi de ce producteur est commercialisé par les négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, l'entreprise Maggioni ne verse aucune prime de fin d'année, contrairement à la société Dijon Béton qui verse une prime sur objectif et une prime quantitative de fin d'année.

Une note datée du 9 septembre 1993, saisie dans les locaux de la société Doras Matériaux, comporte un encadré " Accord de base ", suivie de " 17 % du marché Dijon est affecté à Maggioni lors de sa création ". Les termes de ce document situent l'origine de la pratique au moment de l'installation, à dix km de Dijon, de la centrale de béton de l'entreprise Maggioni, en 1988. Cette note présente, ensuite, des données chiffrées qui correspondent aux parts respectives de béton commercialisé par les sociétés Dijon Béton et Maggioni. La part de béton commercialisée par l'entreprise Maggioni est évaluée, au 31 décembre 1992, à 12,5 % de la production cumulée des deux producteurs. Les prévisions sont de 17,3 % pour le 31 décembre 1993. Cette note comporte un autre encadré avec la mention " Contrôle mensuel de m3 avec DB + Maggioni + Négoces " ainsi que deux autres mentions " Accord de Duris " et " Mise en place début septembre 1993 ", M. François Duris étant un des responsables de la société Pagot et Savoie. La note est reproduite ci-après :

"Dijon Béton Accord de base 17 % du marché de Dijon est affecté à Maggioni lors de sa création

Contrôle mensuel de m3 avec DB + Maggioni + négoces

Négoces

1° ) Pratique : les clients qui changent de négoces passent par Maggioni

attention aux jeux commerciaux stériles pour le niveau de marché et les marges

2° Accord de Duris

3° Mise en place début septembre 1993 ".

S'agissant de cette note, M. Robert Ronot, président de la société Doras matériaux, a déclaré aux enquêteurs le 3 mai 1995 : " Je suis le rédacteur de cette note. Il s'agit d'une discussion avec M. Braillard sur les marges et la part réciproque de marché entre Maggioni et Dijon Béton ".

Lors de son audition par le rapporteur le 17 février 1999, M. Ronot a déclaré : " il s'agit, sans doute, d'une évaluation du volume d'achat de Doras Matériaux qui pouvait être acheté à Maggioni pour l'aider à démarrer ".

Antérieurement à cette note, une note, saisie au siège de la société Pagot et Savoie, a été rédigée par M. Philippe Logerot, directeur administratif de cette société. Les termes de cette note permettent de situer sa date de rédaction au moment de l'installation de la centrale de béton de la société Maggioni, en 1988. Elle indique, en effet : " S'entendre et sur les agglos et sur le béton avec Maggioni en commercialisant tous les 2 et le béton et les agglos. On lui laisse 20 000 m3 de béton, on compense en prenant (chiffre illisible) agglos. Pagot et Doras + Socibat - 12 M d'achat chez Maggioni sur les 25 M de son CA, soit 60 à 70 % de son CA - hourdis Rector - cela doit le laisser à réfléchir - avant tout sauvegarder les intérêts de chacun sans renforcer le groupe Doras ".

Lors de son audition le 11 avril 1995, M. Philippe Logerot s'est expliqué de la teneur de cette note dans les termes suivants : " Il s'agit d'une réaction épidermique liée à la situation de l'époque (lorsque) nous avons appris qu'un fournisseur, l'entreprise Maggioni risquait de devenir un concurrent ".

Le contrôle mensuel envisagé dans la note du 9 septembre 1993, précitée, a été effectué, ainsi qu'en attestent plusieurs documents saisis dans les locaux de la société Dijon Béton, adressés par télécopie, nominativement, à M. Jacotot, directeur général de la société Dijon Béton, par les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux. Ces pièces font état de contrôles portant sur les mois de septembre à décembre 1993 et sur les mois de janvier à avril 1994.

Une note du 5 octobre 1993, saisie dans le bureau de M. Yvon Bloc, président du conseil d'administration de la société Bloc Matériaux, retranscrit les termes d'une réunion du groupe B " Négoce " qui s'est tenue dans les locaux de la société Dijon Béton à la même date et qui a rassemblé les représentants des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux.

Les notes consignées par le rédacteur sont les suivantes : " Concurrence Maggioni - 17 % août - 19 000 fin août - a repris son objectif - septembre 18 % (l'année dernière n'a pas réalisé son objectif - 15 % environ) ".

Une autre note manuscrite, non datée, rédigée par M. Robert Ronot postérieurement au premier trimestre, est intitulée " Dijon Béton - Prévision 2ème trimestre ". Elle présente une mention encadrée qui indique " Décision RV/Maggioni - m3/17 % ". La note contient également des données chiffrées : " DM 342 - PS 700 -B 1159 - Ravetto 700 ". Les initiales précédant les cubages de béton sont celles des sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux.

M. Robert Ronot a ainsi expliqué le contenu de cette note aux enquêteurs le 3 mai 1995 : " Je suis le rédacteur de cette note ". Concernant l'encadré en fin de page sur le rendez-vous prévu avec l'entreprise Maggioni, M. Ronot a indiqué : " Je venais d'arriver dans l'entreprise et me trouvant confronté à une situation que je ne comprenais pas, il s'agit d'une interrogation après réunion. Cette page manuscrite est également une réflexion personnelle (qui) peut être liée à l'analyse des statistiques de Dijon Béton fournies au moment de la réunion. J'ai moi-même porté les chiffres 93 indiqués sur le tableau ".

Une note manuscrite, datée du 12 avril 1994, a été saisie dans le bureau de Melle Pinel, chef de secteur " maçonnerie-couverture " de la société Doras Matériaux. Cette note est rédigée comme suit : " - pour 3 premiers mois Magg. Progression 93 3 800 m3 + 43 % - 94 5 400 m3 - 20 % du marché au lieu 17 - + 33 % direct revendeur - faire baisser volume béton Maggioni (environ) 10 % - 1159 - 700 - 342 - Ravetto (700) - Pagot et Savoie (repris Ravetto) ".

Cette note du 12 avril 1994 comporte les mêmes données chiffrées que celles figurant dans la note rédigée par M. Robert Ronot concernant les volumes de béton. A la date du 12 avril 1994, se tenait une réunion du groupe B " Négoce " dont le compte rendu mentionne dans un paragraphe intitulé " concurrence " que " Les actionnaires négociants en matériaux assurent à Dijon Béton leur soutien et leur collaboration pour éviter tous dérapages que peut engendrer une telle situation ".

Les volumes de béton de 3 800 m3 et 5 400 m3, mentionnés pour la fin des premiers trimestres des années 1993 et 1994, ne correspondent pas aux volumes produits par l'entreprise Maggioni, puisque celle-ci a produit un volume supérieur à 32 000 m3 par an. Il ne peut s'agir que du volume commercialisé sur l'agglomération dijonnaise. La reprise de l'entrepreneur Ravetto, approvisionné par l'entreprise Maggioni, aurait représenté environ une baisse de 12 % du volume de béton de l'entreprise Maggioni commercialisé par les trois négociants. L'entreprise Maggioni a conservé l'entreprise Ravetto, qu'il était envisagé de lui retirer, pour maintenir son quota de distribution sur l'agglomération dijonnaise à 17 % en 1994.

4. La répartition de clientèle en matière de distribution des agglomérés entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux

Il ressort de l'enquête que la création d'une centrale de béton prêt à l'emploi par M. Louis Maggioni, en 1988, qui venait directement concurrencer la société Dijon Béton, a provoqué une réaction des négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux. Ceux-ci avaient envisagé de créer une entreprise de fabrication d'agglomérés et de hourdis pour contrer l'activité d'origine de l'entreprise Maggioni. Le projet a été abandonné. Des notes manuscrites révèlent la stratégie alors adoptée par les sociétés Doras Matériaux, Pagot Savoie et Bloc Matériaux.

Une première note manuscrite non datée, saisie dans les locaux de la société Pagot et Savoie, dont le rédacteur n'a pu être identifié, présente les différents scénarios envisagés pour contenir l'activité de l'entreprise Maggioni :

" Discussion

1 - fabrication agglos

échange CA/CA

Accord commercialisation BPE Magg (nég. Dijon exclusifs)

Autorisation Dijon Béton : commercialisation nég. Magg

(convenir 20 000 m3) ? CA ou groupe B

casus belli (BPE) : vente directe - respect tarifs négoce - augmentation volume

2 - laisser venir

pas d'agglos

contrôle majorité centrale négoce + DB

reste en concurrence visuelle et gestion Maggioni ".

Deux contrats de commercialisation exclusive datés du 14 octobre 1988, dont les signataires mentionnés sont M. Louis Maggioni et M. Yvon Bloc, ont été saisis chez la société Bloc Matériaux. L'un concerne la vente du béton prêt à l'emploi, l'autre concerne la vente des agglomérés et des hourdis produits par l'entreprise Maggioni. Seul M. Yvon Bloc a apposé sa signature avec la mention " lu et approuvé " sur les contrats et en a paraphé les pages. Un autre exemplaire, concernant la commercialisation du béton prêt à l'emploi, sous forme de projet, a été saisi au siège de la société Pagot et Savoie.

La convention relative aux agglomérés et aux hourdis prévoit que : " Le fournisseur concède la commercialisation exclusive au distributeur des agglomérés et hourdis béton fabriqués par lui, sur le secteur inclus à l'intérieur d'un cercle de 20 km de rayon centré sur Dijon. Cette exclusivité a été accordée conjointement à la société Doras Matériaux à Chenove 21 et Pagot et Savoie à Chenove 21". La durée du contrat a été fixée à dix ans mais a été réduite à cinq ans par rectification manuscrite.

L'article II prévoit que : " Le fournisseur garantit que, quels que soient les prix de vente des produits préfabriqués béton sur le marché et notamment en cas de forte concurrence, il réservera au distributeur une marge minimum de 10 % sur le prix de vente au client final ". Le pourcentage de marge minimum a été fixé à 8 % au lieu de 10 % par mention manuscrite portée sur le contrat.

L'exclusivité contractuelle de vente au profit des sociétés de négoce connaît des exceptions, lesquelles figurent sur une page comportant une annexe 1 au contrat dactylographiée intitulée " Liste d'exception de commercialisation directe par les Établissements Maggioni ". Ainsi, l'entreprise Maggioni peut livrer en direct les entreprises Golmard, Ferraroli, Marrofino, Locatelli, Entreprise Dijonnaise, Sodiec et Leroy-Merlin.

Une liste manuscrite, non datée, correspondant à celle dactylographiée et annexée au projet de contrat, a été saisie au siège de la société Doras Matériaux. Par rapport à la liste dactylographiée, le document manuscrit comporte une mention à l'entreprise Grosse avec la précision " mise en balance ".

En annexe 2, sur cette même page, il est prévu que l'entreprise Maggioni versera une " prime d'objectifs sur chiffre d'affaires " sur les ventes d'agglomérés et de hourdis aux négociants.

La convention relative au béton prêt à l'emploi prévoit que : " Les établissements L. Maggioni accordent au distributeur l'exclusivité de la vente du béton prêt à l'emploi fabriqué dans les centrales à béton des établissements Maggioni à Bressey-sur-Tille. Cette exclusivité est accordée conjointement aux sociétés Doras Matériaux à Chenove 21 et Pagot et Savoie à Chenove 21....Cette exclusivité est valable pour le département de la Côte d'Or ".

