Conseil Conc., 6 mars 2001, n° 01-D-02
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre sur le marché des enrobés bitumineux de la communauté urbaine de Bordeaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Avignon, par Mme Hagelsteen, présidente, MM. Jenny, Cortesse, vice-présidents, Mme Mouillard, MM. Bidaud, Ripotot, Robin, Sloan, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre du 23 novembre 1995, enregistrée sous le numéro F 824, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées sur le marché des enrobés bitumineux de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest entendus lors de la séance du 9 janvier 2001, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les marchés et les entreprises
1. Le marché des enrobés bitumineux de la CUB
C'est un marché à commandes, défini par l'article 273 du Code des marchés publics, destiné à fournir les services de la CUB ou les entreprises travaillant pour elle en matériaux courants de voirie. Il se décompose en sept lots, selon la nature des fournitures, considérés chacun comme autant de marchés distincts. Chaque marché est passé pour une durée allant de la date de sa notification au 31 décembre de l'année considérée, renouvelable par tacite reconduction pour une nouvelle période d'un an.
Le lot n° 1 concerne les enrobés bitumineux. Le tableau ci-après résume les données relatives à ce marché pour les années 1990-1991, 1992 et 1993.
Marché enrobés CUB de 1990 à 1993
EMPLACEMENT TABLEAU
2. La fabrication des enrobés bitumineux
Ainsi que l'indiquait déjà le Conseil de la concurrence dans la décision n° 89-D-34 du 25 octobre 1989, il existe trois types d'enrobés : les graves hydrauliques, les graves émulsions ou enrobés stockables à froid et les enrobés bitumineux à chaud.
La fabrication des enrobés bitumineux à chaud se fait dans des centrales fixes ou mobiles, à partir de granulats, de bitume pur et de chaux. Les centrales mobiles sont installées à proximité de gros chantiers routiers ou autoroutiers par des entreprises de travaux publics qui se réservent l'exclusivité de la production. Elles sont créées pour les besoins d'un chantier particulier à la demande des services de l'équipement afin d'obtenir une production parfaitement homogène.
Les centrales fixes, de loin les plus importantes, sont exploitées dans le cadre de sociétés communes constituées par plusieurs entreprises de travaux publics utilisant des enrobés. Elles livrent les sociétés actionnaires, mais peuvent aussi vendre leur production à des entreprises de travaux publics petites et moyennes qui n'ont pas les moyens de créer leur propre centrale, comme à des services techniques des collectivités territoriales qui gèrent eux-mêmes la mise en œuvre de ces enrobés.
L'installation de ces centrales d'enrobage est, après avis du Conseil départemental d'hygiène, soumise à autorisation préfectorale en vertu de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
Fabriqués à de hautes températures qu'il est nécessaire de maintenir jusqu'à l'épandage, ces enrobés bitumineux sont des produits qui nécessitent des modalités particulières de transport. L'incidence du coût de ce transport est importante - de l'ordre de 50 F la tonne pour un parcours de 40 km -, de telle sorte qu'une centrale d'enrobés ne peut être compétitive que si le produit est mis en œuvre à proximité immédiate, dans un rayon d'une quarantaine de kilomètres.
Quatre centrales fixes d'enrobés bitumineux sont installées en Gironde dans le périmètre de la CUB :
- 33 000 Enrobés, SARL au capital de 120 000 F, qui a son siège à Villenave-d'Ornon et dont les actionnaires sont par ordre d'importance des parts détenues : SCREG Sud-Ouest (34,50 %), Crégut Atlantique (30 %), Colas Sud-Ouest (22,25 %), Entreprise de travaux publics et routiers (ETPR) (12,25 %) et Société de travaux routiers (STR) (1 %) ;
- Aquitaine de matériaux enrobés (AME), SARL au capital de 440 000 F, qui a son siège à Mérignac et dont Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest étaient les actionnaires exclusifs jusqu'en novembre 1992, date à laquelle Malet, Via France, Cochery Bourdin Chausse (CBC) sont entrés dans le capital avec un total de 33 % des parts ;
- Bordelaise de matériaux enrobés (BME), SARL au capital de 750 000 F, qui a son siège à Floirac et dont les actionnaires sont dans les mêmes proportions qu'AME, Colas Sud-Ouest, SCREG Sud-Ouest jusqu'en novembre 1992, auxquels s'ajoutent Malet, Via France, CBC et SCR à partir de cette date ;
- Guyenne Enrobés, groupement d'intérêt économique au capital de 300 000 F, qui a son siège à Mérignac et dont les membres sont l'entreprise Jean Lefebvre et la Société moderne de technique routière (SMTR).
Le tableau suivant présente, pour 1992, la production de ces centrales :
EMPLACEMENT TABLEAU
L'offre d'enrobés bitumineux fabriqués dans les centrales fixes est de l'ordre de 420 000 tonnes par an. La production d'enrobés bitumineux à chaud par les centrales fixes varie peu d'une année sur l'autre. La disparition, le 24 novembre 1992, de la centrale Enrobés Bordeaux, rachetée par AME, n'a pas changé les données quantitatives globales, AME récupérant en grande partie la production de cette dernière. En ajoutant la production spécifique des enrobés réalisée par les centrales mobiles pour les besoins propres des gros chantiers, on peut considérer que la production totale d'enrobés bitumineux en Gironde est de l'ordre de 500 000 à 600 000 tonnes par an.
3. Les entreprises de travaux publics en Gironde
Les entreprises de travaux publics intervenant sur les marchés d'enrobés bitumineux de la CUB sont principalement :
- Colas Sud-Ouest, société anonyme au capital de 39 000 000 F, dont le siège est à Mérignac, qui fait partie du groupe Bouygues ;
- SCREG Sud-Ouest, société en nom collectif au capital de 40 000 000 F, dont le siège est à Mérignac et qui fait également partie du groupe Bouygues ;
- ETPR (Entreprise de travaux publics et routiers), société anonyme au capital de 1 332 000 F, dont le siège est à Baron ;
- STR (Société de travaux routiers), société anonyme au capital de 1 300 000 F, dont le siège est à Loupes ;
- la société Crégut, titulaire du marché de la CUB en 1992, société anonyme au capital de 4 500 000 F, filiale de SACER SA, du groupe Bouygues, dont le siège était à Nîmes jusqu'au 31 décembre 1992.
A partir du 1er janvier 1993, la société Crégut SA est devenue Crégut Atlantique, société anonyme au capital de 2 800 000 F, qui a son siège à Mérignac. Cette opération a été le résultat de la transformation de la SACER, filiale à 99,4 % de Colas SA, en société holding qui a filialisé ses activités économiques en créant la SA SACER Atlantique, dont Crégut Atlantique est elle-même une filiale, à côté de SACER Paris Nord-Est et SACER Sud- Est.
