Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 mars 1997, n° 5279-95

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Coopérative d'approvisionnement GALEC (SA)

Défendeur :

Bouliac Distribution (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Renauldon

Avoués :

Me Treynet, SCP Jullien & Lecharny & Rol

Avocats :

Mes Parléani, Wilhelm.

T. com. Nanterre, 3e ch., du 28 mars 199…

28 mars 1995

Faits et procédure

Le Mouvement Leclerc regroupe des entreprises de distribution indépendantes dont le dirigeant bénéficie du droit d'user des marques et de l'enseigne "Édouard Leclerc". Ces entreprises sont communément désignées sous l'appellation "Centres Leclerc".

L'organisation du Mouvement Leclerc peut être résumé de la façon suivante :

- L'Association des Centres Distributeurs Édouard Leclerc, dite ACDLEC, regroupe les personnes physiques dirigeant des sociétés exploitant des centres distributeurs. Elle a pour vocation notamment de concéder et retirer l'usage des marques Leclerc et du panonceau Leclerc et chaque dirigeant, membre de l'ACDLEC, souscrit à cet effet un "contrat d'attribution de panonceau".

- Chaque société exploitant un centre distributeur dont le dirigeant bénéficie de l'enseigne Leclerc, adhère elle-même à une centrale régionale d'achat, société coopérative regroupant les centres distributeurs d'une même région géographique. La centrale régionale assure notamment une partie de l'approvisionnement de ses adhérents, en leur revendant des marchandises qu'elle acquiert auprès de ses fournisseurs, chaque centre distributeur Leclerc restant libre toutefois de s'adresser aux fournisseurs de son choix.

- Par ailleurs, chaque Centre Leclerc et chaque Centrale Régionale d'Achat sont membres d'une autre société coopérative située en haut de la pyramide, à savoir la Centrale Nationale de Référencement du Mouvement Leclerc, dite LE GALEC, dont le rôle consiste à "référencer" les fournisseurs qui pourront proposer leurs produits aux centres distributeurs à des conditions préalablement négociées avec cet organisme et à mettre à la disposition de ces mêmes centres distributeurs des services par l'intermédiaire de diverses filiales tels que banques ou agences de voyage.

L'originalité de ce système est qu'il est constitué d'entités distinctes, juridiquement indépendantes les unes des autres, bien que complémentaires sur le plan économique.

La société anonyme Bouliac Distribution exploitait à Bordeaux, depuis le mois de mai 1982, un centre Leclerc.

A ce titre, elle adhérait, conformément au système précédemment décrit, à la société Coopérative SCASO (centrale d'achat de la région bordelaise) et au GALEC (centrale nationale de référencement).

Par suite du retrait de son fondateur et principal actionnaire, Monsieur Philippe, qui a démissionné de ses fonctions le 17 octobre 1992, un changement de majorité s'est produit au sein du Conseil d'Administration au profit du groupe Auchan.

Le 6 novembre 1992, jour même de sa nomination, le nouveau Président de la SA Bouliac Distribution faisait connaître à l'ACDLEC que la société changerait d'enseigne et de centrale d'approvisionnement à compter du 9 novembre 1992.

Ultérieurement et par acte signifié le 23 novembre 1992, la SA Bouliac Distribution notifiait à l'ACDLEC, à la SCASO et au GALEC qu'elle avait "changé d'actionnaire majoritaire le 6 novembre 1992, lequel se trouvait être désormais la société SAMU Auchan".

En conséquence de cette décision, l'ACDLEC procédait le 24 Novembre 1992 à la radiation de Monsieur Philippe et au retrait du bénéfice du panonceau "Édouard Leclerc".

Par ailleurs, la société Bouliac Distribution était convoquée le 15 décembre 1992 à une réunion du Conseil d'Administration du GALEC, réunion à laquelle elle ne se présentait pas et ledit Conseil d'Administration décidait, à l'unanimité des membres présents, d'exclure la société Bouliac Distribution du GALEC.

Cette décision était notifiée à la société Bouliac Distribution le 15 janvier 1993.

Invoquant l'article 12 de ses statuts, le GALEC réclamait par ailleurs, par courrier recommandé avec accusé réception du 15 avril 1993, à la société Bouliac Distribution une indemnité de rupture de 2 497 854 F calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé en 1991.

Cette indemnité n'ayant pas été réglée, le GALEC a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre, conformément à la clause attributive de compétence prévue à ses statuts, d'une action en paiement.

La société Bouliac Distribution a conclu à la nullité de l'article 12 des statuts du GALEC ainsi qu'à son caractère excessif au regard des dispositions de l'article 1152 du Code civil et, reconventionnellement, elle a demandé le paiement des ristournes devant lui revenir et prétendument retenues abusivement par le GALEC.

