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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 19 février 1998, n° 94-21364

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caulet, Granulats de Provence (SARL), la société méridionale de terrassements (SA)

Défendeur :

Carrières de Sainte Marthe (SA), Rafoni (ès qual.), Douhaire (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

MM. Isouard, Semeriva

Avoués :

SCP Ermeneux-Champly, SCP de Saint-Ferréol-Touboul

Avocats :

Mes Marty, Sirat, Haddad.

TGI Marseille, du 4 oct. 1994; TGI Marse…

4 octobre 1994

Aux termes d'un acte du 13 octobre 1982, Monsieur Caulet a consenti un "bail de carrière" à la société des Carrières de Sainte Marthe.

De nombreuses procédures ont par la suite opposé les parties à cette convention, ainsi que la société Méridionale de Terrassements (SOMET), avec laquelle Monsieur Caulet avait par la suite conclu un contrat similaire le 5 février 1988, et la société Granulats de Provence, à laquelle cette dernière l'avait cédé.

C'est ainsi que par assignation des 27 mars, 8 et 22 avril 1992, la société des Carrières Sainte-Marthe demandait au tribunal de grande instance de Marseille, au vu de la décision rendue par le Conseil de la concurrence le 5 novembre 1989, d'une part, de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'autre part, de constater la nullité de cette convention du 5 février 1988 et de sa cession à la société Granulats de Provence.

Par déclaration enregistrée le 25 octobre 1994, Monsieur Caulet, la SOMET et la société Granulats de Provence sont appelants du jugement rendu le 4 octobre 1994 sur cette assignation, qui a "prononcé la nullité du bail Caulet - SOMET du 2 janvier 1989 (sic), et par voie de conséquence celle de la cession SOMET-Granulats de Provence du 2 janvier 1989, limité toutefois les effets de ces nullités à la seule parcelle B 50, et condamné in solidum les défendeurs au paiement de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC."

Cette instance est enrôlée sous le n° 94-21364.

Les appelants font valoir :

- que cette demande est irrecevable, la société des Carrières Sainte-Marthe étant un tiers aux conventions litigieuses, et ne disposant pas d'un intérêt à agir,

- qu'il n'existe pas de motifs à l'annulation demandée,

- qu'en effet, ni le Conseil de la concurrence, ni par la suite la cour d'appel de Paris, n'ont jugé que le bail consenti le 5 février 1988 et l'acte subséquent constitueraient des conventions prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- qu'il n'est pas établi que Monsieur Caulet ait eu connaissance du but anticoncurrentiel poursuivi par son cocontractant,

- que le contraire est clairement établi par l'ordonnance de non-lieu rendue dans les poursuites du chef de prise de part personnelle et déterminante dans la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles, décision confirmée en appel par un arrêt suivi d'un rejet du pourvoi en cassation,

- que la nullité édictée par l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'a pas un caractère automatique.

Ils contestent en conséquence le détail de l'argumentation des premiers juges sur ces divers points, et concluent à la réformation du jugement, au débouté des demandes formées à leur encontre, et au paiement d'une indemnité de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société des Carrières Sainte-Marthe soutient que les sociétés SOMET et Granulats de Provence sont irrecevables en leur appel :

- la première pour n'être qu'une coquille vide, dont le rôle a été dénoncé par le Conseil de la concurrence, et qui, en raison de la cession, a perdu tout droit sur les parcelles louées,

- la seconde, en raison des arrêts des 9 décembre 1994 et 15 décembre 1995, par lesquels la cour l'a déclarée sans qualité à agir à l'encontre de la société des Carrières Sainte-Marthe.

Elle soutient, sur le fond :

- qu'elle est recevable à agir, dès lors qu'en l'absence de toute décision validant le congé délivré par Monsieur Caulet le 22 novembre 1990, elle a intérêt à voir déclarer la nullité d'un bail portant sur les mêmes parcelles,

- que contrairement à la thèse des appelants, il s'infère des décisions du Conseil de la concurrence et de la cour de Paris que la conclusion du bail en cause était destinée à accaparer la maîtrise du marché par exclusion d'un concurrent,

- qu'étant précisé que ce Conseil n'avait pas compétence pour prononcer la nullité demandée, celle-ci s'impose par application de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- que Monsieur Caulet ne saurait valablement prétendre avoir ignoré les intentions de son nouveau preneur. Sur ce dernier point, la société des Carrières Sainte-Marthe détaille les griefs justifiant cette conclusion à ses yeux, souligne que l'ordonnance de non-lieu est provisoire par nature ; elle conclut :

- déclarer irrecevables les appels des sociétés SOMET et Granulats de Provence,

- dire ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l'appel de Monsieur Caulet,

- vu les arrêts des 9 décembre 1994 et 15 décembre 1995,

- vu l'acte du 3 mai 1994,

- déclarer cet appel injustifié,

- l'en débouter et confirmer dans son principe la décision entreprise.

Elle relève cependant appel incident, pour voir prononcer la nullité du bail du 5 février 1988 et de sa cession du 2 janvier 1989, en exposant que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle est titulaire sur les parcelles B 49 et B50 d'un bail consenti par Monsieur Caulet le 12 octobre 1987.

Elle demande le paiement d'une indemnité de 100 000 F au titre de ses frais irrépétibles.

La société des Carrières Sainte-Marthe a fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 11 juillet 1997.

Me Pezzino, représentant des créanciers, et Me Douhaire, administrateur judiciaire à ce redressement judiciaire, sont intervenus aux débats pour s'associer et faire leurs les conclusions antérieures de la société.

En cet état, un arrêt rendu le 6 novembre 1997, constatant que le litige impliquait l'examen des droits de la société des Carrières Sainte-Marthe sur la parcelle B 49, et qu'un jugement précisément rendu à ce propos faisait l'objet d'un recours devant la cour, a estimé que les deux instances devaient être examinées ensemble, et a ordonné la ré-ouverture des débats à cette fin. La seconde instance ainsi visée, référencée 97-3032, fait suite à une assignation délivrée à la requête de Monsieur Caulet le 4 mars 1992, tendant à voir juger que la société des Carrières Sainte-Marthe ne disposait d'aucun droit sur la parcelle B 49, qu'elle était depuis le 1er décembre 1991, sans droit ni titre sur la parcelle B 50, et demandant ainsi de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de 100 000 F par mois depuis cette date, ainsi qu'à la cessation de toute exploitation, sous astreinte journalière de 50 000 F par jour de retard.