Ces entreprises fabriquent, par le biais des centrales fixes ou mobiles qu'elles ont créées, des enrobés bitumineux, non seulement pour les besoins de leur propres chantiers, mais aussi pour les besoins de tiers, dans des conditions qui sont précisées dans les conventions d'exploitation régissant le fonctionnement des centrales d'enrobés.
4. Le fonctionnement des centrales d'enrobés bitumineux
Les conventions d'exploitation des centrales 33 000 Enrobés, AME et BME, par lesquelles les associés mettent en commun les moyens nécessaires pour fabriquer et commercialiser en commun les matériaux enrobés, comportent, pour l'essentiel, les mêmes dispositions pour ce qui concerne l'administration et la gestion, la définition des prix, les clauses d'approvisionnement.
L'administration et la gestion
Chaque centrale est administrée par un comité de gérance composé du gérant administratif et du gérant technique. Ce comité a deux rôles : il applique les décisions de l'assemblée générale ; il prend les mesures nécessaires à la mise en œuvre des propositions du comité de direction, qui a en charge les décisions courantes relatives à l'exploitation de chaque centrale. En comité de direction comme en assemblée générale, les décisions sont prises par les entreprises associées, qui disposent de voix au prorata de leur participation au capital.
Les membres du comité de gérance sont les mêmes pour les trois centrales : Colas Sud-Ouest a la gérance administrative, SCREG Sud-Ouest la gérance technique. Les deux gérants restent salariés de leur société d'origine.
Par ailleurs, ces deux sociétés ont, de par leur participation au capital, les moyens de contrôler les centrales. Elles détiennent 57 % des parts dans 33 000 Enrobés, ainsi que la totalité du capital d'AME et BME.
La définition de la politique des prix
Les statuts des centrales prévoient des modalités différentes de fixation des prix selon que la cession est consentie à un associé ou à un tiers.
Le prix de cession facturé aux associés comprend les frais généraux de fonctionnement de la centrale, un amortissement calculé sur le total des dépenses d'investissement, une provision pour charges financières sur investissement, les autres charges financières et une majoration de 10 % des trois premiers éléments cités.
Le prix de cession aux tiers est fixé à partir de ce prix de base modifié, ainsi que l'indique l'article 15 de la convention d'exploitation de 33 000 Enrobés, " pour tenir compte des caractéristiques du produit demandé, des tonnages ou de l'intérêt que pourrait présenter tels clients ou telles affaires ".
Dans les deux cas, la décision en matière de prix appartient à l'assemblée générale qui statue à la majorité des deux tiers.
Si la détermination des prix appliqués aux associés est fondée sur une évaluation des coûts auxquels s'ajoute une marge de 10 %, les critères de fixation des tarifs imposés aux tiers sont beaucoup plus vagues, laissant à l'assemblée générale un pouvoir d'appréciation plus large. L'examen des tarifs " tiers " des trois centrales permet cependant d'observer que ces tarifs sont différents selon le tonnage fourni, mais restent toujours supérieurs aux tarifs réservés aux associés. S'agissant des plus importantes commandes dévolues aux grands routiers, la différence avec ces derniers est, pour le 0/6,3 Garonne de 6,88 % chez 33 000 Enrobés, de 17,17 % chez AME et de 13,62 % chez BME. Cet écart devient beaucoup plus grand pour les faibles tonnages.
Les clauses d'approvisionnement
Les clauses d'approvisionnement exclusif présentes dans les anciennes conventions, par lesquelles les entreprises associées dans les centrales s'engageaient à se fournir exclusivement auprès des centrales d'enrobés, ont été modifiées pour tenir compte de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 juillet 1990 confirmant l'injonction adressée par le Conseil de la concurrence à plusieurs sociétés de ce secteur (décision n° 89-D-34).
Elles ont été remplacées par une disposition aux termes de laquelle les associés doivent s'efforcer d'approvisionner leurs chantiers auprès de la centrale située dans leur périmètre de réalisation.
La convention d'exploitation de 33 000 Enrobés diffère des deux autres sur un seul point : il s'agit de la disposition de l'article 17, qui étend aux associés de cette centrale la faculté de s'approvisionner auprès d'AME et BME. Elle est ainsi rédigée : " Lorsque, pour des raisons géographiques, les entreprises Sacer - Labro - ETPR - STR - Crégut et Sattanino seront amenées à prendre des enrobés aux postes d'Aquitaine de matériaux enrobés et de la Bordelaise de matériaux enrobés, elles bénéficieront au départ de ces sociétés de prix égaux à leurs prix réels de façonnage obtenus au poste de 33 000 Enrobés, auxquels s'ajouteront les prix de fournitures déterminés suivant le même mode de calcul qu'audit poste ".
Ce texte a, en réalité, pour objet d'étendre aux associés de 33 000 Enrobés, qui ne sont pas aussi associés d'AME et BME, les avantages consentis à tous les associés des trois centrales.
5. La demande d'enrobés bitumineux
La demande d'enrobés fabriqués dans les centrales fixes émane essentiellement des associés de ces centrales pour les besoins de leurs chantiers de construction, d'agrandissement ou d'entretien de voirie. Elle représente 88 % des 420 000 F d'enrobés bitumineux fabriqués en Gironde, soit plus de 370 000 tonnes par an. La production restante est destinée à la vente à des tiers, services techniques des collectivités territoriales comme la CUB, services de l'équipement ou entreprises petites et moyennes qui n'ont pas les moyens d'avoir leurs centrales de fabrication. Ces demandeurs mettent eux-mêmes en œuvre les enrobés achetés.
Compte tenu des caractéristiques techniques et économiques de cette production, le marché retenu est celui de la production des enrobés bitumineux à chaud fabriqués dans les centrales fixes du département de la Gironde. Sur ce marché, les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest sont les principaux intervenants avec 72 % de parts de marché, correspondant à une production de 304 000 tonnes.
B. - Les pratiques relevées
Quatre types de pratiques ont été mises en œuvre par les entreprises Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest associées dans les centrales communes d'enrobés :
- un refus de livrer des enrobés bitumineux à partir des centrales Aquitaine de matériaux enrobés (AME) et Bordelaise de matériaux enrobés (BME), empêchant la société Crégut d'honorer le marché passé avec la CUB ;
- une hausse brutale des prix d'achat des enrobés, qui a conduit cette société à ne pas demander le renouvellement de ce marché ;
- la présentation d'offres, dans le cadre du marché ainsi ouvert, sensiblement supérieures à celles de l'année précédente ;
- le contrôle par ces deux sociétés de la production des enrobés bitumineux en Gironde.
