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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 15 mai 1997, n° 95-20021

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SAMU Auchan, Dumoulin (ès qual.), Distrimantes (Sté), Jamin (SA), Lonpont Distribution (SA), Parouest (SA), Sody (SA)

Défendeur :

GALEC (Sté), Paris Sud Expansion (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

MM. Bouche, Breillat

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin Le Bousse, SCP Lagourgue

Avocats :

Mes de Hauteclocque, Parléani.

T. com. Paris, 1re ch., sect. A, du 19 j…

19 juillet 1995

Considérant que les sociétés Maurepas Distribution devenue Des Marchés Usines Auchan dite SAMU Auchan, Jamin (venant aux droits de la société Voisins Distribution), Lonpont Distribution, Morandis, Parouest (venant aux droits des sociétés Boulogne Distribution et Dispasud) et Sody ainsi que Maître Dumoulin en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Distrimantes ci-appelés le Groupe Abihssira ont fait appel le 3 août 1995 d'un jugement contradictoire du 19 juillet 1995 du Tribunal de Commerce de Paris qui a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Paris Sud Expansion et les a condamnés ainsi que la société Parisud Distribution à payer 5 442 862 F à la société Groupement d'achats des Centres Leclerc dite GALEC et à supporter les dépens en ce compris les frais d'expertise ;

Que le Groupe Abihssira a exposé toutefois par conclusions du 4 décembre 1995 qu'il avait interjeté cet appel avant de s'apercevoir de ce que les premiers juges n'avaient pas épuisé leur saisine et que le Tribunal de commerce de Paris, statuant sur requête en réparation d'omission de statuer, a condamné le GALEC par jugement du 27 novembre 1995 à lui verser 33 934 804 F ; qu'il a demandé à la Cour de lui donner acte de ce qu'il se réservait de conclure lorsqu'il saura si le GALEC fait appel de la décision complémentaire ;

Que la société GALEC et le GIE Paris Sud Expansion ci-après appelé le GIE ont fait appel le 8 décembre 1995 du jugement du 27 novembre 1995 qui a condamné le GALEC à payer au Groupe Abihssira la somme de 33 934 804 F, a ordonné la compensation des condamnations et a condamné le GALEC aux dépens de cette décision ;

Que les deux appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 février 1997, que la société Parouest a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle venait aussi aux droits de la société Morandis ;

Considérant que le GALEC et le GIE, dans leurs premières conclusions signifiées le 26 mars 1996, contestent la réalité même de l'omission de statuer dont le Groupe Abihssira avait demandé la réparation puisque les premiers juges ont déclaré dans leur décision initiale statuer sur les deux assignations des 3 février 1992 et 21 octobre 1994 dont ils étaient saisis ; qu'ils reprochent en outre au Tribunal de commerce d'avoir procédé, sans débat préalable par voie de rectification d'erreur matérielle ce qui ne lui était pas demandé, livré à une réforme du jugement initial aboutissant à modifier fondamentalement les droits et obligations des parties ;

Que le GALEC et le GIE exposent par conclusions " récapitulatives " identiques des 5 et 6 février 1997 que :

- le groupe Leclerc fondé par Edouard Leclerc en 1962 comporte

* une Association des Centres distributeurs Edouard Leclerc ACD LEC qui regroupe les dirigeants des sociétés exploitant les centres distributeurs et concède, par contrat d'attribution de panonceau, à chaque dirigeant qu'elle agréé en tant que membre de l'ACD LEC, l'usage des marques et du panonceau Leclerc,

* une Centrale nationale de référencement du mouvement Leclerc, la société coopérative à capital variable GALEC qui regroupe l'ensemble des centrales régionales d'achats et des centres distributeurs qui se borne à négocier avec les fournisseurs les conditions auxquelles les centres distributeurs pourront acheter les marchandises qu'ils auront choisies, et en particulier des accords de ventes promotionnelles, des remises sur marchés et des ristournes de fin d'année,

* des centrales régionales d'achats appelées sociétés coopératives d'approvisionnement SCAP auxquelles les centres distributeurs adhèrent, en l'espèce pour les sociétés du Groupe Abihssira la société SCAPSUD devenue SCADIF,

- Jacques Abihssira, membre de l'ACDLEC depuis 1975 dirigeait avec divers parents neuf centres distributeurs à l'enseigne Leclerc, a présidé le conseil d'administration de la société SCAPSUD devenue SCADIF du 25 novembre 1976 au 28 mars 1991 et a été administrateur du GALEC du 7 novembre 1977 au 22 Juillet 1991,