Par jugement en date du 28 mars 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal a :

- validé la clause pénale, inscrite à l'article 12 des statuts du GALEC portant indemnité forfaitaire de retrait et d'exclusion

- dit que cette clause pénale ne revêtait aucun caractère excessif ;

- condamné en conséquence la société Bouliac Distribution à payer au GALEC la somme de 2 497 854 F, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 avril 1993 et autorisé le GALEC à capitaliser les intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- dit que, toujours en application de l'article 12 des statuts, toutes les ristournes perçues par le GALEC après le 6 novembre 1992, date de la rupture, resteraient acquises au GALEC mais ordonné une mesure d'expertise aux fins de vérifier notamment le montant des ristournes directes ou indirectes qui pourraient revenir à la société Bouliac Distribution avant cette date ;

Appel de cette décision a été interjeté tant par la société Bouliac Distribution que par le GALEC. Les procédures issues de ces actes d'appel séparés ont été jointes par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 24 Octobre 1995.

Pour la commodité de l'exposé, la position de la société Bouliac Distribution, bien que seconde appelante, sera exposée en premier dans la mesure où elle remet en cause la totalité des dispositions du jugement déféré alors que l'appel du GALEC est limité à la question des ristournes.

A l'appui de son recours, la société Bouliac Distribution soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'article 12 des statuts du GALEC ne peut être que déclaré nul et de nul effet.

A cet égard, elle invoque tout d'abord l'atteinte à l'ordre public qui résulterait de son application dès lors que cet article recèle en ses dispositions un objet et un effet anticoncurrentiel ainsi qu'une atteinte au droit de retrait de l'adhérent d'une société à capital variable et à forme coopérative. Elle rappelle que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sanctionne les ententes illicites et estime que, tant au regard de la jurisprudence interne et notamment celle du Conseil de la concurrence que des dispositions arrêtées par la Commission de la Communauté européenne, l'article 12 matérialise une entente illicite portant atteinte à la concurrence dès lors qu'il empêche, par le biais d'une pénalité très onéreuse et disproportionnée, les adhérents du Mouvement Leclerc, pourtant commerçants indépendants, de changer d'enseigne. Elle ajoute que ledit article contrevient également aux dispositions de l'article 8-2 de l'ordonnance précitée qui sanctionne les abus de domination, faisant valoir qu'en l'espèce sont réunis les critères objectifs d'une dépendance économique de l'adhérent lequel, s'il ne joue pas le jeu, s'expose au paiement d'une sorte "d'amende rétroactive" puisque l'application de celle-ci entraîne la perte des ristournes pourtant comptablement acquises au profit dudit adhérent mais non encore payées. Elle ajoute encore que, comme il a été dit, l'article 12 contrevient à l'ordre public coopératif et notamment au principe d'ordre public énoncé par l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867, du droit de retrait de l'adhérent dans les sociétés coopératives à capital variable. Elle estime qu'en l'espèce, il est porté atteinte à ce droit dès lors qu'elle est tenue d'acquitter une pénalité "de sortie" économiquement insupportable et que la durée de l'engagement est démesurée par rapport à ce qui est traditionnellement admis, celle-ci étant largement supérieure en l'espèce à la durée de vie professionnelle d'un dirigeant d'entreprise.

Elle soutient par ailleurs que l'article 12 constitue également une violation des dispositions fondamentales du droit des contrats. A cet égard, elle fait tout d'abord valoir qu'il contrevient aux règles de la compensation posées par les articles 1289 et suivants du Code civil. Elle ajoute qu'il n'a été accepté par elle que par suite de dol ou d'erreur dans la mesure où le GALEC a perçu des ristournes dites "confidentielles" non connues d'elle lorsqu'elle s'est engagée. Elle y voit aussi un pacte léonin dès lors qu'il stipule un abandon par l'adhérent de ristournes, pourtant acquises par lui à une époque où il était associé de la coopérative, et que la renonciation à un droit de créance ne peut que concerner une créance certaine, liquide et exigible, ce qui n'est pas selon elle le cas des ristournes telles que définies par les statuts du GALEC, étant observé en outre que ce dernier n'est pas propriétaire desdites ristournes et qu'il ne les perçoit que pour le compte de ses adhérents.

Pour l'ensemble de ces motifs, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a ordonné une expertise nécessaire à l'établissement d'un compte définitif, et de:

- déclarer nulles et de nul effet les dispositions de l'article 12 des statuts du GALEC ;

- ordonner la restitution de toutes sommes versées par elle au titre du jugement dont appel ;

- ordonner la restitution de la somme de 4 859 540,09 F représentant les ristournes indûment retenues par le GALEC ;

- compléter la mission d'expertise ordonnée par les premiers juges comme suit:

* vérifier et déterminer le montant des ristournes affecté par le GALEC à l'ensemble de ses investissements ;

* déterminer la quote-part lui revenant ;

* vérifier et déterminer le montant de ristournes affecté aux prêts de 70 millions de francs consenti par le GALEC ;

* déterminer la quote-part lui revenant à ce titre ;

* déterminer plus généralement toutes sommes lui revenant ou devant lui revenir à quelque titre que ce soit par application des statuts du GALEC, nonobstant l'application de l'article 12 ;

- dire et juger que la mission d'expertise devra s'exercer dans le respect absolu des règles du contradictoire et notamment que l'expert aura accès à tous les documents utiles sans que le GALEC puisse arguer du secret des affaires ;

A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit jugé que l'article 12 des statuts du GALEC constitue une clause pénale et que, eu égard au caractère excessif et disproportionné des dispositions qu'il contient, lesquelles aboutissent à priver un dirigeant d'entreprise de tous les efforts qu'il a effectués pendant de nombreuses années au profit du mouvement Leclerc, la pénalité soit, après révision, ramenée à 1 F et la restitution des 4 859 540,09 F de ristournes bloquées immédiatement ordonnée.