L'article II prévoit que : Le fournisseur garantit que, quels que soient les prix de vente du béton prêt à l'emploi sur le marché des entreprises de bâtiment et notamment en cas de forte concurrence, il réservera au distributeur une marge minimum de 10 % sur le prix de vente franco au client final ".

Dans ses déclarations du 8 novembre 1994, M. Louis Maggioni a exposé ce qui suit : " Dans la même période, je n'ai pas eu connaissance officielle d'un projet de construction d'une usine d'agglomérés en béton par les négociants. J'en ai quand même vaguement entendu parlé. Par contre, un contrat de commercialisation du BPE a bien été conclu en octobre 1988. Le contrat dont vous me donnez copie m'a effectivement été présenté par les négociants dijonnais. J'ai dû certainement le signer mais pour ma part, je n'ai pas conservé d'exemplaire. Le même contrat a été proposé pour les agglomérés et hourdis mais il ne faisait qu'entériner la situation antérieure. Je n'ai pas discuté la durée des contrats. Concernant la marge, dans les faits, elle n'est pas appliquée au taux contractuellement prévu. Généralement, elle est inférieure. Ces contrats me paraissent normaux dans la mesure où j'exerce pour ma part l'activité de production, la commercialisation étant assurée par les négociants ".

Il ressort d'un procès-verbal d'audition du 1er février 1999 de M. Louis Maggioni que : " Le document lui a été présenté par les négociants. La signature ne revêtait aucun intérêt pour lui car un tel accord ne pouvait que gêner le développement de son entreprise et mettre un frein à ses bénéfices. Par ailleurs, l'entreprise Maggioni n'a jamais versé de primes d'objectifs aux négociants ".

M. Robert Ronot, président de la société Doras Matériaux, lors de son audition du 17 février 1999 par le rapporteur, a indiqué avoir entendu parler de ces contrats et ne pas les avoir pas signés estimant que " ce contrat compromettrait sa liberté en termes d'achat et de revente de produits. Doras Matériaux tient à pouvoir changer de fournisseur selon les évolutions du marché. Autrement dit, Doras Matériaux souhaite un maximum de concurrence car il est, dans ces conditions, plus facile d'acheter ".

M. Pascal Gay, responsable de la société Pagot et Savoie, lors de son audition du 11 janvier 1999 par le rapporteur, a précisé qu'il connaissait l'existence des contrats de commercialisation, mais qu'il en avait refusé la signature : " Il peut s'agir d'une réaction de la part des négociants actionnaires de Dijon Béton expliquée par la crainte de voir mettre en danger le négoce. Des pourparlers ont été probablement engagés avec M. Maggioni pour connaître ses intentions ; il est possible qu'ils aient débouché sur les contrats de commercialisation exclusive du 14 octobre 1988 portant sur le BPE, les agglomérés et les hourdis entre la société Bloc Matériaux et la société Maggioni, ces contrats n'ayant jamais été signés par lui-même et ces contrats n'ayant jamais été appliqués dans les faits à sa connaissance ".

Au cours de son audition du 18 janvier 1999, M. Yvon Bloc, président du conseil d'administration de la société Bloc Matériaux, a précisé que : " Des propositions de contrat lui ont été présentées, il y a onze ans concernant le BPE, les agglomérés et les hourdis. Sur les originaux des contrats saisis par les enquêteurs au siège de Bloc Matériaux l'un d'entre eux a été signé par lui-même ". M. Bloc a affirmé que " ces contrats n'ont jamais été envoyés à M. Maggioni " et que " en conséquence, ces contrats n'ont pas trouvé application : il en tient pour élément de preuve que la société Maggioni n'a jamais versé à Bloc Matériaux la prime d'objectif prévue aux contrats ".

Des documents saisis au siège de la société Doras Matériaux, il ressort que la prime d'objectif sur le chiffre d'affaires des agglomérés et des hourdis a été versée, au moins en 1989, par l'entreprise Maggioni à la société Doras Matériaux.

Un premier document dactylographié titré par une mention portée au surligneur orange " PFA 1989 ", indique, en effet, par mois, les chiffres d'affaires réalisés par l'entreprise Maggioni, soit 3 721 380 F. La prime due au négociant Doras Matériaux, au 20 septembre 1991, est fixée à 47 984,79 F TTC. De plus, deux traites, datées des 30 juin et 9 août 1990, ont été adressées à la société Maggioni.

Un autre document manuscrit comporte une interrogation sur la reconduction de la prime de l'année 1990, dans les termes suivants : " PFA Agglos : pas reconduite en 1990 ?...Qu'avons-nous renégocié avec Maggioni en PFA réelle ? (voir avec M. Ronot) ".

Outre le fait que M. Louis Maggioni a confirmé que la liste d'exception annexée au contrat de commercialisation était toujours en vigueur, il ressort des factures saisies dans les locaux de l'entreprise Maggioni que deux des entreprises figurant sur la liste ont été régulièrement livrées par ce fournisseur, de 1992 à 1994, il s'agit des entreprises Marrofino et Ferraroli.

5. La mise en place d'une structure tarifaire commune entre les sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux concernant la vente de béton prêt à l'emploi

Plusieurs documents font état de l'existence d'une marge de 10 % appliquée en 1993 sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni commercialisé par les négociants.

Il ressort de ces documents qu'un litige est né entre le négociant Doras Matériaux et la société Maggioni à propos des marges appliquées par ce dernier au béton prêt à l'emploi vendu à deux entrepreneurs, les entreprises Ravetto et Bourgogne Travaux. Ces affaires ont été évoquées au cours de la réunion du groupe B " Négoce " du 1er juillet 1993. Le compte rendu, saisi dans les locaux de la société Doras Matériaux, porte, sur la première page, une mention écrite de M. Ronot : " Le problème des marges Maggioni évoqué à la réunion ne figure pas sur le compte rendu : MB sur " grosses affaires " - Ravetto, Grosse, Bourg. Travaux - MB<4 % alors que les règles veulent que les MB soit de 10 % ".

Des correspondances, adressées par la société Doras Matériaux, les 8 juillet et 10 août 1993, à l'entreprise Maggioni, ont été saisies au siège de cette société. Ces lettres révèlent des accords sur les taux de marge appliqués à certains clients. Avant d'aborder la situation des entreprises Ravetto et Bourgogne Travaux, la lettre du 8 juillet comporte, en effet, le paragraphe suivant : " Il apparaît que contrairement aux accords que nous avions pris de facturer ces entreprises en gardant une marge de 8 % (au lieu de 10 % habituellement), les prix de vente que vous nous appliquez nous laissent une marge de 3 ou 4 % de moyenne (...) ". Le taux de 10 % correspond à celui figurant dans le contrat de commercialisation du 14 octobre 1988, précité.

S'agissant des deux entrepreneurs concernés par le litige, la lettre du 10 août précise que :

" Ravetto : nous avons constaté que la marge sur cette entreprise est de 17 F par m3. Cette marge d'environ 4 % est bien inférieure à la marge de 10 % normalement consentie au négoce. Ce niveau de marge pour cette entreprise est ancien et les négociants ont été contraints de s'y plier " ".

" Bourgogne Travaux : à la différence de Ravetto, cette entreprise est présente depuis peu sur le marché dijonnais, il n'y a donc aucune raison de pratiquer le niveau de marge de 4 %. Lors de la négociation pour le chantier de l'Hôpital, nous avions consenti de ramener notre niveau de marge de 10 à 8 % ".

Selon les déclarations convergentes des sociétés Doras Matériaux et Maggioni, celle-ci n'a pas accédé à la demande du négociant qui voulait obtenir le paiement de la différence de marge (43 115,52 F HT).

La note manuscrite du 9 septembre 1993, précitée, qui fait état de l'accord de commercialisation de 17 % sur le marché dijonnais du béton produit par l'entreprise Maggioni, comporte aussi une mention concernant les marges que doit appliquer l'entreprise Maggioni : " Marge Maggioni/Négoces - 10 % - cette marge n'est plus respectée - Refaire le tarif sur base DB - Liste clients MB/m3 de Maggioni aux négoces - Tarifs Maggioni ".

D'une manière générale, s'agissant des marges appliquées sur le béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni, M. Robert Ronot a précisé dans ses déclarations recueillies par procès-verbal du 10 mai 1995, que : " Lorsque le BPE est en provenance de l'entreprise Maggioni qui fournit des produits différents de ceux de Dijon Béton, nous travaillons à partir du tarif d'achat Maggioni et nous appliquons un coefficient multiplicateur qui varie pour les professionnels de 1,04 à 1,10 pour les quantités en général de moins de 20 m3 ".

M. François Duris a déclaré aux enquêteurs le 11 avril 1995 que : " Pour les bétons en provenance de Maggioni, nous établissons un tarif de vente sur la base d'un coefficient de 1,11 sur les prix d'achats. Les services fournis par Maggioni sont répercutés sans marge. Ce coefficient était déjà appliqué en 1992. Sur les particuliers, nous appliquons un coefficient de 1,15 sur les tarifs d'achats. Les prix tarifs peuvent être négociés. Dans ce cas, Maggioni participe à l'effort par une diminution de son prix de vente, ce qui nous permet de maintenir notre marge à 10 % environ ".

Ainsi que l'indique le tableau statistique de l'année 1994 de la société Pagot et Savoie, la marge moyenne des négociants actionnaires sur la vente de béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton est environ de 5,5 %, alors que celle appliquée au béton produit par la société Maggioni est d'au moins 10 %. Le taux de 5,5 % peut être obtenu grâce aux primes de fin d'année versées par la société Dijon Béton.

Un rapprochement effectué entre les entreprises du BTP qui figurent sur la liste de classement des clients du négoce au 1er janvier 1993, établie par la société Dijon Béton et les négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux et les mêmes entreprises du bâtiment et des travaux publics qui ont passé, en 1994, des commandes de béton prêt à l'emploi en provenance de l'entreprise Maggioni par l'intermédiaire de ces trois négociants, confirme que ces entreprises se voient appliquer des montants de marge identiques à ceux définis en commun lors des réunions du groupe B " Négoce ".

Ainsi, la facturation de la société Bloc Matériaux montre qu'il est appliqué à l'entreprise Ravetto un taux de marge de 4,9 % et 5 %, lequel correspond au premier taux préférentiel de la clientèle de catégorie A. L'entreprise STCE, qui appartient à la catégorie B, s'est vue également appliquer un taux préférentiel de 5,6 %. La facturation de la société Pagot et Savoie montre à nouveau que l'entreprise Ravetto bénéficie d'un taux préférentiel. En revanche, l'entreprise Manière, qui ne figure pas sur la liste de classement, est soumise au taux de 18,3 %. L'entreprise La Construction, classée en catégorie C, facturée par la société Doras Matériaux, s'est vue appliquer un taux de 14,4 %.

6. Les pressions exercées sur l'entreprise Rolland Matériaux pour lui imposer un partage de clientèle

L'entreprise Rolland Matériaux est à l'origine de l'enquête menée dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte-d'Or. Cette entreprise de négoce en matériaux de construction s'est trouvée, dès le début de la mise en place de son activité, en concurrence avec les négociants actionnaires de la société Dijon Béton.