- les difficultés financières de certains des centres de distribution ont amené le GALEC, SCAPSUD et vingt six de ces centres dont six appartenant au groupe Abihssira à créer à l'initiative de Jacques Abihssira et avec le concours de son notaire, le 5 février 1991 le GIE Paris Sud Expansion destiné à servir de cadre à un effort particulier de solidarité entre coopérateurs et dont Jacques Abihssira devient contrôleur de gestion,

- l'opacité et l'inégalitarisme de la gestion de la coopération SCAPSUD dont il s'avérera qu'elle accusait un déficit de 14 522,607 F au 31 décembre 1990 mais aussi que le Groupe Abihssira lui devait 17 899 124,87 F ont conduit toutefois le conseil d'administration de SCAPSUD le 28 mars 1991 à démettre Jacques Abihssira de ses fonctions de président, ce qui a provoqué la démission sans respect de préavis du directeur Liauzv, du chef comptable Cohen et de sept acheteurs et responsables d'entrepôts,

- une société anonyme Parouest immatriculée au RCS le 7 juin 1990, membre de SCAPSUD bien que ne bénéficiant pas de l'enseigne Leclerc et contrôlée par Jacques Abihssira qui en confiera la présidence du conseil d'administration à son frère Albert Abihssira, s'est substituée avant même la révocation susvisée en tant que centrale d'achats du Groupe Abihssira à SCAPSUD dont elle a débauché les salariés non sans que Jacques Abihssira ait fortement majoré les rémunérations des deux principaux dans les mois qui ont précédé leur départ, et a provoqué une désorganisation délibérée et préméditée de SCAPSUD subitement privée de 30% environ de son activité dans l'espoir d'un "éclatement" de cette centrale de référencement qui aurait ouvert la voie à une scission du Groupe Leclerc dont Jacques Abihssira aurait été le pivot,

- Jacques Abihssira a contesté dès le 9 avril 1991 que son groupe soit concerné par le GIE Paris Sud Expansion dont la constitution était nulle selon lui, a refusé de reverser à SCAPSUD l'apport des six sociétés de son groupe au capital du GIE dont SCAPSUD avait fait l'avance sous sa signature, et n'a réglé aucune des cotisations dues par son groupe ;

- Jacques Abihssira et les autres membres de sa famille ont été radiées de l'association ACD LEC les 3 et 27 mai et 22 juillet 1991 et les contrats de panonceau résiliés ce qui avait pour conséquences statutaires que le GALEC prononçait l'exclusion des centres distributeurs du Groupe Abihssira et les mettaient en demeure le 13 janvier 1992 de verser l'indemnité statutaire de départ prévue par l'article 12 des statuts du GALEC ;

- outre la présente procédure concernant l'exclusion des centres distributeurs du groupe Abihssira du GALEC diverses instances opposent ces mêmes sociétés à l'association ACD Leclerc, à la SCADIF et au GIE Paris Sud Expansion qui a obtenu le 25 janvier 1995 leur condamnation a lui verser 1 871 735 F de cotisations ainsi qu'un solde de 3 325 000 F d'indemnité financière de désengagement à compenser avec la participation de ces sociétés au capital social du GIE ;

Considérant que le GALEC et le GIE font en définitive grief à travers la procédure soumise à la Cour à Jacques Abihssira d'avoir en tant que président de coopérative favorisé les sociétés de son groupe au détriment des autres coopérateurs, commis des actes de concurrence déloyale par débauchage de salariés de la coopérative, renié des engagements contractuels de solidarité d'enseigne et fait payer par la coopérative des sommes dues par le sociétés de son groupe ; qu'ils reprochent au Tribunal de commerce d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire du GIE dès lors que le règlement intérieur de ce groupement autorise le GALEC à débiter les comptes dans ses livres de tout adhérent défaillant du GIE du montant impayé des cotisations annuelles et autres engagements et par conséquent à retenir sur les sommes qu'il pourrait devoir au Groupe Abihssira, de quoi éteindre toute créance du GIE sur ce groupe ;

Que le GALEC et le GIE demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement du 19 juillet 1995 en ce qu'il a déclaré licite et opposable au groupe Abihssira l'article 12 des statuts du GALEC,

- porter à 12 049 382 F en principal le montant total des indemnités forfaitaires de départ des sociétés du groupe Abihssira et leur adjoindre des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 1992 eux mêmes capitalisés,

- annuler pour excès de pouvoir le jugement du 27 novembre 1995 et, statuant à nouveau, déclarer le GALEC fondé, par application de l'article 12 de ses statuts, à retenir au titre des ristournes qui lui sont acquises, 33 934 804 et 614 486 F et débouter le Groupe Abihssira de ses demandes,

