Conseil Conc., 12 avril 2001, n° 01-D-12
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine de la société Chépar
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Nguyen-Nied, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, Mme Perrot, MM. Bidaud, Lasserre, Piot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la lettre enregistrée le 23 avril 1998 sous le numéro F 1045, par laquelle la société anonyme Chépar a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques qui seraient mises en œuvre par la société Auchan dans la zone de chalandise des communes d'Avignon et Cavaillon, constitutives d'un abus de position dominante au sens de l'article 8-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-2 du Code de commerce ; Vu le livre IV du Code du commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par la société Chépar et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Chépar entendus au cours de la séance du 30 janvier 2001 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) suivants ;
I. - LES CONSTATATIONS
La société Chépar, qui exploite un hypermarché à l'enseigne Leclerc à Cavaillon, considère que, dans cette zone, la société Auchan, qui exploite un hypermarché à Cavaillon et deux hypermarchés à Avignon, l'un à Avignon-Sud, l'autre au Pontet, occupe une position dominante dont elle abuse, d'une part, en organisant des campagnes de communication importantes et, d'autre part, en pratiquant des prix d'appel aboutissant à des ventes à perte, dans le but de détourner la clientèle de l'hypermarché Leclerc de Cavaillon vers l'hypermarché Auchan du Pontet.
A. - Le secteur
1. Les sociétés en cause
La société Chépar
La société anonyme Chépar a été fondée en 1984 pour exploiter à Cavaillon un supermarché d'une superficie de 1 200 m², sous l'enseigne Intermarché.
Au moment de sa création, l'équipement commercial des agglomérations de Cavaillon et d'Avignon était composé de nombreux établissements, dont un hypermarché à l'enseigne Auchan situé au Pontet (Avignon-Nord) et trois supermarchés : un à l'enseigne Montlaur à Avignon-Sud, un à l'enseigne Casino à Avignon-Sud et un à l'enseigne Mammouth à Cavaillon.
Depuis 1984, la plupart des établissements concurrents ont bénéficié d'autorisations leur permettant d'augmenter leurs surfaces de vente, les transformant en hypermarchés. La société Chépar a également étendu les surfaces de vente de son magasin, qui est exploité en hypermarché d'une superficie de 3 800 m². Depuis 1993, la société a changé son enseigne d'exploitation pour celle de Leclerc.
Le groupe Auchan
Auchan est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, qui regroupe plusieurs sociétés issues d'acquisitions de magasins ; elle exerce directement l'activité de vente de produits à dominante alimentaire et exploite plusieurs sociétés, comme la société Boulanger, spécialisée dans la distribution de produits de hi-fi, la société Agapes, dans le secteur de la restauration rapide, et la société Alinéa, qui commercialise des meubles.
Depuis qu'elle a acquis, en 1997, la société Docks de France, la société Auchan exploite, outre des hypermarchés souvent de grande taille implantés dans les grandes villes, des supermarchés et magasins de proximité aux enseignes Atac et Ecoservice.
Avec, en 1999, une part de marché estimée à 13 % des ventes réalisées en France par le grand commerce, la société se situe aujourd'hui au quatrième rang de ce marché, sur lequel elle est devancée par Carrefour, Leclerc et Intermarché.
Par ailleurs, la famille fondatrice a développé de multiples activités dans le secteur de la distribution spécialisée de détail, par l'intermédiaire de sociétés dont elle détient la plus grande partie du capital. Il s'agit des sociétés Leroy-Merlin (bricolage), Décathlon (articles de sport), Kiabi et Diramode (vêtements), Tapis Saint-Maclou (revêtements de sol) et Norauto (accessoires automobiles).
Les magasins Auchan concernés par la saisine
La société Auchan exploite :
un hypermarché à Cavaillon, qui, jusqu'en 1996, était exploité sous l'enseigne Mammouth, d'une surface de 5 885 m² : il a réalisé en 1998 un chiffre d'affaires de 363 millions de francs ;
un hypermarché de 17 500 m², situé au Nord d'Avignon au Pontet, dans une zone commerciale regroupant 30 enseignes spécialisées sur une surface totale de 100 000 m² ; et un hypermarché de 9 867 m2 au Sud d'Avignon, implanté dans une zone commerciale de 27 000 m². Le chiffre d'affaires de ces magasins s'est élevé respectivement à 1 486 millions et 686 millions de francs en 1998.
