Conseil Conc., 5 juin 2001, n° 01-D-31
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées lors de la passation de marchés d'électrification rurale et d'éclairage public en Vendée
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Avignon, par Mme Hagelsteen, présidente, MM. Bidaud, Piot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la lettre du 1er juillet 1998, enregistrée sous le numéro F 1060, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'ententes relevées à l'occasion de la passation de marchés d'électrification rurale et d'éclairage public dans le département de la Vendée ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés l'Entreprise Industrielle, ETDE, Garczynski et Traploir, Saunier Duval Electricité, Spie Trindel, Allez et Cie, Mainguy, Robin et Jeanneau Electricité ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés l'Entreprise Industrielle, ETDE, Garczynski et Traploir, Saunier Duval Electricité, Spie Trindel, Allez et Cie, Mainguy, Robin et Jeanneau entendus au cours de la séance du 28 mars 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les marchés et les entreprises
1. Caractéristiques des marchés passés en 1995
Dans le département de la Vendée, les travaux d'électrification rurale et d'éclairage public étaient, à l'époque des faits, réalisés par les 22 syndicats de communes en tant que maîtres d'ouvrage. La maîtrise d'œuvre était assurée par le Syndicat départemental d'électrification de la Vendée (SYDEX), lequel gérait le financement des travaux, organisait les procédures d'appels d'offres et établissait le bordereau des prix unitaires servant de base aux propositions des entreprises soumissionnaires.
En 1995, 21 marchés d'électrification et 20 marchés d'éclairage public ont été passés, pour une durée maximale de trois ans, par chaque syndicat pour la zone le concernant.
La procédure suivie est celle des marchés à bons de commande prévue par l'article 273 du Code des marchés publics, les collectivités locales fixant un montant minimum ou maximum de prestations susceptibles d'être commandées au cours de la période en fonction des besoins à satisfaire.
En matière d'électrification rurale, ces prestations ont trait aux travaux de construction, d'extension, de renforcement ou de remplacement des réseaux existants inscrits dans le programme annuel, mais aussi aux ouvrages réalisés à la demande des particuliers ou des communes. Une grande partie de ces travaux concerne les lignes électriques aériennes, mais la réalisation de travaux souterrains tend à augmenter dans le cadre d'une politique active d'enfouissement des lignes, notamment dans les zones touristiques. Plus récents, les travaux d'éclairage public demandés par les communes se développent, notamment depuis 1992.
Pour la période 1995-1998, les appels d'offres ont été publiés dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics les 13 et 24 janvier 1995, les dates limites de réception des candidatures étant comprises entre le 20 janvier et le 16 février, celles de réception des offres entre le 22 mars et le 14 avril, selon les syndicats. Les offreurs étaient appelés à formuler leurs propositions sous forme d'un rabais ou d'une majoration appliqués aux prestations décrites et évaluées dans le bordereau des prix unitaires élaboré par le SYDEX, maître d'œuvre.
Le montant total des travaux précisé dans l'appel d'offres était de 696 MF HT, à raison de 549 MF pour l'électrification rurale et 147 MF pour l'éclairage public.
2. Les entreprises
Les entreprises qui se sont vu attribuer au moins un lot étaient déjà titulaires dans le marché précédent de 1992.
Le nombre de marchés, ainsi que la part respectivement obtenue par chacune des entreprises figurent dans le tableau suivant :
EMPLACEMENT TABLEAU
B. - Les praitiques relevées
Deux séries de constatations ont été faites :
- le travail en commun des sociétés l'Entreprise Industrielle, Allez, Mainguy et Robin sur le bordereau des prix unitaires (BPU) ;
- la reconduction systématique des entreprises titulaires des marchés.
1. Le travail en commun sur le bordereau des prix unitaires (BPU)
a) Le projet de réévaluation des travaux aériens
Un document intitulé " Projet série de prix pour le Syndicat d'électrification de la Vendée " a été saisi chez l'entreprise Robin à Périgny. Ce projet a été adressé, le 13 juillet 1994, par l'Entreprise Industrielle aux sociétés Mainguy, Robin et Allez qui ont participé avec elle à un groupe de travail destiné à réévaluer les prix des travaux de cinq chapitres du BPU relatifs aux interrupteurs aériens, aux supports béton, aux travaux aériens conducteurs nus, aux travaux aériens conducteurs isolés, enfin, aux branchements et divers.
