CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 3 avril 2001, n° 2001-1
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Société française de Transmissions Florales, Interflora France (SA)
Défendeur :
Telefleurs (SA), Flora-jet (SA), Floritel (SARL), Transelite (Sté), Aufiero, Moreux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brégeon (faisant fonction)
Avoués :
Mes Autier, Fisselier, Lagourgue
Saisi par les sociétés Telefleurs, Transelite, Floritel, Fax-Flor (devenue Flora-Jet) et Euroflora, ainsi que par Monsieur Emmanuel Moreux, Madame Anne-Marie Aufiero, d'autres fleuristes et le Ministre de l'économie et des finances (le Ministre) de pratiques mises en œuvre par la société française de transmissions florales Interflora (SFTF - Interflora) sur le marché de la transmission florale à distance, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 00-D-75 du 6 février 2001 :
- article 1 : donné acte à Monsieur Chaneac de son désistement,
- article 2 : classé la saisine enregistrée sous n° F 586,
- article 3 : dit établi que la société SFTF - Interflora a enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce,
- article 4 : enjoint à la société SFTF - Interflora de cesser d'appliquer, dans son système de notation des fleuristes adhérents, des critères tels que "... n'exécute que sous la marque Interflora... ou ... ne vend que sous la marque Interflora ..." qui ont pour résultat d'accorder des bonus aux fleuristes qui adhèrent à son seul réseau de transmission florale à distance,
- article 5 : enjoint à la société SFTF - Interflora de cesser d'interdire aux fleuristes adhérents de mentionner sur une même annonce d'annuaire ou de minitel l'appartenance simultanée au réseau Interflora et à d'autres réseaux de transmission florale à distance,
- article 6 : enjoint à la société SFTF - Interflora, notamment sur les documents représentant les produits floraux proposés à la vente, de prendre les mesures nécessaires pour informer clairement les consommateurs du caractère purement indicatif des conditions minima de transaction et de la possibilité pour eux de passer des ordres d'un montant inférieur à ceux mentionnés, sous réserve de l'accord préalable du fleuriste susceptible d'exécuter l'ordre envisagé,
- article 7 : infligé à la société SFTF - Interflora une sanction pécuniaire de dix millions de francs,
- article 8 : dit que dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision, la société SFTF - Interflora fera publier, à ses frais, dans le quotidien Le Figaro, la seconde partie de celle-ci, intitulée "Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil", jusqu'à "S'agissant des griefs notifiés à la société Floritel ", les considérants concernant "les suites à donner", à l'exception du deuxième et des trois derniers considérants, et le dispositif à l'exception de ses articles 9 et 10, la publication étant précédée de la mention "Décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-75 du 6 février 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la transmission florale à distance",
- article 9 : dit établi que la société Floritel a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- article 10 : infligé à la société Floritel une sanction pécuniaire de cent cinquante mille francs.
Ayant formé le 27 février 2001 un recours en annulation, et subsidiairement en réformation, à l'encontre de cette décision, la société SFTF - Interflora demande, conformément aux dispositions de l'article L. 464-8 du Code de commerce, qu'il soit sursis à l'exécution de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée, au motif que "les paramètres retenus par le Conseil pour liquider (cette) sanction sont erronés, ce qui a pour conséquence de générer des conséquences manifestement excessives à son endroit".
La société Transelite indique, par conclusions du 16 mars 2001, s'en rapporter à justice tout en estimant qu'il ne serait pas inéquitable qu'une partie de la sanction reste exécutoire.
La société Téléfleurs par conclusions déposées à l'audience du 20 mars 2001, s'oppose à la " demande de suspension de l'exécution provisoire" et à titre subsidiaire, sollicite que la décision soit jugée exécutoire à hauteur de 5 606 100 F.
A l'audience susmentionnée du 20 mars 2001, le Ministre et le Ministère Public ont conclu oralement au rejet de la demande de sursis, la requérante a eu la parole en dernier afin de répondre à l'ensemble des observations présentées et en clôturant les débats, nous avons fait connaître que l'affaire était mise en délibéré au 3 avril 2001.
Sur ce,
Attendu qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce, le recours contre une décision du Conseil n'est pas suspensif mais que, toutefois, le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu qu'en l'espèce, la société SFTF - Interflora se prévaut de conséquences manifestement excessives en faisant valoir que le Conseil a retenu comme assiette des pénalités le chiffre d'affaires comptabilisé par elle pour l'exercice 1999 (637 886 353 F) alors que celui-ci ne correspond pas à celui qu'elle a réalisé (112 122 000 F) ; qu'elle en déduit que la sanction pécuniaire prononcée correspond au double du plafond légal s'élevant à 5 606 100 F ; qu'elle expose qu'une telle sanction générera des "conséquences manifestement excessives au regard de (sa) situation" puisqu'elle "verrait son chiffre d'affaires amputé de 10 % de son montant, avec toutes conséquences sur la vie sociale de l'entreprise" ;
Mais attendu que la société SFTF - Interflora reconnaît elle-même que, tant dans le mémoire déposé par elle devant le Conseil que dans les observations orales qu'elle a développées au cours de la séance tenue par celui-ci le 21 novembre 2000, elle a soulevé le même moyen tenant à la spécificité du chiffre d'affaires réalisé par elle;
Que, dès lors, le chiffre d'affaires du dernier exercice clos, ayant servi d'assiette à la sanction déférée, ne peut être apprécié dans le cadre d'une demande de sursis à exécution;
Qu'au surplus, la requérante ne justifie pas que le paiement de la sanction pécuniaire infligée serait de nature à mettre en péril l'équilibre financier de son entreprise ni même que ses facultés contributives ne lui permettent pas d'effectuer ce paiement ; qu'en l'absence de démonstration concrète et chiffrée d'excès évidents qu'entraînerait de manière effective l'exécution de cette sanction, la société SFTF - Interflora ne caractérise pas les conséquences manifestement excessives alléguées par elle ;
Par ces motifs : Rejetons la requête de la société française de transmissions florales Interflora, La condamnons aux dépens.