Plus subsidiairement encore, elle demande qu'il soit constaté que l'article 12 des statuts du GALEC ne prévoit pas l'abandon par l'adhérent retrayant de son compte courant et qu'en conséquence, soit ordonnée la restitution des ristournes perçues par le GALEC avant le 6 novembre 1992.

Elle sollicite également, si l'ensemble de ces moyens n'était pas retenu, un sursis à statuer jusqu'à l'issue des opérations d'expertise ordonnée par les premiers juges.

Enfin et en tout état de cause, elle réclame une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le GALEC réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

- validé la clause portant indemnité forfaitaire de retrait et d'exclusion telle que figurant à l'article 12 de ses statuts ;

- condamné la SA Bouliac Distribution à lui payer la somme de 2 497 854 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1993 avec capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;

En revanche, il fait grief aux premiers juges d'avoir ordonné une mesure d'expertise reposant sur une interprétation erronée des dispositions de l'article 12 en ce qui concerne la retenue des ristournes, le tribunal ayant considéré à tort que les ristournes qui devaient être retenues sont celles qui ne lui ont pas encore été versées par les fournisseurs au jour de retrait ou de l'exclusion du coopérateur, alors que l'article 12 vise selon lui les ristournes que lui-même n'a pas encore versées au coopérateur au jour de son retrait ou de son exclusion. Il en déduit que la mesure d'expertise ordonnée n'est d'aucune utilité en l'espèce et que la société Bouliac Distribution ne peut prétendre à aucun paiement de ristournes qu'elles soient directes ou indirectes.

MOTIFS DE LA DECISION

A - Sur la prétendue nullité de l'article 12 des statuts du GALEC

Considérant que l'article 12 des statuts du GALEC prévoit notamment :

- (Que) tous les adhérents au 25 juin 1990 s'engagent à demeurer membres du GALEC pour une durée égale à au moins 25 ans, durée qui sera égale au moins à 30 ans pour les nouveaux adhérents ;

- (Que) en cas de retrait anticipé, quelle qu'en soit la cause, l'associé retrayant est redevable, à l'égard du GALEC, d'une indemnité forfaitaire comprenant :

* la perte, au jour de sa décision de retrait, de tous droits à ristournes directes ou indirectes non encore payées, qui seront acquises au GALEC ;

* en outre, le versement d'une somme représentant un demi pour cent (0,50 %) du chiffre d'affaires TTC de la dernière année civile précédant la date du retrait ; (que) si cette dernière année ne représente pas douze mois de chiffre d'affaires, la base de référence sera déterminée par application d'une règle de trois pour élever le chiffre d'affaires à douze mois ;

- (que) l'exclusion d'un associé peut être prononcée par le Conseil d'Administration ;

- (que) l'exclusion, quelle qu'en soit la cause, entraîne le versement par l'adhérent exclu de l'indemnité prévue pour le cas de départ anticipé par l'alinéa 1 ci-dessus, majorée de 25 % ;

Considérant que la société Bouliac Distribution soutient que l'article 12 précité doit être déclaré nul dans la mesure où il porte atteinte à l'ordre public concurrentiel ainsi qu'à l'ordre public coopératif et où il contrevient aux dispositions fondamentales du droit des contrats ; que ces moyens seront successivement analysés ;

a) Sur l'atteinte à l'ordre public concurrentiel

Considérant que la société Bouliac Distribution fait tout d'abord valoir que l'article 12 des statuts du GALEC entrave la liberté individuelle en empêchant un commerçant indépendant de changer d'enseigne ; qu'elle en déduit que ledit article contrevient aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui sanctionne par la nullité les ententes illicites ;

Considérant cependant qu'il appartient à l'appelante de rapporter la preuve que, du fait de la pénalité de "sortie" instaurée par les statuts du GALEC, il en résulterait une affectation sensible de la concurrence sur un marché défini comme pertinent ;

Considérant que la société Bouliac Distribution expose qu'il existerait en réalité deux marchés :

- un premier marché de commerce de détail en grande surface de produits de consommation qui se distingue du marché de détail dans le commerce traditionnel ou populaire ;

- un deuxième marché de commerce de détail en grande surface de produits de consommation exercé par des sociétés de commerçants indépendants, sous-marché du précédent, qui s'exerce sous une enseigne commune fédératrice, sous marché qui constituerait le seul marché pertinent à prendre en considération et sur lequel le mouvement Leclerc détient une position dominante ;

Mais considérant que cette distinction artificielle ne saurait être suivie ; qu'en effet le marché se définit comme le lieu théorique où se rencontrent l'offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables ; qu'autrement dit, ce qui importe pour le consommateur ou l'utilisateur final, c'est l'offre faite par les magasins à grande surface concernant chaque produit ou chaque type de produit et non la forme juridique sous laquelle s'exerce l'activité de grande distribution ; qu'il importe peu que le magasin soit adhérent d'une coopérative ou franchisé ou exploité sous forme de succursale ou de filiale;