La révision des prix, à laquelle le groupe de travail a procédé, est effectuée sur la base d'un coefficient de 1,25 pour les prix des fournitures et d'un prix de la main d'œuvre de 260 F l'heure.
b) Les déclarations des entreprises
L'Entreprise Industrielle (EI)
Lors de son audition du 3 novembre 1997 par un enquêteur de la brigade interrégionale d'enquête, M. Faucher, ingénieur des travaux, responsable de l'Agence EI de Champs-Saint-Père a déclaré : " S'agissant du courrier que vous me montrez, adressé par moi-même le 13 juillet 1994 à l'entreprise Mainguy (avec copie à Allez et Robin) et dont l'objet est " projet service prix pour le syndicat d'électrification de la Vendée ", je vous précise les éléments ci-après : mon supérieur hiérarchique (M. Le Guen) m'a demandé d'apprécier le coût réel d'une partie du bordereau en relation avec deux autres entreprises, Allez et Mainguy, compte tenu d'un doute sur la rentabilité de ces articles. Cette étude s'est effectuée à Champs-Saint-Père en compagnie des représentants d'Allez et Mainguy, sur mon ordinateur. A ma connaissance, cette étude n'a pas été présentée au maître d'œuvre. Elle n'était pas demandée par lui non plus ".
M. Le Guen, supérieur hiérarchique de M. Faucher, est un des dirigeants de l'Entreprise Industrielle réseau ouest, dont le siège est à Nantes.
Entreprise Allez
M. Patrick Le Conte, directeur de l'agence Allez à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, a, pour sa part déclaré : " Nous nous sommes effectivement réunis à Champs-Saint-Père (pas moi mais un de mes collaborateurs) dans le but de voir la réalité des prix par rapport aux nouvelles technicités dans l'aérien et de proposer au client de revaloriser ses prix, ce qui n'a pas été fait. Il s'agit bien de la proposition de revalorisation qui n'a pas été présentée au client. Celui-ci n'a pas été mis au courant de notre travail. Je n'ai eu aucune connaissance qu'il y ait eu d'autres groupes de travail sur le bordereau de prix ".
Entreprise Mainguy
M. Cossais, à la fois directeur de l'agence Mainguy à la Roche-sur-Yon et directeur de la société Robin, dont le siège est à Périgny (17), a fait la déclaration suivante : " La technique en réseaux aériens se modifiant, j'ai demandé à mon collaborateur Groisard d'étudier les prix de cette nouvelle organisation de chantier (maintenant on ne réalise que quelques unités alors qu'auparavant l'ensemble des réseaux, ou presque, était fait en aérien). Il a pris contact avec MM. Gousseaud (de chez Robin) et Faucher pour l'Entreprise Industrielle et un autre de chez Allez. Je suppose que la réunion a eu lieu à l'Entreprise Industrielle qui a transmis les résultats de cette réunion de travail. Ce document n'a pas été transmis au syndicat ".
c) Les éléments recueillis auprès du maître d'œuvre
Le 24 novembre 1997, M. Batot, directeur du Syndicat départemental d'électrification, a déclaré : " Le syndicat départemental n'a demandé aucun travail aux entreprises sur le remaniement de la série de prix, ni sur la nature des postes ni sur les prix unitaires. J'ignorais totalement que des entreprises avaient pu collaborer pour une étude de la série des prix ".
d) Le travail des entreprises sur les bordereaux de prix
M. Faucher, responsable de l'agence de l'Entreprise Industrielle de Champs-Saint-Père, à qui l'enquêteur a demandé d'expliquer la mention manuscrite suivante : " 00756 ? - 7 % du Bdx + 6 % Réponse à apporter + 1 à + 3 ", portée sur l'analyse du nouveau bordereau réalisée par cette entreprise, déclare : " les mentions manuscrites de la cote 12 signifient que sous l'emprise de l'ancien bordereau, le compte syndical (00756) faisait une perte de 7 %. Cette perte pouvait en partie s'expliquer par l'implantation récente (1992) du centre de Champs-Saint-Père (investissements) et par le changement d'activité, d'aérien en souterrain (conversion du personnel). Le bordereau laissait supposer un gain de 6 % (6,91 %). C'est pourquoi, je proposais à mon chef (M. Le Guen à Niort) un coefficient de + 1 à + 3 ".
Dans le même sens, M. Charotte, chef de l'agence Spie-Trindel à Challans, s'expliquant sur des documents saisis dans son entreprise concernant des calculs de comparaison effectués en mars 1995, entre le BPU de 1992 et celui de 1995, a déclaré : " Au terme de cette comparaison, il apparaissait que le nouveau bordereau des prix de vente faisait gagner 5,7 % de plus sur celui de 1992 ou 1,7 % sur celui de 1992 actualisé au moment de la comparaison (1994) ".
2. La répartition des marchés d'électrification rurale et d'éclairage public
L'analyse des offres des 19 entreprises soumissionnaires aux marchés passés sur l'ensemble du département de la Vendée fait apparaître les éléments suivants :
a) La reconduction des anciens titulaires des marchés de 1992 sur les nouveaux marchés de 1995
Elle est illustrée dans le tableau ci-après :
EMPLACEMENT TABLEAU
On constate, d'une part, que les entreprises déjà titulaires en 1992 sont reconduites en 1995, excepté le seul cas du marché de Bournezeau, d'autre part, que les trois nouveaux marchés d'éclairage public ouverts en 1995 sont attribués aux entreprises qui détiennent déjà les marchés d'électrification rurale.
b. - Le recours à la sous-traitance et à la co-traitance
Sur le syndicat d'Angles, l'Entreprise Industrielle sous-traite 15 % des travaux, évalués à 60 MF, à l'entreprise Mainguy avec laquelle elle travaille déjà sur cette zone en éclairage public. Sur celui de Banlieue de la Roche, le titulaire Spie-Trindel partage la moitié de ce marché avec l'entreprise Mainguy, déjà titulaire en éclairage public.