- dire subsidiairement que des sommes que le GALEC pourrait devoir au Groupe Abihssira seront déduites de celles dues par ce groupe au GIE, et que le solde ne produira d'intérêts qu'à compter de l'assignation du 21 octobre 1994,

- condamner le Groupe Abihssira à leur verser 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que par d'ultimes conclusions signifiées le 4 mars 1997 le GALEC auquel la société Parouest a notifié trois actes de cession à son profit des "droits litigieux" des sociétés Morandis, Dispasud et Boulogne Distribution datés du 20 décembre 1996 et enregistrés le 9 janvier 1997, dépourvus de prix pour deux d'entre eux et comportant une date erronée de paiement pour le troisième, demande à la Cour de dire ces cessions irrégulières et inopposables et la société Parouest irrecevable en ses demandes ;

Considérant que les sociétés du groupe Abihssira exposent quant à elles que le "mouvement" Leclerc a été créé en 1962 pour fédérer pour leurs achats des exploitants individuels de moyennes et grandes surfaces sous une enseigne commune face aux grandes sociétés anonymes de distribution, que le "parrainage" du nouvel adhérent par un membre du mouvement qui le proposera à l'agrément et le cautionnera, est " le moteur du développement" du groupe, qu'en 1969 une scission a donné naissance à l'enseigne Intermarché qu'ont rejointe la plupart des centres distributeurs Leclerc de la région parisienne, que Jacques Abihssira bien que nouvel adhérent a pris part à la création et au développement de trente deux centres distributeurs Leclerc en apportant lui même ou par le canal des sociétés qu'il contrôlait, pas moins de 250 000 000 F de cautionnements sans contrepartie, est devenu un "baron" du mouvement et a acquis de ce fait le droit de discuter les grandes options de politique financière et commerciale, enfin que sa volonté d'orientation vers la création d'hypermarchés modernes et luxueux et son opposition à la collectivisation des risques à travers le GIE Paris Sud Expansion lui ont valu l'animosité d'autres barons du mouvement ;

Qu'elles ajoutent que le 7 mars 1991 quatre de ses " filleuls " administrateurs de SCAPSUD qu'il avait créé ont demandé à Jacques Abihssira, à l'instigation de Michel Édouard Leclerc, de démissionner de la présidence de SCAPSUD, que le conseil d'administration de SCAPSUD a révoqué le 28 mars Jacques Abihssira qui notifiera le 9 avril 1991 la confirmation de son opposition à la création du GIE Paris Sud Expansion, et que les mesures d'exclusion se sont alors enchaînées :

- 17 avril : suspension des livraisons aux sociétés Maurepas Distribution, Boulogne Distribution et Voisins Distribution,

- 3 mai : exclusion de Jacques Abihssira de l'ACDLEC et résiliation du contrat de panonceau Leclerc des sociétés Dispasud, Boulogne Distribution et Maurepas Distribution,

- 13 juin : exclusion de la société Voisins Distribution de SCAPSUD,

- 22 juillet : exclusion des sociétés Dispasud, Boulogne Distribution, Voisins Distribution et Maurepas Distribution du GALEC au motif de la perte du panonceau Leclerc ainsi que des sociétés Morandis, Lonpont Distribution, Distrimantes et Sody de l'ACDLEC,

- 2 septembre : exclusion des sociétés Morandis, Sody et Distrimantes du GALEC pour perte du panonceau Leclerc,

- 12 septembre : exclusion des sociétés Sody et Morandis de SCAPSUD ;

Qu'elles confirment que la présente instance a pour objet d'apurer les comptes entre les parties et précisent que les centres distributeurs sont créanciers de ristournes de toutes sortes perçues pour leur compte par SCAPSUD et le GALEC et d'autant plus indispensables à l'équilibre de leur gestion qu'elles sont tenues de vendre à marges fort réduites tenant compte par avance des ristournes qu'elles percevront, mais que le GALEC a entendu conserver ces ristournes du fait de leur exclusion et ce par application de l'article 12 de ses statuts ; qu'elles ajoutent que les experts qui ont été commis, ont constaté de graves insuffisances dans la comptabilité du GALEC ;

Qu'elles demandent en définitive à la Cour de :

- rejeter l'appel-nullité du jugement du 27 novembre 1995,

- confirmer le jugement du 27 novembre 1995 et y ajouter 44 397 682 F de ristournes exceptionnelles et confidentielles ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1991 eux-mêmes capitalisés,