Or considérant que force est de constater que l'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le marché des produits substituables concernés serait affecté par la prétendue situation monopoliste de Leclerc sur un certain type de distribution qui ne concerne, au demeurant, qu'une part du marché pertinent tel que précédemment défini ; que l'article 12 des statuts constitue d'autant moins un obstacle au changement d'enseigne en figeant comme il est prétendu les parts de marché, qu'il est établi que, depuis 1993, un certain nombre de commerçants indépendants ont pu quitter le mouvement Leclerc nonobstant les pénalités instaurées, étant observé que le gel des implantations de grandes surfaces a entraîné une survalorisation des commerces déjà installés et une vive concurrence entre les différents opérateurs pour s'approprier les commerces existants ; qu'il est, dans ces conditions, légitime que chaque opérateur, qui a eu recours pour mettre en place son réseau de distribution, soit à la filialisation, soit à la succursalisation, soit au système coopératif, préserve sa force concurrentielle sur le marché par un système de fidélisation de ses adhérents, l'objectif ainsi poursuivi étant facteur d'une amélioration de la concurrence et non d'une restriction puisqu'il permet le maintien d'une pluralité d'opérateurs tant dans leur nombre que dans leur diversité d'organisation ; que la situation inverse aboutirait au risque de voir se créer, au profit d'un seul opérateur, une situation de monopole ou de favoriser les ententes entre un petit groupe limité d'opérateurs, ce qui serait défavorable aux consommateurs et contraire à l'objectif poursuivi par l'article 7 de l'ordonnance précitée ;

Considérant que la société Bouliac Distribution invoque ensuite, pour voir prononcer la nullité de l'article 12 des statuts du GALEC, l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui sanctionne l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique ; qu'à cet égard, elle fait valoir que les adhérents du mouvement Leclerc doivent s'approvisionner auprès de fournisseurs référencés, sous peine d'exclusion, et s'aligner sur toutes les décisions de ce mouvement sans pour autant bénéficier de solution équivalente dès lors que le mouvement Leclerc bénéficie de 43 % du marché coopératif de la distribution, qu'il jouit de la plus forte notoriété ainsi que de moyens logistiques et tarifaires hors du commun, qu'il peut en outre, à tout moment, si un adhérent ne se soumet pas aux contraintes du système, rompre les livraisons, prononcer des exclusions non motivées et imposer un dédommagement rétroactif particulièrement démesuré ; qu'elle voit dans de telles pratiques un abus d'exploitation de la dépendance économique des entreprises indépendantes adhérentes du mouvement Leclerc et plus particulièrement du GALEC ;

Mais considérant que l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige que la pratique incriminée ait pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; or force est de constater que cette preuve n'est pas rapportée, l'appelante se bornant à se référer au seul marché coopératif qui n'est pas un marché pertinent, comme il a été vu précédemment;

Considérant par ailleurs que l'article 8-2 vise très expressément le rapport client-fournisseur;

Orconsidérant que le coopérateur n'est pas seulement un client de la coopérative; qu'il est aussi son associé qui, dans le cadre de "l'affectio societatis", profite de la coopérative et tire bénéfice des activités de celle-ci notamment en bénéficiant des avantages tarifaires obtenus des fournisseurs, en participant à la répartition des excédents et tirant profit encore de l'accès aux filiales et aux services de la coopérative;

Considérant que, de même, l'article 8-2 suppose que celui qui se dit victime d'un abus de dépendance économique ait été contraint de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées et qu'il "ne dispose pas de solution équivalente";

Or considérant qu'en l'espèce le départ de la société Bouliac Distribution n'est en rien la conséquence d'un refus de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées mais le fait de son rachat par un groupe concurrent, le groupe Auchan, qui lui a permis aussitôt de poursuivre ses activités sans avoir même à les réorienter, ce qui démontre qu'il existait pour la société appelante une solution équivalente et qu'à aucun moment le jeu du marché n'a pu être faussé par ce changement, de surcroît volontaire, d'enseigne;

Considérant qu'il en résulte que l'article 12 des statuts du GALEC ne saurait être annulé pour atteinte à l'ordre public économique;

b) Sur l'atteinte à l'ordre public coopératif

Considérant que la société Bouliac Distribution rappelle que l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 pose le principe du droit de retrait de chaque associé dans les sociétés coopératives à capital variable ; qu'elle ajoute que, si la jurisprudence a admis que le droit de retrait pouvait être "aménagé", c'est à la condition toutefois que son exercice effectif reste en pratique possible et qu'il n'y ait pas entrave, même indirecte, à cette faculté ; qu'elle estime qu'en l'espèce, il est porté atteinte à son droit de retrait d'une part par le montant démesuré de la pénalité qui lui est réclamé, soit environ 8 millions de francs compte-tenu de la rétention des ristournes outre la pénalité de 11 millions de francs qui lui est également réclamée dans le cadre d'une autre procédure par la coopérative régionale d'achat SCASO, d'autre part par la durée d'adhésion imposée à son ancien dirigeant, soit 25 ans à compter de l'année 1990, alors que Monsieur Philippe était déjà adhérent du mouvement Leclerc depuis 8 années ce qui enferme abusivement toute la vie professionnelle de ce dirigeant dans le mouvement Leclerc ; qu'elle en déduit que l'article 12 des statuts du GALEC, imposé en 1990 à l'ensemble des adhérents et qui viole délibérément les dispositions d'ordre public de l'article 52 de la loi précitée, ne peut être qu'annulé ;