Le responsable de l'agence de l'Entreprise Industrielle de Champs-Saint-Père donne cette explication : " Ce n'est pas moi qui ai décidé de prendre Mainguy comme sous-traitant en électrification. Ce que je sais, c'est que Mainguy souhaitait récupérer ses parts de marché du fait, semble-t-il, que EDF a cédé sa maîtrise d'ouvrage aux syndicats pour certaines activités (lotissements privés) dont Mainguy était bénéficiaire ".
De son côté, le chef de l'agence Spie-Trindel de Challans déclare : " A votre question concernant notre groupement avec Mainguy pour le syndicat de Banlieue de la Roche, je réponds que c'était l'entreprise la plus dangereuse de cette zone (étant précisément implantée à la Roche-sur-Yon) ".
c. - L'analyse des offres
L'ensemble des soumissions est synthétisé dans le tableau ci-après :
Tableau des offres des entreprises attributaires des marchés en 1995 présentées sous forme de coefficients de majoration des prix du BPU
EMPLACEMENT TABLEAU
ER : Electricité rurale
EP : Eclairage public
* Attributaire du marché
Cette analyse fait apparaître trois types de comportement :
- une majoration systématique des coefficients proposés par les sociétés Mainguy, SDEL Réseaux, Spie- Trindel, Allez et Entreprise Industrielle dans les secteurs où, historiquement, elles ne sont pas présentes ;
- la présentation par les sociétés Jeanneau et ETDE de coefficients totalement uniformes qui les mettent hors d'état de l'emporter ailleurs que sur le syndicat où elles sont titulaires ;
- la présentation sur les marchés déjà détenus de coefficients élevés (2 et 2,5 en électrification rurale) par la société Garczynski et Traploir, ce qui ne l'empêche pas d'obtenir les marchés déjà possédés.
On constate que les titulaires historiques ne se concurrencent jamais sur un même marché et que, quel que soit le niveau du coefficient proposé, l'ancien titulaire est systématiquement moins-disant que les titulaires des autres marchés.
d. - Les explications des entreprises
Interrogées dans le cadre de l'enquête administrative, les entreprises ont justifié les différences entre les coefficients proposés par :
- la connaissance du terrain, très importante en zone rurale et qui fait gagner du temps ;
- la distance entre les chantiers et leurs centres de travaux, qui se répercute sur le coût de la main d'œuvre et des déplacements ;
- la nature des travaux à réaliser, qui dépend de la qualité des terrains et de leur accessibilité ;
- les difficultés à mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour des travaux supplémentaires à effectuer sur des zones plus éloignées et moins bien connues.
C. - Les griefs notifiés
Sur la base des pratiques décrites ci-dessus, deux griefs ont été notifiés sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce :
1. le fait pour les sociétés Mainguy, Robin, Allez et l'Entreprise Industrielle d'avoir mis en œuvre et participé, avant la remise des offres et à l'insu des maîtres d'ouvrage, à une concertation en vue de la révision de certains prix du bordereau unitaire, qui a eu pour objet et pour effet de réduire l'indépendance des offres des entreprises, en raison des informations échangées sur leurs capacités techniques, leurs structures de coûts ainsi que les prix souhaités par elles ;
2. le fait pour les sociétés Allez, l'Entreprise Industrielle, ETDE, Garczynski et Traploir, Jeanneau, Mainguy, Robin, Saunier Duval Electricité et Spie-Trindel d'avoir mis en œuvre une concertation préalable à la remise des offres qui, par des groupements injustifiés au plan économique de quatre entreprises, ainsi que par des propositions d'offres de couverture parfaitement coordonnées entre elles, a eu pour effet de maintenir le partage du marché de l'électrification rurale et de l'éclairage public de la Vendée au bénéfice des titulaires antérieurs et, pour effet, de tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
Au stade du rapport écrit, n'ont été définitivement retenus que les griefs formulés à l'encontre des sociétés Mainguy, Robin, Allez et l'Entreprise Industrielle pour avoir participé à la concertation en vue de réviser le bordereau unitaire des prix.