Les autres enseignes d'hypermarchés représentées dans le secteur concerné
La plupart des principales enseignes de la grande distribution sont présentes à Avignon et dans les communes environnantes. Ainsi, Carrefour dispose d'un hypermarché de 8 717 m² à Avignon-Est, d'un magasin à Beaucaire (4 200 m²) et d'un autre à Orange (4 925 m²). La société Casino exploite un hypermarché de 6 000 m² à Avignon-Sud, le groupement Leclerc dispose de quatre magasins situés à Bollène (6 718 m²), Carpentras (4 500 m²), aux Angles (6 000 m²) et à Cavaillon (3 800 m²), le groupe Intermarché est implanté à l'Isle-sur-la-Sorgue (avec 3 200 m²) et à Bollène (avec 2 700 m²).
2. Les differentes formes de commerce de détail
Le marché en cause est celui de la distribution, sur lequel les entreprises du secteur du commerce de détail de l'alimentation sont en contact en tant qu'offreurs avec les consommateurs finals.
Sur ce marché, il existe différentes formes de distribution, qui se distinguent entre elles par l'importance et le caractère plus ou moins complet de l'assortiment qu'elles proposent et par l'étendue des surfaces de vente.
En vue d'identifier les commerces qui se trouvent potentiellement en concurrence entre eux, car ils peuvent répondre à un même besoin, les marchés se définissent en tenant compte de la nature des prestations des commerces en cause et des limites territoriales des zones de chalandise.
Les décisions et avis rendus par la Commission européenne et par le Conseil de la concurrence distinguent les hypermarchés et supermarchés, le commerce spécialisé, le petit commerce de détail, les maxidiscompteurs, la vente par correspondance, en tenant compte des spécificités de chacune de ces formes de vente.
B. - Les pratiques dénoncées par la saisine
La société Chépar expose que les points de vente situés à Avignon-Sud, Avignon-Nord et Cavaillon appartiendraient à une même zone de chalandise "qui regrouperait les communes d'Avignon Est, d'Avignon Nord, d'Avignon Sud, de Morière-les-Avignon, du Pontet, de Sorgues, de Vedène, de Chateauneuf-de-Gadagne, de Jonquerettes, de Saint-Saturnin-les-Avignon, de Caumont-sur-Durance, de Cavaillon, de Cheval-Blanc, de Maubec, de Robion, des Taillades, d'Orgon, de Plan d'Orgon, de Verquières, de Saint-Andiol ".
Sur la zone ainsi définie, l'équipement commercial en hypermarchés compte cinq magasins, dont trois exploités sous l'enseigne Auchan (Auchan Avignon-Nord-Le Pontet, Auchan Mistral 7 Avignon-Sud, Auchan Cavaillon), les concurrents étant un hypermarché Géant Casino cap-Sud et l'hypermarché Leclerc de Cavaillon.
Toutefois, toujours selon la partie saisissante, les hypermarchés situés dans l'agglomération d'Avignon draineraient la majorité des flux de clientèle au détriment des hypermarchés de la ville de Cavaillon.
Ainsi, la société Auchan détiendrait une position dominante sur le marché défini, avec 70,33 % des surfaces de vente et 61,22 % sur la seule commune de Cavaillon. Le magasin exploité par la société Chépar, qui représente 7,89 % des surfaces de la zone telle que définie par le plaignant (et 38,77 % de la ville de Cavaillon) ne pourrait " s'opposer à la situation dominante de la société Auchan en raison des dispositions légales (lois du 27/12/1973 et du 5/07/1996) qui réduisent les possibilités d'extension des surfaces commerciales) [...] et des capacités financières du magasin appartenant à des commerçants indépendants qui ne permettent pas la réalisation des investissements nécessaires, alors qu'en revanche les établissements d'Auchan sont adossés à un groupe puissant dont les moyens financiers sont très importants ".
Les pratiques abusives consisteraient en " une politique concertée de baisse des prix sur la zone de chalandise de ses trois hypermarchés " mise en œuvre au mois d'août 1997, lors du changement d'enseigne de son magasin de Cavaillon.