Parmi les documents saisis dans le bureau de M. Robert Ronot, président de la société Doras Matériaux, figurent deux notes manuscrites datées des 14 juin et 18 août 1993. Le premier document concerne notamment les prix des agglomérés et les prix des planchers sur le marché de Dijon. La seconde envisage l'hypothèse de maîtriser l'approvisionnement de l'entreprise Rolland Matériaux en agglomérés.

La note du 14 juin 1993 est ainsi rédigée :

" Rolland

Situation Fenay 91 13 000 KF CA KP 5/600K - clients 131 jours (risque)

92 14 000 à 15 000 KF (Bigmat)

Seurre 91 3/400 KF

Projet Vente à 5/6 ans - Objectif croissance CA (avec risques)

Position négoces

Opposition. Blocage à tous les niveaux.

On ne discute pas.

On demande aux fournisseurs locaux de ne pas livrer.

Application

Maggioni - Dijon Béton (1 200 à 1 300 m3 Bloc)

Sables Graviers - (mot illisible)

(ne pas livrer, ne pas vendre)

(s'en sortir par tous les moyens)

Sturm RV Prix agglos marché

Maggioni Prix planchers de

+Dijon

négoces

Baisse de prix Dijon - Profit Sturm (remontée à niveau) - Action impersonnelle (Vieille Lepicard) ".

S'agissant de cette note, M. Robert Ronot a déclaré aux enquêteurs le 3 mai 1995 : " Je fais l'analyse du bilan de Rolland et estime qu'il va chercher à faire croître son chiffre d'affaires pour vendre dans 5-6 ans. Sur les autres annotations, il s'agit de réflexions personnelles sur l'avenir de la société Rolland. Les réflexions au dos de cette note (cote 79) indiquent qu'il convenait de s'orienter vers une baisse de prix d'achat pour résister sur Dijon ".

La note du 18 août 1993, relevée dans le cahier de M. Jean-Michel Braillard, prédécesseur de M. Ronot, mentionne la société Rolland Matériaux en ces termes : " Rolland : quid ? vente d'agglos par Gérouville que l'on pourrait maîtriser ". Les Établissements Gérouville sont, en effet, fabricants d'agglomérés.

Il ressort de l'enquête que, lors d'une rencontre tenue au Novotel de Besançon le 9 septembre 1993, se sont réunis les principaux fournisseurs d'agglomérés de la région. Cette réunion, organisée par la société Comprenor Point P, avait pour objet les normes NF françaises. Elle a rassemblé, outre le représentant de la société organisatrice, les représentants des sociétés Sturm (M. Georges Pernot), Vieille, Maggioni (M. Louis Maggioni), Doras Matériaux (MM. Jean-Léo Doras et Robert Ronot) ainsi que Bloc Matériaux (M. Yvon Bloc). A l'invitation de M. Georges Pernot, M. Gilbert Rolland, qui s'approvisionne en agglomérés auprès du groupe Sturm, s'est rendu à cette réunion. Celui-ci est resté un quart d'heure au cours duquel des échanges assez vifs ont eu lieu entre lui et les négociants dijonnais.

Il ressort du même document qu'il a été convenu d'un rendez-vous entre MM. Robert Ronot et Gilbert Rolland, pour permettre au dirigeant de la société Doras Matériaux d'effectuer un contrôle sur l'activité de l'entreprise Rolland Matériaux en matière d'agglomérés et de hourdis ainsi que de poutrelles. Ce contrôle a été effectué le 16 septembre 1993 et a porté sur le nombre de camions d'agglomérés et de mètres linéaires de poutrelles de l'année 1992. M. Robert Ronot a rédigé un compte rendu de ce contrôle daté du 21 septembre 1993, dont la rédaction est la suivante :

" Questions : Y a t-il eu plus de réactions concurrentielles au 1er septembre 1993 qu'en fin 1992. Si oui, il faudrait préparer un second rendez-vous pour évaluer le 1er septembre 1993 et négocier sur des clients affectés. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir communiquer les clients possibles pour que je négocie ce point ".

S'agissant de ce document, M. Robert Ronot a fourni les explications suivantes le 3 mai 1995 : " C'est une note frappée par ma secrétaire, Mme Marie-Paule Michea ; elle concerne les chiffres que m'a fournis M. Rolland lors de notre rendez-vous du 16 septembre 1993, tel que relaté à l'annexe 1 (du procès-verbal). Cette note a été remise seulement à M. Braillard par laquelle je lui dis de faire le point sur la situation concurrentielle au début 1993 ; je lui avais fais part auparavant de la proposition de M. Rolland (remontée de ses prix contre une augmentation des parts de marché) et je lui demande d'étudier les conséquences de cette demande de M. Rolland, en vue du rendez-vous prévu. Cependant le groupe G. Doras a décidé de ne pas donner suite comme contraire à son éthique. Il n'y a pas eu de second rendez-vous ".

Selon les explications de M. Robert Ronot, la question n'a été posée qu'à son responsable direct au sein de la société, M. Jean-Michel Braillard. Cependant, une télécopie de cette note a été saisie dans le bureau de M. Louis Maggioni. Les indications portées sur la note attestent qu'elle a été transmise par la société Bloc Matériaux le 21 septembre 1993 à 14h41 à l'entreprise Maggioni, le négociant l'ayant reçu lui-même de la société GD Services par télécopie transmise le même jour à 10h29.

Une autre note, datée du 28 mars 1994, rédigée par M. Jean-Michel Braillard, faisant état d'un rendez-vous entre l'entreprise Maggioni et le groupe Sturm auquel a assisté M. Gilbert Rolland, confirme que des pressions ont été exercées sur ce négociant pour parvenir à un partage de clientèle :

" ...Rolland =>si hausse j'irai ailleurs

pas de liste de clients

pas d'accord de prix

pas de hausse de prix... "

Pour sa part, M. Gilbert Rolland a déclaré le 20 décembre 1993 : " A la suite de ce contrôle, les négociants se sont revus, hors moi. M. Ronot est revenu me voir le 30 septembre pour me proposer un marché. Ce marché consistait à descendre mon tonnage de produits béton-agglos et planchers, à s'entendre sur un nombre de clients nominativement déterminés. A cette condition, je serais livré en béton, ce que j'ai refusé systématiquement. Il s'agissait en fait de m'imposer un partage de clientèle. La semaine dernière, M. Bloc est venu à son tour pour revoir le problème et voir si j'avais pris une décision quant au partage de clientèle. Il n'est rien ressorti de cette entrevue ".

Lors de son audition par le rapporteur le 7 avril 1999, M. Gilbert Rolland a tenu des propos contraires sur la visite de M. Yvon Bloc : " Seul M. Ronot s'est rendu chez Rolland Matériaux pour effectuer le contrôle. M. Bloc a rendu visite une autre fois à (l'entreprise) mais pas dans le cadre de la réunion du 9 septembre 1993 ".

7. Les pressions exercées sur la société Rolland Matériaux pour l'amener à remonter les prix des agglomérés

Le négociant Rolland Matériaux commercialise les agglomérés et les poutrelles pour lesquels il s'approvisionne auprès du groupe Sturm qui a racheté la société Tubagglo.

La note manuscrite du 14 juin 1993, saisie dans les locaux de la société Doras Matériaux, reproduite supra au paragraphe 6 de la présente décision, comprend un titre " Sturm-Maggioni + négoces " avec en face la mention " RV - prix agglos - prix planchers " et, au regard de ces mentions, " marché de Dijon ". Ensuite, la note comporte trois formules, la première constatant une baisse des prix sur Dijon (" baisse de prix sur Dijon "), la deuxième constatant un profit pour Sturm, entre parenthèses, une solution, la remontée des prix - " profit Sturm (remontée à niveau) ", et la troisième un mode d'action - " action impersonnelle (Vieille, Lepicard) ".

Dans un classeur, saisi dans le bureau de M. Robert Ronot de la société Doras Matériaux, un chapitre intitulé " BPE, Magg, Feder et Sturm " comporte une autre note manuscrite non datée dans laquelle figurent les mentions suivantes : " ? Rolland : pour éliminer Sturm (total) - préalable accord national (planchers) - RV à fixer ", avec une flèche dirigée vers l'expression " accord national ".

Une note manuscrite du 18 août 1993, relevée dans le cahier de M. Braillard, reproduite au paragraphe 6 de la présente décision, fait référence à une action envisagée pour maîtriser la vente des agglomérés par les Établissements Gérouville à la société Rolland Matériaux.

M. Robert Ronot a expliqué, lors de son audition du 17 février 1999 par le rapporteur, qu' " il existait un problème de prix à la baisse inexplicable sur les agglomérés. Il s'est interrogé sur les raisons de cette importante baisse en envisageant trois hypothèses : le dumping par Sturm, la vente à perte par Rolland Matériaux ou la non application du prix du marché par l'établissement Maggioni ".

Dans la même partie du classeur, saisi dans le bureau de M. Ronot, figurent cinq feuillets manuscrits agrafés ensemble, dont la première page est intitulée " Novotel ". Le premier feuillet indique notamment :

" NOVOTEL

Agglos RV Besançon

Objectif : Rencontrer Sturm, dans le cadre de ses accords à Besançon afin de rétablir la situation de Dijon (niveaux de prix des agglos).

Rolland/Sturm

Estimation des volumes :

- poutrelles 10 à 15 000 ml AN (2,5 planchers semaines) (1 300 T)

- agglos (4 200 T)

Niveau des prix "

Ensuite, sont portées des comparaisons de prix des agglomérés entre l'entreprise Maggioni sur le marché de Dijon, l'entreprise Sturm sur le marché de Besançon et l'entreprise Rolland sur le marché de Dijon. Pour un aggloméré de 20x20x50, le prix de l'entreprise Maggioni serait de 4,54 F aux clients, le prix de l'entreprise Sturm serait de 3,80 F pour une vente au départ de l'entreprise et le prix de l'entreprise Rolland serait de 3,53 F. En fin de la page 3, la mention " niveaux prix clients actuels " est suivie de " 3,80 à 4,00 F franco en 20x20x50 ". En page 4, l'objectif à atteindre est un prix de 4,10 F pour la catégorie d'agglomérés la plus commune.

En outre, il est précisé, en page 3 de la note, dans un encadré que " Les accords planchers de début 94 n'ont pas marché ", suivi d'un autre encadré " pression des négoces " avec une flèche vers la phrase " grâce au béton (intox de surfacturation) car Rolland ne peut fournir du BPE ".

Une note manuscrite du 2 février 1994, saisie dans les locaux de la société Doras Matériaux, révèle l'existence d'une réunion, à laquelle ont participé quatre personnes dont les initiales des noms figurent au regard de la date : " JMB - FD - YB - LM ". Il s'agit de M. Jean-Michel Braillard de la société Doras Matériaux, de M. François Duris de la société Pagot et Savoie, de M. Yvon Bloc de la société Bloc Matériaux et de M. Louis Maggioni de la société Maggioni. A l'exception de M. François Duris, représentant de la société Pagot et Savoie, ces personnes représentent les sociétés présentes à la réunion au Novotel de Besançon le 9 septembre 1993, citée supra paragraphe 6, qui avait pour objet la question des normes NF pour les agglomérés. La teneur partielle de cette note est la suivante :

" 2/02/94 = JMB - FD- YB - LM

guerre des agglos/Rolland - Il faut être agressif sur toutes les affaires... ".