Statuant par un premier jugement du 12 mai 1992, le tribunal de grande instance de Marseille rejetait le sursis à statuer sollicité en défense, en retenant que la décision à intervenir sur l'appel formé contre la décision du Conseil de la concurrence ne pouvait avoir d'incidence sur les rapports de droit privé entre Monsieur Caulet et la société des Carrières Sainte-Marthe.

La cour ayant déclaré irrecevable le recours formé contre ce jugement, le tribunal de grande instance de Marseille, par une seconde décision du 29 janvier 1997, a :

- dit que la société des carrières Sainte-Marthe n'a jamais bénéficié d'aucun droit ni titre sur la parcelle section B 49 appartenant à Monsieur Caulet, et sise Quartier Sainte-Marthe, 13014 Marseille,

- dit que la société des Carrières Sainte-Marthe est occupante sans droit ni titre depuis le 1er décembre 1991 de la parcelle n° B 50 sise à Marseille au même quartier,

- en conséquence, condamné la société des Carrières Sainte-Marthe à payer à Monsieur Jean Caulet la somme de 50 000 F par mois à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 1991, et jusqu'à complet déguerpissement,

- condamné cette société à cesser toute exploitation et occupation des parcelles B 49 et B 50 sous astreinte de 10 000 F par jour de retard calculés à compter de la signification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions ci-dessus,

- condamné la société des Carrières Sainte-Marthe à payer à Monsieur Caulet une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société des Carrières Sainte-Marthe a relevé appel de cette décision le 12 février 1997.

Elle expose que, titulaire depuis le 13 octobre 1982, d'un bail consenti par Monsieur Caulet sur la parcelle n° B 50, elle a reçu, le 20 mai 1987, congé à effet du 1er décembre suivant, et que, pensant que cet acte ne tendait qu'à la fixation des conditions du renouvellement, elle est immédiatement entrée en contact avec le bailleur à ce propos.

La société des Carrières Sainte-Marthe soutient que par l'intermédiaire de son notaire, Monsieur Caulet a formulé dans ce cadre trois propositions, acceptées par le preneur par courrier du 12 octobre 1987, de sorte que l'accord était définitivement scellé.

Elle rappelle qu'ayant appris que Monsieur Caulet avait consenti un bail à carrière sur les parcelles B 49 et B 50 à la société Méridionale de Terrassements (la SOMET), et que celle-ci l'avait cédé à la société des Granulats de Provence, elle a obtenu :

- par arrêt du 7 juin 1990, l'annulation du congé qui lui avait été délivré le 20 mai 1987,

- par la décision du Conseil de la concurrence, déjà citée, et confirmée en son principe en cause d'appel, la condamnation de cette tentative de reprise de location par une société "fantomatique", par arrêts rendus en référé les 9 décembre 1994 et 15 décembre 1995, la réformation des jugements la condamnant à la cessation sous astreinte de toute exploitation de la parcelle n° B49, sans cependant que les sommes versées au titre de l'exécution provisoire lui aient été rendues.

Exposant encore que Monsieur Caulet, ou son "mandataire spécial", lui a délivré, le 22 novembre 1990, un nouveau congé, à effet du 1er décembre 1991, la société des Carrières Sainte-Marthe conteste le jugement dont appel, en faisant valoir :

- que les premiers juges ont retenu que ce congé avait été régulièrement notifié, dans la mesure où sa forme extra-judiciaire, quoiqu'elle ne respecte pas strictement les stipulations du contrat prévoyant une lettre recommandée avec accusé de réception, est plus protectrice des droits du preneur,

- alors que la forme du congé est prescrite à peine de nullité, non seulement par le contrat, mais également par les dispositions de l'article 1er du décret du 11 août 1971, que l'acte d'huissier n'a pas la confidentialité d'un courrier recommandé, et que, par l'effet de l'arrêt rendu le 7 juin 1990 annulant le premier congé, d'ailleurs sur le fondement des règles du Code minier, le bail était tacitement renouvelé jusqu'au 7 juin 1991, de sorte qu'en donnant congé pour une autre date, Monsieur Caulet a de nouveau méconnu les règles du décret précité et de l'article 107 bis du Code minier,

- que la décision contestée a indiqué tout à la fois que Monsieur Caulet avait formulé trois propositions distinctes, et restait ouvert à toute discussion de renouvellement, tout en énonçant que ces offres n'étaient pas négociables,

- alors qu'une telle motivation est atteinte de contradiction interne, et se trouve incompatible avec la décision rendue entre les parties par la même formation le 4 octobre 1994, affirmant que la lettre du 8 septembre 1987 était créatrice d'obligation en cas d'acceptation de la part du locataire, et que la divergence entre cette offre et la réponse de la société des Carrières Sainte-Marthe était aplanie par la durée de l'autorisation d'exploiter, et qu'ainsi les premiers juges ont méconnu les effets de l'article 1109 du Code civil,

- et alors que cette lettre constitue bien une pollicitation, que son acceptation du 12 octobre 1987 n'a jamais été rejetée, et que le notaire du bailleur a bien été chargé de rédiger un projet de bail conforme, de sorte que la société des Carrières Sainte-Marthe était régulièrement titrée,

- que les premiers juges ont reconnu l'existence de tractations frauduleuses susceptibles d'être imputées à Monsieur Caulet, pour avoir conclu un bail avec de nouveaux locataires sans respecter "les règles anti- concurrentielles", et n'ont pourtant tiré aucune conséquence de cette constatation,

- alors qu'il est établi par les décisions des juridictions de la concurrence qu'à la date de délivrance du premier congé, Monsieur Caulet était en relations avec le GIE BGP, dont le but déclaré était la maîtrise totale du marché du béton et des granulats dans les Bouches-du-Rhône, et qu'ainsi sa première manifestation de volonté était vidée de fraude,

- alors que cette fraude est illustrée par une clause, d'ailleurs nulle, du bail consenti à la SOMET, lui donnant mandat de représenter le bailleur dans les procédures en déguerpissement contre les Carrières Sainte-Marthe,

- alors que cette fraude est encore mise en évidence par le bail conclu le 18 mai 1994 au profit d'une société COFIREM, et qui stipule prendre effet à la même date que celui convenu avec la SOMET, de sorte qu'il ne constitue pas un nouveau contrat, mais caractérise la cession d'un bail annulé, en fraude des droits reconnus à la société des Carrières Sainte-Marthe.