Mais considérant que ce raisonnement ne saurait être suivi ;

Considérant tout d'abord que, si l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 consacre le droit de retrait de l'associé coopérateur, force est de constater qu'il prévoit également, comme l'admet l'appelante, la possibilité de "conventions contraires" qui viennent faire obstacle à ce droit de retrait, ces clauses contraires statutaires étant en pratique habituelles, du fait même de l'objectif coopératif poursuivi par les associés ; qu'à cet égard la question n'est pas de savoir pendant combien de temps une société est restée associée du GALEC mais d'apprécier la durée pendant laquelle elle aura été contrainte de rester au sein du GALEC et de voir son droit de retrait limité ; qu'autrement dit, seule cette durée "d'appartenance contrainte" doit être prise en compte au regard de l'article 52 de la loi précitée et non la période antérieure à l'adoption de l'article 12 voté, il convient de le souligner en 1990 par tous les associés, puisqu'il n'existait avant l'adoption de ce texte aucun obstacle au retrait ; que par ailleurs, la durée de l'engagement ne doit pas s'apprécier comme il est soutenu au regard de la personne physique du dirigeant qui bénéficie du panonceau Leclerc mais au regard de la société qui seule a souscrit l'engagement, lequel engagement ne saurait se confondre avec les engagements pris à titre personnel par son actionnaire majoritaire, celui-ci gardant toujours la possibilité de se retirer et de poursuivre sa vie professionnelle sans payer l'indemnité s'il cède ses actions au sein du mouvement Leclerc et étant observé que la pénalité n'est applicable, conformément à l'objectif recherché, qu'au cas de cession des actions à la concurrence ou d'affiliation à la concurrence ; que c'est donc au regard de ces règles fondamentales qu'il convient de rechercher si la durée de l'engagement prévu à l'article 12 des statuts du GALEC est licite et si le montant de l'indemnité prévue par les mêmes statuts ne fait pas obstacle de fait à l'exercice du droit de retrait de l'adhérent coopérateur, à savoir la société Bouliac Distribution ;

Considérant qu'en ce qui concerne la durée de l'engagement, il est de jurisprudence constante que les clauses interdisant le retrait pendant 25 ans sont parfaitement licites dès lors qu'elles sont inférieures à la vie professionnelle d'un dirigeant personne physique et à fortiori à la durée de vie moyenne d'une société ; que ces dérogations conventionnelles, couramment admises et pratiquées, reposent sur l'idée d'une protection réciproque du coopérateur et de la coopérative ; qu'en effet, pendant la durée du contrat de coopération, la coopérative protège son adhérent en s'interdisant de livrer à la concurrence et en consentant à ce dernier des conditions préférentielles ; qu'en contrepartie de ces avantages, il est dans la logique économique que le coopérateur s'engage à aménager l'exercice de son droit de retrait ou bien à compenser financièrement les conséquences d'un départ anticipé dès lors que ce départ se traduit inéluctablement par une diminution du chiffre d'affaire de la coopérative et un affaiblissement corrélatif de sa puissance de négociation, phénomène particulièrement sensible dans la grande distribution ou la marge de négociation est fonction essentiellement du volume des achats ; qu'il résulte de ces observations que la durée d'adhésion de 25 ans souscrite par la société Bouliac Distribution lors de la modification des statuts du GALEC, ne présente aucun caractère anormal ou excessif ; qu'au demeurant, et s'il en avait été autrement, son dirigeant de l'époque Monsieur Philippe n'aurait pas voté l'adoption de l'article 12 des statuts, à l'instar des autres coopérateurs, ce qui lui aurait permis d'exercer immédiatement son droit de retrait sans avoir à acquitter la moindre pénalité puisque les anciens statuts n'en prévoyaient pas ;

Considérant qu'en ce qui concerne le montant de la pénalité, il ne saurait être davantage soutenu qu'il fait obstacle au droit de retrait du coopérateur ; qu'en effet, il est constant et non contesté que, nonobstant la pénalité, plusieurs sociétés adhérentes du mouvement Leclerc dont la société Bouliac Distribution sont passées à la concurrence ; que quand bien même le montant de ladite pénalité apparaîtrait prohibitif, ce fait ne serait pas de nature à contrevenir aux dispositions de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 dès lors que ce texte n'a pour seule vocation que de sauvegarder le droit de retrait d'un coopérateur et que la fidélisation de 25 ans, conventionnellement acceptée par la société appelante, ne porte pas atteinte, ainsi qu'il a été dit précédemment, à l'exercice de ce droit ;

c) Sur l'atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats

Considérant que la société Bouliac Distribution soutient tout d'abord que le GALEC ne peut compenser la créance d'indemnité qu'il prétend détenir sur l'adhérent en application de l'article 12 des statuts avec la créance de ristourne que l'adhérent détient sur lui, sauf à violer les dispositions des articles 1289 et suivants du Code civil relatives à la compensation ; qu'en effet, le GALEC n'est pas débiteur des ristournes envers ses adhérents mais les détient en qualité de mandataire et seulement pour compte de ces derniers ; que cela est si vrai que les ristournes sont inscrites au bilan du GALEC en compte de tiers et non en dette ; que dans ces conditions, la compensation ne peut pas opérer puisqu'elle suppose que deux personnes se trouvent à la fois créancières et débitrices l'une de l'autre ;