- d'ordonner le remboursement des mises de fond d'un montant total de 3 137 995 F confiées au GALEC pour investissements et des 674 212 F de produits financiers obtenus par le GALEC avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1991 eux-mêmes capitalisés,

- déclarer nul l'article 12 des statuts du GALEC, subsidiairement de dire que le GALEC a manqué à ses obligations fondamentales envers elles et le priver en réparation du bénéfice de l'article 12 des statuts, très subsidiairement confirmer le jugement du 3 août 1995 en ce qu'il a considéré que les dispositions de ce texte constituaient une clause pénale manifestement excessive qu'il a réduite à 5 442 862 F et ordonner la compensation de cette somme avec leur créance,

- condamner le GALEC à leur verser 500 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que les notes parvenues à la Cour durant son délibéré sont écartées des débats ;

Considérant que la présente instance ne concerne que les conséquences définies par l'article 12 des statuts du GALEC de l'exclusion des sociétés du groupe Abihssira de cette centrale de référencement motivée par la perte du panonceau Leclerc dont la décision prise par l'ACDLEC fait l'objet d'une autre procédure ;

Que l'article 12 stipule que la perte du panonceau "Centre distributeur Leclerc" constitue un "motif sérieux et légitime d'exclusion" ce que le groupe Abihssira peut d'autant moins contester qu'il résulte du nom même de la coopérative et des articles 2 et 5 des statuts que seules peuvent être associés, en dehors des centrales d'approvisionnement, des personnes physiques ou morales autorisée à exploiter leur entreprise sous panonceau "Centre Distributeur Leclerc" ;

Que l'article 12 impose à chaque adhérent de demeurer membre du GALEC pour une durée au moins égale à trente ans et de verser à la coopérative, en cas de retrait anticipé autorisé avec préavis de trois mois, "une indemnité forfaitaire comprenant la perte, au jour de sa décision de retrait, de tout droit à ristournes directes ou indirectes non encore payées qui seront acquises au GALEC", et "une somme représentant un demi pour cent du chiffre d'affaires toutes taxes comprises de la dernière année civile précédant le retrait" ;

Que l'article 12 stipule que l'exclusion entraîne pour l'adhérent exclu l'obligation de verser l'indemnité prévue pour le départ anticipé, majorée de 25 % ;

Considérant que la Cour n'est pas saisie, dans la présente instance, de la validité de la décision prise par l'ACDLEC d'un retrait de panonceau conduisant inéluctablement à l'exclusion de l'adhérent du GALEC ;

Que la régularité formelle de l'exclusion des sociétés du groupe Abihssira n'est pas contestée ; qu'il en résulte que ces sociétés exclues en 1991, sont déchues, sans qu'il soit nécessaire de constater qu'elles ont commis une faute, du droit aux ristournes directes et indirectes, la conjonction "ou" utilisée n'ayant à l'évidence pas valeur d'alternative, qui ne leur auraient pas été reversées, et qu'elles doivent en outre au GALEC une somme égale à 0,625 pour cent de leur chiffre d'affaires toutes taxes comprises de l'année 1990 ;

Que le GALEC et le GIE soutiennent non sans raison que cette indemnité forfaitaire tend à réparer le préjudice engendré à la coopérative par un départ qui ne peut que diminuer le volume des achats collectifs et avoir une incidence négative sur les taux des remises, négociés au profit de tous les coopérateurs, variables selon les quantités concernées ; que le groupe Abihssira dénonce à juste titre quant à lui la spoliation coercitive que constitue la privation des ristournes dues mais non encore versées ; que tous s'accordent à reconnaître que l'article 12 des statuts du GALEC comporte une clause pénale réductible par application de l'article 1152 du Code civil si elle s'avère manifestement excessive ainsi que les premiers juges l'ont estimé ;

Sur la recevabilité de l'intervention du GIE Paris Sud Expansion

Considérant que le GIE Paris Sud Expansion est intervenu dans la procédure de première instance et le fait à nouveau en appel afin d'appuyer la demande subsidiaire formulée par le GALEC d'une compensation entre son éventuelle dette envers le groupe Abihssira et les 27 095 001 F avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 1991 que le GIE réclame au groupe Abihssira dans une autre procédure en cours ;

Que le GIE a qualité et intérêt à agir pour la défense de ses droits à recouvrement de toute somme qui lui serait due ; que son intervention est recevable ce qui ne signifie pas qu'elle soit nécessairement fondée ;