II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
A. - Sur la procédure
En ce qui concerne la nullité de certaines opérations de communication de documents :
Considérant que les sociétés Mainguy et Robin demandent que les procès-verbaux de visite et de saisie du 10 juin 1997, ainsi que les pièces recueillies à cette occasion, soient écartés du dossier ; qu'elles font valoir que les ordonnances du Président du Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon, en date du 21 mai 1997, et du Président du Tribunal de grande instance de la Rochelle, en date du 2 juin 1997, ayant autorisé les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Robin ont été communiquées à M. François Gousseaud, conducteur de travaux, qui a été désigné dans le procès-verbal de communication de ces pièces comme le représentant de l'occupant des lieux, alors qu'il n'était pas le représentant légal de la société Robin et qu'il n'avait pas été mandaté à cet effet par la société Mainguy dont il était le salarié ; qu'il n'a pu, en conséquence, signer valablement ce procès-verbal de visite et de saisie de documents ; que, de plus, la société Robin fait valoir que la simultanéité de ces opérations de visite et de communication des deux ordonnances du juge, qui contenaient l'analyse détaillée des marchés en cause, ne lui a pas permis de vérifier la capacité de cette personne à la représenter valablement ;
Considérant que ces sociétés soutiennent également que les ordonnances autorisant les opérations de visite et de saisie visaient exclusivement les marchés d'électrification et d'éclairage public soumis à appel d'offres en 1995 ; que la saisie d'un courrier du 13 juillet 1994, adressé par la société l'Entreprise Industrielle aux sociétés Mainguy et Allez et révélant l'existence d'un groupe de travail chargé d'étudier les coûts de travaux intervenus en 1994, ne pouvait être rattachée aux marchés visés par les ordonnances ; qu'en conséquence, reposant sur un document qui n'a pas été régulièrement recueilli, le grief retenu à leur encontre ne peut être maintenu ;
Mais considérant, en premier lieu, que le sixième alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce prévoit que : " la visite qui ne peut commencer avant six heures ou après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant " ; que, lorsqu'ils se sont présentés dans les locaux de l'entreprise Robin à Périgny, les enquêteurs ont été reçus par M. Gousseaud, conducteur de travaux ; que celui-ci n'a, à aucun moment, signifié qu'il n'était pas l'occupant des lieux ou son représentant ; qu'il a signé en qualité de représentant de l'occupant des lieux, d'une part, le procès-verbal de notification des ordonnances du juge, d'autre part, le procès-verbal de visite et de saisie des documents, sans émettre aucune réserve ; que sa qualité de représentant de l'occupant des lieux, c'est-à-dire de la société Robin, se trouve justifiée par les liens très étroits qui unissent cette dernière à la société Mainguy, dont M. Gousseaud est le salarié ; qu'en effet, ces deux sociétés ont les mêmes dirigeants et les mêmes administrateurs en la personne de M. Gilbert Mainguy, de M. Gilbert-Marie Mainguy et de Mme Christine Mainguy ; qu'elles ont choisi d'avoir un même signataire de leurs actes d'engagement et un même porte-parole en la personne de M. Jacques Cossais qui est, au surplus, directeur de l'agence Mainguy et de l'agence Robin de la Roche-sur-Yon ; que ces sociétés pouvaient d'autant moins ignorer le rôle de M. Gousseaud auprès de chacune d'elles que, d'une part, celui-ci apparaît dans l'organigramme de la société Mainguy comme son représentant à Périgny où la société Robin a son siège et que, d'autre part, dans un procès-verbal de déclaration du 4 décembre 1997, M. Jacques Cossais, qui s'exprime en qualité de directeur de l'agence Mainguy à la Roche-sur-Yon et de directeur de la SA Robin à Périgny, indique, s'agissant des contacts établis par son collaborateur M. Groizard en vue de réviser la série de prix pour le syndicat d'électrification de la Vendée : " Il a pris contact avec M. Gousseaud (de chez Robin) et Faucher pour l'Entreprise Industrielle et un autre de chez Allez " ;
Considérant que, dans une situation similaire, la Cour de cassation (chambre commerciale) a, dans un arrêt du 18 mai 1999, rejeté le pourvoi formé par la société Carboxyque Santé contre une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Lyon ayant autorisé des visites et saisies dans ses locaux ; que la Cour a souligné que le signataire du procès-verbal, salarié d'une société autre que celle dont le siège était visité, mais ayant avec cette dernière des liens capitalistiques étroits ... " à aucun moment ... n'a mis en doute sa qualité d'occupant des lieux ou de son représentant, réclamant même copie des documents saisis et qu'il a signé en cette qualité les procès-verbaux " ;