Selon la société Chépar, la baisse des prix pourrait aller de 10 à 50 % selon les produits. Ainsi, la baisse des prix des yaourts aurait atteint 50 % et " compte tenu des marges distributeurs, de l'ordre de 10% sur ce produit, il est évident que ce produit a été vendu à perte ".
Cette politique de prix bas concernerait essentiellement le magasin du Pontet et aurait pour but de " détourner les clients des hypermarchés de Cavaillon pour les amener sur les hypermarchés d'Avignon Nord-Le Pontet ". D'ailleurs, les magasins d'Avignon-Sud et Cavaillon auraient été exclus de certaines promotions et de certaines annonces publicitaires les mentionnant.
Selon la société Chépar, en ciblant les baisses de prix sur l'alimentation, " la société Auchan attaque directement Leclerc sur son domaine de prédilection, mais cette attaque n'est pas organisée au profit des habitants de Cavaillon mais au profit de son magasin d'Avignon-Nord Le Pontet " et par ailleurs, " le magasin Auchan situé à Cavaillon maintient ses marges tant que le magasin Leclerc est dans l'obligation de baisser ses prix pour faire face non seulement à une baisse des prix sur Cavaillon mais aussi à une politique concertée d'appel des clients vers les points de vente d'Avignon-Nord ". La société Chépart dénonce par ailleurs les dépenses excessives engagées par Auchan pour les campagnes de publicité.
C. - Les zones de chalandises
1. La zone de chalandise des hypermarchés de Cavaillon
Il ressort de la jurisprudence communautaire et nationale que, lorsque deux magasins relèvent de deux catégories différentes ou que les temps de déplacement acceptables pour les consommateurs sont différents (petits et grands hypermarchés, hypermarchés isolés et hypermarchés situés dans des centres commerciaux régionaux), la zone retenue est celle du magasin le plus petit.
En l'espèce, il ressort de l'enquête que le magasin Auchan de Cavaillon est situé dans le quartier Est de la ville, il dispose d'une surface de 5 885 m2 et d'une galerie marchande. Sa zone de chalandise englobe Cavaillon et les communes situées dans un périmètre proche, dont les habitants peuvent accéder au magasin dans un délai de 15 à 20 minutes.
En revanche, Cavaillon se trouve à 26 km d'Avignon et à 25 km du Pontet. Selon les informations du serveur ITI, le temps de déplacement entre ces points peut être évalué à 25 minutes. Ce qui exclut donc Avignon-Sud et le Pontet de la zone de chalandise des hypermarchés de Cavaillon.
2. La zone de chalandise des hypermarchés Auchan d'Avignon
a) Le magasin Auchan du Pontet
Compte tenu de sa superficie, de son implantation dans un centre commercial important et de la bonne qualité de la desserte routière, car il est situé à un carrefour routier en bordure de l'autoroute A7, le magasin Auchan du Pontet dispose d'une zone de chalandise particulièrement vaste qui englobe la quasi-totalité du département du Vaucluse, le Nord des Bouches-du-Rhône, le Sud de la Drôme et de l'Ardèche et qui comprend pour partie des communes de la zone de chalandise de Cavaillon.
L'étendue de cette zone de chalandise est liée à la forte attractivité de l'hypermarché, renforcée par la présence sur la zone commerciale de 82 magasins, dont plusieurs enseignes spécialisées de forte notoriété (Go sport, Courir) ; la surface de vente totale de l'ensemble est de l'ordre de 100 000 m2.
b) Le magasin Auchan d'Avignon-Sud
Le magasin Auchan d'Avignon-Sud bénéficie également d'une attractivité très forte, grâce à son implantation dans une zone commerciale d'une superficie de 27 000 m², située à proximité de l'autoroute A7.
Il ressort de l'enquête que sa zone de chalandise couvre Avignon et sa périphérie, l'ouest du Gard et s'étend au Sud-Est du Vaucluse (Apt, Cavaillon) et au Nord des Bouches-du-Rhône.
3. Le taux de pénétration des magasins en pourcentage des ménages habitants la zone
Il ressort de données produites par la société Auchan qu'en 1997, la clientèle du magasin Auchan de Cavaillon était originaire à 47 % de Cavaillon et que les habitants d'Avignon et de ses environs immédiats ne le fréquentaient pas.
