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Décisions

Conseil Conc., 5 décembre 1989, n° 89-D-43

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Marché de la chaussure de sport

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en section sur le rapport de M. Bourhis dans sa séance du 5 décembre 1989, où siégeaient : M. Béteille, vice-président, présidant, MM. Bon Fries, Mmes Hagelsteen, Lorenceau, M. Schmidt, membres.

Conseil Conc. n° 89-D-43

5 décembre 1989

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 14 novembre 1986, sous le numéro F 44 (C 222), par laquelle le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, a saisi la commission de la concurrence d'un dossier relatif à la situation de la concurrence sur le marché de la chaussure de sport ; Vu la décision n° 88-D-12 du 16 mars 1988 par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de pratiques éventuellement mises en œuvre sur le marché de la chaussure de sport par les sociétés commercialisant les marques Adidas, Le Coq sportif, Nike, Patrick, Puma, Reebok, TBS, Ligne 7 (Noël) ; Vu l'article 85 du traité de Rome et le règlement n° 17-62 du conseil, modifié, pris pour son application ; Vu les ordonnances n° 1483 et 1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu les décisions du président du Conseil de la concurrence n° 89-DSA-02 du 20 mars 1989 et n° 89-DSA-03 du 6 avril 1989 retirant diverses du dossier à la demande des sociétés Adidas France, Le Coq sportif (devenue Sarragan France) et Nike France ; Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus, Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - CONSTATATIONS

1. Sur l'existence d'un marché de la chaussure de sport haute et moyenne gamme

Le marché de la chaussure de sport dans son ensemble se caractérise par une segmentation naturelle liée aux spécificités propres à chaque discipline sportive (football-rugby, tennis, jogging, basket...).

Une étude effectuée en 1986 par la Fédération Nationale de l'Industrie de la Chaussure de France (FNCIF) révèle qu'à cette segmentation technique s'ajoute une segmentation qui s'est opérée sur le marché en fonction du couple prix-circuit de distribution. L'étude précitée démontre en effet que le prix des chaussures de sport commercialisées par les magasins spécialisés était en moyenne supérieur de 72 p. 100 au prix des chaussures de sport tous circuits confondus alors qu'à l'inverse des chaussures de sport commercialisées par les hypermarchés et les magasins populaires était inférieur d'environ 45 p. 100 au prix moyen du marché.

La stratégie commerciale de certains hypermarchés qui a consisté durant de nombreuses années, à ne commercialiser quasiment que des articles de bas de gamme, souvent sous la marque du distributeur, tend cependant à s'infléchir progressivement sous la pression de certains fabricants de chaussures de marques à fort taux de notoriété, qui acceptent de livrer les circuits de distribution non spécialisés en articles de haute et moyenne gamme, à la condition que ces derniers aménagent des espaces réservés aux articles de sport.

Les fabricants de chaussures de marques, qui offrent généralement une gamme assez étendue de modèles, mettent, de manière unanime, l'accent sur les efforts de recherche que nécessite la mise au point des modèles, les plus techniques en raison des risques médicaux que pourraient faire naître chez l'athlète une chaussure mal conçue.

L'analyse du marché de la chaussure de sport conduit à distinguer d'une part un marché " bas de gamme " concernant des chaussures de marques à faible taux de notoriété, peu onéreuses et commercialisées essentiellement par les circuits de distribution dits " alimentaires " et d'autre part un marché de la chaussure " haute et moyenne gamme " relatif à la commercialisation de chaussures de marques dites " techniques " et à fort taux de notoriété distribuées en majorité par les circuits de distribution spécialisés dans la vente d'articles de sport à des prix aux consommateurs se situant le plus souvent dans une fourchette de l'ordre de 250 F à 700 F.

La société Adidas France, filiale de la société Adidas Allemagne, fabricant d'articles de sport portant la marque " aux trois bandes ", a su, en s'appuyant sur une très forte politique de communication au plan mondial, conserver durant de nombreuses années une position prééminente sur le marché français de la chaussure haute et moyenne gamme.

L'arrivée de nouveaux fabricants américains sur le marché national, favorisée par les changements de mode de vie des consommateurs, eux-mêmes, influencés, dans une large mesure, par les courants socio-économiques observés outre-Altantique, a cependant quelque peu modifié la situation.

L'offre de la chaussure de sport haute et moyenne gamme sur chacun des segments du marché national est actuellement dominée par un nombre limité de fabricants qui s'appuient sur une forte politique de " marketing " et de " sponsoring ". Les études faites récemment sur le marché permettent d'estimer les parts relatives de chacun des principaux fabricants, tous circuits de distribution confondus, comme suit :

<EMPLACEMENT TABLEAU>--La demande, très atomisée, s'effectue soit directement auprès des fabricants, soit par l'intermédiaire de négociants grossistes en chaussures. Les études faites auprès des distributeurs spécialisés font apparaître un développement important, en nombre et en surface, des magasins spécialisés à enseignes au cours des dernières années. Ce mouvement, qui concerne l'ensemble du marché de l'habillement (chaussures, vêtements de sport), s'est également produit au détriment des magasins isolés et au profit des groupements de distributeurs indépendants, tels que " La Hutte " et " Sport 2000 " ainsi qu'en faveur des commerces intégrés comme " Go Sport ", " Décathlon " ou " Athlete's Foot ". Parallèlement à ce phénomène s'est également opéré un mouvement de concentration de la demande lié à l'intérêt croissant des groupes multispécialistes au secteur du sport en général. Ainsi s'explique le développement des enseignes Go Sport appartenant au groupe Genthy Cathiard au moment des faits et Décathlon du groupe Auchan, tous deux leaders de la distribution intégrée en France.