Considérant, en second lieu, que, dans son ordonnance du 21 mai 1997, le Président du Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a autorisé le directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : " à faire procéder à l'ensemble des visites et à la saisie de tous documents nécessaires pour apporter la preuve que les pratiques telles qu'elles ont été énoncées ci-dessus et présumées par notre ordonnance pour les vingt et un marchés d'électrification et les vingt marchés d'éclairage public soumis à appel d'offres en 1995 par les syndicats d'électrification de la Vendée, entrent dans le champ de celles prohibées par les points 1, 2 et 4 de l'article 7 précité, dans les locaux des entreprises suivantes : Allez, Mainguy, Robin,"... ; qu'ainsi, les enquêteurs étaient autorisés à saisir tous documents propres à établir l'existence de pratiques anticoncurrentielles à l'occasion de l'appel d'offres pour des travaux d'électrification rurale passés en 1995 par le Syndicat d'électrification de la Vendée ; qu'en recueillant un courrier adressé, le 13 juillet 1994, par la société l'Entreprise Industrielle aux sociétés Mainguy, Robin et Allez, toutes déjà titulaires des marchés précédents, et qui était relatif à des travaux menés en commun pour la réévaluation des prix des travaux aériens figurant au bordereau de prix unitaire utilisé pour la passation de ces marchés, les enquêteurs n'ont pas outrepassé la mission qui leur avait été confiée ;
En ce qui concerne le délai de la procédure :
Considérant que les sociétés Mainguy et Robin invoquent également une atteinte aux droits de la défense, tels que les définit l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, du fait de la durée excessive de la procédure résultant du temps écoulé entre les faits survenus en 1995 et l'audition de leurs représentants, le 4 décembre 1997 ; qu'elles soutiennent, de plus, que, compte tenu du fait qu'entre ces déclarations de leurs dirigeants et la notification de griefs, adressée le 16 février 2000, aucun acte d'instruction n'a été porté à leur connaissance, elles ont pu de bonne foi conclure à l'absence de poursuite, ce qui les a empêchées de conserver les pièces nécessaires à leur défense ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ;
Considérant qu'a supposer excessive le délai de la procédure, la sanction qui s'attacherait à la violation de l'obligation, pour le conseil, de se prononcer dans un délai raisonnable résultant du texte précité, ne serait pas le prononcé d'un non-lieu, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement de la durée excessive de la procédure ; que la nullité de la procédure ne pourrait résulter que de ce que sa durée aurait fait obstacle à l'exercice normal des droits de la défense ;
Considérant que le Conseil de la concurrence a été saisi en juillet 1998 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; qu'en octobre 1999, le rapporteur a été désigné par la présidente du Conseil et a demandé des documents à toutes les entreprises en cause ; que, par suite, les sociétés Mainguy et Robin n'apportent pas la preuve d'une atteinte aux droits de la défense, dans une procédure au cours de laquelle elles ont disposé des délais prévus par les textes en vigueur pour consulter le dossier et présenter des observations ; que, par suite, le moyen de nullité tiré de la durée de la procédure doit être écarté ;
B. - Sur les pratiques relevées
En ce qui concerne l'entente générale de répartition des marchés d'électrification rurale et d'éclairage public du département de la Vendée en 1995 :
Considérant que le commissaire du Gouvernement estime qu'il existe dans le dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant que les entreprises Allez et Cie, ETDE, Garczynski et Traploir, l'Entreprise Industrielle, Mainguy, Robin, Jeanneau Electricité, SDEL Réseaux, Spie-Trindel, ont coordonné leurs offres pour conserver les marchés dont elles étaient déjà attributaires ; que l'analyse des offres remises par ces entreprises démontre qu'elles ne se font pas concurrence sur les marchés qu'elles détiennent ; que la majorité de ces entreprises majorent systématiquement leurs soumissions dans les secteurs qu'historiquement elles ne détiennent pas ; qu'enfin, d'une part, la sous-traitance à la société Mainguy d'une partie des travaux d'électrification rurale du syndicat d'Angles par l'Entreprise Industrielle et, d'autre part, le groupement des sociétés Spie-Trindel et Mainguy pour assurer ces travaux sur le syndicat de Banlieue de la Roche, constituent un indice supplémentaire de l'existence d'une concertation générale ;
Mais considérant qu'un parallélisme de comportement ne peut suffire, à lui seul, à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle, dès lors qu'il peut résulter de décisions prises par des entreprises qui s'adaptent de façon autonome au contexte du marché ; qu'en revanche, la preuve d'une telle entente peut être rapportée lorsque des éléments autres que la constatation de ce parallélisme s'ajoutent pour constituer avec lui un faisceau d'indices graves, précis et concordants pouvant démontrer qu'il procède d'une volonté commune de restreindre la concurrence ;
Considérant, en premier lieu, que si, à de rares exceptions près, les titulaires des marchés de 1992 se sont trouvés être les moins-disants, marché par marché, en 1995, cette circonstance, qui ne pouvait constituer, en elle-même, qu'un indice, a fait l'objet, de la part des entreprises, d'explications précises tenant aux économies sur les frais d'étude résultant de la connaissance du terrain dont bénéficient les entreprises sortantes ; que, notamment, la société Spie-Trindel a, contrairement à ce qu'indique le commissaire du Gouvernement, fourni des chiffres précis des coûts que devait supporter un nouvel arrivant pour effectuer les études techniques, cartographiques et de repérage demandées par le maître d'ouvrage, qu'elle a évalués à 4 à 5 % du montant du marché ; que les justifications produites sont précises et détaillées ;