Par conclusions "récapitulatives", puis additionnelles, la société des Carrières Sainte-Marthe ajoute :

- qu'en application de l'acte authentique du 13 octobre 1982, la société des Carrières Sainte-Marthe est titulaire :

d'une part, d'un bail portant sur un terrain nu de 2 ha 70, c'est-à-dire d'une parcelle sur laquelle ont été édifiées des constructions, avant la location, puis pendant le cours de celle-ci, avec l'autorisation du propriétaire, de sorte que ce bail est soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, et que par voie de conséquence, le congé délivré en violation des formes et délais prévus à l'article 5 de ce texte est inopérant,

d'autre part, de droits d'ouvrir une carrière, d'en extraire les substances et d'en disposer, selon convention soumise aux règles du Code minier,

- qu'en proposant, en réponse à l'offre du bailleur, un renouvellement de bail "jusqu'à épuisement du gisement", la société des Carrières Sainte-Marthe a certes commis une erreur de droit, mais que la durée de ce renouvellement ne pouvant excéder trois ans, conformément à l'autorisation administrative d'exploiter, Monsieur Caulet ne saurait opposer quelque divergence entre l'offre et l'acceptation à propos de cette durée,

- que les baux successifs ont été régulièrement publiés, et sont opposables aux tiers,

- que l'action de Monsieur Caulet est irrecevable en ce qu'elle tend à la révocation de ces deux conventions, dès lors que l'assignation n'a pas fait l'objet de la publication imposée par l'article 28-4° c du décret du 4 janvier 1955.

Les conclusions de la société des Carrières Sainte-Marthe sont en ces termes :

- déclarer son appel recevable et fondé,

- infirmer dans toutes ses dispositions la décision entreprise,

- vu l'article 28 du décret du 4 janvier 1955, déclarer irrecevable l'action de Monsieur Caulet,

- dire et juger nul et de nul effet le congé du 22 novembre 1990, pour non-respect des formes réglementaires et contractuelles, et du délai de l'article 107 bis du Code minier,

- dire et juger qu'un contrat a été formé à la suite de l'offre du 8 septembre 1987, jamais rétractée, et de l'acceptation du 12 octobre 1987, jamais contestée,

- constater que ce contrat n'a jamais été dénoncé et qu'il constitue désormais la loi des parties,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société des Carrières Sainte-Marthe est tout à la fois titulaire d'un bail portant sur un terrain, et d'un contrat de fortage,

- dire et juger qu'en raison des constructions édifiées sur le site, la société des Carrières Sainte-Marthe bénéficie de la protection du décret du 30 septembre 1953,

- dire et juger qu'aucune cessation d'exploitation ne peut être ordonnée avant la fixation et le paiement des indemnités des articles 8 du décret du 30 septembre 1953 et 107 bis du Code minier,

- désigner à cet effet tel expert qu'il plaira, afin de fournir tous éléments de fait permettant la fixation de la double indemnité due à la société des Carrières Sainte-Marthe,

- dans tous les cas, dire et juger que le différend suscité par Monsieur Caulet, ou son mandataire spécial, est porté par la fraude, qui corrompt tout,

- dire qu'il est la suite de pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par le Conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris,

- condamner Monsieur Caulet, en vérité ses "sponsors", à payer à la société des Carrières Sainte-Marthe une somme de 500 000 F sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile,

- le condamner au paiement d'indemnités de 100 000 F et de 25 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Comme il a été indiqué précédemment, la société des Carrières Sainte-Marthe a fait l'objet d'un redressement judiciaire au cours de l'instance.

Dans le cadre de l'instance n° 94-21364, Me Rafoni est intervenue aux débats après l'arrêt avant dire droit, en sa qualité de successeur de Me Féraud Prax, lui-même remplaçant de Me Pezzino aux fonctions de représentant des créanciers à ce redressement.

Elle est de même intervenue en cette qualité en l'instance n° 97-3032, aux côtés de Me Douhaire, administrateur judiciaire, pour soutenir que, dans l'intention commune des parties, le contrat conclu entre Monsieur Caulet et la société des Carrières Sainte-Marthe constituait un bail commercial.

Les organes de la procédure collective, après avoir souligné que la confirmation du jugement entrepris impliquerait la fin de l'activité et la liquidation de la société, en demandent la réformation pour irrégularité du congé au regard des articles 5, 8 et 9 du décret du 30 septembre 1953.

A titre subsidiaire, ils concluent à la désignation d'un expert pour appréciation de l'indemnité due dans le cadre de l'article 107 bis du Code minier.

Monsieur Caulet réplique :

- que le congé signifié le 22 novembre 1990 s'est soumis à des formes plus protectrices que celles prévues par les dispositions contractuelles et réglementaires,

- qu'il a été donné dans le respect du délai d'un an imposé par l'article 107 bis du Code de commerce, l'annulation du congé précédent ayant pour effet de rétablir le preneur dans ses droits à la date à laquelle il avait été donné, et non à celle à laquelle a été rendu l'arrêt prononçant cette annulation,

- que le jugement entrepris n'étant atteint d'aucune contradiction, l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ne peut trouver à s'appliquer,

- qu'aucun contrat ne s'est formé entre lui-même et la société des Carrières Sainte-Marthe à la suite des propositions du 8 septembre 1987, celles-ci n'ayant jamais été acceptées, de sorte qu'il n'y a eu accord, ni sur la durée, ni sur le prix, et notamment son indexation, ni sur les dispositions annexes concernant une promesse de vente,

- que le décret du 30 septembre 1953 est étranger au litige, la commune intention des parties ayant été de conclure un contrat de fortage, et aucune construction n'ayant été édifiée par la société des Carrières Sainte- Marthe avant le 1er décembre 1991,

- que cette société ne saurait solliciter une expertise devant la cour, alors qu'elle a formulé la même demande par une assignation délivrée le 27 juin 1997, dont l'examen est pendant devant le tribunal de grande instance de Marseille,

- que la preuve de la fraude n'est nullement rapportée, les éléments évoqués à ce propos étant volontairement tronqués, et Monsieur Caulet ayant été mis hors de cause dans le cadre de l'examen des pratiques anti- concurrentielles du GIE BGP,

- que la publication prévue au décret du 4 janvier 1955 est édictée en faveur des tiers, et ne concerne que les demandes tendant à l'anéantissement rétroactif d'un contrat de fortage, non à l'action d'espèce tendant à une résiliation pour l'avenir,

- que cette argumentation pourrait même être renvoyée à la société des Carrières Sainte-Marthe, qui n'a pas pourvu à la publication de sa propre assignation en annulation de bail.