1. Le refus de livraison
Le marché 92/202, relatif à la fourniture des enrobés bitumineux à la CUB, a été notifié à la société Crégut le 9 avril 1992. Le cahier des charges prévoit trois points de livraison auprès desquels doivent s'approvisionner les camions des circonscriptions de voirie. Mais, très rapidement, des problèmes sont apparus. Le président de la CUB, dans une lettre adressée au directeur régional de la CCRF, écrit : " Or, dès le début d'exécution, nos services ont eu des difficultés à se fournir à la centrale AME qui refusait de considérer les bons de commande établis au titre du marché Crégut. "
Un ordre de service, adressé le 24 avril 1992 par la direction des services techniques de la CUB à la société Crégut indique : " L'entreprise Crégut, titulaire du marché, doit prendre dans les plus brefs délais, toutes ses dispositions afin d'assurer la fourniture des enrobés dans toutes les centrales, conformément à ses engagements. "
Le 28 avril 1992, la société Crégut a écrit à la société Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest : " Avant de communiquer de façon définitive notre position à la CUB, nous tenons à vous demander de la façon la plus formelle si les sociétés d'enrobage AME et BME dont vous assurez la direction sont disposées à livrer pour notre compte, notre client CUB dans le cadre du marché cité en référence. "
La société SCREG Sud-Ouest s'est bornée à répondre : " En ce qui concerne AME, en vertu de l'article 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative aux droits de la concurrence, des fournitures d'enrobés pourront vous être consenties aux conditions du barême ci-dessous. " Le barème proposé est celui appliqué aux entreprises tierces. De son côté, la société AME, au nom de ses associés, a répondu de la manière suivante, dans une lettre datée du 13 mai 1992 : " Après consultation de ses associés, la société AME tient à vous préciser que la communauté urbaine de Bordeaux figure au registre de sa clientèle tiers et, qu'à ce titre, elle lui a fait directement des propositions quant aux conditions auxquelles elle peut la servir.
AME ne peut donc accepter de vous reconnaître un rôle d'intermédiaire pour des prestations qu'elle est en mesure d'assurer directement. "
La société Crégut a constaté cet état de fait dans une lettre envoyée à la directrice des services techniques de la CUB : " Jusqu'à ce jour, malgré quelques perturbations dont nous vous prions de nous excuser, les enlèvements ont été effectués normalement à partir de la centrale 33 000 Enrobés. Cependant, en raison de l'attitude inattendue des associés majoritaires des sociétés d'enrobage AME et BME, il ne nous a pas été possible de vous approvisionner à partir des centrales de ces sociétés.
Nous regrettons de vous informer que ces sociétés, qui sont pourtant nos fournisseurs habituels, persistent dans leur refus de vente malgré nos demandes réitérées et que, en conséquence, nous ne pouvons vous garantir, pour l'instant, de pouvoir vous fournir au départ de ces deux centrales.
Nous nous efforçons de résoudre ce problème dans les meilleurs délais... "
La CUB a répondu à la société Crégut, le 11 juin : " Si vous ne pouviez honorer vos engagements et proposer une solution acceptable dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la présente, je me verrai dans l'obligation de faire exécuter ce marché à vos frais et risques et ce, jusqu'au 31 décembre 1992, date de fin du marché 92/202. "
Malgré des propositions faites à la CUB le 29 juin par la société Crégut, un nouvel ordre de service lui a été adressé en provenance de la première circonscription de voirie : " Un camion de la 1re circonscription s'est présenté le 1er juillet à la centrale AME, chemin de la Grange Noire à Mérignac, pour prendre livraison d'enrobés. Il n'a pas été possible de se faire servir. Vous voudrez bien prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à ce problème. "
Mais, peu après, une solution a enfin été trouvée. M. Belier, directeur de l'agence Crégut, a écrit, le 29 juillet, à la CUB : " Nous vous informons que vous pouvez approvisionner vos différentes circonscriptions à partir des postes AME et BME, pendant la fermeture annuelle de 33 000 Enrobés allant du 1er août au 25 août. "
Ses effets se sont prolongés au-delà du 25 août puisque, dans une lettre du 5 janvier 1993, envoyée au directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la CUB reconnaît : " Depuis cette date, les enlèvements d'enrobés peuvent s'effectuer sur les trois centrales précitées selon la même procédure. "
Mais M. Belier, directeur de l'agence Crégut, a demandé, le 21 septembre suivant, à la CUB, la résiliation du marché lot n° 1 enrobés bitumineux ; le marché s'est donc terminé le 31 décembre 1992, sans que la société Crégut ait usé de la possibilité de le reconduire en 1993.
2. La hausse brutale des prix d'achat imposée à la société Crégut en 1992
Le refus de livraison opposé à la société Crégut a eu pour conséquence immédiate de la mettre dans l'impossibilité d'exécuter le marché conclu avec la CUB à partir des poins de livraison correspondant aux centrales AME et BME, si bien que la CUB, dans une lettre du 11 juin, l'a menacée de faire exécuter ce marché à ses frais et risques et ce, jusqu'au 31 décembre 1992.
Dès lors, il ne restait plus à la société Crégut qu'une solution : accepter d'acheter les enrobés auprès des centrales AME et BME, à des prix très sensiblement supérieurs à ceux réservés aux associés de ces centrales. En effet, les deux principales catégories d'enrobés bitumineux, le 0/6,3 Garonne et le 0/6,3 Diorite, sont proposés à 351 F et 390 F, tarif " tiers " en vigueur pour les livraisons journalières inférieures à 100 tonnes ; par rapport aux prix qu'AME consentait à ses associés, la hausse est respectivement de 75 % et de 81 %, alors que, pour les mêmes produits, la hausse appliquée par BME est de 78 % et de 76 %.
A partir de ce moment-là, la CUB a pu se fournir en enrobés auprès d'AME et de BME, pour la période des vacances tout d'abord (1er au 25 août), puis ensuite jusqu'à la fin de l'année.