Une note en date du 8 mars 1994, extraite du classeur de M. Jean-Michel Braillard de la société Doras Matériaux, fait référence à un entretien ou une conversation qui s'est tenue entre lui et M. Louis Maggioni. Le texte intégral de ce document est repris ci-après :

" 8/03/94= Maggioni

- doit voir Sturm

- RV jeudi 10/03 AM

- réajuster Rolland - arrêter CADM (Comptoir Auxonnais des Matériaux)

- possibilités : Rolland quitte Sturm - Où va - t-il ? Ain agglos - D.M.V. - Gérouville ?

- le stock poutrelles Sturm va chez Baehrel - OK si Bloc et PS sont d'accord

- mais que devient Rector ? Peut-il trouver un point de chute dans la région ? ".

Une autre partie du classeur intitulé " Maggioni/Dijon Béton/Rolland " comporte encore une note manuscrite du 28 mars 1994, laquelle reprend les termes de la discussion qui s'est tenue au cours de l'entretien du 10 mars 1994 entre le représentant du groupe Sturm et M. Louis Maggioni, auquel a assisté M. Gilbert Rolland. La présence de ce négociant est confirmée par le fait que les notes de M. Jean-Michel Braillard transcrivent les propos tenus par M. Gilbert Rolland :

" Sturm/Maggioni

3,20 F co Rolland

Sturm croyait que 3,70 F co !

Rolland si hausse j'irai ailleurs

pas de liste de client

pas d'accord de prix

pas de hausse de prix ".

S'agissant de la hausse des prix des agglomérés et des poutrelles, M. Gilbert Rolland a, par déclarations consignées au procès-verbal du 22 septembre 1994, précisé que : " Nous avons subi une hausse de 5 % sur les agglos sauf les 20x20x50 et 20x25x50 et une hausse (transport compris) sur les poutrelles. Sur les hourdis, il n'y a pas eu de hausse. Ces hausses n'ont été annoncées par le représentant et appliquées qu'à partir du 1er avril 1994. Initialement, les augmentations étaient prévues sur tous les produits. Mais nous avons fait valoir que les concurrents n'avaient pas augmenté. Nous avons pu ainsi obtenir le maintien des prix sur les agglos 20x20x50 et 20x20x50 qui sont les produits les plus utilisés ".

Les griefs suivants ont été définitivement retenus dans le rapport à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux :

· à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée consistant à se répartir le marché de la distribution du béton prêt à l'emploi dans le département de la Côte-d'Or (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée consistant à mettre en place une structure tarifaire commune comportant, d'une part, des montants de marge minimums sur le prix du béton prêt à l'emploi et, d'autre part, à affecter à une clientèle commune des montants de marge identiques (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée consistant à mettre en place un quota de distribution de béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni sur l'agglomération dijonnaise (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée consistant à se partager la clientèle des entreprises du BTP sur le marché de la commercialisation des agglomérés et des hourdis (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une entente visant à mettre en place une structure tarifaire commune sur les prix de vente du béton prêt à l'emploi (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée visant à exercer des pressions sur l'entreprise Rolland Matériaux pour lui imposer un partage de clientèle sur le marché de la commercialisation des agglomérés en Côte-d'Or (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre des sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour avoir mis en œuvre une action concertée visant à exercer des pressions sur l'entreprise Rolland Matériaux pour l'amener à remonter les prix des agglomérés sur le marché de la commercialisation des agglomérés en Côte-d'Or (article L. 420-1 du Code de commerce) ;

· à l'encontre de la société Maggioni, pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la commercialisation des agglomérés en Côte-d'Or en exerçant des pressions sur l'entreprise Rolland Matériaux pour lui imposer un partage de clientèle (article L. 420-2 du Code de commerce) ;

· à l'encontre de la société Maggioni, pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la commercialisation des agglomérés en Côte-d'Or en exerçant des pressions sur l'entreprise Rolland Matériaux pour l'amener à remonter les prix des agglomérés (article L. 420-2 du Code de commerce).

II. - SUR LA BASE DES CONTESTATIONS QUI PREVEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure

Sur les demandes de tarifs par lettres recommandées adressées par M. Gilbert Rolland aux sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux

Considérant que la société Dijon Béton soutient que les enquêteurs se sont livrés à des manœuvres déloyales en conseillant à M. Gilbert Rolland, auteur d'une plainte auprès de la DGCCRF, de demander, par lettres recommandées avec accusé de réception, des pièces pouvant être utilisées à titre de preuve ;

Mais considérant que les lettres en cause consistent en des demandes de tarifs et de conditions de vente ; qu'elles ne constituent donc nullement une provocation des sociétés destinataires à commettre une faute, contrairement à ce qu'indique la société Dijon Béton ; que, dans la mesure où ces documents ne sont pas confidentiels, le fait pour les enquêteurs de " conseiller " à un plaignant de formuler une telle demande par lettre recommandée, afin de se procurer la preuve de pratiques dont il se dit victime, ne saurait constituer de leur part une pratique déloyale ;qu'au surplus, si les réponses des entreprises figurent au dossier, elles n'ont nullement été utilisées pour établir un quelconque grief à l'encontre des sociétés en cause ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;

Sur l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies rendue par le président du Tribunal de grande instance de Dijon le 15 juin 1994

Considérant que la société Dijon Béton expose que l'autorisation de visite et de saisie, du 15 juin 1994, a été accordée par le président du Tribunal de grande instance de Dijon sur la foi d'éléments erronés et que cette autorisation doit donc être annulée ; que la société Bloc Matériaux soutient que, dans la mesure où l'ordonnance du 15 juin 1994, ainsi que l'ordonnance rectificative du 22 juin 1994, ne figurent pas au dossier, les procès- verbaux des opérations fondées sur ces ordonnances doivent être écartés du dossier ;

Mais considérant que l'alinéa 5 de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (L. 450-4 du Code de commerce) précise que l'ordonnance de visite et de saisie n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation ; que la société Dijon Béton, dans les locaux de laquelle les opérations se sont déroulées et dont les responsables se sont vu notifier l'ordonnance en cause, n'a formé aucun pourvoi contre l'ordonnance susvisée ; que, s'il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation, en date du 3 octobre 1995, que le président du tribunal compétent doit effectuer un contrôle de l'apparence de la licéité des documents qui sont produits à l'appui de la demande de visite et saisie, " toute autre contestation au fond sur la licéité des documents relevant des juridictions compétentes pour apprécier la régularité de la procédure ", la contestation présentée, en l'espèce, par la société Dijon Béton ne concerne que la véracité d'un certain nombre d'éléments sur lesquels le juge s'est fondé et non la licéité des documents qui lui ont été présentés ;que,dès lors, le Conseil de la concurrence ne saurait exercer aucun contrôle sur l'appréciation souveraine aux termes de laquelle le président du tribunal de grande instance a estimé que la demande d'autorisation de visite et saisie était, en l'espèce, fondée ;qu'en conséquence, le fait que l'ordonnance du 15 juin 1994, ainsi que l'ordonnance rectificative du 22 juin 1994, ne figurent pas au dossier est sans portée sur la régularité de la procédure et que les moyens ainsi présentés doivent être écartés ;

Sur les diférentes opérations de visite et de saisie

Sur les procès-verbaux de visite et de saisie effectuées dans les locaux de la société Dijon Béton et Doras Matériaux le 22 juin 1994

Considérant que les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux et Bloc Matériaux font valoir que le procès- verbal de visite et de saisie établi à l'issue des opérations qui se sont déroulées dans les locaux de la société Dijon Béton n'a pas été signé par M. Pascal Szydlowski, directeur technique, alors que celui-ci a assisté seul à une partie des opérations de 9h30 à 10h25 jusqu'à l'arrivée de M. Jacotot, directeur de la société ;

Mais considérant que les opérations de visite et de saisie sont diligentées en la présence d'un officier de police judiciaire désigné par le juge qui a autorisé les opérations ; que cet officier de police judiciaire a pour mission d'assister aux opérations de visite domiciliaire et de saisie en veillant au strict respect du secret professionnel et des droits de la défense, de prendre connaissance des documents avant leur saisie et d'informer le juge du déroulement des opérations ; que, dès lors, le fait que les opérations aient commencé hors la présence du directeur signataire du procès-verbal, mais sous le contrôle d'un directeur technique, sans que ce dernier signe ce document, n'est pas de nature à entacher les opérations d'irrégularité, dans la mesure où l'officier le police judiciaire, garant de la légalité des opérations, ainsi que le directeur de la société, en qualité d'occupant des lieux, ont signé ce procès-verbal ; qu'à cet égard, les règles relatives à l'établissement des procès-verbaux de visite et de saisie des enquêtes effectuées sur la base de l'article L. 450-4 du Code de commerce, définies à l'article 32 du décret n°86-1309 du 29 août 1986, précisent, notamment, que " Les procès-verbaux sont signés par les enquêteurs, par l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que par l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations " ; que le procès-verbal concerné, signé par l'occupant des lieux et l'officier de police judiciaire, est donc établi dans les formes garantissant la régularité du déroulement des opérations ;

Considérant que la société Pagot et Savoie expose que le déroulement des opérations de visite et de saisie en date du 22 juin 1994 dans les locaux des sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux, sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, n'a pas été effectué de manière régulière, dans la mesure où les opérations ont débuté avant que l'ordonnance autorisant lesdites opérations ait été notifiée ; que la société relève ainsi que " les opérations de perquisition ont débuté dès 9 heures alors que l'ordonnance n'a été notifiée qu'à 9 heures 30 " ;

Mais considérant qu'aux termes des procès-verbaux de visite et de saisie du 22 juin 1994 concernés, les enquêteurs se sont présentés à neuf heures dans les locaux des sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux ; que, s'agissant de la société Dijon Béton, le procès-verbal mentionne que la copie certifiée conforme de l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Dijon, du 15 juin 1994, autorisant les visites et saisies a été notifiée à neuf heures quarante-cinq à M. Pascal Szydlowski, directeur technique ; que, s'agissant de la société Doras Matériaux, le procès-verbal indique qu'il a été remis une copie certifiée conforme de la même ordonnance à M. Robert Ronot, président, à neuf heures trente ; que ce n'est qu'à la suite de ces indications que les deux procès-verbaux font état du déroulement des opérations de visite ; que, dès lors, aucune mention de ces documents ne permet de considérer que les opérations de visite et de saisie auraient débuté avant que l'occupant des lieux, s'agissant de la société Doras Matériaux, ou son représentant, s'agissant de la société Dijon-Béton, n'aient reçu notification de l'ordonnance autorisant ces opérations ; que, si le procès-verbal qui concerne la société Dijon Béton mentionne que M. Szydlowski a représenté M. Jacotot en sa qualité d'occupant des lieux de neuf heures trente à dix heures vingt-cinq, ceci ne saurait conduire à considérer que les opérations auraient pu débuter avant que l'ordonnance les autorisant ait été notifiée ; que, dès lors, le moyen ainsi soulevé par la société Pagot et Savoie doit être écarté ;

Sur le procès-verbal de visite et saisie effectuées dans les locaux de la société Maggioni le 22 juin 1994

Considérant que les sociétés Doras Matériaux et Bloc Matériaux soutiennent que le procès-verbal de visite et de saisie dressé le 22 juin 1994 dans les locaux de la société Maggioni est entaché d'irrégularité, dans la mesure où Mme Liliane Maggioni, secrétaire, qui a assisté seule à une partie des opérations, n'a pas signé le procès- verbal ;