La situation du magasin Leclerc de Cavaillon est similaire, sa clientèle provient pour 48 % de Cavaillon et ne compte aucun habitant d'Avignon, du Pontet, de Villeneuve, des Angles, de Bagnols, d'Orange ou de Carpentras, qui représentent l'essentiel de la clientèle du magasin Auchan du Pontet.
A l'inverse, la part de clientèle originaire de Cavaillon a été évaluée par l'enquête à 9 % de la clientèle du magasin Auchan du Pontet et 5 % de celle du magasin Auchan d'Avignon-Sud.
La répartition de la clientèle des autres hypermarchés d'Avignon ou de sa proche périphérie confirme que la clientèle commune est très marginale : 6 % de la clientèle du magasin Géant est originaire de Cavaillon, ainsi que 2 % de celle du magasin Carrefour ; aucun client de Cavaillon ou de ses environs ne fréquente le magasin Leclerc d'Avignon.
S'agissant de la position de la société Auchan dans la zone de chalandise de Cavaillon, l'enquête a apporté pour l'année 1998 les données suivantes :
<emplacement tableau>
Il résulte de ces données qu'en part de marché, la société Auchan détenait 45,7 % des surfaces d'hypermarchés et réalisait 47,7 % en chiffre d'affaires de cette forme de commerce. Sur l'ensemble du grand commerce, sa part en surface était ramenée à 23,9 %.
Elle était devancée par Intermarché, qui détenait 26,9 % de l'ensemble des surfaces, et suivie par les groupements Système U (20 % avec quatre magasins) et Leclerc (15,4 % ou 17,4 % selon les chiffres diffusés par Panorama).
D. - Le rapport de non-lieu
La rapporteure a estimé que les zones de chalandise des hypermarchés de Cavaillon et d'Avignon étaient distinctes. Qu'en effet, les magasins situés à Cavaillon avaient une zone de chalandise inscrite dans la zone des grands hypermarchés du Pontet et d'Avignon-Sud, mais que, faute d'avoir en commun une part significative de clientèle, les hypermarchés concernés ne pouvaient être considérés comme étant en concurrence.
Elle a estimé par ailleurs qu'il ressortait des données chiffrées que la société Auchan ne se trouvait pas en position dominante dans la zone de chalandise de Cavaillon et, enfin, qu'aucun élément du dossier ne pouvait, en tout état de cause, être considéré comme de nature à établir une pratique abusive.
Dans ces conditions, la rapporteure a proposé au Conseil de prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur le marché pertinent et la position de la société Auchan sur ce marché
Considérant que, dans son avis n° 96-A-11 du 10 septembre 1996, relatif à la prise de participation, suivie d'une offre publique d'achat, du capital de la société Docks de France, réalisée par la société Auchan, le Conseil de la concurrence a constaté qu'une "application des critères habituellement retenus pour délimiter la zone d'attraction des hypermarchés permet de limiter celle de Cavaillon aux communes situées entre cette ville et Avignon-Sud ; qu'en conséquence le magasin Auchan situé au Pontet n'entrant pas dans la zone considérée, la nouvelle entité dispose de 25 000 m2 mais reste confrontée à la présence de trois enseignes concurrentes, fortement implantées (un Géant Casino de 10 000 m2, trois magasins Leclerc d'une surface totale de 14 000 m2, un carrefour de 8 700 m2) ; qu'ainsi la situation de la concurrence ne paraît pas, a priori, remise en cause par l'opération sur la zone de Cavaillon-Avignon-Sud" ;
Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que cette situation aurait été modifiée entre 1996 et la date de saisine du Conseil de la concurrence par la société Chépar, intervenue le 23 avril 1998 ;
Considérant que la partie saisissante fait valoir qu'il résulte de l'enquête administrative menée par la direction régionale de la concurrence Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur le secteur concerné, que le groupe Auchan serait en position dominante dans la zone de chalandise de Cavaillon ;
Mais considérant qu'il résulte d'une jurisprudence constante, non contestée, de la Commission européenne et du Conseil de la concurrence que les zones de chalandise de divers points de vente sont déterminées, notamment, par les temps de déplacement nécessaires pour accéder aux magasins considérés ; que ce critère varie selon l'attractivité et la taille des magasins et que les temps généralement retenus sont compris entre 10 et 15 minutes de temps de déplacement en voiture pour les supermarchés et de 15 à 30 minutes pour les hypermarchés ; que,plus particulièrement, pour les hypermarchés de moins de 10 000 m2, le temps de déplacement moyen peut être estimé à 15-20 minutes, lorsqu'ils sont sur un site isolé, et à 30 minutes dans le cas d'une implantation en centre commercial, alors que pour les hypermarchés de plus de 10 000 m2, le temps moyen est établi à 30 minutes;