La hausse finalement supportée par la société Crégut, quoique d'un montant plus faible, n'en était pas moins importante et, en toute hypothèse, le prix qu'elle a payé était supérieur au prix payé par la CUB pour ce marché, comme l'indique le tableau suivant :
EMPLACEMENT TABLEAU
Il est à noter qu'alors que les prix facturés à leurs associés respectifs par les centrales AME et BME ne sont pas les mêmes, les prix facturés à Crégut par ces mêmes centrales sont strictement identiques : 230, 00 F pour le 0/6,3 Garonne, 260,00 F pour le 0/6,3 Diorite. Dans un cas comme dans l'autre, ils ne figurent pas dans les tarifs officiels et ne varient pas en fonction des quantités délivrées.
3. La hausse des prix sur le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1993
L'analyse des soumissions au marché des enrobés bitumineux de la CUB entre 1990 et 1993 permet de mesurer l'évolution du prix payé par la collectivité publique pour se fournir en enrobés auprès des centrales de fabrication.
Le marché de 1990-1991
Il est détenu par le groupement SCREG Sud-Ouest/Colas Sud-Ouest. Selon l'acte d'engagement, le montant annuel de ce marché est de 2 711 600 F HT et les prix proposés sont de 249,00 F HT la tonne pour le 0/6,3 Garonne et de 243,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne.
Le marché de 1992
En 1992, la société Crégut emporte le marché des enrobés bitumineux avec des propositions de prix de 218,00 F HT la tonne pour le 0/6,3 Garonne et 210,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne.
La société 33 000 Enrobés n'a pas soumissionné à ce marché. Les sociétés AME et BME ont soumissionné conjointement avec des prix de 254,00 F HT la tonne pour le 0/6,3 Garonne et de 247,00 F HT la tonne pour le 0/10 Garonne, prix respectivement supérieurs de 16,5 % et 17,6 % à l'offre Crégut.
La comparaison entre ses prix d'achat auprès de la centrale 33 000 Enrobés et ses prix de soumission détermine la marge de la société Crégut, qui est de 8,63 % pour le 0/6,3 Garonne et de 9,70 % pour le 0/10 Garonne.
Le marché de 1993
La hausse des coûts des matériaux imposée par les sociétés AME et BME a amené la société Crégut à ne pas reconduire le marché en 1993.
Limité à la fourniture d'enrobés bitumineux utilisés exclusivement par les services techniques de la CUB pour les travaux courants de voirie, ce marché a été divisé en trois lots géographiques gérés comme autant de marchés distincts et attribués pour une période d'un an.
Le lot n° 1 a été attribué à BME, qui était seul soumissionnaire avec un prix de 248,50 F HT pour le 0/6,3 alluvionnaire et de 245,50 F HT pour le 0/10 alluvionnaire.
Le lot n° 2 a été attribué à l'entreprise 33000 Enrobés avec des propositions respectives de 247,90 F HT pour le 0/6,3 et de 244,50 F HT pour le 0/10.
Le lot n° 3 a été attribué à l'entreprise Guyenne Enrobés qui proposait 243,00 F HT pour le 0/6,3 et 239,00 F HT pour le 0/10.
4. L'alourdissement du prix payé par la CUB en 1993
Il résulte, d'une part, de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la société Crégut de renouveler le marché sur la base des prix de 1992, d'autre part, de la nécessité pour la CUB, désireuse d'éviter les difficultés rencontrées sur le marché de 1992, de diviser ce marché en trois lots géographiques gérés comme autant de marchés distincts. Ces trois lots ont été attribués aux trois centrales d'enrobés situées dans leur périmètre. Seul, le lot n° 3 a donné lieu apparemment à une concurrence entre les centrales 33 000 Enrobés et Guyenne Enrobés.
Il convient de noter qu'entre 1992 et 1993, l'évolution des prix payés par la CUB est, pour le lot n° 1, de 14 % pour le 0/6,3 et de 17 % pour le 0/10 Garonne, tandis que, pour le lot n° 2, cette évolution est respectivement de 14 % et de 16 %. En revanche, si la société Crégut avait pu faire jouer la clause de reconduction en 1993, les prix du marché auraient été calculés selon une formule d'actualisation, prévue à l'article 4-2 du marché 1992, basée sur l'évolution de l'indice des prix du bitume d'une année sur l'autre, ce qui aurait entraîné une majoration limitée à 4,4 %.
La hausse du coût consécutive au non-renouvellement de contrat de la société Crégut est présentée dans les tableaux suivants pour les deux principaux matériaux utilisés.
Hausse du coût du BB 0/6,3
EMPLACEMENT TABLEAU
Hausse du coût du BB 0/10
EMPLACEMENT TABLEAU
Ces hausses sont constatées également sur les autres matériaux bitumineux livrés à la CUB, qui a donc dû traiter en 1993 à des prix sensiblement supérieurs à ceux de 1992.
5. Le contrôle de la production des enrobés bitumineux en Gironde par les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest
Ces sociétés, qui, par l'intermédiaire de leurs centrales d'enrobés, produisent 304 000 tonnes d'enrobés par an, détiennent aussi 72 % des parts de marché. La situation géographique de leurs trois centrales implantées dans l'agglomération bordelaise leur permet d'être présentes sur tous les marchés ouverts dans le département de la Gironde, ce qui n'est pas le cas du seul concurrent qui possède la quatrième centrale de production d'enrobés.
Rendu possible par leur participation largement majoritaire au capital des centrales 33 000 Enrobés, AME et BME, ce contrôle s'effectue par le biais des gérants administratifs et techniques, qui sont salariés par SCREG Sud-Ouest et Colas Sud-Ouest, du fait que les associés majoritaires dirigent également les organes statutaires : le comité de gérance, le comité de direction et l'assemblée générale. Ces organes, dans lesquels les décisions sont prises par les entreprises associées qui disposent de voix au prorata de leur participation au capital, définissent, en particulier, la politique des prix et d'approvisionnement des centrales. Toutes les décisions courantes de ces structures sont du ressort du comité de direction, qui fonctionne selon le même principe.
C. - Les griefs notifiés
Sur la base des éléments rappelés ci-dessus, ont été notifiés sept griefs aux sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest.