Mais considérant que le procès-verbal de visite et de saisie du 22 juin 1994 dans les locaux de la société Maggioni concerne cinq bureaux et a été signé par M. Jean-Louis Maggioni, directeur commercial, en qualité de représentant de l'occupant des lieux, M. Louis Maggioni, président du conseil d'administration, qui était absent ; qu'ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, si l'article 32 du décret du 29 août 1986 dispose que " Les procès-verbaux sont signés par les enquêteurs, par l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que par l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations ", il n'impose pas que le procès-verbal soit signé par la personne ayant assisté aux opérations ; que, dès lors, le fait que Mme Liliane Maggioni n'ait pas signé le procès-verbal, alors qu'elle a assisté seule aux investigations menées dans deux des cinq bureaux, n'est pas de nature à entacher cet acte d'irrégularité, dans la mesure où la présence de l'officier de police judiciaire est de nature à garantir que les opérations ont été effectuées de manière régulière ; qu'en tout état de cause, les pièces saisies à l'occasion de cette opération n'ont pas été utilisées au cours de l'instruction ;

Sur les actes d'enquêtes postérieurs aux visites et aux saisies

Sur le procès-verbal de déclarations et de remise de documents de MM. Pion et Jacotot en date du 13 décembre 1994

Considérant que la société Dijon Béton fait valoir que les circonstances qui ont précédé l'établissement du procès-verbal de déclarations et de remise de documents du 13 décembre 1994 par MM. Pion et Jacotot, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société Dijon Béton, témoignent de la déloyauté des enquêteurs ; qu'à cet égard, la société expose que les deux premières versions du procès-verbal de son audition du 13 décembre 1994 ne correspondant pas exactement aux propos de M. Jean-Pierre Pion, ces documents n'ont été signés ni par ce dernier, ni par les enquêteurs ; que la pratique consistant à faire figurer les projets initiaux et les correspondances y afférentes dans la procédure aboutit en fait à ne pas tenir compte des observations formulées par les personnes entendues ; qu'ainsi, les enquêteurs auraient conduit le président du conseil d'administration de Dijon Béton à signer un procès-verbal sur lequel il n'était pas d'accord " en lui laissant croire que le fait de joindre ses correspondances à la procédure équivalait à l'établissement contradictoire du procès-verbal " ;

Mais considérant que le procès-verbal d'audition et de remise de documents de MM. Pion et Jacotot en date du 13 décembre 1994, dans sa version définitive et signée par les intéressés, le 7 février 1995, comporte en page 13 la mention selon laquelle " L'intervention concernant l'entreprise Dijon Béton s'est terminée le 13 décembre 1994 à 15 heures. Il a été convenu d'un commun accord que le procès-verbal résumant l'entretien serait présenté à MM. Pion et Jacotot le 6 janvier 1995. (...) En raison de l'annulation du rendez-vous du 6 janvier 1995 une copie de ces pièces[1] ainsi qu'un projet de procès-verbal ont été transmis par courrier à M. Pion. M. Pion par lettre du 19 janvier 1995, nous a fait part de ses observations auxquelles nous avons répondu par courrier, le 26 janvier 1995. Ces correspondances sont jointes à la procédure. " ; qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que la date de signature du document soit celle de la date de l'audition ou de l'établissement du procès-verbal ; que le procédé de rédaction ainsi adopté témoigne du souci de retranscrire de la façon la plus exacte les déclarations des personnes entendues ; que le fait de joindre au procès-verbal les versions corrigées par les personnes entendues ainsi que les courriers relatifs aux échanges de ces versions s'inscrit dans la même logique et ne saurait être considéré comme témoignant d'une quelconque déloyauté des enquêteurs ;

Considérant que la société Dijon Béton expose que le même procès-verbal du 13 décembre 1994 est entaché d'irrégularité, dans la mesure où il ferait apparaître deux " vérifications " distinctes, une en première page, la seconde en page 11 ; que la vérification du 13 décembre 1994 a eu lieu en présence de MM. Pion et Jacotot, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société Dijon Béton, ainsi que de celle de Me Thiéry, conseil de l'entreprise ; que le fait que ce dernier n'ait pas signé le procès-verbal lors de la vérification du 7 février 1995 fait douter de sa présence lors de la vérification du 13 décembre 1994 ; que la société Dijon Béton en conclut qu'" en d'autres termes, le procès-verbal unique signé le 7 février 1995 est censé relater deux vérifications distinctes et ne permet pas de s'assurer que lesdites opérations d'enquête ont été effectuées de manière régulière " ;

Mais considérant que le procès-verbal d'audition et de remise de documents du 13 décembre 1994 fait état d'une rencontre le 7 février 1995 entre les représentants de la société Dijon Béton et les enquêteurs ; que cette dernière date correspond à celle de signature du procès-verbal par MM. Pion et Jacotot et de remise du double ; qu'en outre, le point 5 du procès-verbal, intitulé " Concernant la distribution du béton à Dijon ", débute par le paragraphe suivant : " A la suite de notre rencontre du 7 février 1995, il a été convenu d'un commun accord d'introduire au procès-verbal du 13 décembre 1994 le développement des propos tenus lors de la rencontre du 13 décembre 1994 de la manière suivante : ... ", qui démontre que la date du 7 février 1995 ne correspond pas à une vérification distincte, mais à une relecture et à la signature du procès-verbal des opérations du 13 décembre 1994 ;

Mais considérant que, lorsqu'une personne entendue par les enquêteurs est assistée d'un conseil, seule la signature de la personne entendue doit figurer sur le procès-verbal, le conseil n'étant présent que pour assister son client ; que, dans ces conditions, le fait que Me Thiéry n'ait pas signé le procès-verbal n'entache pas le document d'irrégularité ;

Considérant que la société Dijon Béton fait encore valoir que la rapporteure a indiqué, dans son rapport, que seul le procès-verbal de déclarations du 13 décembre 1994 signé par MM. Pion et Jacotot ainsi que par les enquêteurs fait foi ; que, dès lors, la liste des pièces communiquées jointe à la deuxième version du procès- verbal, non signé, et ne figurant pas en annexe de la dernière version signée, ne peut valablement être retenue et que, dans ces conditions, les pièces énoncées dans cette liste ne peuvent être utilisées à titre de preuve ; qu'il convient, par conséquent, d'écarter du dossier le document concernant l'assemblée générale de la société Dijon Béton de l'année 1993, ainsi que la note de présentation de la société Dijon Béton du 3 janvier 1995, sur lesquels s'est appuyée la rapporteure pour fonder les griefs ;

Mais considérant que le procès-verbal signé par MM. Pion et Jacotot le 7 février 1995 comporte en page 13 la mention selon laquelle les correspondances relatives à la rédaction et aux corrections des termes du procès-verbal sont jointes à la procédure ; que, dès lors, la liste des pièces annexée à la deuxième version du procès-verbal, qui ne figure pas dans la dernière version signée, mais qui n'a pas fait l'objet de contestation, ni de rature, dans le cadre des corrections effectuées, fait partie de la procédure et atteste que les pièces en cause ont bien été remises aux enquêteurs par MM. Pion et Jacotot ; que, dès lors, les pièces concernées ne sauraient être écartées de la procédure ;

Sur le procès-verbal de déclaration et de communication de documents de M. Pernot, directeur de la société Tubagglo, en date du 24 juin 1992

Considérant que les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux indiquent que, parmi les pièces versées au dossier, figure un procès-verbal de déclarations et de communication de documents de M. Georges Pernot, directeur de la société Tubagglo, en date du 24 juin 1992, alors que l'enquête a débuté le 20 décembre 1993 par les déclarations aux enquêteurs de M. Gilbert Rolland ; qu'il convient donc d'écarter ce procès-verbal, ainsi que les pièces qui y sont jointes, puisqu'il est antérieur au commencement de l'enquête ;

Mais considérant que le procès-verbal du 24 juin 1992 de M. Georges Pernot, directeur de la société Tubagglo, n'a pas été utilisé pour mener l'instruction du dossier ; qu'en outre, les pièces visées au procès-verbal n'ont pas été versées au dossier ; que la rapporteure s'est appuyée sur le seul procès-verbal du 22 novembre 1994 de M. Georges Pernot ; que, dès lors, la présence de ce document au dossier est sans conséquence sur la régularité de la procédure ;

Sur le procès-verbal de M. Ronot en date du 3 mai 1995

Considérant que la société Dijon Béton expose que, dans le cadre de l'enquête diligentée sur le fondement de l'article L. 450-3 du Code de commerce et lors des premières auditions postérieures aux visites domiciliaires, MM. Robert Ronot et J.L. Doras ont voulu s'exprimer sur les erreurs contenues dans l'ordonnance ayant autorisé les visites domiciliaires ; que les enquêteurs ont refusé de retranscrire les déclarations de M. Ronot dans le procès-verbal du 3 mai 1995 " faisant ainsi obstruction aux droits de la défense et à l'établissement contradictoire des procès-verbaux " ; que la société Dijon Béton fait valoir que les dispositions de l'ordonnance ne permettent pas aux enquêteurs de " faire un tri parmi les déclarations effectuées par les personnes entendues afin de les faire bénéficier (ou non) à leur gré de la force probante attachée au procès-verbal " ; qu'il appartient donc au Conseil de constater cette irrégularité ;

Mais considérant que les points de contestation de la société Doras Matériaux concernant les faits relevés dans l'ordonnance du Tribunal de grande instance de Dijon du 15 juin 1994 ont fait l'objet d'une note, jointe au procès-verbal de déclarations du 3 mai 1995, qui mentionne que " M. Jean Léo Doras et M. Ronot tiennent à contredire certaines affirmations du contenu de l'ordonnance du 1er décembre 1986 du juge. Leur déclaration est reprise dans un document joint en annexe 1. " ; que ce document, expressément mentionné dès le début du procès-verbal, en fait partie intégrante ; qu'il n'a donc pas été fait obstacle aux droits de la défense et que le moyen ainsi soulevé doit être écarté ;

Sur la durée de la procédure

Considérant que les sociétés Doras Matériaux et Bloc Matériaux font valoir que, du fait de l'ancienneté des pratiques reprochées, la procédure constitue une violation manifeste des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; que, selon la société Doras Matériaux, la lenteur de la procédure est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense, alors que ce délai excessivement long n'est pas justifié par l'ampleur et la complexité du dossier ;

Mais considérant que les pratiques examinées remontent à une période comprise entre 1990 et 1995 et que le Conseil a été saisi par le ministre de l'Economie le 19 janvier 1996 ; que la longueur de la procédure n'apparaît pas déraisonnable compte tenu des enjeux en cause et des difficultés du dossier ; qu'en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que, si les délais nécessaires à la procédure peuvent engager la responsabilité de l'Etat, ils ne sont pas de nature à entacher la procédure de nullité ; que, par ailleurs, la société Doras Matériaux ne précise pas en quoi la longueur de l'instruction aurait fait échec à l'exercice des droits de la défense ;