Monsieur Caulet demande en conséquence de recevoir en la forme l'appel de la société des Carrières Sainte- Marthe, mais de :

- le dire injustifié au fond, et l'en débouter,

- débouter également Me Rafoni et Me Douhaire ès qualités de toutes leurs demandes,

- confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 janvier 1997 par la 10ème chambre du tribunal de grande instance de Marseille,

- y ajoutant, ordonner l'expulsion de la société des Carrières Sainte-Marthe, ainsi que de tous occupants de son chef, des parcelles n° B 49 et B 50 actuellement occupées sans droit ni titre,

- condamner cette société à payer à Monsieur Caulet, en sus des sommes déjà mises à sa charge, celle de 50000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et déclarer la décision à intervenir "inopposable à la procédure collective" ouverte à l'encontre de la société des Carrières Sainte-Marthe.

Motifs de la décision :

Les instances sont connexes, et il doit être statué par même arrêt.

- Sur la recevabilité des appels :

Les sociétés SOMET et Granulats de Provence ont été assignées devant les premiers juges, qui ont annulé une convention à laquelle elles sont ou ont été parties, et les ont personnellement condamnées au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La décision entreprise leur faisant ainsi grief, ces sociétés ont intérêt à en relever appel, quelle que soit l'étendue de leurs droits quant au fond du litige, et peu important, dans la mesure où elles sont immatriculées et disposent donc de la personnalité morale, qu'elles fassent partie d'un groupe plus large, ou qu'elles aient une faible activité commerciale.

L'argumentation de la société des Carrières Sainte-Marthe, déniant leur qualité à contester la décision rendue dans un procès auquel elle les a elle-même citées aux fins de condamnation, doit être rejetée.

L'appel de ces sociétés étant par ailleurs régulier en la forme, il est recevable.

La recevabilité du recours intenté par Monsieur Caulet n'est, quant à lui, pas contestée, et le dossier n'amène pas à relever d'office quelque moyen contraire ; l'appel est également recevable.

- Sur la qualification de la convention conclue entre Monsieur Caulet et la société des Carrières Sainte- Marthe te 13 octobre 1982 :

L'acte authentique signé entre les parties indique que Monsieur Caulet :

-"donne à bail... une parcelle de terrain section B 50",

-"et le droit d'exploitation ci-après défini sur les parcelles dont s'agit", c'est-à-dire que, "sous réserve de se conformer régulièrement aux clauses et conditions ci-après énoncées", la société des Carrières Sainte-Marthe "aura le droit exclusif d'ouvrir une carrière dans le terrain ci-dessus, d'en extraire les substances qui s'y trouvent, et d'en disposer". La société des Carrières Sainte-Marthe et les organes de sa procédure collective soulignent les références que ce document fait aux règles des baux, notamment :

- en organisant la durée et les conditions de ces "présents bail et convention", ou "des présent bail et cession du droit d'exploitation",

- en qualifiant respectivement les parties de bailleur et preneur,

- en soumettant la "sous-location" à diverses formes,

- en stipulant une redevance annuelle détachée de toute référence à la quantité de matériaux extraits.

Mais la convention contient aussi d'autres dispositions, qui sont, elles, incompatibles avec les règles du bail commercial, notamment :

- que l'accord, consenti pour cinq années, est renouvelable par tacite reconduction par période d'une année,

- qu'il peut être dénoncé par lettre recommandée avec avis de réception,

- qu'il peut être résilié, à défaut de paiement d'un seul terme de la redevance, huit jours après commandement demeuré infructueux.

Le rédacteur de l'acte étant un professionnel, on ne saurait concevoir que la méconnaissance des articles 3-2, 5, 7 et 25 du décret du 30 septembre 1953 procède d'une erreur ou d'une méprise sur la nature de l'accord à formaliser.

Une telle situation manifeste au contraire que l'intention des parties n'était pas de conclure un contrat de bail assorti d'une autorisation plus ou moins théorique d'extraire des matériaux, mais bien de formaliser un accord investissant la société des Carrières Sainte-Marthe des moyens lui permettant d'exploiter une carrière dans les lieux.

La dénomination de "bail de carrière" est en elle-même tout à fait révélatrice de cette intention, et c'est encore en ce sens que :

- l'autorisation administrative d'exploitation est mentionnée à l'acte, et une copie y est annexée,

- plusieurs stipulations contractuelles portent sur les précautions à prendre contre les éboulements, et la société des Carrières Sainte-Marthe s'engage à clore le terrain par "une clôture de 2,5 mètres de hauteur, en grillage à mailles fortes et serrées, montée sur poteaux de ciment",

- elle contracte encore l'obligation de niveler les îlots de pierre délaissés, à la suite de l'épuisement du gisement, ou parce que non indispensables à l'exploitation de la carrière ; la pente et l'orientation de ce nivellement sont minutieusement précisées.

La nature de l'exploitation projetée était bien ainsi au coeur des préoccupations des parties, qui n'ont pas qualifié leur contrat de "bail commercial", ne se sont en rien référées aux règles applicables à un tel bail, et ont même clairement méconnu leur teneur.

En réalité, elles sont convenues d'un contrat par lequel Monsieur Caulet a concédé à la société des Carrières Sainte-Marthe le droit d'exploiter le sol et le sous-sol d'une parcelle lui appartenant, et lui a, pour ce faire, permis d'occuper le terrain.

De cette intention commune, il ressort que l'autorisation d'occupation ne constitue pas un bail détachable de la cession du droit d'exploitation, mais une modalité nécessaire à la réalisation de l'objectif contractuel.

En toute hypothèse, la société des Carrières Sainte-Marthe était autorisée à consommer la substance même de la chose, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

L'accord impliquant une telle consommation ne saurait s'analyser en un contrat de louage, et spécialement en un bail commercial.