1. Sur la base de l'article L. 420-1 du Code de commerce
Il a été reproché à ces sociétés :
- la mise en œuvre d'un refus concerté de livraison de la société Crégut, ayant pour objet d'évincer cette dernière du marché des enrobés bitumineux de la CUB et pour effet de l'obliger à renoncer à ce marché alors qu'il était en cours d'exécution. Cette concertation est prouvée par le fait que le refus de livraison commence et se termine à la même date et est motivé par la même volonté exprimée de traiter directement ce marché avec la CUB, sans considérer que la société Crégut est titulaire du marché depuis le 1er janvier 1992 ;
- la mise en œuvre, également, d'une hausse concertée des prix des enrobés bitumineux par application à la société Crégut d'un tarif supérieur à 10 % à celui consenti aux associés des centrales d'enrobés et contraire aux dispositions de la convention d'exploitation de la centrale 33 000 Enrobés. L'application de cette hausse, au même moment et d'un même montant pour les deux principaux types d'enrobés, révèle une entente anticoncurrentielle ayant pour objet d'obliger la société Crégut à vendre à perte les enrobés bitumineux à la CUB et pour effet de l'obliger à renoncer à la reconduction de ce marché en 1993 ;
- la mise en œuvre d'une action concertée, en présentant, par le biais des centrales d'enrobés qu'elles contrôlent, des offres apparemment distinctes destinées à simuler une concurrence qui n'existe pas, du fait, d'une part, que l'acheteur public a été amené à diviser le marché antérieur unique en trois lots géographiques distincts correspondant à la zone de chalandise de chacune de leurs trois centrales d'enrobés ; du fait, d'autre part, d'une fixation de prix de soumission quasiment identiques et supérieurs de 15 % à ceux du marché antérieur. Cette concertation a eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence dans l'attribution de ce marché et pour effet de pénaliser l'acheteur public en l'obligeant à acheter les enrobés bitumineux à un coût sensiblement supérieur à celui de l'année précédente ;
- des échanges d'informations, dans le cadre de la gestion des structures communes de fabrication des enrobés bitumineux, entre associés sur les coûts d'approvisionnement et de fabrication de ces matériaux, ayant eu pour objet une élaboration commune des prix de soumission à un marché public et pour effet le partage de ce marché ;
- la fixation, par le biais des centrales de production d'enrobés, de prix discriminatoires à l'égard des entreprises tierces non justifiés par des conditions objectives de coût, ayant pour objet de limiter artificiellement la capacité concurrentielle des entreprises tierces et pour effet de les évincer du marché de la CUB.
2. Sur la base de l'article L. 420-2 du Code de commerce
- l'utilisation de leur position dominante collective sur le marché de la production des enrobés bitumineux en Gironde pour mettre en œuvre des pratiques de vente et de prix discriminatoires, ayant pour objet d'entraver le fonctionnement normal du marché dès lors que le concurrent ne disposait pas d'autres solutions économiquement et techniquement acceptables et pour effet de l'évincer de ce marché ;
- l'utilisation de cette domination pour fixer des prix artificiellement élevés en faveur des associés, ayant pour objet d'accroître leurs marges de manière excessive et pour effet de renchérir pour la collectivité publique le coût d'achat des enrobés bitumineux.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
A. - Sur la procédure
En ce qui concerne la régularité du procès-verbal de déclaration de M. Belier :
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest contestent la régularité du procès-verbal de déclaration de M. Belier, directeur d'agence à la société Crégut, établi par les enquêteurs, le 24 mai 1993, qui, ne faisant pas référence à l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne serait pas conforme aux exigences de l'article 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ; qu'elles considèrent, en conséquence, que tous les documents remis à cette occasion doivent être écartés du dossier ;
Mais considérant que le procès-verbal critiqué ne relatait pas les déclarations d'une personne représentant une entreprise mise en cause ; que le principe de non-autoincrimination, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, n'était ainsi pas applicable en l'espèce ;
En ce qui concerne le délai de la procédure :
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest invoquent, à cet égard, l'atteinte aux droits de la défense, qui résulterait d'une durée excessive de la procédure, d'une part, entre la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre délégué au finances et au commerce extérieur en novembre 1995 et les premiers actes d'instruction effectués par le présent rapporteur en septembre 1998, d'autre part, entre cette même saisine en 1995 et la notification de griefs adressée en janvier 2000 ; qu'elles observent encore que les faits litigieux remontent à plus de huit ans ; que ce délai n'est pas raisonnable au regard, notamment, de la jurisprudence européenne ; qu'au surplus, cette durée, en augmentant le chiffre d'affaires soumis à une éventuelle sanction, leur cause un grave préjudice ;
Mais considérant que les sociétés précitées ne démontrent pas en quoi, en l'espèce, la durée de la procédure a pu nuire à leur défense ; que la Cour d'appel de Paris a indiqué à plusieurs reprises et, notamment, dans un arrêt du 8 septembre 1998 : " Qu'à supposer le délai excessif [...] la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le conseil de se prononcer dans un délai raisonnable [...] n'est pas l'annulation de la réparation de la sanction mais la réparation du préjudice résultant de la durée excessive du procès " ; qu'en conséquence, ce moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne l'absence dans le dossier d'un procès-verbal de communication de documents :
Considérant que la société Colas Sud-Ouest fait valoir que le procès-verbal de communication du document intitulé " Prix de cession AME 1992 " ne figure pas au dossier ; qu'en outre, ce document a été adressé au nom de la société AME à l'enquêteur, qui en avait fait la demande, par M. Lefrère, en qualité de directeur industriel de la société Colas Sud-Ouest et non de responsable de la centrale AME ;
Mais considérant que, si ce document, relatif aux prix de cession de la société AME pour 1992, n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal de communication, la lettre par laquelle cette société l'a transmis à l'enquêteur figure au dossier ; que cette transmission a été effectuée pour répondre à une demande de l'enquêteur, qui avait entendu à deux reprises M. Lefrère, les 3 et 23 novembre 1994 ; que, dans le cadre de ces auditions, qui ont fait l'objet de procès-verbaux de déclaration régulièrement établis, ont été recueillis des factures et tarifs de prix des centrales AME, BME et 33 000 Enrobés ; que le fait, à le supposer établi, que M. Lefrère aurait transmis des documents en qualité de représentant de la société Colas Sud-Ouest est sans incidence, compte tenu des liens étroits existant entre cette société et la société AME ;
