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Décisions

Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-30.126

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Carrières Bronzo (SA), Cofirem (SARL), Colas Midi Méditerranée (SA), Perasso et ses fils (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Le Prado, SCP Vier, Barthélémy, Me Ricard.

TGI Marseille, du 23 mars 1995

23 mars 1995

LA COUR : - Joint les pourvois n° 95-30.126, 95-30.127, 95-30.128 et 95-30.129 qui attaquent la même ordonnance ; - Attendu que par ordonnance du 28 mars 1995 rectifiée le 11 avril, le président du Tribunal de grande instance de Marseille a autorisé des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de huit sociétés fabricantes de granulats et de béton prêt à l'emploi dans les Bouches-du-Rhône en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 1 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée sur ce marché ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 95-30.126 : - Attendu que la société anonyme Bronzo fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors selon le pourvoi, que le juge ne peut autoriser de visites et saisies domiciliaires que "dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre de l'Economie ou le Conseil de la concurrence", ce dernier dûment saisi; qu'en l'espèce, il est seulement fait référence à la demande d'enquête du Conseil de la concurrence, "relative à une saisine de la société Carrières de Sainte-Marthe" faisant suite à une délibération du conseil, ce qui laisse planer une totale ambiguïté sur la saisine de ce dernier, sur plainte d'un plaignant ou d'office; qu'ainsi, aucun contrôle ne pouvant être exercé sur la régularité de la saisine du Conseil de la concurrence, et donc sur la régularité de la saisine même du juge, la cassation est encourue pour violation de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que la demande d'autorisation de visite et saisie domiciliaires, qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre chargé de l'Economie ou par le Conseil de la concurrence, peut être présentée par les enquêteurs habilités; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen des pourvois n° 95-30.127, 95-30.128 et 95-30.129 : - Attendu que les sociétés Cofirem, Colas Méditerranée et Perrasso et ses fils font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors selon les pourvois, que l'enquête étant demandée par le Conseil de la concurrence, la demande d'autorisation devait être signée du président de ce conseil; que le directeur général aurait pu valablement donner pouvoir à un directeur régional, de saisir le président du tribunal de grande instance, mais à la condition, en substituant à une demande d'enquête du Conseil de la concurrence, une demande ministérielle de mettre en service la délégation de signature dont il est titulaire; que le tribunal ne pouvait donc dire recevable une demande d'autorisation, procédant d'une demande d'enquête du Conseil de la concurrence sans constater que le requérant, directeur régional avait valablement reçu pouvoir du directeur général; que la décision attaquée est entachée d'un défaut de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'ordonnance relève que la requête du directeur régional s'inscrit dans l'enquête, demandée par le Conseil de la concurrence, qui vise notamment l'utilisation des pouvoirs de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, au directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes,qu'il résulte de la pièce produite que le président du tribunal a eu une lettre signée du président du Conseil de la concurrence demandant une enquête au directeur général de la Concurrence et une note de ce dernier à son directeur régional;que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen des pourvois n° 95-30.127, 95-30.128 et 95-30.129 : - Attendu que les sociétés Cofirem, Colas Méditerranée et Perrosso et ses fils font aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses à raison de l'absence au dossier transmis au greffe de la Cour de cassation, des cinq séries de pièces annexées à la demande d'autorisation présentée à M. le président du tribunal de grande instance, pièces sur la considération desquelles ce juge a fondé sa décision; alors, selon les pourvois, que cette absence, et, en particulier celle de la demande d'enquête du Conseil de la concurrence, et du procès-verbal de déclaration de M. Grandi (dirigeant de la société par laquelle est actuellement exploitée la carrière) et des documents annexés à cette déclaration, exclut la faculté pour les sociétés, de présenter, au soutien du pourvoi en cassation prévu par l'article 48, alinéa 5, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le ou les moyens de cassation dénonçant les erreurs de droit éventuellement commises par le juge saisi; que les sociétés n'étant pas en mesure d'apprécier de quelles critiques la décision attaquée pourrait être éventuellement l'objet, et la Cour de cassation n'étant pas en mesure de contrôler la régularité de cette décision, celle-ci doit être censurée; que le maintien les priverait, en violation de l'article 48, alinéa 5, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, du pourvoi en cassation que ce texte prévoit, voie de recours indispensable à l'encontre d'une décision non contradictoire et en outre en violation de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du recours effectif dont ce texte prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, a droit ;