La citation à ce propos, par la société des Carrières Sainte-Marthe, de l'article 1er, 2° du décret du 30 septembre 1953 montre d'ailleurs que la parcelle louée était dépourvue de tout équipement pouvant donner lieu à une prise à bail, et cette situation est confirmée par constat d'huissier dressé le 13 décembre 1991, qui indique "qu'il n'y a aucune installation de quelque nature que ce soit" sur la parcelle B 50.

Les parties n'ont pas convenu d'un bail, principal ou accessoire, et quoique la convention soit apparemment double, son seul objet était d'organiser l'autorisation d'extraction et d'enlèvement de matériaux.

Le seul fait que la redevance due par l'exploitant soit fixe, et non proportionnelle à la quantité extraite, ne constitue pas un obstacle décisif à la qualification découlant de cette intention. Une telle stipulation relève en effet de la liberté contractuelle.

Peu important qu'elle illustre un souci de simplification, un désir de parer à une absence d'exploitation effective, ou le résultat d'une négociation intégrant des paramètres d'extraction connus à l'avance, elle manifeste seulement que les parties sont librement convenues d'un paiement forfaitaire, dénommé "redevance" (et non loyer), correspondant au prix convenu entre elles, et une telle convention n'est pas en elle-même contraire à l'économie générale d'un contrat de fortage.

Il faut enfin relever que :

- c'est bien au motif que la poursuite d'exploitation de la carrière avait été interdite que Monsieur Caulet indique avoir donné congé en 1987, ce qui implique que cette exploitation constituait un élément décisif du contrat,

- la société des Carrières Sainte-Marthe a, quant à elle, obtenu l'annulation de ce congé sur le fondement de l'article 107 bis du Code minier et de ses décrets d'application, ce qui montre à quel point la qualification de contrat de fortage ne faisait aucun doute à ses yeux.

Il convient de constater que l'acte du 13 octobre 1982 emporte cession du droit d'extraire des matériaux d'une carrière, moyennant une redevance convenue, et confère à la société des Carrières Sainte-Marthe le droit d'exploiter cette carrière et de disposer des matières devenues meubles.

Il s'analyse en une vente de matériaux envisagés comme meubles par anticipation, et doit être qualifié de contrat de fortage.

- Sur les droits découlant pour la société des Carrières Sainte-Marthe de cette convention :

Par l'effet de l'annulation, par arrêt du 7 juin 1990, du "congé" délivré le 20 mai 1987, et à défaut, en conséquence, de notification régulière de refus de renouvellement dans les termes de l'article 107 bis du Code minier, la convention des parties s'est trouvée reconduite dans les termes de leur accord de 1982.

Celui-ci prévoit une durée de cinq années à compter du 1er décembre 1982, et un renouvellement par tacite reconduction par période d'une année, chaque contractant ayant la faculté d'y mettre fin en prévenant l'autre au moins six mois avant l'expiration de la période en cours. Il en résulte que la convention a été reconduite, année par année, à compter du 1er décembre 1987, de sorte que, peu important la date de l'arrêt annulant le "congé", Monsieur Caulet était fondé à faire connaître, le 22 novembre 1990, qu'il refusait le renouvellement à la date anniversaire, en l'occurrence celle du 1er décembre 1991.

A cette fin, il a fait délivrer un acte d'huissier, alors que l'article 1er du décret du 11 août 1971, régissant les formes de ce refus, prévoit, de même que les dispositions du contrat, qu'il soit procédé par lettre recommandée avec avis de réception.

La société des Carrières de Sainte-Marthe n'est pas fondée, cependant, en sa demande d'annulation, dans la mesure où :

- la notification peut toujours être faite par voie de signification, alors même que la loi, même inspirée des principes du droit administratif, l'aurait prévue sous une autre forme,

- cette règle vaut encore lorsque la notification est prévue par contrat, surtout que le recours à un acte extra- judiciaire a permis une remise de l'acte au co-contractant, et qu'ainsi l'obligation d'information au moyen d'un acte ayant date certaine, qui fait l'objet même de la stipulation, a été respectée.

Ce refus de renouvellement, qui, en l'absence de bail commercial entre les parties, n'est pas soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, est régulier en la forme.

De ce qui précède, il convient de conclure que la société des Carrières Sainte-Marthe a été titulaire, entre le 1er décembre 1982 et le 1er décembre 1991, d'un contrat de fortage l'autorisant à extraire les matériaux se trouvant sur la parcelle B 50, et dont Monsieur Caulet lui a refusé le renouvellement dans les formes requises.

- Sur les droits devant découler pour la société des Carrières Sainte-Marthe d'un échange de volontés faisant suite au courrier adressé par Monsieur Caulet le 8 septembre 1987 :

Après avoir délivré, le 20 mai 1987, le "congé" déjà mentionné, Monsieur Caulet a adressé le courrier en cause à Maître Vignal, notaire, en le priant de transmettre à la société des Carrières Sainte-Marthe les trois propositions suivantes :

" 1° : Monsieur Grandi (note : dirigeant de la société des Carrières Sainte- Marthe) achète le 1er janvier 1988 la totalité de la propriété, sauf le pré, pour la somme de trois millions et demi comptant,

2° : Monsieur Grandi loue pour trois ans l'exploitation de la carrière pour la somme de trois cent mille francs avec indexation, sans promesse de vente,

3° : Monsieur Grandi cesse toute activité le 1er décembre 1987. Je ne reviendrai pas sur cette décision ".

Le 12 octobre 1987, la société des Carrières Sainte-Marthe indiquait au notaire qu'elle "confirmait son accord pour le renouvellement du bail jusqu'à épuisement du gisement de calcaire, aux conditions financières précisées par le Docteur Caulet dans sa lettre du 8 septembre 1987".

Elle demandait à celui-ci de lui adresser rapidement ce bail, "dont elle avait besoin pour la demande de modification du POS de la Ville de Marseille, afin que l'exploitation de notre carrière puisse continuer au-delà des trois années de pierres restant à extraire".