Considérant, également, que l'information en cause a été communiquée en février 1995, soit trois mois après les déclarations de M. Lefrère ; qu'elle en est, en conséquence, le strict prolongement et que le représentant de la société Colas Sud-Ouest n'a pu se méprendre sur la portée du document communiqué en complément de ceux recueillis auparavant ; que le moyen doit, dès lors, être rejeté ;
B. - Sur les pratiques relevées
1. L'entente dans le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1992
En ce qui concerne le refus de livraison opposé à la société Crégut :
Considérant que la société Crégut a obtenu, en 1992, le marché des enrobés bitumineux de la CUB ; qu'elle s'est engagée à assurer la livraison de ces matériaux aux camions de la collectivité publique à partir des trois centrales de fabrication 33 000 Enrobés, AME et BME ;
Considérant que, dès le début de l'exécution de ce marché en avril 1992, la société Crégut s'est heurtée au refus des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest de l'approvisionner en enrobés destinés à ce marché ; que, malgré plusieurs interventions, ces sociétés ont maintenu leur refus jusqu'au 29 juillet ; qu'à partir de cette date, la société Crégut a pu opérer normalement les enlèvements d'enrobés jusqu'à la fin de l'année, mais à un prix supérieur à celui qu'elle avait prévu ; que, de ce fait, par lettre du 21 septembre 1992, elle a demandé à la CUB la résiliation de ce marché au 31 décembre 1992, sans user de la possibilité de le reconduire en 1993 ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest font valoir que le refus de livraison qui leur est imputé résulte d'une divergence d'interprétation de l'article 17 de la convention d'exploitation de la centrale 33 000 Enrobés ; que c'est à tort que la société Crégut a interprété cette clause comme lui conférant le droit d'obtenir des enrobés pour les clients tiers, dont la CUB, aux prix réservés aux associés pour les besoins de leurs propres chantiers ;
Considérant que ces sociétés soutiennent, par ailleurs, que c'est uniquement à cause du désaccord sur les prix que les centrales AME et BME ont refusé d'honorer les bons de livraison présentés au nom de la société Crégut par les camions de la CUB ; qu'en effet, les livraisons ont repris dès qu'un accord a pu être trouvé avec la société Crégut en juillet 1992, au terme d'une négociation entre les deux parties ; qu'ainsi, le refus de livraison, au demeurant temporaire, ne peut être analysé comme une pratique anticoncurrentielle prohibée ;
Considérant que le refus de livraison opposé à la société Crégut résulte d'une divergence d'interprétation de la convention d'exploitation de la centrale 33 000 Enrobés dont elle était actionnaire avec les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ; que cette convention établissait une différence entre le prix de cession consenti aux tiers et le prix de cession consenti aux associés ; que son article 17 stipulait que " lorsque, pour des raisons géographiques, les entreprises Sacer, Labo, ETPR, STR, Crégut et Sattanino seront amenés à prendre des enrobés aux postes d'Aquitaine de matériaux enrobés et de la Bordelaise de matériaux enrobés, elles bénéficieront au départ de ces sociétés de prix égaux à leurs prix réels de façonnage obtenus au poste de 33 000 Enrobés " ; que la société Crégut interprète ces stipulations comme l'autorisant à enlever les enrobés destinés à la CUB aux prix " associés " ; que c'est sur la base de ce prix qu'elle établit les propositions contenues dans sa soumission ;
Considérant que, par lettre du 30 avril 1992, la société SCREG Sud-Ouest a informé la société Crégut qu'elle ne pouvait lui consentir, au départ de la centrale AME, que les prix " tiers " ; que ces prix " tiers " étaient de 55 à 75 % supérieurs aux prix réservés aux associés ; que, fixé primitivement par AME et BME pour ce qui concerne le 0/6,3 Garonne à 351 F correspondant aux livraisons inférieures à 100 tonnes par jour, ce prix a été ramené à 230 F à la suite d'arbitrage demandé par la société Crégut ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest font valoir, en premier lieu, que la différence entre les prix " associés " et les prix " tiers " demandés à la société Crégut est justifiée par leur souci de prendre en compte les coûts réels d'exploitation de leurs centrales ; que les prix réservés aux associés, généralement de grandes entreprises de travaux routiers, sont inférieurs aux prix " tiers " dans la mesure où, d'une part, ils portent sur de grandes quantités d'enrobés utilisés sur de gros chantiers et où, d'autre part, les associés prévoient à l'avance leurs commandes permettant aux centrales de programmer leur fabrication de manière à éviter un redémarrage toujours coûteux des installations ; qu'en revanche, la clientèle de tiers qui vient se fournir auprès d'elles enlève essentiellement des enrobés destinés à de petits chantiers de voirie ; qu'ainsi, s'agissant des livraisons destinées à la CUB, il est nécessaire de relancer à chaque enlèvement les unités de fabrication ; que, par suite, le coût fixe de ce redémarrage, de l'ordre de 173,00 F pour chaque tonne produite et qui correspond au coût des quatre tonnes de matériaux perdus dans toute première gâchée, auquel s'ajoutent les dépenses d'électricité et de gaz consommés par l'unité de fabrication, est d'autant plus élevé que la quantité livrée est faible ; que, dès lors, l'écart séparant le niveau de prix consenti aux associés et celui consenti aux tiers s'explique par des raisons objectives liées au fonctionnement des centrales de fabrication des enrobés bitumineux ;
Considérant qu'il résulte des déclarations faites en séance que les associés des centrales établissent d'une semaine sur l'autre, pour les besoins de leurs propres chantiers, des programmes d'enlèvement qui permettent de planifier la fabrication ; que les matériaux livrés dans ce cadre sont des produits spécifiques qui peuvent être fabriqués et stockés en grande quantité ; que les enrobés pour les clients tiers sont, en revanche, enlevés par petites quantités et comportent des qualités très diverses de granulats contraignant à des fabrications ponctuelles ; que,de plus, les camions de la CUB ne préviennent pas la centrale de leur passage, alors que le délai d'attente maximum prévu au marché pour effectuer la livraison est de 15 mn ; qu'il en résulte que le redémarrage fréquent des unités de production, qui est ainsi nécessaire, peut expliquer la différence entre les prix aux associés et les prix aux tiers ; qu'en outre, la fixation de prix d'un montant très voisin et à une même date ne peut être critiquée, puisque les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest, actionnaires à 100 % des centrales AME et BME en 1992, élaborent elles-mêmes des tarifs traduisant les coûts réels d'exploitation de leurs centrales ; qu'en conséquence, il n'est pas établi que le niveau relatif des prix aux tiers et des prix réservés aux associés pour les livraisons assurées par les centrales AME et BME revêtirait un caractère anticoncurrentiel prohibé par l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest contestent, en deuxième lieu, l'interprétation faite par la société Crégut des clauses tarifaires sus évoquées ; que, selon elles, le tarif " associés " ne serait applicable qu'aux enlèvements d'enrobés réalisés par les associés en vue d'une mise en œuvre sur leurs propres chantiers, tandis que, dans le cas où des associés souhaitent acheter des enrobés en vue de les revendre à des tiers, c'est le tarif " tiers " qui est applicable ;