Mais considérant qu'il suffit de se référer au texte même de l'article 12 du GALEC pour constater que l'abandon des ristournes non encore payées, en cas de retrait anticipé ou de radiation de l'adhérent, n'obéit pas au mécanisme de compensation mais à un abandon forfaitaire et conventionnel au profit du GALEC par l'adhérent des ristournes directes ou indirectes non encore payées dont celui-ci a vocation à devenir créancier ; qu'il en résulte que l'on se trouve en présence d'une clause pénale parfaitement licite dès lors que celle-ci prévoit, en cas de manquement de l'adhérent à son engagement d'adhésion pendant une durée de 25 ans, une réparation conventionnelle représentée par une somme d'argent sinon déterminée au moins déterminable et forfaitairement évaluée ; que le moyen invoqué, tenant à la violation des règles de la compensation qui n'ont pas lieu de s'appliquer en l'espèce sera donc écarté ;

Considérant que la société Bouliac Distribution prétend ensuite qu'elle aurait été victime de manœuvres dolosives émanant de son cocontractant ; qu'elle fait valoir notamment "qu'elle ne pouvait imaginer ce que représentait une telle sentence" (celle de l'article 12) et qu'elle ignorait la pratique des ristournes dites "confidentielles" ;

Mais considérant que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;

Or considérant qu'il sera tout d'abord rappelé que la société Bouliac Distribution adhérait au mouvement Leclerc depuis déjà plusieurs années lorsqu'elle a accepté de voter la modification des statuts comportant la pénalité instaurée par l'article 12 ; qu'elle ne peut donc venir affirmer qu'elle "ne pouvait imaginer ce que représentait une telle sentence" ; que, par ailleurs, toujours à la date de modification des statuts qui doit être seule prise en considération, elle connaissait parfaitement le système de fonctionnement des ristournes puisqu'elle en bénéficiait déjà depuis un certain temps ; qu'il est par ailleurs justifié et non contesté que le montant des ristournes distribuées par le GALEC à ses adhérents est diffusé par serveur informatique accessible à chacun d'eux avec indication nominale du fournisseur, du chiffre d'affaires réalisé avec ce dernier et du taux négocié ; que, de même, figure dans cette diffusion le montant des ristournes dites "confidentielles" sauf que ces renseignements ne sont accompagnés ni du nom du fournisseur, ni du chiffre d'affaires, ni du taux ; que cependant, ces ristournes dites "confidentielles" sont négociées par des groupes de travail émanant d'exploitants des centres Leclerc ; qu'il n'est donc pas crédible de la part de la société Bouliac Distribution d'affirmer, alors qu'elle a participé jusqu'à son changement d'enseigne au système de répartition des ristournes sans émettre la moindre critique ou réserve, qu'elle ignorait la pratique des ristournes "confidentielles" ; qu'il suit de là qu'en l'absence de démonstration de manœuvres déloyales ou dolosives, le moyen invoqué ne pourra être qu'écarté ;

Considérant que l'appelante fait ensuite valoir que l'article 12 des statuts du GALEC, qui stipule la renonciation par l'associé sortant au paiement des ristournes, constitue incontestablement un pacte léonin au sens de l'article 1844-1 du Code civil ;

Mais considérant que l'article 1844-1 du Code civil traite des rapports entre associés dans la répartition des profits et pertes pendant la durée du contrat de société alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une pénalité conventionnelle prévue en cas de retrait anticipé de l'adhérent, soit à une période où celui-ci s'est placé hors de la vie sociétaire ; que les dispositions dont s'agit ne sauraient donc trouver application en la cause d'autant que, jusqu'en 1991, la société Bouliac Distribution a pu participer, à l'instar des autres adhérents du GALEC et aussi longtemps qu'elle est restée associée, à la répartition des ristournes et que l'abandon de celles-ci ne concerne que les droits acquis de la dernière année précédant le retrait ou l'éviction ;

Considérant que la société Bouliac Distribution soutient enfin que l'on ne peut valablement renoncer qu'à une créance certaine liquide et exigible et non à une créance indéterminée ou incertaine ; qu'elle en déduit qu'au moment où l'article 12 a été adopté, elle ne pouvait valablement renoncer au paiement de ristournes qui n'existaient pas encore ou qui étaient pour le moins indéterminables ;