Les parties produisent également un projet de "bail de carrière" rédigé par Maître Vignal en 1987, qui n'a pas été signé par les parties, et dont il faut relever qu'il prévoit, notamment :

- un bail et une cession de droit d'exploitation portant sur les parcelles B 49 et B 50, pour une durée maximale de quinze ans,

- une redevance annuelle de 300 000 F, indexée, au-delà de la première période de trois ans, sur l'indice du coût de la construction,

- un pacte de préférence au profit de la société des Carrières Sainte-Marthe en cas de vente.

Enfin, la société des Carrières Sainte-Marthe produit une réponse adressée à son avocat par Maître Vignal le 19 octobre 1988, donnant des précisions sur le déroulement des opérations.

Maître Vignal y expose qu'après le courrier du 8 septembre 1987, les tractations ont continué entre les parties, que différentes réunions ont eu lieu à son étude en présence du gestionnaire de Monsieur Caulet, que de nouvelles propositions ont été faites, que le projet rédigé par ses soins a été adressé à ce dernier le 10 novembre 1987, et que le 9 décembre suivant, il lui faisait part de l'accord sur un bail au prix annuel de 300 000 F, et lui demandait de préciser sa position.

Le courrier se termine en indiquant que le gestionnaire lui a ensuite demandé d'établir un contrat sur d'autres bases, régularisé le 5 février 1988.

En cet état, la société des Carrières Sainte-Marthe soutient exactement que Monsieur Caulet était obligé par les termes de l'offre précise et dénuée d'équivoque contenue dans son courrier du 8 septembre 1987,

Mais si la réponse, rapidement notifiée par courrier du 12 octobre 1987, agrée expressément les conditions financières de la deuxième proposition, elle manifeste aussi une divergence importante sur la durée de la convention.

Or, la durée d'exploitation constitue une donnée essentielle de l'accord prétendu.

Il n'est que de voir, à ce propos, qu'alors même qu'elles ne consacrent que quelques lignes au résumé de leur proposition, les deux parties ont spécialement visé cette durée.

Une telle divergence, quelle que soit sa vocation à être aplanie par négociation, montre que les volontés en présence ne se sont pas accordées sur une convention en mêmes termes.

Peu importe qu'en application de l'article 123-2 du Code minier, cette convention fût sur ce point dépendante des autorisations administratives, dont il est indiqué qu'elles n'ont été données que pour trois ans.

En effet, si même il a pu en être ainsi à l'époque, ces autorisations ont bien dû être renouvelées, puisque la carrière continue d'être exploitée, de sorte qu'une cession pour plus de trois ans exposait le cédant à laisser le cessionnaire poursuivre effectivement son activité.

Le fait, enfin, que, selon la société des Carrières Sainte-Marthe, une durée indéterminée garantisse mieux les intérêts de Monsieur Caulet, est indifférent à la question de savoir s'il a ou non consenti à une telle durée.

Le comportement ultérieur des parties montre d'ailleurs que l'accord n'était pas conclu, puisque des pourparlers ont été ouverts, et que la société des Carrières Sainte-Marthe reproche à Monsieur Caulet, quoique sans en tirer de conséquences précises, de les avoir fautivement rompus. Cette société, à défaut d'avoir accepté l'offre de Monsieur Caulet dans ses termes mêmes, et faute d'établir l'existence d'un accord ultérieur, n'est pas fondée à soutenir qu'un contrat se serait noué.

En toute hypothèse, ce prétendu accord ne concernait pas la parcelle B 49.

En effet :

- le contrat du 13 octobre 1982 ne concernait que la parcelle B 50,

- son "renouvellement", selon les termes mêmes du courrier du 12 octobre 1987, implique une reconduction à l'identique, sans modification de son objet,

- le courrier de Monsieur Caulet distingue bien "la totalité de la propriété, sauf le pré", à propos de l'offre de vente, et "l'exploitation de la carrière", à propos d'une nouvelle concession, de sorte qu'on ne peut supposer que cette seconde expression viserait la parcelle B 49, alors précisément que celle-ci n'était pas encore exploitée sous forme de carrière, et que l'expression qui la désignerait est beaucoup moins large que celle employée à propos de la vente éventuelle,

- le projet dressé par Maître Vignal à ce propos fait sans doute l'état des pourparlers, mais il n'a pas été signé, et il ne ressort d'aucun élément qu'il se fonde sur un engagement clair et inconditionné de Monsieur Caulet.

C'est à tort que la société des Carrières Sainte-Marthe soutient qu'elle serait en possession d'un titre l'autorisant à exploiter cette parcelle B 49.

Il convient en conséquence de retenir que les conclusions précédentes, relatives à la parcelle B 50, restent inchangées, et que la société des Carrières Sainte-Marthe est occupante sans droit ni titre de la parcelle B 49.

- Sur la nullité, au regard des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, du bail conclu entre Monsieur Caulet et la société SOMET et de la cession intervenue entre cette société et la société Granulats de Provence.

Par décision du 5 novembre 1991, le Conseil de la concurrence a retenu que divers producteurs de bétons et granulats intervenant dans la zone d'Aix-en-Provence - Fos-sur-mer- Salon-de-Provence, constitués en groupement d'intérêt économique dit Bétons et Granulats Phocéens (GIE BGP), "se sont entendus pour conduire une négociation commune lors du renouvellement du bail d'exploitation de la carrière de Sainte-Marthe, afin de se réserver l'accès au marché des granulats de la zone desservie par cette carrière, antérieurement exploitée par un concurrent, pour que l'attribution de cette carrière ne remette pas en cause la répartition du marché des granulats à laquelle ils avaient procédé en fonction de leurs capacités de production respective".

Statuant sur recours par arrêt définitif du 8 juillet 1992, la cour d'appel de Paris a jugé :

- "que ces sociétés se sont concertées pour reprendre ensemble l'exploitation de la carrière Sainte-Marthe, et qu'à cet effet, elles ont constitué la société Granulats de Provence, à qui elles ont fait transmettre le contrat de fortage conclu avec le propriétaire",

- "qu'il n'est en outre pas contesté que les parts de capital social de la société destinée à exploiter cette carrière sont réparties en fonction des quotas de production et de vente de granulats réservés à chacun des groupes membres du GIE",

- et qu'ainsi le Conseil "a justement déduit que les pratiques examinées constituaient, au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, une concertation entre plusieurs entreprises ayant pour objet anti- concurrentiel de reprendre en commun une unité de production exploitée par un concurrent afin de poursuivre et compléter un accord de répartition de marché".