Considérant que cette interprétation plausible a, d'ailleurs, été celle des arbitres auxquels le litige entre la société Crégut et les centrales avait été soumis, même si la sentence a finalement retenu un tarif intermédiaire ;
Mais considérant que, si telle est la portée des clauses tarifaires litigieuses, il résulte de l'instruction qu'elles ont alors été appliquées de façon discriminatoire ;
Considérant, en effet, que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont imposé à la société Crégut des prix " tiers " ; que les prix proposés initialement par la société Crégut auprès des centrales AME et BME n'étaient, ainsi, jamais inférieurs à 310 F la tonne, même pour les livraisons journalières supérieures à 100 tonnes, tandis que le groupement Colas-SCREG a obtenu le marché de 1990-1991 en proposant un prix de 249 F pour le 0/6,3 Garonne et de 243 F pour le 0/10 Garonne ; que de tels prix n'ont pu être proposés que si ces sociétés pouvaient acheter les enrobés aux centrales sur la base du tarif " associés ", sauf à ce que l'enrobé ait été acheté en dessous de son prix de revente, ce qui n'a été ni démontré ni même allégué ;
Considérant, cependant, que la société SCREG Sud-Ouest a fait valoir en séance qu'elle-même et la société Colas Sud-Ouest ne se facturaient pas, pour les commandes de clients tiers, le prix " associés " réservé à leurs propres chantiers mais le tarif " tiers grand routier " ; que ce tarif, pour l'enrobé bitumineux 0/6,3 Garonne, était, en 1992, au départ des centrales AME et BME, de 224 F la tonne ; que le prix finalement fixé à la société Crégut de 230 F la tonne pour ce type de matériau était d'un niveau très voisin ; qu'il ne peut, en conséquence, être qualifié de discriminatoire ; qu'en outre, le prix de 230 F n'a été obtenu par la société Crégut que sur la base d'une sentence arbitrale, alors que l'offre initiale qui lui avait été faite était de 310 F, et donc très supérieure à ce que prévoyait le tarif " grand routier " ;
Mais considérant qu'en 1992, les centrales AME ou BME, qui sont contrôlées par les sociétés mises en cause, ont soumissionné en groupement en proposant un prix de 294 F, inférieur à celui qui était prévu, pour les clients non associés, dans les conditions de vente de ces centrales ; qu'en 1993, les centrales BME et 33 000 Enrobés ont soumissionné en proposant un prix de 248 F, également inférieur au prix " tiers " prévu dans leur condition de vente ; qu'enfin, les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ne peuvent utilement soutenir que ces propositions auraient été rendues possibles par la mise en œuvre des tarifs " tiers grand routier ", dès lors que ceux-ci sont réservés à de grands travaux nécessitant des enlèvements journaliers supérieurs à deux tonnes ;
Considérant, en conséquence, qu'en imposant initialement à la société Crégut au départ des centrales AME et BME des prix " tiers " d'un montant de 351,00 F pour l'enrobé 0/6 Garonne, alors qu'elles ne s'appliquaient pas à elles-mêmes les tarifs " tiers " mais le tarif " associés ", lorsqu'elles soumissionnaient directement pour ces mêmes catégories de livraisons et alors que les centrales qu'elles contrôlaient soumissionnaient elles-mêmes à un prix inférieur à ce tarif " tiers ", les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont mis en œuvre une pratique de prix discriminatoire à l'égard de la société Crégut ;
Considérant, enfin, que la stricte identité des pratiques mises en œuvre par ces sociétés, tant au regard de leurs modalités elles-mêmes que du montant et de la date d'application des prix imposés à la société Crégut, révèle qu'elles résultent d'une action concertée des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest, ayant pour objet ou pour effet d'entraver le libre exercice de la concurrence sur le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1992 ; que cette pratique concertée est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et a eu pour effet d'évincer un concurrent.
2. Sur l'entente dans le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1993
Considérant que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont soumissionné par l'intermédiaire de leurs centrales, dès lors que les conventions d'exploitation réservent à celles-ci, sauf décision contraire des associés, l'exclusivité de la vente aux tiers ; que le niveau des prix très voisin, mais non strictement identique, proposé par les centrales BME et 33 000 Enrobés ne saurait constituer un indice d'entente anticoncurrentielle de nature à tromper le maître de l'ouvrage sur la réalité de la concurrence, dès lors que chacune des deux centrales a soumissionné pour un lot différent ; que les soumissions présentées sur ces marchés ne revêtent donc pas en elles-mêmes un caractère anticoncurrentiel ;
Considérant que le fait que chacune des deux centrales BME et 33 000 n'a soumissionné que pour un seul lot peut constituer un indice d'entente concurrentielle en vue d'une répartition des marchés ;
Considérant que, si dans sa décision n° 89-D-34, le Conseil de la concurrence a jugé qu'il est légitime pour des entreprises d'exploiter en commun des centrales d'enrobés dont l'utilité économique n'est pas contestable, il a également estimé, dans cette même décision " que les associés ne peuvent sans méconnaître le droit de la concurrence utiliser cette structure commune pour mettre en œuvre des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence " ;
Mais considérant, d'une part, que la proximité géographique des lieux d'enlèvement constituait une raison de privilégier, à chaque fois, l'un des lots ; qu'il est, en tout état de cause, loisible à des sociétés qui ont créé plusieurs centrales dont elles ont le contrôle et qui doivent donc être regardées comme appartenant au même groupe, de répartir entre ces centrales, pour des raisons qui leur sont propres, la production d'enrobés bitumineux, dès lors qu'elles ne trompent pas l'acheteur sur la réalité de la concurrence et dès lors que le comportement des centrales n'était pas le moyen, pour les deux sociétés mères, de se répartir les lots ; qu'une telle éventualité, en effet, n'aurait pas eu de sens, puisque les deux sociétés mères ne fabriquent pas elles-mêmes d'enrobés ;
Considérant, d'autre part, que, si la structure même de fonctionnement des centrales d'enrobés conduit les associés à échanger entre eux des informations sur les coûts d'approvisionnement et de fabrication des enrobés, les soumissions de ces deux centrales sur des lots différents ne peuvent, faute d'éléments précis figurant au dossier, laisser supposer l'existence d'une concertation préalable au dépôt de leurs offres ; qu'au demeurant, sur le lot n° 2, 33 000 Enrobés l'a emporté régulièrement sur la centrale concurrente Guyenne Enrobés ;
Considérant, en conséquence, qu'aucune preuve n'établit la volonté de ces entreprises de se répartir le marché des enrobés bitumineux de la CUB en 1993.