Sur la validité du jugement du 27 novembre 1995

Considérant que le Tribunal de commerce de Paris a été saisi par assignations des 3 février 1992 et 20 octobre 1994 du groupe Abihssira de demandes d'annulation de l'assemblée générale des associés adhérents du GALEC en date du 25 juin 1990 qui a donné à l'article 12 des statuts sa rédaction présente, de prononcé de la nullité pour potestativité des dispositions de l'article 12 sanctionnant l'exclusion des adhérents et de rejet ou réduction des prétentions à indemnisation du GALEC pour la première des assignations ; de condamnation du GALEC à rembourser aux sociétés du Groupe Abihssira les participations aux investissements qui leur ont été imposées, et à leur verser 53 934 804 F de ristournes ainsi que les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 31 mars 1991 pour la seconde des assignations ;

Considérant que par jugement du 19 juillet 1995 le Tribunal de commerce a constaté que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 25 juin 1990 n'était pas reprise par les conclusions récapitulatives du groupe Abihssira, et jugé au surplus que l'adoption de la modification contestée de l'article 12 des statuts était régulière et que les sociétés du groupe Abihssira avaient accepté leur exclusion ; qu'il a de même refusé de déclarer l'article 12 nul pour causes d'abus de position dominante, et de potestativité et jugé que l'indemnité forfaitaire qu'il prévoit, est une clause pénale et que le GALEC pouvait "théoriquement" retenir jusqu'à trente trois mois de ristournes et était parfaitement en droit d'investir, comme il l'a fait, des ristournes dans des projets d'intérêt commun aux coopérateurs ; que le Tribunal de commerce a déclaré constater que le GALEC chiffrait l'indemnité forfaitaire à 12 300 000 F environ, le Groupe Abihssira à 5 442 862 F, montant des ristournes de l'année 1991, et a décidé de réduire la clause pénale à ce dernier montant correspondant selon lui à 2,5 % du chiffre d'affaires annuel ;

Que le Tribunal de commerce a commis ce faisant une erreur de chiffrage de l'indemnité forfaitaire de départ qui se compose contractuellement des ristournes perdues évaluées par les experts au minimum à 33 320 318 F et d'une somme égale à 0,625 pour cent du chiffre d'affaires toutes taxes comprises de l'année 1990 que le GALEC fixe sans être contesté à 12 049 382 F, qu'il a commis une seconde erreur en relevant que la somme de 5 442 862 F à laquelle il réduisait cette indemnité jugée manifestement excessive, correspondait à 2,50 % du chiffre d'affaires annuel alors qu'à ce taux elle eût dû être de 21 771 448 F ;

Considérant que le Tribunal de commerce pouvait d'autant moins rectifier par arrêt du 27 novembre 1995 ces deux erreurs, qu'il le fasse sur requête en rectification d'erreur matérielle ou sous prétexte d'omission de statuer, en revenant sur sa décision de fixer à 5 442 862 francs, correspondant de surcroît selon lui aux seules ristournes de l'année 1991 qui étaient pourtant perdues, le montant de l'indemnité forfaitaire de départ restant due par le groupe Abihssira et y substituer une créance du même groupe de 33 934 804 - 5 442 862 = 28 491 942 francs ; que la Cour se trouvait saisie de l'intégralité du litige par l'appel du 3 août 1995 ; qu'il n'existait pas d'omission de statuer, que les erreurs commises n'autorisaient pas un tel bouleversement des droits et obligations résultant de la décision initiale ;

Qu'il convient de constater que les premiers juges ont excédé leur pouvoir, d'infirmer le jugement du 27 novembre 1995 en toutes ses dispositions et d'en mettre les dépens à la charge du groupe Abihssira ;

Sur la licéité et l'opposabilité de l'article 12 des statuts

Considérant que les sociétés du groupe Abihssira soutiennent que leur acceptation au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 25 juin 1990, de la rédaction actuelle de l'article 12 des statuts du GALEC a été extorquée par la violence que constituait la menace d'une exclusion dans l'hypothèse d'un refus et se trouve entachée de dol et d'erreur dans la mesure où les associés ignoraient, lorsqu'ils ont donné pouvoir de les représenter à leurs centrales d'achat d'affiliation, l'importance des ristournes perdues en cas de départ ou d'exclusion, du fait de l'opacité des comptes de ristournes du GALEC, de l'occultation de certaines perceptions confidentielles et de la tardiveté des reversements ;