Sur la prescription

Considérant que les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux et Bloc Matériaux invoquent les dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce pour soutenir que les griefs notifiés se fondent sur des faits prescrits ; qu'elles exposent que le premier acte interruptif de la prescription est le procès-verbal de déclarations et de communication de documents de M. Gilbert Rolland du 20 décembre 1993 ; que, par conséquent, les faits antérieurs au 20 décembre 1990 sont prescrits ; qu'en conséquence, les comptes rendus de réunion du groupe B des 3 août 1972 et 28 juin 1988, la note de M. Philippe Logerot, directeur commercial de la société Pagot et Savoie, rédigée, selon la notification de griefs, " probablement en 1988 ", le document dactylographié intitulé " engagement " du 19 septembre 1988, les contrats de commercialisation du 14 octobre 1988, ainsi que " la liste d'exception de commercialisation directe par les Établissements Maggioni ", se rapportent à une période prescrite et ne peuvent être utilisés pour fonder des griefs ;

Mais considérant que seules les pratiques anticoncurrentielles relevées postérieurement à la date du 20 décembre 1990 ont fait l'objet de griefs notifiés aux entreprises ; que si, en application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut sanctionner des faits remontant à plus de trois ans, il est toutefois licite d'éclairer les faits non prescrits au moyen de pièces remontant à plus de trois ans ;

Sur la validité des documents dont la date est incertaine

Considérant que la société Dijon Béton soutient que les documents dont la date est incertaine ne sauraient être retenus ; qu'elle cite en particulier, à cet égard, la note de M. Philippe Logerot, directeur de la société Pagot et Savoie, rédigée en 1988, ainsi que le document manuscrit portant des chiffres de l'année 1990, non daté et non signé ;

Mais considérant que ces documents, bien que non précisément datés, peuvent être situés dans le temps avec une probabilité raisonnable compte tenu de leur contenu, voire de leur position parmi les documents saisis ; que, lorsque les documents saisis concernent, notamment, des prises de note manuscrites, ce qui est le cas des documents cités, l'absence de signature sur la (ou les) page(s) par l'auteur de la note n'invalide pas pour autant le document, dès lors que sa validité n'est pas soumise à une telle obligation et ne lui retire pas son caractère d'élément contribuant au faisceau d'indices susceptibles d'établir l'existence de pratiques anticoncurrentielles ; que le moyen ainsi invoqué doit donc être rejeté ;

Sur le fond

Sur l'organisation du système de distribution du béton prêt à l'emploi produit par la société Dijon Béton

Considérant qu'un grief a été notifié aux sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux pour avoir mis en œuvre une action concertée consistant à se répartir le marché de la distribution du béton prêt à l'emploi dans le département de la Côte-d'Or ;

Considérant qu'il est loisible à une société de déterminer librement les conditions de distribution de ses produits et de faire coexister au sein de son réseau de distribution plusieurs catégories de distributeurs selon le type de relations commerciales qu'elle entretient avec eux, dès lors qu'une telle pratique ne révèle de sa part aucune discrimination de nature anticoncurrentielle ;

Considérant que la société Dijon Béton expose que le système de distribution qui lui est reproché réserve la revente de ses produits à des distributeurs qu'elle sélectionne pour leurs compétences techniques et leur aptitude à conseiller le client utilisateur dans le choix du produit ; que les refus opposés par la société Dijon Béton à certains négociants cités dans la partie I de la présente décision ont été motivés par le fait que ces entreprises n'étaient pas de taille ou ne disposaient pas d'une expérience suffisante pour répondre aux critères posés par la société ; qu'il ne résulte pas des éléments du dossier que des pratiques discriminatoires aient été mises en œuvre dans l'application des critères ainsi énoncés ; que, dès lors, il n'est pas établi que l'entente par laquelle la société Dijon Béton et ses actionnaires négociants ont décidé de confier la commercialisation du béton, dans le département de la Côte-d'Or, à ces négociants est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur la mise en place d'une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi

Considérant, en premier lieu, que les comptes rendus des réunions du groupe B " Négoce ", en date du 28 juin 1988, du 25 janvier 1991, du 30 janvier 1992, du 15 décembre 1992 et du 2 février 1994, auxquelles participaient les représentants des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, et qui sont cités en partie I de la présente décision, comportent un paragraphe intitulé " Révision des marges ", dans lequel la clientèle de la société Dijon Béton et des trois négociants est répartie en cinq catégories A, B, C, Autres et Particuliers ; qu'au regard de chacune de ces catégories est affectée un montant de marge défini en francs ;

Considérant que les déclarations de M. Pion, président du conseil d'administration de la société Dijon Béton, reprises par les parties et selon lesquelles les marges ainsi fixées n'étaient seulement que des plafonds indicatifs que les négociants restaient libres de négocier, sont contredites par l'examen des facturations de 1994, dont il ressort que dix-sept prix de la société Doras Matériaux comportent des marges supérieures à celles définies en commun ; que vingt-trois prix de la société Pagot et Savoie présentent également des marges supérieures à celles définies en commun ; que, de surcroît, les facturations des sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux démontrent que les marges pratiquées par les négociants, en 1994, sont, pour la plupart, identiques à celles fixées au cours des réunions du groupe B " Négoce " ; qu'ainsi, 73 % des prix de vente de béton de la société Doras Matériaux (47/64) comportent des marges identiques à celles définies en commun ; qu'il en est de même pour la société Pagot et Savoie dont la facturation met en évidence 56 % de marges identiques à celles définies en commun (36/64) ; que, s'agissant de la société Bloc Matériaux, ce pourcentage est de 72 % (9/11) ;

Considérant que la société Doras Matériaux fait valoir que l'examen de la facturation de l'entreprise ne porte que sur les seules factures du mois de mai 1994 ; que la société Pagot et Savoie expose qu'elle a toujours appliqué une marge de 19,50 F aux clients de la catégorie " C " et non de 19,20 F comme mentionné dans les prévisions du groupe B, que ces marges très proches doivent être considérées comme identiques ; que, dans ces conditions, l'échantillonnage des factures fait ressortir que, sur 64 prix de vente, 57 (marges) sont conformes aux prévisions, 7 (marges) sont inférieures aux prévisions, soit 11 % du total et aucune n'est supérieure ; que la société Pagot et Savoie en conclut que les prévisions de marges constituent donc bien des marges maximums permettant à la société Dijon Béton de fournir directement aux clients les cotations des négociants ;

Mais considérant que, si les factures examinées ne concernent que des périodes de l'année 1994, ces factures ont été sélectionnées de manière aléatoire et peuvent, par conséquent, être utilisées pour effectuer des comparaisons ; que la très forte proportion de prix respectant, ou dépassant, les marges fixées lors des réunions du groupe B démontre que ces marges, contrairement à ce que prétendent les parties, n'étaient pas des maximums indicatifs, mais constituaient bien des prix fixés en commun et respectés par les négociants ; que la société Pagot et Savoie reconnaît, par les termes mêmes de son argumentation, avoir appliqué une marge qui doit être considérée comme similaire à celle fixée par le groupe " B " ;

Considérant, en deuxième lieu, que le compte rendu de la réunion du groupe B du 28 juin 1988, à laquelle assistaient M. Duris de la société Pagot et Savoie, M. Perraux de la société Doras Matériaux et M. Bloc de la société Bloc Matériaux, ainsi que M. Pion de la société Dijon Béton, comporte un paragraphe II intitulé " La répartition des clients suivant les taux de marge " dont la teneur est la suivante : " Les négociants ont été d'accord pour revoir la classification de leurs clients. Monsieur Pion a fait alors remarquer que si cette classification était avant tout du ressort des négociants, Dijon Béton avait quand même son mot à dire, puisque indirectement les clients des négociants sont également ceux de Dijon Béton. En conclusion, un système est mis en place qui permet de proposer les mêmes prix aux clients, soit en direct, soit par le négoce, mais qui laisse la possibilité à ces derniers d'être facturés par la société de son choix " ; qu'en annexe II du compte rendu, figure " Une proposition de classement des clients du négoce au 1er juillet 1988 ", laquelle, au sein des catégories A, B et C, identifie nommément des entreprises qui bénéficieront de montants de marges identiques, quelle que soit l'entreprise qui les livrera en béton ;

Considérant que les sociétés Dijon Béton et Doras Matériaux contestent le caractère probant du compte rendu de la réunion du groupe B du 28 juin 1988 ; que la société Bloc Matériaux fait valoir que la société Dijon Béton classait les entreprises en fonction de leur consommation, permettant aux plus importants consommateurs de bénéficier des prix les plus bas ;

Mais considérant que d'autres pièces du dossier démontrent que la pratique décrite dans le compte rendu de la réunion du groupe B du 28 juin 1988 s'est perpétuée au-delà de cette date ; qu'en effet, il résulte des annexes aux comptes rendus de réunions du groupe B " Négoce " du 30 janvier 1992 et du 13 décembre 1992, qui sont intitulées " Proposition de classement des clients du négoce " que les entreprises sont classées par catégories A, B et C, et que des montants de marges identiques sont fixés par catégorie, quelle que soit l'entreprise qui livrera ; que ces montants de marge sont explicitement rappelés dans la " Proposition de classement des clients du négoce au 1er janvier 1993 " ;

Considérant qu'un rapprochement non exhaustif entre les noms de plusieurs entreprises figurant dans la proposition de classement du 1er janvier 1993 et la facturation qui leur est appliquée, fait apparaître que les marges sont identiques à celles définies dans la proposition de classement ; qu'ainsi, il a été appliqué à l'entreprise Aller, classée en B, une marge de 15,25 F par la société Doras Matériaux ; qu'il a été appliqué aux entreprises Viafrance et Curot, respectivement classées en B et en A, une marge de 15,25 F et de 11,60 F par la société Pagot et Savoie ; qu'il a été appliqué à l'entreprise Zinetti, classée en A, une marge de 11,60 F par la société Bloc Matériaux ; que ces montants de marge applicables aux prix du béton des années 1993 et 1994 sont identiques à ceux prévus dans la proposition de classement du 1er janvier 1993 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ont mis en place une structure tarifaire commune concernant les marges applicables aux prix de vente du béton prêt à l'emploi, laquelle consiste, d'une part, à fixer le montant des marges applicables à cinq catégories de clients classés A, B, C, Autres et Particuliers et, d'autre part, à affecter à des clients nominativement désignés le montant de marge qui leur sera appliqué ;

Considérant, en troisième lieu, que le compte rendu de la réunion du groupe B " Négoce " du 1er juillet 1993, cité en partie I de la présente décision, fait état de l'existence d'une marge de 10 % appliquée sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi produit par la société Maggioni et commercialisé par les négociants ; que, dans le cadre d'un litige entre la société Maggioni et le négociant Doras Matériaux relatif aux marges appliquées par le producteur à deux entreprises du bâtiment et des travaux publics, Ravetto et Bourgogne Travaux, le président de la société Doras Matériaux a adressé à M. Maggioni deux lettres en date des 8 juillet et 10 aout 1993, citées en partie I de la décision, par lesquelles il lui rappelle leurs accords concernant l'application d'une marge de 10 % ;

Considérant que la société Doras Matériaux expose que ces courriers ne constituent que des demandes légitimes d'abaissement du prix d'achat ; que, dans ses déclarations du 10 mai 1995, M. Ronot, responsable de la société Doras Matériaux, a présenté le mode de fixation de ses prix de vente pour le béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni sans faire état d'aucune marge minimum de 10 % ; qu'elle fait valoir que l'examen des factures de béton prêt à l'emploi fabriqué par la société Maggioni des sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux fait apparaître l'application de marges différentes ;