La réalité et la portée de ces constatations n'étant pas discutées, il est acquis dans le cadre de la présente instance que l'accord conclu entre Monsieur Caulet et la SOMET le 5 février 1988, puis sa cession à la société Granulats de Provence sont les fruits d'une manœuvre anticoncurrentielle sanctionnée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Aux termes de l'article 9 de cette ordonnance, est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8.

Ce texte ne vise pas seulement les accords anti-concurrentiels eux-mêmes, mais également les actes qui leur sont consécutifs.

En l'occurrence, le contrat litigieux et sa cession constituaient l'objectif de l'entente sanctionnée, et leur existence matérialise l'atteinte portée au jeu de la concurrence par négociation collective destinée à l'éviction d'un concurrent.

Un tel accord se rapporte très directement à une pratique prohibée, et entre dans les prévisions de l'article 9 précité.

Il en résulte que tout tiers intéressé peut poursuivre leur annulation.

L'intérêt de la société des Carrières de Sainte-Marthe a agir à cette fin a été discuté devant les premiers juges, qui ont à l'époque pertinemment répondu que la validité du congé délivré le 22 novembre 1990 étant contestée, cette société détenait un droit potentiel l'autorisant à discuter la validité du droit antagoniste résultant du contrat litigieux.

En l'état du présent arrêt, rejetant les contestations de ce congé, cette justification n'est plus de mise, et il faut constater :

- que la société des Carrières de Sainte-Marthe est en l'état d'un refus de renouvellement signifié par Monsieur Caulet dans les formes et délais requis, et dont ses conclusions ne demande l'annulation pour quelque autre motif, de sorte qu'elle est occupante sans droit de la parcelle B 50 depuis le 1er décembre 1991,

- qu'elle est pourtant constamment demeurée en possession de cette parcelle, dont elle a extrait les matériaux sans subir nulle éviction,

- qu'en conséquence, la convention passée le 5 février 1988 entre Monsieur Caulet et la société SOMET, puis sa cession à la société Granulats de Provence sont demeurées sans effets,

- qu'enfin, elle n'a jamais été titulaire d'aucun droit sur la parcelle B 49.

Cette situation est, certes, exclusive de tout droit antagoniste légitime et protégeable sur la parcelle B 49, de sorte que la société des Carrières de Sainte-Marthe est dépourvue d'intérêt à agir en annulation d'une convention portant sur cette parcelle, et que sa demande est irrecevable sur ce point.

Mais s'agissant de la parcelle B 50, au contraire, elle a intérêt à garantir ses droits, notamment contre des demandes d'indemnisation émanant de ses concurrents, peu important l'effet du congé du 22 novembre 1990.

En effet, dans la mesure où elle s'est maintenue dans les lieux malgré un refus régulier de renouvellement, la société des Carrières de Sainte-Marthe est susceptible d'avoir porté préjudice, non seulement à son cédant, mais également au cessionnaire successeur disposant d'un titre constitutif de droits sur la carrière qu'elle a continué d'exploiter.

Elle est, dans ces conditions, recevable à agir en annulation du contrat dont ce tiers entendrait tirer de tels droits.

Il ressort, sur le fond, des éléments déjà développés que Monsieur Caulet aurait délivré "congé" le 20 mai 1987 au motif que la société des Carrières de Sainte-Marthe se serait vu retirer son autorisation d'exploiter.

En effet, un arrêté préfectoral du 23 avril 1987 avait refusé le renouvellement de cette autorisation, si bien que le motif avancé par Monsieur Caulet, encore qu'il n'ait jamais été exprimé à l'époque, n'est pas dépourvu de fondement.

Toutefois, cette décision, qui contrairement à ce que soutient la société des Carrières de Sainte-Marthe, n'était pas le fruit d'une erreur, mais la sanction de l'inaccomplissement de travaux obligatoires, a été rapportée, le 15 juillet 1987, contre promesse d'exécution des travaux de réaménagement du site et de renforcement d'un pont.

La seule formulation par Monsieur Caulet des propositions du 8 septembre 1987 montre à l'évidence qu'il connaissait cette nouvelle situation, que le motif même de son refus avait disparu, et qu'il était possible de formuler des offres de renouvellement.

On sait par le courrier de Maître Vignal, déjà cité, que les pourparlers se sont poursuivis au moins jusqu'en novembre 1987. Or, les résultats de l'enquête menée par le Conseil de la concurrence ne sont nullement contredites dans le cadre de la présente instance, et la décision du 5 novembre 1991 énonce notamment (pages IX et X) :

"Des notes saisies au siège de la SARL Carrières Contera, et prises par son gérant, par ailleurs administrateur du GIE, établissent que le 26 novembre 1987, au cours d'une réunion du collège d'administrateurs, les participants ont été informés de la signature d'une promesse de bail pour un loyer de 400 000 F. Le "schéma de projet de bail" rédigé par le directeur général du groupement comporte une mention manuscrite indiquant qu'il est "entendu que le preneur sera le GIE BCP ou toute société qu'il jugera bon de se substituer".

"Le 20 novembre 1987, dans son courrier d'envoi de ce projet à l'agent immobilier du propriétaire, le directeur du groupement précise qu'il sera en mesure d'indiquer, le 27 novembre suivant, quel sera le signataire du bail définitif, étant entendu qu'il s'agira d'une société liée directement ou indirectement à Bétons et Granulats Phocéens, dont la solvabilité n'est pas à mettre en doute".

Il était loisible à Monsieur Caulet, au temps même des pourparlers avec la société des Carrières de Sainte- Marthe, de mener des négociations avec un tiers.

Mais il ressort de l'enquête du Conseil que ce partenaire secret était bien le GIE BCP, c'est-à-dire un groupement doté d'une personnalité morale et capable de contracter, et que c'était bien avec lui que Monsieur Caulet entendait négocier.

Or, le projet a été formalisé sans que ce co-contractant soit nommé, puis modifié pour que le GIE puisse se substituer toute société qu'il contrôlerait directement ou indirectement, et enfin passé en forme authentique au bénéfice de la SOMET, petite société filiale de l'un des membres du groupement, et dont l'activité se limitait à des travaux de sous-traitance pour un modeste chiffre d'affaires de 440 000 F en 1990, le tout avant que le contrat soit cédé à la société Granulats de Provence.