Qu'elles prétendent que l'article 12 "viole le droit coopératif" auquel le GALEC est soumis, en particulier les articles 11 et 12 de la loi du 11 Juillet 1972 réglementant les sociétés coopératives de commerçants détaillants qui enfermeraient le droit d'exclusion dans d'étroites limites de forme dont il n'est pas allégué qu'elles aient été méconnues, mais sanctionneraient aussi l'exclu d'une limitation à la valeur nominale des parts du remboursement de la participation au capital social et d'une prolongation durant cinq années de l'obligation de payer le passif social qui constitueraient, avec le dommage économique en résultant une sanction suffisante de l'exclusion sans qu'il y ait lieu d'y ajouter une indemnité assise sur le chiffre d'affaires et la perte des ristournes acquises mais non encore payées ;

Qu'elles soutiennent de même que les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont applicables aux sociétés coopératives à capital variable et que les conditions générales régissant l'exclusion des adhérents du GALEC constituent une "entente prohibée" en ce qu'elles faussent le jeu de la concurrence, et procèdent d'une exploitation abusive de l'état de dépendance économique à l'égard du GALEC, deuxième centrale française d'approvisionnement par laquelle transitaient 97% des achats du groupe Abihssira, de centres distributeurs tenus de pratiquer des marges moyennes de 2,3 % et ne disposant pas de solutions alternatives du fait de l'absence de toute notoriété en dehors de leur appartenance au mouvement Leclerc ; qu'elles voient un abus de cet état de dépendance dans l'opacité de la perception et de la redistribution des ristournes, accrue par les compensations autorisées par l'article 31 des statuts et par l'absence de toute obligation de production de la comptabilité détaillée des comptes courants des adhérents et prétendent qu'en privant l'exclu des ristournes dont dépendent les prix de revente et qui constituent un élément essentiel de la trésorerie des centres distributeurs, l'article 12 réduit sensiblement ses ressources vitales, compromet ses chances de reclassement et porte atteinte ainsi à la libre concurrence ;

Qu'elles ajoutent qu'en privant l'exclu des ristournes à venir qui constituent pour le Centre Distributeur un élément essentiel de la détermination des prix, l'article 12 conduit à des ventes à perte prohibées par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et permet de surcroît au GALEC de se dispenser unilatéralement de son obligation qui devient ainsi potestative et nulle, de reverser les ristournes qu'il perçoit pour le compte de ses adhérents, puisqu'il lui suffit d'exclure son débiteur ;

Considérant qu'ainsi que les premiers juges l'ont pertinemment relevé, l'article 12 des statuts a été voté en sa forme actuelle par décision d'une assemblée générale extraordinaire du 25 juin 1990 prise régulièrement par des adhérents qui ont accepté de se plier à la régie majoritaire d'un mouvement coopératif, et qu'il n'est justifié ni d'une contestation contemporaine de Jacques Abihssira et de ses associés qui ont pris part à l'assemblée et voté la résolution critiquée, ni d'un quelconque vice du consentement des votants, qu'ils aient été présents ou qu'ils aient donné pouvoir de les représenter, en particulier d'une contrainte que ne peut constituer l'obligation pour un coopérateur de se soumettre aux décisions prises conformément, aux statuts, ou d'une ignorance invraisemblable de la portée de la sanction de l'exclusion choisie par des adhérents qui avouent calculer leurs prix de revente en tenant compte des ristournes attendues et ne se plaignent pas d'un déficit d'information concernant l'utilisation d'intérêt commun d'une fraction de ces ristournes ;

Qu'il est de l'essence même du coopératisme animant les coopérateurs que ceux-ci s'entraident et créent des outils communs collectivement financés et que le retrait d'un coopérateur, à plus forte raison s'il procède d'une exclusion, soit assorti d'une sanction indemnitaire et dissuasive évitant que les coopérateurs restants demeurent seuls tenus des risques décidés en commun et d'achever l'amortissement d'investissements dont le partant ou l'exclu a temporairement tiré profit ; que l'article 12 des statuts du GALEC qui autorise le retrait de l'adhérent bien qu'il se soit engagé par principe pour au moins trente ans, ne contrevient pas au coopératisme et plus précisément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1972 qui n'interdisent nullement d'ajouter aux sanctions qu'elles édictent, une indemnisation forfaitaire autorisée par l'article 52 de la loi du 24 juillet 1967 mais réductible par application de l'article 1152 du Code civil ;