Mais attendu que l'ordonnance attaquée échappe en elle-même aux griefs formulés aux moyens susvisés lesquels ne concernent que la communication ultérieure des pièces produites par l'Administration ; qu'en effet, d'un côté, en ce qu'ils sont relatifs à la "constitution du dossier officiel" destiné à être "adressé à la Cour de cassation" les griefs concernent des diligences administratives qui relèvent de l'organisation du service judiciaire; que, d'un autre côté, s'agissant des critiques émises quant à l'absence de communication des pièces, il appartient aux parties demanderesses au pourvoi, si les pièces litigieuses ne se trouvent pas au greffe de la juridiction de mettre en demeure l'Administration, qui avait obtenu l'autorisation de visite en cause, de leur communiquer lesdites pièces de manière à permettre l'exercice de leurs droits et en particulier d'élaborer les moyens à l'appui de leur pourvoi; que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 95-30.126 : - Attendu que la société anonyme Carrière Bronzo fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que des visites et saisies domiciliaires ne peuvent être légalement autorisées qu'après vérification du bien-fondé de la demande ; qu'en s'attachant exclusivement en l'espèce à de précédentes décisions émanant soit du Conseil de la concurrence, soit du juge judiciaire, relatives à la conclusion du bail d'exploitation des carrières de Sainte-Marthe du 5 février 1988 et dont l'objet était ainsi totalement distinct de celui de la demande d'enquête, relative à la conclusion d'un nouveau bail conditionnel le 23 mars 1994, le juge saisi n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que le juge ne s'est pas exclusivement fondé sur de précédentes décisions judiciaires mais sur les conditions de la création d'une nouvelle société de marchand de biens à Paris, la société à responsabilité limitée Cofirem, signataire d'un bail de carrière conditionnel avec le propriétaire des terrains et sur le procès-verbal de déclaration du 30 janvier 1995 du dirigeant de la société anonyme Carrières de Sainte-Marthe; que le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyens de preuve du bien-fondé des agissements; que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux mêmes privés et d'une saisie de documents s'y rapportant; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen des pourvois n° 95-30.127, 95-30.128 et 95-30129 : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu qu'en fixant un délai maximum de 6 mois pour la présentation des requêtes tendant à l'annulation des opérations achevées alors qu'il ne résulte pas de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'un tel recours soit enfermé dans un délai légal ou dans un délai à la discrétion du juge, le président a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 95-30.126, pris en ses deux branches, qui attaque l'ordonnance rectificative : - Attendu que la société Carrière Bronzo fait grief à l'ordonnance rectificative du 11 avril 1995 d'avoir désigné Mme Batle au lieu et place de M. Pochebarne empêché alors selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant bien fondée la requête sans vérification aucune des circonstances alléguées, le juge a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en application des dispositions de l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, il y a lieu à cassation de l'ordonnance rectificative attaquée, par voie de conséquence de la cassation qui sera prononcée de l'ordonnance rectifiée, également attaquée ;

Mais attendu, en premier lieu, que les pourvois n'ayant entraîné que la cassation partielle de l'ordonnance du 28 mars 1995 en ce qu'elle avait fixé un délai pour la présentation de requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie, cette cassation partielle n'est pas susceptible d'entraîner la cassation totale par voie de conséquence de l'ordonnance attaquée par le présent pourvoi ;

Attendu, en second lieu, que le juge a procédé à la vérification des circonstances alléguées au remplacement d'un des quatre officiers de police judiciaire désignés précédemment ; que le moyen manque en fait et ne peut être accueilli pour le surplus ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'elle a fixé un délai de 6 mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires, l'ordonnance rendue le 28 mars 1995, par le président du Tribunal de grande instance de Marseille ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.