CA Paris, 1re ch. H, 27 février 2001, n° ECOC0100108X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Au Lys de France (SA)
Défendeur :
Aéroports de Paris
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Penichon
Avoué :
SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau
Avocats :
Mes Divier, Calvet.
La société Au Lys de France a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par Aéroports de Paris (ADP) constituées, d'une part, par le refus de cet établissement public de diminuer le montant d'une redevance contractuelle qualifiée d'excessive et discriminatoire et, d'autre part, par le refus opposé à sa demande de concession en vue d'un exercice de son activité dans l'aérogare n° 2 de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle.
Par décision n° 2000-D-41 du 20 septembre 2000, le Conseil de la concurrence, estimant que les faits invoqués n'entraient pas dans le champ de sa compétence, a déclaré la saisine irrecevable.
La société Au Lys de France a formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation à l'encontre de cette décision.
Elle fait essentiellement valoir, à l'appui de son recours :
- que les agissements critiqués d'Aéroports de Paris sont détachables des décisions administratives en cause ;
- que seules sont querellées les modalités de négociation des clauses tarifaires, et non la convention d'occupation du domaine public et la décision de résiliation de celle-ci,
- que, selon la jurisprudence du Tribunal des conflits, seules échappent au contrôle du Conseil de la concurrence les décisions qui mettent en œuvre, cumulativement, une mission de service public et des prérogatives de puissance publique,
- qu'une convention d'occupation du domaine public et, a fortiori, la redevance qu'elle instaure ne constituent pas en soi l'expression d'une prérogative de puissance publique.
La requérante demande en conséquence à la cour :
- de constater l'existence de pratiques anticoncurrentielles manifestant un abus de position dominante d'ADP sur le marché pertinent de la fourniture d'emplacements en vue d'exploitation de commerces de détail sur le domaine public aéroportuaire ;
- d'enjoindre à ADP de procéder à une renégociation en vu d'une nouvelle attribution de la concession dont elle bénéficiait dans l'aérogare n° 1 ;
- d'enjoindre également à cet établissement public ce procéder à une nouvelle sélection pour l'attribution d'une concession afférente à de nouveaux emplacements dans l'aérogare n° 2 ;
sanctionner Aéroports de Paris par une amende.
Aéroports de Paris conclut, en réplique, à la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions.
Il expose pour l'essentiel que la fixation d'une redevance pour occupation du domaine public n'est pas détachable de la convention d'occupation du domaine public ni, plus généralement, de la gestion du domaine public.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande également à la cour de confirmer la décision du Conseil de la concurrence qui ne peut connaître des actes par lesquels les personnes publiques exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique.
Le ministère public conclut également pour sa part au rejet du recours.
Sur ce, LA COUR :
Considérant que la société Au Lys de France qui exerçait depuis 1974 une activité commerciale de vente de " confiserie et chocolaterie " sur le domaine public de l'aérogare n° 1 de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle a, à la suite d'une consultation réalisée par Aéroports de Paris pour le renouvellement de la concession " confiserie " dans cette aérogare, présenté une offre dans une lettre de candidature du 23 novembre 1994 ;
Que cette offre a été retenue et que ses éléments financiers ont été repris dans une convention du 12 mars 1996 fixant au profit de cette société, et moyennant le paiement d'une redevance, les conditions d'occupation temporaire du domaine public à compter, rétroactivement, du 1er janvier 1995 ;
Considérant, toutefois, que, par lettre du 9 juillet 1996, la société Au Lys de France demandait à l'établissement public de renégocier les conditions financières de cette concession en invoquant exclusivement le fait que l'offre financière qui venait d'être entérinée était, en réalité, étroitement liée à l'organisation d'une consultation sur l'exploitation des commerces " gastronomie et confiserie " d'une autre aérogare (Charles-de-Gaulle n° 2) et qu'elle venait d'apprendre que cette dernière concession serait, au contraire, purement et simplement prorogée sans consultation préalable ;
Que, par courrier du 31 juillet 1996, ADP rétorquait que l'attribution de la concession dont cette société était titulaire à l'aérogare Charles-de-Gaulle n° 1 n'avait pas été liée à l'éventuelle attribution de l'autre concession située dans l'aérogare n° 2 et que la proposition n'avait pu être ni soumise ni examinée dans ce contexte ;
Qu'ADP était " néanmoins disposé compte tenu des événements exceptionnels survenus au cours de l'année 1995 notamment le départ de Japan Air Lines de l'aérogare n° 1, à examiner (...) les modalités relatives au minimum garanti pour cette année-là " ;
Considérant qu'après un nouvel échange de courriers portant à la fois sur l'arriéré des redevances et sur les modalités de calcul d'une éventuelle minoration et après envoi d'une mise en demeure, ADP a, finalement, par décision du 22 janvier 1998, prononcé la révocation de la convention d'occupation du domaine public ;
Considérant, enfin, qu'après avoir lancé, parallèlement, en avril 1997, une consultation destinée à sélectionner l'entreprise devant bénéficier de la concession sus-évoquée dans l'aérogare n° 2, l'établissement public a, par lettre du 23 mai 1997, informé la société Au Lys de France, qui avait fait acte de candidature, qu'elle ne faisait pas partie des candidats retenus à l'issue de la procédure de présélection ;
Considérant que la requérante qualifie de pratiques anticoncurrentielles la fixation, dans de telles circonstances, et compte tenu de leur taux, de redevances " disproportionnées et discriminatoires " ainsi que le recours à des procédures de sélection critiquables ;
Mais considérant que la résiliation par un établissement public d'une convention d'occupation du domaine public à la suite du non-paiement de redevances dont le taux est par ailleurs contesté ainsi que le refus opposé à une demande de concession constituent des décisions par lesquelles une personne publique assure la mission de gestion du domaine public, qui lui est confiée, au moyen de prérogatives de puissance publique;
Qu'elles relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par cette personne publique;
Considérant qu'en l'espèce les conditions critiquées de fixation du niveau des redevances d'occupation temporaire du domaine public sont indissociables de la gestion de ce domaine et que, dès lors, les pratiques alléguées ne sont pas détachables de l'appréciation de la légalité des actes administratifs en cause;
Que, dans ces conditions, les faits invoqués n'entrant pas dans le champ de la compétence du Conseil de la concurrence, le recours exercé par la société Au Lys de France à l'encontre de la décision d'irrecevabilité du conseil ne peut qu'être rejeté;
Considérant que l'équité ne commande par d'allouer à Aéroports de Paris une somme au titre des frais non compris dans les dépens ;
Par ces motifs : rejette le recours formé par la société Au Lys de France à l'encontre de la décision n° 2000-D-41 du 20 septembre 2000 du Conseil de la concurrence ; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; condamne la requérante aux dépens.