3. Sur l'abus de position dominante collective des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest sur le marché de la fabrication des enrobés bitumineux par les centrales fixes d'enrobage en Gironde
Considérant que, comme le font valoir les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest, la fabrication des enrobés bitumineux en Gironde n'est pas seulement le fait des centrales fixes ; qu'il existe des centrales mobiles, comme la centrale mobile appartenant à l'entreprise Siorat, qui a déposé des offres pour livrer la CUB ; que, si l'on tient compte de cette production, le marché n'est plus de 420 000 tonnes, mais de l'ordre de 500 à 600 000 tonnes par an ;
Considérant que, si le rapport de dépouillement des offres pour le marché des enrobés bitumineux de 1993 montre que la CUB a estimé que la centrale Siorat n'était pas équipée de trémies calorifugées permettant la livraison à tout moment des trois catégories d'enrobés demandés, elle a, cependant, considéré que cette centrale était en mesure de produire ces matériaux moyennant l'engagement de mettre en œuvre des trémies calorifugées et que seule l'absence de cet engagement avant la réunion de la commission d'examen des offres a conduit la CUB à ne pas retenir ses propositions, pourtant les moins-disantes ; qu'ainsi, la production des enrobés par les centrales mobiles ne peut être à priori exclue de l'analyse de ce marché ;
Considérant que la limitation du marché au seul département de la Gironde ne tient pas compte de l'existence de centrales fixes ou mobiles de fabrication d'enrobés dans les départements limitrophes susceptibles de répondre à la demande de collectivités ou d'entreprises situées à proximité ; que, par suite, des livraisons ont pu être opérées à partir de centrales de production non installées en Gironde ; qu'en outre, en séance, la société Colas Sud-Ouest a indiqué que la centrale du groupe concurrent Guyenne Enrobés avait, à elle seule, une capacité potentielle de production de 700 000 tonnes par an ;
Considérant, en conséquence, qu'en l'absence d'éléments dans le dossier, tant sur la nature et l'importance de la production d'enrobés bitumineux à partir des centrales mobiles que sur les zones d'attraction géographique des deux types de structures de fabrication, les capacités des offreurs susceptibles d'alimenter le marché et, donc, la position relative des sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest par le biais des centrales qu'elles contrôlent, n'ont pas été établies avec assez de précision pour qu'une éventuelle position dominante collective puisse être caractérisée ; qu'il suit de là que les pratiques litigieuses ne peuvent être qualifiées au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
4. Sur l'application de l'article L. 420-4 du Code de commerce
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest entend justifier la contribution au progrès économique des pratiques en cause en soutenant, d'une part, que le Conseil de la concurrence a lui-même reconnu l'utilité économique de centrales d'enrobés exploitées en commun, d'autre part, que l'alignement des tarifs " tiers " sur les prix consentis aux associés dissuaderait les entrepreneurs de prendre des participations dans les centrales ; que cette circonstance risquerait d'entraîner leur disparition au préjudice des collectivités locales qui gèrent la plupart des ouvrages réalisés à partir des enrobés bitumineux ;
Mais considérant, d'une part, que, si le conseil n'a jamais considéré que les centrales d'enrobés bitumineux créées sous forme d'entreprises communes étaient, en elles-mêmes, anticoncurrentielles, il a, en revanche, mis en garde à plusieurs reprises les associés des centrales contre l'utilisation de ces structures à des fins anticoncurrentielles ;
Considérant, d'autre part, que le grief retenu à l'égard des sociétés SCREG Sud-Ouest et Colas Sud-Ouest ne repose pas sur le principe de la différence de traitement entre les associés et les tiers, mais sur l'application discriminatoire qui en a été faite ; que l'application de l'article L. 420-4 est donc ici sans objet ;
Sur les suites à donner :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence " peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours de dernier exercice clos (...) " ;
Considérant que, dans les marchés en cause, des griefs ont été retenus à l'encontre de deux importantes entreprises de travaux publics ; qu'en se concertant pour écarter un concurrent, ces entreprises ont limité la concurrence et se sont assurées de déposer des offres à un prix supérieur à celui qu'elles auraient présentées en l'absence de concertation ; que ces entreprises, habituées à livrer des enrobés bitumineux aux collectivités publiques, ne pouvaient ignorer la portée des infractions commises dans ce cadre ; qu'au surplus, le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion dans sa décision n° 89-D-34 de sanctionner les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles en s'appuyant sur leurs centrales d'enrobés ; qu'ainsi, ces sociétés ne pouvaient méconnaître la gravité de ces pratiques ;
Considérant, en revanche, que le montant total du marché de la CUB s'élève à 2 766 997 F et concerne une quantité d'enrobés estimée à 11 220 tonnes d'enrobés ; que la concertation reprochée à Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest pour évincer la société Crégut n'a pas empêché la collectivité publique de s'approvisionner en 1992 en matériaux de voirie à des prix largement inférieurs aux tarifs tiers ; qu'ainsi, le dommage à l'économie est resté limité ;
Sur les sanctions :
En ce qui concerne la société Colas Sud-Ouest :
Considérant que la société Colas Sud-Ouest s'est livrée à des pratiques anticoncurrentielles prohibées pour évincer la société Crégut du marché des enrobés bitumineux de la CUB conclu en 1992 en lui appliquant des tarifs discriminatoires ; que ces pratiques ont conduit la société Crégut à renoncer à la reconduction de ce marché en 1993 ;
Considérant que la société Colas Sud-Ouest a réalisé en France, au 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 807 422 343 F et qu'elle a dégagé un résultat bénéficiaire de 3 925 379 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 6 000 000 F ;
En ce qui concerne la société SCREG Sud-Ouest :
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest s'est livrée de la même manière à des pratiques anticoncurrentielles prohibées pour évincer la société Crégut du marché des enrobés bitumineux de la CUB conclu en 1992 en lui appliquant des tarifs discriminatoires ; que ces pratiques ont conduit la société Crégut à renoncer à la reconduction de ce marché en 1993 ;
Considérant que la société SCREG Sud-Ouest a réalisé en France, au 31 décembre 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 745 941 643 F et qu'elle a dégagé un résultat bénéficiaire de 5 292 153 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 5 000 000 F,
Décide :
Art. 1er. - Il est établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce sur le marché des enrobés bitumineux de la CUB passé en 1992.
Art. 2. - Il n'est pas établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce sur le marché des enrobés bitumineux de la CUB passé en 1993.
Art. 3. - Il n'est pas établi que les sociétés Colas Sud-Ouest et SCREG Sud-Ouest ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 sur le marché de la fabrication des enrobés bitumineux en Gironde.
Art. 4. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
6 000 000 F à la société Colas Sud-Ouest.
5 000 000 F à la société SCREG Sud-Ouest.