Mais considérant que, sauf dispositions légales contraires comme en matière de prescription, il est possible de renoncer, contrairement à ce qui est prétendu, à un droit non encore acquis ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, il ne s'agit pas de la renonciation à un droit mais ainsi qu'il a été dit, d'un mécanisme de réparation financière dont les modalités parfaitement déterminables ont été convenues à l'avance, en cas de retrait anticipé ou radiation de l'adhérent ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 12 des statuts du GALEC ne contrevient en rien aux dispositions fondamentales du droit économique ou du droit civil et que c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé d'en prononcer la nullité ;

B - Sur l'effet novatoire du compte courant

Considérant que la société Bouliac Distribution, invoquant le principe de l'effet novatoire du compte courant, rappelle que le GALEC perçoit les ristournes auprès des fournisseurs pour le compte de ses adhérents et qu'il est prévu par les statuts que ces sommes sont inscrites en compte-courant et remboursées ultérieurement par le GALEC à ses adhérents ; qu'il est prévu également que les produits financiers éventuellement perçus sur les ristournes sont portés au crédit des comptes courants des sociétaires, au prorata des ristournes revenant à chacun d'eux ; qu'elle ajoute que ces sommes, soit laissées en compte courant, soit non encore inscrites en compte courant, sont utilisées par le GALEC pour faire l'acquisition d'immeubles, de banques et d'agences de voyages ou encore pour proposer des prêts à ses adhérents ; qu'elle estime en conséquence que la perte des ristournes telles que prévue à l'article 12 ne peut concerner que les ristournes non encore inscrites en compte courant et ne peut viser aucunement la perte pour l'adhérent de son compte courant ; qu'elle en déduit que, par l'effet novatoire du compte courant inscrit à l'article 1271 du Code civil, elle est en droit de solliciter le remboursement de la somme de 4 402 525,17 F, correspondant au montant de son compte courant ;

Mais considérant que ce raisonnement méconnaît les règles de fonctionnement du GALEC ; qu'en effet il résulte des pièces des débats et notamment de l'attestation de l'expert comptable de cet organisme que chaque versement effectué par un fournisseur est porté d'abord au crédit d'un compte fournisseur ; que l'apurement de ce compte est réalisé par la répartition de ce compte fournisseur aux adhérents ; que de façon concomitante à cette inscription au compte de l'adhérent, celui-ci perçoit immédiatement le règlement par virement bancaire ; qu'il en résulte qu'il n'y a pas de sommes réparties, c'est-à-dire figurant au crédit du compte de chacun des adhérents qui demeureraient sur ces comptes et qui seraient laissées à la disposition du GALEC ; que la trésorerie de ce dernier ne résulte donc pas de l'utilisation du crédit des comptes des adhérents mais en amont, des sommes non encore réparties ou d'acomptes non encore répartissables par définition ; qu'un tel schéma exclut le mécanisme du compte courant dont se prévaut la société Bouliac Distribution, mécanisme qui se caractérise par le prêt, fait par l'associé sur les sommes qu'il détient en compte courant, à la société dont il est actionnaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce comme il vient d'être dit, étant observé que les opérations réalisées par le GALEC à partir des sommes non encore réparties, outre qu'elles ont été dûment autorisées par le conseil d'administration et qu'elles profitent aux adhérents, ne sont en aucune façon de nature à modifier les droits à ristournes des adhérents ;

C- Sur la justification de la pénalité et sur son montant

Considérant que le GALEC demande à la Cour, dans le cadre de son appel incident, d'interpréter les dispositions de l'article 12 de ses statuts et de constater par ailleurs que, contrairement à ce que prétend la société Bouliac Distribution, ces dispositions ne présentent aucun caractère excessif ;

Considérant tout d'abord, qu'il a été précédemment jugé que la clause qui sanctionne le retrait anticipé d'un adhérent ou sa radiation, s'analyse en une clause pénale dès lors qu'elle prévoit conventionnellement et forfaitairement la pénalité que le coopérateur aura à acquitter en cas de non respect de son engagement d'adhérer pendant 25 ans à la société coopérative ; qu'il convient donc dans un premier temps d'interpréter cette clause et de définir sa portée ;

Considérant que l'article 12 comporte deux sanctions, à savoir une sanction positive comportant obligation de payer une somme calculée au prorata du chiffre d'affaires réalisé au cours des douze derniers mois dont l'application ne suscite pas de difficultés particulières et une sanction négative consistant en la perte des ristournes non encore payées au jour de la décision de retrait qui resteront acquises au GALEC ;

Considérant que, ajoutant au texte de l'article 12, les premiers juges ont retenu que la pénalité d'abandon des ristournes ne s'applique qu'aux sommes non encore perçues par le GALEC au jour de l'exclusion ou du retrait et qu'ils ont en conséquence ordonné une expertise pour déterminer les droits de l'appelante sur les sommes perçues antérieurement par cet organisme mais non encore distribuées ;