Que le Groupe Abihssira n'apporte pas la preuve de la dépendance économique alléguée des Centres distributeurs à l'égard du GALEC ou de leur centrale d'achat d'affiliation; que l'exclusivité d'approvisionnement correspond au but recherché par l'adhérent; qu'elle n'est pas illicite; que les centres distributeurs demandent le panonceau Leclerc pour bénéficier des " avantages " qu'il procure, dont l'essentiel réside dans la faculté de tirer profit d'achats d'autant plus compétitifs qu'en les fédérant le GALEC, leur centrale de référence, est à même de les négocier au plus bas prix possible, et dans la disposition de services communs; qu'il est logique que leur départ ou leur exclusion les prive de ces avantages; qu'ils disposent au surplus d'une solution équivalente en s'affiliant à l'une des autres structures collectives comparables, ce que certaines des sociétés appelantes se sont empressées de faire en adhérant aux structures du groupe Auchan; que la concurrence entre commerçants opérant sur le même marché ne se trouve pas affectée par une exclusion d'adhérent dont la décision statutaire, à l'instar d'une décision de conseil d'administration ou d'assemblée générale d'associés, est nécessairement collective mais ne peut être qualifiée d"entente" et qui ne peut influer ni sur les prix, ni sur les sources d'approvisionnement et les débouchés;

Que les sociétés du groupe Abihssira ne peuvent sérieusement soutenir qu'il leur était impossible d'éviter de revendre à perte du fait de l'incertitude concernant la perception de ristournes dont le GALEC pouvait discrétionnairement les priver ; qu'elles passaient commande connaissant les prix obtenus des fournisseurs par le GALEC et disposaient d'éléments suffisants pour évaluer les ristournes et autres avantages susceptibles de diminuer ces prix, qu'il leur appartenait en toute hypothèse de fixer leurs prix de revente de telle sorte qu'il subsiste une marge bénéficiaire, en tenant compte de l'incertitude concernant le reversement de remises dépendant de leur encaissement par le GALEC et de l'éventuelle affectation collective des ristournes à des investissements communs ; que l'opacité alléguée des comptes est sans portée sur la fixation des prix puisque les Centres distributeurs n'ont pu intégrer dans leurs calculs des remises occultes, s'il y en eût, faute d'en avoir connu l'existence ;

Que le GALEC n'est enfin nullement maître de l'application de l'article 12 de ses statuts qui suppose soit le départ volontaire soit une faute de l'adhérent qui peut être soumise à un contrôle judiciaire, ou en l'espèce au retrait de panonceau décidé par un tiers ;

Considérant que les sociétés du groupe Abihssira soutiennent subsidiairement que les dispositions de l'article 12 des statuts ne leur sont pas applicables ; qu'elles reprochent en effet au GALEC d'avoir enfreint ses obligations légales et statutaires de comptabilisation et de reversement des ristournes, déclarent reprendre les critiques des experts concernant l'état d'une comptabilité enregistrant en moyenne plus d'un milliard de francs de ristournes par an, dénoncent la conservation abusive des ristournes tardivement reversées et l'affectation irrégulière des ristournes à des investissements et en déduisent qu'elles sont elles mêmes déliées des obligations de l'article 12 des statuts par application de l'article 1184 du Code civil ;

Considérant que les experts dans leur rapport définitif ont certes dénoncé avec l'insuffisance des moyens due à un souci louable de réduction des coûts, deux " faiblesses majeures" de l'organisation du GALEC, l'absence de contrôle de la concordance de comptabilisation des ristournes, telle qu'opérée par le GALEC, et des achats qui en constituent l'assiette, telle que tenue par les centres distributeurs, et la comptabilisation insuffisamment précise de ristournes dites "confidentielles" parce qu'elles font l'objet d'accords secrets parfois verbaux que les centres distributeurs reçoivent dans l'ignorance de l'origine, du taux et de l'assiette ;

Qu'ils n'en ont pas moins corrigé un avis initial fort critique mais erroné donné en 1992 par un premier expert, constaté que les nombreux sondages et contrôles opérés n'avaient révélé aucune anomalie et en particulier aucune dissimulation de recettes et notamment de celles dites confidentielles, sans pouvoir exclure que des fournisseurs aient bénéficié d'une absence de contrôle et que ce sont au contraire les sociétés du groupe Abihssira qui ont avancé en cours d'expertise des chiffres inexacts tenant en particulier à l'intervention concurrente de leur centrale d'approvisionnement Parouest ; qu'ils ont de même relevé que le GALEC respectait les délais statutaires de reversement des ristournes ;

Que les fautes d'exécution alléguées ne sont pas établies ; qu'elles ne concernent nullement au surplus la contrepartie, des obligations résultant de l'article 12 des statuts et ne sauraient justifier en tout état de cause une quelconque dispense de paiement de l'indemnité forfaitaire d'exclusion ;