Mais considérant que le rapprochement entre les entreprises du bâtiment et des travaux publics qui figurent sur la liste de classement des clients du négoce au 1er janvier 1993 établie par la société Dijon Béton et les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux et les mêmes entreprises qui passent des commandes de béton produit par l'entreprise Maggioni par l'intermédiaire des trois négociants, permet de constater que ces entreprises se voient appliquer les mêmes montants de marges que ceux définis en commun lors des réunions du groupe B " Négoce " ; qu'ainsi, pour le béton en provenance de l'entreprise Maggioni, en 1994, la facturation de la société Bloc Matériaux montre qu'il est appliqué à l'entreprise Ravetto un taux de marge de 4,9 % et 5 %, lequel correspond au taux préférentiel de la clientèle de catégorie A ; que l'entreprise STCE, qui relève de la catégorie de clientèle B, s'est vu appliquer un taux préférentiel de 5,6 % ; que la facturation de la société Pagot et Savoie montre qu'il est appliqué un taux de 18,3 % à l'entreprise Manière, qui ne figure pas dans la liste de classement ; que la facturation de la société Doras Matériaux montre que l'entreprise La Construction, classée en clientèle C, s'est vu appliquer un taux de marge de 14,4 % ;

Considérant que la société Maggioni fait valoir qu'elle n'a pas suivi les directives de la société Doras Matériaux en matière de marges applicables au béton prêt à l'emploi qu'elle produit, ainsi qu'en témoigne la note du 9 septembre 1993 précitée, laquelle précise que : " ...Cette marge n'est plus respectée " ; qu'elle expose que son poids financier est nettement inférieur à celui des autres parties à la procédure et qu'elle ne se trouve pas en mesure d'imposer des marges aux négociants qui les fixent librement ;

Mais considérant que les lettres du 8 juillet et 10 août 1993, adressées par la société Doras Matériaux à la société Maggioni, font état, à trois reprises, de règles ou d'accords portant sur une marge de 10 % appliquée au prix de vente du béton prêt à l'emploi produit à l'entreprise Maggioni ; que la note manuscrite du 9 septembre 1993, saisie dans les locaux de la société Doras Matériaux prévoit de " refaire le tarif sur base DB " : qu'ainsi, l'entreprise Maggioni a adhéré à la structure tarifaire mise en place par les entreprises Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un faisceau d'indices précis, graves et concordants établit l'existence d'une structure tarifaire commune sur le prix de vente du béton prêt à l'emploi entre les entreprises Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ; que cette pratique, qui a eu pour objet et pour effet de dissuader les entreprises de déterminer leurs prix en fonction de leurs coûts propres de gestion et de supprimer toute concurrence par les prix, est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur les pratiques de répartition de clientèle en matière de vente de béton prêt à l'emploi et d'agglomérés

Considérant qu'il ressort de la note du 9 septembre 1993, saisie dans les locaux de la société Doras Matériaux et citée dans la partie I-D-3° de la présente décision, que, lors de l'installation de la centrale de béton de l'entreprise Maggioni dans l'agglomération dijonnaise, en 1988, un accord a été passé entre cette entreprise et la société Dijon Béton, ainsi que les sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, pour affecter à l'entreprise Maggioni un pourcentage de commercialisation du béton prêt à l'emploi dans l'agglomération dijonnaise qui était évaluée à 17 % du marché ; que, par ailleurs, les termes de cette note révèlent que cet accord a perduré et était encore en vigueur au moment de l'enquête ; qu'en outre, cette pratique est confirmée par la note rédigée par M. Logerot, directeur administratif de la société Pagot et Savoie, qui indique : " S'entendre et sur les agglos et sur le béton avec Maggioni en commercialisant tous les 2 et le béton et les agglos. On lui laisse 20 000 m3 de béton, on compense en prenant (chiffre illisible) agglos. Pagot et Doras + Socibat - 12 M d'achat chez Maggioni sur les 25 M de son CA, soit 60 à 70 % de son CA - hourdis Rector - cela doit le laisser réfléchir - Avant tout sauvegarder les intérêts de chacun sans renforcer le groupe Doras " ;

Considérant que la société Dijon Béton soutient que les pièces internes sur lesquelles a été fondé le grief ne concernent que les sociétés dans lesquelles elles ont été saisies et ne permettent en aucun cas de démontrer une implication de la société Dijon Béton, le caractère unilatéral de ces pièces excluant toute qualification d'entente ;

Mais considérant que la note précitée du 9 septembre 1993 mentionne la société Dijon Béton par ses initiales ; que M. Robert Ronot, président de la société Doras Matéraux, a indiqué, lors de son audition par les enquêteurs le 3 mai 1995, être l'auteur de cette note qui concernait une discussion avec son prédécesseur M. Braillard " sur les marges et la part réciproque de marché entre Maggioni et Dijon Béton " ; que diverses télécopies, saisies au siège de la société Dijon Béton, font état des contrôles exercés auprès de la société Maggioni ainsi que le prévoyait la note du 9 septembre 1993 ; qu'enfin, une note du 5 octobre 1993 retranscrit les termes d'une réunion du groupe B " Négoce " qui s'est tenue dans les locaux de la société Dijon Béton, à laquelle assistait un représentant de cette société et fait état de l'accord en cause et de son application ; que, dès lors, la société Dijon Béton a bien participé à la pratique en cause ;

Considérant que les parties font valoir que les notes du 9 septembre 1993 et du 5 octobre 1993 précitées constituent une évaluation de la part de marché représentée par la société Maggioni, de même que les mentions de la note saisie dans le bureau de Melle Pinel, chef du secteur " maçonnerie-couverture " de la société Doras Matériaux, et concernent une estimation de la progression des ventes ainsi que de la part de marché de la société Maggioni ; que cette société expose que les entreprises de négoce associées dans Dijon Béton ne pouvaient en aucun cas la contrôler, puisqu'une partie des ventes était réalisée en direct, notamment avec l'entreprise Ravetto ;

Mais considérant que la note du 9 septembre 1993 comporte des données chiffrées qui correspondent aux parts respectives de béton commercialisées par les sociétés Dijon Béton et Maggioni, ainsi que par les trois négociants ; que le terme " affecté " démontre qu'il s'agit d'une évaluation de part de marché ; qu'en outre, un autre encadré comporte la mention " Contrôle mensuel de m3 avec DB + Maggioni + Négoces " ; que ce contrôle mensuel a bien été effectué, ainsi qu'en attestent les documents saisis dans les locaux de la société Dijon Béton adressés nominativement à M. Jacotot, directeur général de la société Dijon Béton, par télécopie ; que le contrôle a porté sur les mois de septembre de l'année 1993 et de janvier à avril 1994 ; qu'ainsi, il a été immédiatement fait application des mesures décidées dans la note du 9 septembre 1993 ; que, même si les négociants étaient en mesure de connaître avec précision le volume de béton de l'entreprise Maggioni commercialisé par leur intermédiaire, la transmission de ces informations au concurrent direct de la société Maggioni ne peut pas s'expliquer autrement que par la volonté de vérifier que le quota de 17 % était effectivement respecté ;

Considérant que la note du 5 octobre 1993, saisie dans le bureau de M. Yvon Bloc de la société Bloc Matériaux, est la traduction de notes prises lors de la réunion du groupe B " Négoce ", qui s'est tenue au siège de la société Dijon Béton à la même date et à laquelle assistaient les représentants des sociétés Dijon Béton, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ; que les annotations consignées par le rédacteur sont les suivantes : " Concurrence Maggioni - 17 % août - 19 000 fin août - a repris son objectif - septembre 18 % (l'année dernière n'a pas réalisé son objectif - 15 % environ) " ; que le cubage de béton produit par l'entreprise Maggioni jusqu'au mois d'août 1993 peut, en effet, être de l'ordre de 19 000 m3, dans la mesure où celle-ci a produit 32 119 m3 en 1993 ; que " 17 % " correspond à la part du marché convenue pour l'entreprise Maggioni et que ce document évalue si cette entreprise a respecté le quota depuis le début de l'année ; que la note reprend, à deux reprises, le terme " objectif " dans les expressions " a repris son objectif " et " l'année dernière n'a pas réalisé ent. (entièrement) son objectif " dont la signification ne peut se confondre avec les termes " prévision ", " évaluation " et " estimation " ; que, par ailleurs, si les deux notes des 9 septembre et 5 octobre 1993 ne comportaient, comme le prétendent les parties, que des chiffres concernant des estimations de production, le contrôle du cubage de béton de l'entreprise Maggioni commercialisé par les trois négociants n'aurait alors aucune explication plausible, dans la mesure où l'entreprise Doras Matériaux prétend qu'une estimation de la production de béton de l'entreprise Maggioni peut être faite à partir de la capacité de la centrale et du nombre de camions-toupies ;

Considérant que la note manuscrite non datée, rédigée par M. Robert Ronot postérieurement au premier trimestre 1994, intitulée " Dijon Béton - Prévisions 2ème trimestre ", comporte des données chiffrées identiques à celles portées dans la note du 12 avril 1994, saisie dans le bureau de Melle Pinel ; que ces chiffres concernent des cubages de béton prêt à l'emploi précédés des initiales des sociétés Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux (" DM 342 - PS 700- B1159 - Ravetto 700 ") ; que l'identité des chiffres tend à montrer que ces deux notes sont la transcription de propos tenus au cours de la réunion du groupe B " Négoce " du 12 avril 1994 tenue dans les locaux de la société Dijon Béton ;

Considérant, en outre, que la note du 12 avril 1994 saisie dans le bureau de Melle Pinel fait état d'une progression de la part de marché de l'entreprise Maggioni qui atteindrait, pour les trois premiers mois de 1994, 20 % au lieu de 17 % et prévoit de faire baisser, de façon coordonnée, cette part, pour le futur, d'environ 10 % afin de la ramener aux alentours de 17 %, en ces termes : " il faut faire baisser volume béton Maggioni (environ) 10 % - 1159 - Ravetto (700) - 342 - Pagot et Savoie (repris Ravetto) " ; qu'ainsi, cette note fait état d'un constat de progression de la part de l'entreprise Maggioni sur le béton commercialisé par les négociants, ainsi que d'une décision de reprendre à la société Maggioni la possibilité de fournir directement l'entreprise Ravetto pour transmettre ce client au négociant Pagot et Savoie ; que le caractère prétendument " prospectif " et " estimatif " des informations figurant dans ces notes est démenti par le fait que les données chiffrées qui y sont portées concernent une période passée et sont d'une extrême précision ;

Considérant que la société Dijon Béton expose que la note de Melle Pinel, du 12 avril 1994, de même que le compte rendu de réunion du groupe B de la même date, ne démontrent pas une entente anticoncurrentielle, mais, au contraire, une vive concurrence sur le marché entre les opérateurs ; que l'expression " faire baisser volume béton Maggioni (environ) 10 % " signifie purement et simplement qu'une réaction s'impose pour regagner les parts de marché perdues en mettant en place une stratégie de conquête ; que la société Maggioni fait valoir que les écarts entre les montants mentionnés dans ce compte rendu et le quota initial de 17 % démontrent qu'aucun accord n'a été conclu ;