Mais considérant que cette interprétation, qui dénature la convention qui fait la loi des parties, ne saurait être suivie ; qu'en effet, l'article 12 prévoit, sans aucune restriction, la perte de tous droits à ristournes qui pourraient être dues au jour du retrait ou de l'exclusion, le terme "ristourne" devant s'entendre au sens du droit coopératif et non au sens des rapports vendeur-acheteur, puisque la sanction s'inscrit, dans le cadre des rapports entre la société coopérative et ses associés coopérateurs et de la réglementation de droit de retrait de ces derniers ; qu'il suit de là que la mesure d'expertise ordonnée ne peut être d'aucune utilité dans la mesure où elle est fondée sur des bases erronées et que toutes les ristournes non encore payées, quelle que soit leur nature, doivent être réputées définitivement abandonnées au jour du retrait ou de l'exclusion ; que la société Bouliac Distribution ne peut donc prétendre à aucun droit de ce chef, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal ;

Considérant qu'il convient ensuite de rechercher si la double pénalité, prévue à l'article 12 des statuts du GALEC, présente un caractère excessif comme il est prétendu par la société Bouliac Distribution ;

Considérant tout d'abord qu'il sera rappelé que la société Bouliac Distribution a voté la modification des statuts lors de l'assemblée générale du GALEC qui s'est tenue le 25 juin 1990 mais qu'elle a également souscrit à une déclaration expresse où l'on peut lire :

"L'engagement de chacun est expressément défini et accepté en toute clarté, la défaillance à cet engagement oblige l'adhérent qui aura tout reçu du GALEC, sans lui fournir la contrepartie attendue, à indemniser la collectivité des coopérateurs selon un barème forfaitairement convenu"

"L'adhérent déclare adhérer sans réserve à la nouvelle rédaction de l'article 12 des statuts du GALEC, libellé comme suit..." ;

Qu'il en résulte que l'article 12 est parfaitement opposable à la société appelante qui avait, il convient de le rappeler, la possibilité de se retirer du mouvement Leclerc si la pénalité envisagée lui avait paru excessive ou disproportionnée ;

Considérant en outre, que cette pénalité est économiquement justifiée ; qu'en effet, elle a pour objet de prévenir et de compenser le préjudice subi par la société coopérative en raison du départ anticipé de ses adhérents, préjudice qui se traduit par le fait que le coopérateur retrayant ou exclu ne règlera plus la quote-part de charges qui lui incombait et par l'affaiblissement de la puissance de négociation et d'investissement de la coopérative, autrement dit de tout ce qui représente la force et la puissance du mouvement Leclerc ; que, de surcroît, le montant cumulé des deux composantes de la pénalité (2 497 854 F et 4 859 540 F) soit 7 357 394 F ne présente aucun caractère excessif dès lors qu'il ne ressort qu'à 1,8 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Bouliac Distribution en 1991 (soit 399 656 587 F hors carburants) ; que ramener à 1 F comme il est réclamé la pénalité de sortie permettrait à une société, créée en partie avec l'aide des capitaux du mouvement Leclerc et qui a pu connaître un développement exceptionnel grâce notamment aux services apportés par ce mouvement et plus particulièrement par le GALEC, compte-tenu de sa capacité de négociation et des services particuliers offerts, de changer d'enseigne ou de se vendre à la concurrence au meilleur prix en raison du gel des implantations, et ce, sans avoir à verser la moindre contrepartie à ses anciens partenaires sans qui, pourtant, le développement qu'elle a connu n'aurait pu être.

Considérant que, dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Bouliac Distribution à payer, à titre d'indemnité d'exclusion, la somme de 2 497 854 F, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1993 et faculté de capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, mais infirmé en ce qu'il a dit que la société Bouliac Distribution pourrait prétendre au paiement des ristournes perçues par le GALEC antérieurement à la décision de retrait et ordonné une mesure d'expertise pour en déterminer le montant, la société Bouliac Distribution étant déboutée de ces chefs de demande ;

D) Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du GALEC les sommes qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel ; que la société Bouliac Distribution sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 20.000 F TTC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre au GALEC par les premiers juges ;

Considérant par ailleurs que la société Bouliac Distribution, qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise qui auraient pu être exposés à ce jour.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit recevables les appels interjetés tant par la société Bouliac Distribution que par la SA Cooperative d'approvisionnement GALEC "dite GALEC" à l'encontre du jugement du 28 mars 1995 par le Tribunal de Commerce de Nanterre, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'article 12 des statuts du GALEC et en ce qu'il a condamné la société Bouliac Distribution à payer au GALEC une indemnité de 2 497 854 F avec intérêts de droit à compter du 15 avril 1993 et autorisé la capitalisation des intérêts, Le confirme également en ce qu'il a alloué au GALEC une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau : Dit que la société Bouliac Distribution ne peut prétendre au paiement de ristournes, quelle que soit leur nature, et dit n'y avoir lieu à expertise pour en déterminer le montant, cette mesure devenant sans objet, Déboute, en conséquence, la société Bouliac Distribution de toutes ses prétentions, Ajoutant au jugement, Condamne la société Bouliac Distribution à payer au GALEC une indemnité complémentaire de 20 000 F TTC au titre de l'article 700 précité, et ce, en couverture des frais que ce dernier a été contraint d'exposer devant la Cour, Condamne également la société Bouliac Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise Maître Treynet, Avoué, à poursuivre directement le recouvrement de la part le concernant comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.