Considérant, en deuxième lieu, que la présentation d'offres attractives par les titulaires en place, sur les zones où sont situés leurs centres de travaux, peut également être justifiée par l'importance des coûts en personnel et en matériel tenant à la distance des lieux d'intervention ; que les indemnités supplémentaires versées à chaque salarié lorsque le déplacement dépasse 50 km étaient, à l'époque des faits, de 221 F par jour et peuvent représenter jusqu'à 20 % du coût total de la main d'œuvre ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas exclu que les niveaux très différents des offres faites par les entreprises en cause puissent être influencés par la nature très hétérogène des sols en Vendée, la gêne apportée durant certaines périodes de l'année au travail des équipes dans les parties touristiques du département, ainsi que par leur choix de développement et la disparité des moyens dont elles disposent pour assurer des chantiers importants et qui évoluent rapidement du fait de la politique d'enfouissement des lignes ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société Mainguy justifie son groupement avec l'Entreprise Industrielle sur le syndicat d'Angles par une stratégie visant à acquérir de nouveaux marchés sans nuire à la capacité d'intervention de ses équipes ; que, par ailleurs, la coopération entre les sociétés Spie-Trindel et Mainguy sur le syndicat de Banlieue de la Roche-sur-Yon peut découler de la spécificité des travaux de vidéo-cablage sur cette zone, dont la société Mainguy, qui a déjà réalisé le câblage de la Roche-sur-Yon, a l'expérience ; qu'aucun élément du dossier ne permet de contredire ces affirmations ;
Considérant, ainsi, que l'instruction n'a permis de réunir ni des preuves matérielles, ni un faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant d'établir l'existence d'une entente générale de répartition des marchés ; qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure en ce qui concerne ce grief ;
En ce qui concerne la mise en œuvre d'une concertation lors de la refonte du bordereau des prix unitaires :
Considérant que l'article L. 420-1 du Code de commerce dispose : " Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1°) Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
2°) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse " ;
Considérant qu'en matière de marchés publics, une entente anticoncurrentielle entre entreprises peut, notamment, prendre la forme d'une coordination des offres et d'échanges d'informations antérieurement à la date où le résultat de la consultation est connu ; que les échanges d'informations entre entreprises soumissionnaires à un même marché préalablement au dépôt effectif de leurs offres, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité en personnel ou en matériel, de leur intérêt ou de leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou des prix qu'ils envisagent de proposer, sont de nature à limiter l'intensité de la concurrence entre les entreprises qui y participent et, comme tels, prohibés;
Considérant que, dans une décision n° 88-D-25 relative à des pratiques d'ententes dans le secteur de l'enseignement de la conduite des véhicules dans le département de l'Ain, le Conseil de la concurrence a énoncé que : " Hormis le cas où ils se traduisent par le dépôt d'offres conjointes et solidaires les échanges d'informations entre entreprises soumissionnaires à un même marché, préalablement au dépôt effectif sont de nature à limiter l'intensité de la concurrence entre les entreprises en cause et à tromper le maître d'ouvrage " ; que, dans une décision n° 93-D-47 relative à des pratiques constatées lors de marchés d'aménagement paysager dans le département des Bouches-du-Rhône, il a précisé : " L'absence d'indication sur les informations échangées préalablement à la date de dépôt des offres par les entreprises soumissionnaires ... ne permettait pas de faire connaître au maître d'ouvrage lors du dépôt des offres présentées que les deux entreprises n'étaient pas indépendantes l'une de l'autre " ;
Considérant que les sociétés l'Entreprise Industrielle, Allez et Cie, Mainguy et Robin ont mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres et à l'insu du maître d'ouvrage et des autres candidats, une concertation à propos de la révision de certains prix du bordereau unitaire des prix, qui a eu pour objet et pour effet potentiel de réduire l'indépendance des offres de ces entreprises, en raison des informations échangées sur leurs capacités techniques et leurs structures de coût, ainsi que sur les prix souhaités par elles ;
Considérant que les entreprises mises en cause font valoir, en premier lieu, que le groupe de travail constitué en juillet 1994, à l'initiative de l'Entreprise Industrielle, n'a pas eu pour objet d'élaborer un nouveau bordereau des prix unitaires destiné à être utilisé pour les futurs marchés d'électrification rurale et d'éclairage public de 1995 ; qu'il a été créé pour analyser les marchés passés qui généraient des pertes importantes, notamment pour l'agence de Champs-Saint-Père de cette entreprise, du fait de l'insuffisance de rémunération, dans le bordereau précédent de 1991, tant des travaux souterrains que des travaux aériens ; que cette analyse commune de leurs chantiers passés est, en réalité, justifiée par le fait que l'Entreprise Industrielle désirait avoir l'avis, d'une part, de l'entreprise Mainguy, son sous-traitant sur le syndicat d'Angles, qui, elle-même, a souhaité consulter sa filiale, la société Robin, d'autre part, de son co-contractant sur le syndicat de Saint-Hilaire-de-Riez, la société Allez et Cie ;