Mais considérant que la note du 9 septembre 1993 porte la mention, encadrée, d'un " accord de base ", au terme duquel " 17 % du marché Dijon est affectée à Maggioni à sa création " ; que cette mention démontre bien l'existence d'un accord auquel étaient parties la société Dijon Béton, l'entreprise Maggioni, ainsi que les négociants ; que la note de M. Logerot fait, elle aussi, mention d'une entente avec l'entreprise Maggioni aux termes de laquelle la part prise par cette entreprise sur le marché du béton serait compensée par une augmentation des parts des négociants sur le marché des agglomérés ; que, si la note saisie dans le bureau de Mlle Pinel, ainsi que le compte rendu de la réunion du groupe B du 12 avril 1994, démontrent que, pour les trois premiers mois de 1994, l'entreprise Maggioni a dépassé le quota de 17 % et que des mesures sont envisagées pour ralentir la progression de cette société, les mêmes mentions établissent que cet accord avait bien été respecté auparavant ;

Considérant que la société Pagot et Savoie soutient avoir été dans l'incapacité d'imposer à la société Maggioni un quelconque quota de production, dès lors que la société Maggioni, qui est le seul fournisseur d'agglomérés sur le département de la Côte-d'Or, dispose d'une position dominante sur le marché de l'approvisionnement des agglomérés et se trouve être un partenaire indispensable pour les négociants qui dépendent de cette société pour leur approvisionnement en agglomérés ;

Considérant, cependant, que ce moyen est inopérant, dans la mesure où le quota incriminé n'a pas été imposé par les négociants individuellement, mais a procédé d'une entente entre la société Maggioni et la société Dijon Béton, ainsi qu'avec les trois négociants concernés, dont la société Pagot et Savoie ;

Considérant que la société Bloc Matériaux observe que l'intérêt des négociants n'était pas forcément le même que celui de Dijon Béton ; que l'entreprise Maggioni a apporté un meilleur service, une grande souplesse dans les livraisons et des prix compétitifs et que, pour cette raison, elle s'est approvisionnée à hauteur de plus de 30 % auprès de la société Maggioni ;

Considérant, cependant, que le producteur Dijon Béton et les négociants Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux avaient un intérêt direct à contrôler et à limiter la commercialisation du béton prêt à l'emploi de l'entreprise Maggioni autour du centre urbain de Dijon, dans la mesure où cette entreprise concurrençait directement la société Dijon Béton, en rendant plus difficile l'écoulement du béton produit par cette dernière ; que cet intérêt s'explique aussi par le fait que l'entreprise Maggioni ne versait pas de primes de fin d'année sur le béton commercialisé par les trois négociants, alors que ceux-ci percevaient de tels avantages de la société Dijon Béton ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ont mis en œuvre une entente consistant à se répartir la clientèle du béton prêt à l'emploi produit par l'entreprise Maggioni ; qu'une telle pratique, qui a eu pour objet et pour effet de limiter l'accès aux marchés, est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Sur les pratiques de répartition du marché en matière de vente d'agglomérés et de hourdis

Considérant qu'il ressort de l'enquête que des projets de contrats de commercialisation exclusive, l'un concernant le béton prêt à l'emploi, l'autre concernant les agglomérés et les hourdis produits par l'entreprise Maggioni, ont été saisis dans les locaux des sociétés Bloc Matériaux et Pagot et Savoie ; que le projet de contrat relatif à la commercialisation des agglomérés et hourdis comportait une annexe dactylographiée listant les entreprises que la société Maggioni pouvait approvisionner directement ; qu'une liste identique manuscrite a été saisie au siège de la société Doras Matériaux ;

Considérant que les projets figurant ainsi au dossier ne sont pas signés ; qu'ainsi que l'ont fait valoir les sociétés Bloc Matériaux et Pagot et Savoie, la rédaction d'un projet de contrat ou la simple proposition de contrat ne suffit pas à démontrer à elle seule l'existence d'une entente ;

Considérant, s'agissant de la liste annexée au contrat de commercialisation exclusive d'agglomérés et de hourdis intitulée " Liste d'exception de commercialisation directe par les Établissements Maggioni ", que s'il ressort de l'analyse des factures de l'entreprise Maggioni, pour les années 1992, 1993 et 1994, que deux sociétés mentionnées sur la liste référencée en annexe 1 au contrat de commercialisation du 14 octobre 1988 ont régulièrement été livrées en direct par cette entreprise, il n'est nullement démontré que cette entreprise n'approvisionnait que les sociétés figurant sur cette liste ; que, notamment, il résulte des déclarations de M. Gilbert Rolland que celui-ci a été livré en direct par l'entreprise Maggioni, alors que sa société ne figure pas sur la liste d'exceptions précitée ; que la société Maggioni a fourni, en annexe à ses observations, " une liste non exhaustive des clients livrés en direct " dans laquelle figurent trente-deux noms de clients, négociants et entreprises du bâtiment et des travaux publics pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1998, parmi lesquelles un certain nombre d'entreprises figurant déjà sur l'annexe du projet de contrat de commercialisation des agglomérés et hourdis, mais qui comporte aussi de nombreuses autres sociétés ;

Considérant que, s'il ressort des déclarations de M. Louis Maggioni que la prime d'objectif sur chiffre d'affaires figurant à l'annexe de ce contrat était toujours en vigueur au moment des faits, cette information n'est étayée que par deux documents cités au I-D-4 de la présente décision, dont il résulte que la prime d'objectif de fin d'année aurait effectivement été versée en 1989 par l'entreprise Maggioni à la société Doras Matériaux, et que celle-ci s'est interrogée sur sa reconduction en 1990 ; que, néanmoins, ces mentions, qui figurent sur des documents remontant à plus de trois ans à compter du premier acte d'instruction, ne peuvent à elles seules apporter la preuve que le projet de contrat non signé aurait néanmoins été exécuté ;

Considérant que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les entreprises Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ont mis en œuvre une action concertée visant à se répartir la clientèle des agglomérés et des hourdis ;

Sur les pressions exercées sur le négociant Rolland Matériaux

Considérant qu'il a été fait grief, d'une part, aux sociétés Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux d'avoir exercé des pressions sur le négociant Rolland Matériaux pour organiser un partage de clientèle en matière de commercialisation des agglomérés et, d'autre part, aux sociétés Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux d'avoir exercé des pressions sur ce même négociant pour l'amener à remonter le prix des agglomérés ;

Considérant que les éléments versés au dossier ne permettent pas de démontrer que les pressions subies par la société Rolland Matériaux résultent d'une entente mise en œuvre par les sociétés mises en cause ;

Considérant, en effet, que s'agissant des pratiques ayant pour objectif un partage de clientèle, les pièces relatives à ces pratiques, citées au I-D-6 de la présente décision, font état de pressions mises en œuvre par les responsables de la société Doras Matériaux et d'échanges d'informations à cet égard au sein de cette seule société ; que, si la copie d'une note de M. Ronot, alors directeur de la société Doras Matériaux, relative à ce sujet, a été transmise en télécopie par la société Bloc Matériaux à l'entreprise Maggioni, cet échange d'informations est, toutefois, insuffisant pour établir que les pressions subies par M. Rolland résultaient d'un accord de volonté entre les sociétés Doras Matériaux, Bloc Matériaux et Maggioni ;

Considérant, s'agissant des pratiques relatives à la remontée des prix, que, si les pièces citées au I-D-7 de la présente décision font état de tentatives de pressions exercées par les sociétés Doras Matériaux, Maggioni, Bloc Matériaux sur le groupe Sturm et sur l'entreprise Rolland afin qu'ils augmentent les prix de commercialisation des produits agglomérés, il apparaît que ces pressions ont été vaines et il n'est pas établi qu'elles ont été poursuivies ;

Considérant que, dans ces circonstances, il n'est pas établi que les sociétés Maggioni, Doras Matériaux et Bloc Matériaux, ainsi que la société Pagot et Savoie, ont mis en œuvre des pratiques concertées destinées à faire pression sur l'entreprise Rolland afin, d'une part, qu'elle participe à un partage de marché et, d'autre part, qu'elle augmente les prix de vente des produits agglomérés ;

Sur les sanctions

Considérant que les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; que, par suite, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, en vigueur au moment de la commission des faits et de la saisine, le Conseil de la concurrence peut " ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;

Considérant qu'il est établi que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux, se sont concertées, d'une part, pour convenir d'une structure tarifaire commune concernant la vente du béton prêt à l'emploi et, d'autre part, pour se répartir la clientèle en matière de béton prêt à l'emploi ;

Considérant que, pour apprécier la gravité des pratiques, il convient de tenir compte de ce qu'elles ont eu, d'une part, pour objet et pour effet d'entraver le jeu de la concurrence sur les prix et de figer la configuration du marché ; que de telles ententes de prix et de répartition de marché qui rentrent dans la catégorie des " ententes injustifiables " au sens de la " recommandation du conseil de l'OCDE (en date du 25 mars 1998) concernant une action efficace contre les ententes injustifiables " sont particulièrement graves, comme le souligne cette organisation qui énonce dans cette recommandation que " les ententes injustifiables constituent la violation la plus flagrante du droit de la concurrence et lèsent les consommateurs dans un grand nombre de pays (...) " ; que, d'autre part, elles ont été mises en œuvre par des entreprises dont l'implantation locale est importante ;

Considérant que, pour apprécier le dommage causé à l'économie, il y a lieu de tenir compte de ce que, si ces pratiques ont été circonscrites à un secteur géographique limité, elles ont néanmoins été mises en œuvre pendant plusieurs années ;

En ce qui concerne les injonctions

Considérant qu'il apparaît nécessaire que des mesures soient prises afin que les utilisateurs potentiels de béton prêt à l'emploi soient informés des pratiques auxquelles ils peuvent être confrontés ; que, dès lors, la décision sera publiée, dans un délai de trois mois suivant sa notification, dans la publication quotidienne régionale Le Progrès, avec des caractères en permettant la lisibilité dans des conditions normales, aux frais partagés des sociétés mises en cause ; cette publication sera précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence n° 01-D-36 du 28 juin 2001 relative à des pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte-d'Or " ;

En ce qui concerne les sanctions pécuniaires

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France de la société Dijon Béton s'étant élevé à 87 488 160 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 900 000 F ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France de la société Maggioni s'étant élevé à 48 110 213 F au cours de l'exercice clos le 31 mars 2000, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 000 000 F ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France de la société Doras Matériaux s'étant élevé à 258 923 008 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 5 700 000 F ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France de la société Pagot et Savoie s'étant élevé à 334 648 755 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 7 400 000 F ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France de la société Bloc Matériaux s'étant élevé à 79 298 883 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 700 000 F,

DÉCIDE

Article 1er : Il est établi que les sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 1 900 000 F à la société Dijon Béton,

- 1 000 000 F à la société Maggioni,

- 5 700 000 F à la société Doras Matériaux,

- 7 400 000 F à la société Pagot et Savoie,

- 1 700 000 F à la société Bloc Matériaux.

Article 3 : Dans un délai maximum de trois mois suivant sa notification, le texte de la présente décision sera publiée, avec des caractères en permettant la lisibilité dans des conditions normales, dans la publication quotidienne régionale, Le Progrès, aux frais des sociétés Dijon Béton, Maggioni, Doras Matériaux, Pagot et Savoie et Bloc Matériaux. Cette publication sera précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence n° 01-D-36 du 28 juin 2001 relative à des pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits en béton en Côte-d'Or ".

[1] Il s'agit des pièces saisies antérieurement, au sujet desquelles les enquêteurs ont demandé des explications aux personnes entendues