En acceptant de signer avec des entités dépourvues de véritable substance, tout en sachant qu'il contractait avec le GIE, Monsieur Caulet s'est donc prêté à une dissimulation permettant au véritable bénéficiaire de l'opération de demeurer dans l'ombre.

Cette dissimulation était une des conditions de réussite de la démarche tendant à l'éviction collective de la société des Carrières de Sainte-Marthe, tant en ce qu'elle contribuait à la confidentialité de l'opération, qu'en ce qu'elle permettait en définitive de donner la carrière en exploitation à une société dont l'arrêt du 8 juillet 1992 indique "qu'il n'est pas contesté que les parts de capital social sont réparties en fonction des quotas de production et de vente de granulats réservés à chacun des groupes membres du GIE".

Sans qu'il y ait lieu de revenir sur le non-lieu prononcé dans le cadre des poursuites pénales, qui n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, il ressort de cette participation à la dissimulation que Monsieur Caulet connaissait au moins le principe des buts prohibés poursuivis par le GIE BCP.

A supposer même, en conséquence, que la nullité d'une telle convention soit subordonnée à la connaissance par les deux parties de son caractère illicite, cette condition est ici remplie, et la nullité du bail conclu entre Monsieur Caulet et la SOMET, comme celle de sa cession à la société Granulats de Provence, doivent être confirmées.

- Sur l'action en expulsion :

L'article 28 4° c du décret du 4 janvier 1955 impose la publication des demandes tendant à l'anéantissement rétroactif du droit contesté.

Il ne s'applique pas à une assignation réclamant que soient tirées, pour l'avenir, les conséquences de la fin de la convention attribuant ce droit.

Il convient de rejeter le moyen tiré par la société des Carrières Sainte-Marthe du défaut de publication de l'assignation en expulsion, en ce qui concerne la parcelle B 50.

Pour ce qui est de la parcelle B 49, cette publication est encore exclue, par le fait même qu'il n'existe sur ce bien aucune convention, notamment de la nature de celle prévue à l'article 36 du Code minier.

La publication, à la requête de la société des Carrières Sainte-Marthe, de l'échange de lettres de septembre- octobre 1987 est indifférent, ces documents ne concrétisant pas une convention, et ne pouvant être visée comme telle par l'article 28 1° a du décret du 4 janvier 1955, de sorte que, même au titre d'un parallélisme des formes, la publication de la demande tendant à la constatation d'une occupation, en réalité sans droit ni titre, n'était pas requise.

Sur le fond, la demande présentée par Monsieur Caulet seul, et non par les sociétés SOMET et Granulats de Provence, est parfaitement justifiée. Dans la mesure, en effet, où la société des Carrières Sainte-Marthe est dépourvue de tout titre portant sur la parcelle B 49, et où celui justifiant son occupation de la parcelle B 50 a cessé ses effets le 1er décembre 1991, le propriétaire est fondé à obtenir la libération des lieux, et cette reprise n'est pas subordonnée au paiement préalable de l'indemnité pouvant être due en application de l'article 107 bis du Code minier.

- sur le bien-fondé des appels :

Il ressort des développements précédents :

- que le jugement du 4 octobre1994 doit être entièrement confirmé, sauf à rectifier l'erreur portant sur la date du bail annulé,

- qu'il en va de même du jugement du 29 janvier 1997, à la seule exception du montant de l'astreinte. Si, en effet, l'indemnité d'occupation (50 000 F par mois à compter du 1er décembre 1991, et jusqu'à complet déguerpissement) est proportionnée au montant de la redevance contractuelle convenue pour une seule parcelle, l'astreinte assortissant la condamnation à cesser toute exploitation et occupation des parcelles B 49 et B 50 (10 000 F par jour de retard à compter de la signification du jugement) est excessive, et doit être ramenée à 5 000 F par jour.

Il convient enfin de recevoir l'action en expulsion, et d'ajouter en ce sens au jugement confirmé.

En l'état de ces décisions, Monsieur Caulet ne justifie pas d'un préjudice fondant sa demande de dommages- intérêts.

- sur la demande d'expertise :

Les conclusions de Monsieur Caulet énoncent que la société des Carrières Sainte-Marthe a introduit devant le tribunal de grande instance de Marseille, par assignation délivrée le 27 juin 1997, une procédure distincte à cette fin.

Cette assertion n'est nullement contestée, et il en résulte que la société des Carrières Sainte-Marthe et les organes de sa procédure collective, ne sont pas recevables à formuler devant la cour une demande dont une autre juridiction est déjà saisie.

- sur les dépens :

La jonction des instances n'impliquant pas qu'il soit fait masse des dépens, il convient de constater que les appels sont tous deux injustifiés, et de laisser à chaque appelant les frais de l'instance distincte dans laquelle il succombe.

En l'état de cette succombance respective, l'équité commande d'écarter l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Joignant les instances n° 94-21364 et 97-3032 sous le premier de ces deux numéros, Déclare les appels recevables, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 4 octobre 1994, sauf à indiquer que la convention annulée est en date du 5 février 1988, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 janvier 1997, à la seule exception du montant de l'astreinte qui y est fixée, Statuant de nouveau sur ce point, condamne la société des Carrières Sainte-Marthe à cesser toute exploitation et occupation des parcelles sises à Marseille 13014, Quartier Sainte-Marthe, n° B49 et B50, sous astreinte provisoire de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification du jugement en cause, Y ajoutant, ordonne l'expulsion de la société des Carrières Sainte-Marthe et de tout occupant de son chef des parcelles ainsi indiquées, Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Donne acte à Me Rafoni et Me Douhaire ès qualités de leur intervention, Déclare la société des Carrières Sainte-Marthe, Me Rafoni et Me Douhaire ès qualités, irrecevables en leur demande d'expertise, Condamne Monsieur Caulet, la SARL Granulats de Provence et la société Méditerranéenne de Travaux in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel de l'instance n° 94-21364 ; condamne la société des Carrières Sainte-Marthe aux dépens de première instance et d'appel de l'instance n° 97-3032 ; autorise la SCP Ermeneux-Ermeneux-Champly et la SCP De Saint-Ferréol-Touboul à recouvrer directement ceux dont elles ont fait l'avance sans recevoir provision.