Considérant que les parties avancent, en deuxième lieu, que l'étude précitée n'a pas de caractère anticoncurrentiel dès lors que, réalisée sept mois avant le lancement des appels d'offres, elle ne pouvait avoir pour objet de préparer leurs futures candidatures et que le projet de série de prix ainsi élaboré n'a pas été envoyé au maître d'œuvre, le syndicat d'électrification de la Vendée, qui, du reste, ne l'a pas sollicitée ;
Considérant qu'elles soutiennent, en troisième lieu, avoir échangé des informations relatives à des coefficients forfaitaires de main d'œuvre et de fourniture qui sont des prix moyens publics connus de tous les professionnels sans rapport avec les prix réellement pratiqués par chaque entreprise ; que les prix moyens unitaires du bordereau déterminés à l'aide des coefficients précités n'ont rien de commun avec leurs prix, lesquels sont fonction des coûts de fournitures obtenus des fabricants, ainsi que de la structure des frais généraux et de la stratégie commerciale propre à chacune d'entre elles ; que, par ailleurs, cette étude, limitée à 25 % des articles de l'ancien bordereau de 1991, ne pouvait conduire à un alignement des prix de soumission calculés sous forme de rabais ou de majoration portant sur la totalité des rubriques précisées dans un nouveau bordereau qui, au demeurant, n'existait pas au moment où a été entreprise cette réévaluation ; que, par suite, en l'absence de preuve de la réalité des échanges d'information sur leurs prix de soumission, un grief d'entente anticoncurrentielle ne peut être retenu à leur encontre ;
Mais considérant, en premier lieu, que les sociétés l'Entreprise Industrielle, Allez et Cie, Mainguy et Robin se sont réunies pour réévaluer les rubriques de l'ancien bordereau afférentes aux travaux aériens ; que des documents ont été échangés entre elles pour se mettre d'accord sur des hypothèses de prix calculés par rapport à un coefficient appliqué au prix des fournitures et à un prix moyen de main d'œuvre ; que la circonstance que certains chantiers étaient déficitaires, du fait de l'inadaptation de la structure de l'ancien bordereau, ne saurait justifier des échanges d'informations entre entreprises indépendantes, mêmes liées par des contrats de sous- traitance ou de co-traitance ; que l'analyse financière de leurs chantiers respectifs, à laquelle elles se sont livrées, n'a pu se faire sans un échange approfondi sur leurs coûts de revient, à partir desquels de nouveaux prix de main d'œuvre et de fourniture, qu'elles estimaient plus conformes à la réalité de leurs charges, ont été fixés en commun, pour servir de référence au nouveau bordereau ; qu'ainsi, cette concertation n'a pas eu seulement pour objet d'établir le bilan financier des anciens marchés ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que les échanges auxquels ont procédé les entreprises en cause ont été antérieurs au lancement officiel des appels d'offres ne fait pas obstacle par lui-même à la qualification de ces pratiques, dans la mesure où, d'une part, les entreprises ont analysé les conditions d'exécution des marchés antérieurs qui approchaient de leur terme et qui allaient, dans quelques mois, faire l'objet d'un nouvel appel d'offres et où, d'autre part, elles ne pouvaient ignorer qu'au même moment, le maître d'œuvre préparait un nouveau bordereau des prix pour la prochaine période triennale ; que si, par ailleurs, aucun élément du dossier n'atteste que le maître d'ouvrage aurait sollicité ou reçu le nouveau bordereau ainsi élaboré, il apparaît, cependant, que les entreprises incriminées ont procédé à cette révision avec l'intention d'en saisir la collectivité avant que celle-ci ne lance les nouveaux marchés, comme l'atteste d'ailleurs l'objet que ces entreprises ont elles-mêmes donné à leur travail commun intitulé : " Projet série de prix pour le Syndicat d'électrification de la Vendée " ;
Considérant, en troisième lieu, qu'indépendamment de tout éventuel échange d'informations sur les rabais ou majorations que les sociétés en cause se proposaient de présenter à l'occasion des prochains appels d'offres des syndicats intercommunaux d'électrification, ces entreprises ont, avant le lancement des appels d'offres auxquels elles ont soumissionné et à l'issue desquels elles ont été déclarées attributaires, échangé des informations sur leurs coûts et déterminé des prix moyens de main d'œuvre et de fournitures pour calculer le prix des prestations relatives aux travaux aériens devant figurer sur le bordereau de prix unitaires utilisé par les maîtres d'ouvrage ; que, si ces données ont pu s'inspirer de prix moyens connus de tous, elles ont été, cependant, adaptées au contexte local des marchés d'électrification rurale de la Vendée et fixées par rapport aux conditions financières de réalisation des marchés antérieurs ; que les participants au groupe de travail se sont communiqué des informations et des appréciations sur les prix des travaux aériens qu'ils souhaitaient voir figurer dans le nouveau bordereau ; que ces échanges leur donnaient la possibilité d'avoir une meilleure connaissance des marchés, des concurrents, du coût de réalisation de leurs chantiers, et pouvaient les influencer dans la détermination de leurs propres offres ; qu'ainsi, cette concertation a pu, contrairement à ce qu'elles soutiennent, avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, alors même que les prix figurant sur le bordereau arrêté en définitive par le maître d'œuvre ont été différents des prix suggérés par les entreprises ;
