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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 26 juin 2001, n° ECOC0200048X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Time and Diamonds (SA)

Défendeur :

Seiko France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cavarroc

Conseillers :

Mme Bregeon, M. Remenieras

Avocats :

Mes Lhumeau, Touraille.

CA Paris n° ECOC0200048X

26 juin 2001

LA COUR

Vu le recours en réformation formé le 19 février 2001 par la société TAD à l'encontre de cette décision,

Vu les moyens déposés les 19 février et 15 mars 2001, par lesquels la requérante demande à la cour de :

"constater que le groupe Seiko ne peut prétendre protéger son réseau dit exclusif de distribution de ses produits, alors que le fabricant a lui-même organisé un réseau de distribution parallèle déniant ainsi toute étanchéité à son prétendu réseau de distribution sélective, constater qu'en jouant un rôle actif dans la mise en place d'un double réseau de distribution de ses produits, un réseau dit officiel et un réseau dit non officiel, la société Seiko ne démontre pas la nécessité de recourir à un système de distribution exclusive de ses produits, déclarer en tout état de cause que l'attitude de la société Seiko constitue une pratique anticoncurrentielle, en constatant que celle-ci a pour effet d'exclure des distributeurs d'un réseau prétendument exclusif alors que l'importateur officiel contribue au manque d'étanchéité de son réseau, ce qui constitue en conséquence une violation des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, déclarer le caractère discriminatoire du refus de la société Seiko d'octroyer les bons de garantie internationaux aux distributeurs dit non officiels, en constatant que cet usage exclusif des bons constitue une exploitation abusive de la situation de dépendance économique des revendeurs, dont (elle-même), à l'égard du fournisseur, et viole ainsi les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 86 1243 du 1er décembre 1986, dès lors, déclarer que les agissements de la société Seiko constituent une pratique anticoncurrentielle au sens de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, déclarer enfin le caractère discriminatoire du refus d'octroyer les bons de garantie internationaux, qui ressort des éléments qui avaient été transmis au Conseil de la concurrence dont il n 'a pas tiré toutes les conséquences",

Vu les conclusions en date du 17 avril 2001 par lesquelles la société Seiko France, défenderesse au recours, demande à la cour de

*dire que la société TAD ne rapporte pas la preuve de l'abus de dépendance économique qu'elle lui impute ou de l'existence d'une entente à raison de l'existence d'un réseau non officiel,

* la débouter de toutes ses demandes

* la condamner à lui verser la somme de 40 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu la lettre du 3 mai 2001 par laquelle le Conseil indique ne pas vouloir user de la faculté de présenter des observations que confère l'article 9 du décret du 19 octobre 1987,

Vu les observations du 9 mai 2001, par lesquelles le ministre chargé de l'économie conclut à la confirmation de la décision déférée,

Vu le mémoire en réplique déposé le 16 mai 2001 par la société TAD,

Le ministère public ayant conclu oralement à l'audience au rejet du recours,

Sur ce,

Considérant que la requérante fait grief au Conseil de n'avoir pas reconnu le rôle joué par la société Seiko France dans la mise en place d'un double réseau de distribution de ses produits, à savoir, d'une part un réseau de distribution sélective constitué de distributeurs agréés choisis en fonction de critères qualitatifs, et disposant de bons de garantie internationaux attachés aux montres vendues, et, d'autre part, un réseau parallèle composé de distributeurs des mêmes bons de garantie ; que la société TAD se présente comme appartenant à ce dernier réseau et expose qu'" elle commercialise notamment des montres japonaises sur le marché français, dont la marque Seiko ", et qu'elle-même ainsi que ses clients revendeurs ont été condamnés " pour concurrence parasitaire et déloyale envers la société Seiko France ", ce qui lui paraît inconciliable avec la décision présentement déférée dans la mesure où celle-ci reconnaît " implicitement ...une existence légitime " aux distributeurs du réseau parallèle ;

Que la société TAD estime que le refus de la société Seiko France d'octroyer à ces derniers la garantie internationale, conférée par le fabricant sur son produit, présente un caractère discriminatoire, constitutif d'une entente aussi bien que d'un abus de sa dépendance économique ;

Considérant cependant, à supposer que la société Seiko France ait effectivement mis en place ledit réseau parallèle et assuré l'approvisionnement de celui-ci, qu'il n'en demeure pas moins, ainsi que l'admet la société TAD en page 5 de son mémoire du 15 mars 2001, que les distributeurs de ce réseau parallèle n'ont pas à offrir les mêmes prestations que les revendeurs agréés et n'ont pas à répondre à un éventuel cahier des charges que la société Seiko peut avoir avec ses revendeurs agréés" ;

Que la requérante reconnaît ainsi que les situations ne sont pas équivalentes puisque les distributeurs agréés sont astreints à des sujétions auxquelles échappent les distributeurs non agréés, ce qui lui interdit de se prévaloir d'une pratique anticoncurrentielle;

Considérant, au demeurant, qu'il est loisible à un fournisseur de déterminer librement les conditions de distribution de ses produits et de faire coexister au sein de son réseau de distribution plusieurs catégories de distributeurs, selon le type de relations commerciales qu'il entretient avec eux, dès lors que n'existe de sa part aucune discrimination de nature anticoncurrentielle à l'intérieur de chacune de ces catégories et que celles-ci permettent aux consommateurs de bénéficier d'offres diversifiées;

Considérant, en outre, que les condamnations prononcées par des juridictions de droit commun à l'encontre de la requérante ou de ses propres revendeurs reposent sur des fondements juridiques autres que ceux relevant de la compétence du Conseil, en sorte qu'est inopérant le moyen pris de "la dualité de la situation dans laquelle le Conseil de la concurrence a placé les revendeurs du réseau de distribution parallèle" ;

Considérant, par ailleurs, que la société TAD ne rapporte pas la preuve de la position dominante de la société Seiko France sur le marché de l'horlogerie ; qu'elle n'établit pas davantage qu'elle-même se trouve dans un état de dépendance économique à l'égard de celle-ci et qu'elle ne dispose pas de solution équivalente, ni même que le refus d'octroi de la garantie internationale à des distributeurs non agréés ait eu pour objet ou puisse avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur ledit marché ;

Considérant, en définitive, que la société TAD n'est pas fondée à prétendre que le Conseil n'a pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations ;

Considérant qu'il convient d'attribuer à la société Seiko France la somme de 30 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;

Par ces motifs : Rejette le recours. Condamne la société Time and Diamond à payer à la société Seiko France la somme de 30 000 F au titre des frais non-compris dans les dépens, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la société Time and Diamond aux dépens.