Considérant qu'il ressort des données chiffrées, énoncées dans la première partie de la présente décision, que le magasin Auchan de Cavaillon, d'une surface de 5 885 m2, englobe dans sa zone de chalandise, au regard des principes ci-dessus énoncés, la ville de Cavaillon et les communes situées dans un périmètre accessible dans un délai de 15 à 20 minutes en voiture ; que les communes d'Avignon-Sud et du Pontet, éloignées de 25 à 26 km, ce qui représente un temps de déplacement de 25 minutes environ, ne sont donc pas comprises dans cette zone de chalandise ; que cette analyse est confortée par deux études, produites par la société Chépar, selon lesquelles la zone de chalandise du magasin Leclerc de Cavaillon comporterait les communes accessibles en 15 minutes et ne comporterait donc pas les magasins Auchan du Pontet et d'Avignon-Sud ;
Considérant qu'il résulte des données chiffrées, non contestées, recueillies au cours de l'enquête et rappelées en première partie de la présente décision, que si, dans la zone de chalandise de Cavaillon, la société Auchan détenait en 1998 45,7 % de la surface des hypermarchés, cette part n'était que de 23,9 % de la surface de vente de l'ensemble du grand commerce de cette zone ; que se trouvaient dans cette zone deux autres enseignes d'hypermarchés (Leclerc et Intermarché), réputées pour la pression qu'elles exercent sur le niveau des prix ; qu'en outre, pour apprécier les conditions effectives d'exercice de la concurrence, s'agissant de la grande distribution à dominante alimentaire, il convient de tenir compte des formes de commerce qui offrent des produits identiques ou analogues à ceux offerts par les hypermarchés à des prix voisins, voire inférieurs; qu'étaient implantés dans cette zone, au moment des faits allégués, onze supermarchés, dont cinq maxidiscompteurs ; que,dès lors, la société Auchan n'avait pas le pouvoir de s'abstraire de la concurrence et ne se trouvait donc pas en position dominante dans cette zone de chalandise ;
Sur les pratiques reprochées
Considérant, en premier lieu, que les dépenses publicitaires, tant au plan national, qu'au plan régional, font partie des moyens qu'une entreprise peut légitimement mettre en œuvre dans la compétition commerciale ; qu'elles ne peuvent être considérées en elles-mêmes comme susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle ; qu'aucun élément tendant à établir le caractère abusivement élevé des dépenses publicitaires de la société Auchan n'a été produit au dossier ou établi par l'enquête ; que l'allégation selon laquelle des campagnes publicitaires auraient été réservées aux deux seuls magasins Auchan d'Avignon et auraient exclu le magasin Auchan de Cavaillon, à seule fin de détourner la clientèle de la zone de chalandise de Cavaillon vers les magasins Auchan d'Avignon, n'est appuyée d'aucun élément probant ; que, de surcroît, les trois magasins Auchan, appartenant à la même société, ne pourraient être accusés de participer à une concertation au sens du droit de la concurrence ;
Considérant, en second lieu, que, si la société Chepar fait état d'une promotion d'Auchan portant sur des yaourts qui, selon elle, auraient été revendus à perte, elle n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation ;
Considérant, ainsi, qu'aucune des pratiques dénoncées par la saisine n'est établie ;
Considérant, enfin, que la société saisissante a reconnu en séance ne pas avoir été affectée par les pratiques qu'elle a dénoncées ; qu'elle a fait valoir, néanmoins, que des comportements susceptibles d'affecter le jeu de la concurrence peuvent être qualifiés d'anticoncurrentiels et sanctionnés à ce titre ;
Mais considérant que, si les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce prohibent les pratiques qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, de telles pratiques n'entrent dans le champ d'application de ces dispositions que si elles sont qualifiables d'entente ou d'abus de position dominante ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Considérant que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure,
Décide :
Article unique : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.