Considérant, en quatrième lieu, que, dans les marchés à bons de commande prévus à l'article 273 du Code des marchés publics, pour lesquels les entreprises présentent leurs propositions sous la forme d'un seul taux de rabais ou de majoration applicable à un ensemble très divers de prestations, il importe peu que l'entente n'ait porté que sur une partie des rubriques du bordereau, dès lors qu'il apparaît, d'une part, que la détermination d'un prix de main d'œuvre et d'un coefficient de fourniture peut intéresser l'ensemble des travaux du bordereau et, d'autre part, que la preuve est rapportée que les participants ont échangé des informations sur leurs coûts et les prix qu'ils souhaitaient obtenir antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, de telles pratiques étant de nature à limiter l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés l'Entreprise Industrielle, Allez et Cie, Mainguy et Robin, se sont livrées à des pratiques qui avaient pour objet et ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés considérés, pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
C. - Sur les sanctions
Considérant que les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-4 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; que, par suite, les dispositions introduites par cette loi dans l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles prévoient des sanctions plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence ... peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;
Considérant que le dommage à l'économie doit s'apprécier au regard du fait que la pratique en cause a permis aux entreprises qui ont révisé le bordereau unitaire des prix d'échanger des informations sur les chantiers correspondant aux marchés obtenus en 1992 pour préparer leurs futures soumissions ; que, sur le montant total des marchés attribués en 1995, soit 696 millions de F HT, 65 millions sont revenus à l'Entreprise Industrielle, 93 millions à la société Allez et Cie, 121 millions à la société Mainguy et 30 millions à la société Robin ;
Considérant que, pour apprécier la gravité de cette pratique, il y a lieu de tenir compte du fait qu'elle avait pour objet et pouvait avoir pour effet de diminuer le degré d'indépendance des offres ; que cette pratique a associé, sous l'égide de la société l'Entreprise Industrielle, des entreprises de tailles très différentes ; qu'il convient, à l'inverse, de considérer que cette pratique de concertation sur l'évaluation d'un certain nombre de postes du BPU n'empêchait pas les entreprises de proposer des majorations ou des rabais différents et ne présente donc pas le même caractère de gravité qu'une entente sur les prix ;
Considérant qu'il y a eu lieu de tenir compte également de la situation propre à chaque entreprise ;
En ce qui concerne la société l'Entreprise Industrielle :
Considérant que la société l'Entreprise Industrielle a participé à une concertation prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ; qu'étant à l'origine de la diffusion de l'étude relative au bordereau de prix, elle a pris une part active à son organisation ; qu'en outre, elle a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour des pratiques d'entente et ne pouvait donc ignorer les contraintes imposées par le droit de la concurrence (décision n° 89-D-34 du 25 octobre 1989 relative à des pratiques relevées dans le secteur des travaux routiers, décision n° 89-D-42 du 12 décembre 1989 relative à des pratiques d'entente dans le secteur de l'équipement électrique, décision n° 90-D-16 du 16 mai 1990 relative à des pratiques concertées à l'occasion des marchés d'assainissement de la communauté urbaine de Lyon et la construction du collecteur de la vallée des Razes) ;
Considérant que la société l'Entreprise Industrielle a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 154 363 307 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'il sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 450 000 F ;
En ce qui concerne la société Allez et Cie :
Considérant que la société Allez et Cie a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 380 795 723 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'il sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 380 000 F ;
En ce qui concerne la société Mainguy :
Considérant que la société Mainguy a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 457 540 544 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'il sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 450 000 F ;
En ce qui concerne la société Robin :
Considérant que la société Robin a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 9 163 138 F au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'il sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 9 000 F,
Décide :
Article 1er : - Il n'est pas établi que les sociétés Spie-Trindel, ETDE, Saunier Duval Electricité Réseaux, Garczynski et Traploir, Jeanneau Electricité, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 2 : - Il est établi que les sociétés l'Entreprise Industrielle, Allez et Cie, Mainguy et Robin ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 3 : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
450 000 F à la société l'Entreprise Industrielle ;
380 000 F à la société Allez et Cie ;
450 000 F à la société Mainguy ;
9 000 F à la société Robin.