Considérant que la décision de retrait du panonceau Leclerc par l'ACDLEC ne saurait constituer un cas de force majeure susceptible de faire échec à l'application de l'article 12 des statuts, sauf à vider de tout sens la partie de ce texte appliquée au Groupe Abihssira ; qu'elle est en réalité un événement prévisible puisqu'envisagé par les statuts qui n'est pas nécessairement irrésistible et qui peut ouvrir droit à une action en dommages-intérêts contre son auteur ;

Sur les comptes d'exclusion

Considérant que la fraction de l'indemnité forfaitaire égale à 0,625 pour cent du chiffre d'affaires toutes taxes comprises de l'année civile précédant l'exclusion a été chiffrée à 12 049 382 F par le GALEC sans susciter de contestation ; que les experts ont chiffré à 33 934 804 F le montant minimum des ristournes non reversées auxquelles le groupe Abihssira peut prétendre, soit 614 486 F de plus que l'évaluation proposée par LE GALEC ; que les adjectifs "direct" et "indirect" utilisés par l'article 12 des statuts impliquent que les ristournes s'entendent de toutes sommes susceptibles de revenir aux centres distributeurs ;

Que les appelants auxquels incombe la charge de cette preuve ne justifient d'aucun droit à d'autres ristournes qu'ils ont chiffré à 6 872 000 F des ristournes de fin d'année et 7 200 000 F des ristournes dites de quarante ans dont ils se prétendaient frustrés ; qu'ils ont abandonné les premières dans leurs conclusions récapitulatives et ajouté aux secondes 37 197 682 F de ristournes dites confidentielles ; que les experts ont chiffré le redressement à 6 934 francs qu'ils ont inclus dans les 614 486 F ajoutés à l'évaluation du GALEC ; que l'indemnité forfaitaire d'exclusion s'élève ainsi à 33 934 804 + 12 049 382 = 45 984 186 F toutes taxes comprises ;

Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont refusé au Groupe Abihssira la restitution de leur part des ristournes consacrée à des investissements dont l'intérêt commun n'apparaît pas contestable ; qu'à supposer même que de tels investissements auraient du être approuvés par les associés du GALEC réunis en assemblée générale, la Cour ne peut que constater que les décisions du conseil d'administration ont été tacitement ratifiées par les adhérents, que Jacques Abihssira y a pris part sans les contester en tant qu'administrateur du GALEC, que leur remise en cause apparaît seulement dans des conclusions du 25 octobre 1994 et que ces ristournes qui n'ont pas été reversées à leurs bénéficiaires d'origine, sont perdues par application de l'article 12 des statuts du fait de l'exclusion des intéressés ;

Considérant que les experts ont chiffré à 674 212 F la part susceptible de revenir au Groupe Abihssira des intérêts de retard que le GALEC a omis de réclamer aux fournisseurs ; qu'il n'est pas établi cependant que le GALEC ait perçu ces fonds ni qu'il ait réellement commis une faute dans la mesure ou l'absence de recouvrement pourrait trouver son explication dans des négociations de prix et de ristournes ; qu'il appartient là encore aux appelants de justifier de leurs droits ; qu'ils n'en font rien ;

Considérant que les premiers juges ont à juste titre estimé que l'application de la clause pénale que constitue l'article 12 des statuts du GALEC, aboutissait à mettre à la charge du groupe Abihssira une indemnité forfaitaire manifestement excessive ; que les 45 984 186 F retenus par la Cour correspondent à 2,385 pour cent du chiffre d'affaires toutes taxes comprises de l'année 1990 ; que leur décision de condamnation des appelants aboutissait à une clause pénale égale à 1,04 % du même chiffre d'affaires qui apparaît plus raisonnable compte tenu de la faiblesse des marges de l'activité exercée ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions mais en y ajoutant les intérêts au taux légal demandés à compter de la mise en demeure du 13 janvier 1992, eux mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à partir du 5 février 1997 ; que la solidarité n'est pas contestée ;

Considérant que l'intervention volontaire du GIE Paris Sud Expansion est sans objet, le GALEC n'étant pas condamné ;

Considérant qu'il serait inéquitable que le GALEC conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : Infirme le jugement du 27 novembre 1995 en toutes ses dispositions, Confirme le jugement du 19 juillet 1995 sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire du GIE Paris Sud Expansion ; Y ajoutant condamne les appelants à verser au groupement d'achats des Centres Leclerc des intérêts au taux légal sur 5 442 862 F à compter du 13 janvier 1992 eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à partir du 5 février 1997, ainsi que 100 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel ; Les condamne en tous les dépens des deux jugements et du présent arrêt, Admet la société civile professionnelle Lagourgue, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.