La concurrence intermarques tend à se développer avec l'arrivée constante de nouveaux entrants sur le marché, et ce, à un rythme très rapide comme le démontre l'arrivée de la société Reebok sur le marché français, dont le nombre de paires vendues est passé de 32 000 à 632 000 par an entre 1985 et 1987. L'évolution de ce secteur fortement marqué par une médiatisation croissante et par la naissance d'un concept sport-loisirs s'explique en effet, dans une large mesure, par l'apparition de phénomènes de mode liés à l'utilisation du sport en tant que spectacle.

L'examen du fonctionnement du marché fait apparaître que, bien qu'actuellement caractérisée par la prééminence exercée par quelques fabricants, au nombre desquels la société Adidas France détient toujours le rôle de leader, la demande est très influencée par des causes exogènes et que ce marché, ne présentant pas de barrières à l'entrée, offre des potentialités non négligeables pour de nouveaux concurrents désireux de le pénétrer.

2. Les faits à qualifier

Une première enquête administrative qui s'était déroulée en 1985-1986 et qui avait relevé un certain nombre de pratiques mises en œuvre par la société Adidas France avait abouti à une saisine ministérielle de la commission de la concurrence en date du 14 novembre 1986. Des éléments complémentaires à cette saisine ont été adressés au Conseil de la concurrence le 7 juin 1988. A la suite d'une décision d'autosaisine du Conseil de la concurrence n° 88-D-12 en date du 16 mars 1988, une seconde enquête administrative a été faite sur le marché de la chaussure de sport, enquête qui a donné lieu à l'établissement de rapports dans les formes prévues par les dispositions de l'article 46 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

a) Les pratiques commerciales mises en œuvre par la société Adidas France ci-après désignée Adidas.

Le réseau de distribution de chaussures de la société Adidas France comprend des revendeurs-grossistes dénommées " centres de distribution " et des détaillants, ces derniers pouvant s'adresser, selon leur importance ou leur qualité, soit directement au fabricant (environ 2 600), soit aux grossistes liés à Adidas par un contrat de franchise contenant une clause d'exclusivité (environ 4 000). Comme l'attestent les rapports de visite des représentants de la société Adidas versés au dossier, des concertations se sont déroulées localement à Pau, à Saint-Martin-d'Hères, au Havre, en Avignon, à Calais et à Valenciennes, au cours des années 1983 à 1985, entre le fabricant et des distributeurs traditionnels pour que soit assurée l'application de coefficients minima de revente au consommateur de l'ordre de 1,70 à 1,80 .

Ainsi le rapport rédigé le 10 mars 1983 (annexes 271 à 273) indique au sujet du magasin 33 B Loisirs à Pau : " L'entrevue que nous avions avec le responsable de cette affaire, M. (...) nous a pleinement satisfait. Il s'engage, en effet, à pratiquer des prix normaux (coefficient 1,80 environ). Pour 1983, il fera ses achats au centre de distribution de Toulouse. Pour 1984, nous le prendrons en main directement par notre réseau. "

Le même compte rendu précise, au sujet du magasin Euromarché de Pau : " Visite avec M. C. P... pour suivi d'un client important. D'autre part contrôle des prix de nos articles en magasin. Apparemment aucun problème. "

Le rapport rédigé le 30 mai 1985 (annexes 275 à 278) relate les faits suivants : " Le magasin Spao ne va pas perturber ce marché qui est actuellement sans nuage. En effet beaucoup de clients redoutent les discounts que ce nouveau point de vente va pratiquer comme il pratique très souvent à Grenoble. M. (...) nous a affirmé qu'il respecterait les directives que lui donnera M. Delecour dans ce sens-là. "

Le rapport en date du 29 mai 1985 (pièces 269-270) résume en ces termes l'entretien de l'inspecteur des ventes avec un détaillant de Calais en présence du responsable du centre de distribution de Saint-Omer : " M. (P...) souhaite travailler directement avec nous en commandes de pré-saison et de réassortir chez Didry. Il s'engage à pratiquer les prix similaires à ceux du marché actuel dans la région du Nord. Afin de faire cesser toutes polémiques passées et actuelles, nous pouvons reprendre les relations commerciales pour différentes raisons. La principale sera pour nous de mieux contrôler l'application de notre politique de prix et sévir directement le cas échéant. "

Le rapport précise en outre, concernant les magasins Chausport et Haudegand de Valenciennes : " Lors de ma présence dans le Nord, j'ai été informé par M. P... de la décision de bloquer les livraisons de ces deux clients. Vous trouverez ci-joint la réponse qu'ils apportent à notre démarche concertée. En ce qui concerne Haudegand, M. L. P... a été obligé de lui faire part de cette décision en raison de multiples rappels à l'ordre formulés antérieurement. "

Concernant le magasin Laguin du Havre, le rapport mentionne : " La politique de prix affichés par ce client est une sorte de promotion avec une remise de moins de 20 p. 100 (marge de base 1,96) sur les chaussures étiquetées avec un point rouge. Comprenant le souci de protection de notre marque, il changera à la fin de ce mois ses prix actuels. "

Le responsable du magasin de détail Haudegand à enseigne Trigano à Valenciennes a confirmé dans un procès-verbal d'audition en date du 6 décembre 1985 (pièce 135) qu'il avait subi des menaces de rupture de relations commerciales de la part du représentant de la société Adidas au cas où il n'accepterait pas d'appliquer un coefficient multiplicateur minimum de 1,75. Les relevés de prix effectués dans le magasin ont permis de constater que le coefficient multiplicateur T.T.C. de 1,75 par rapport au prix d'achat était généralement appliqué sur les chaussures de marque Adidas.

Un rapport de novembre 1984 intitulé " Coefficient des prix de revente " atteste qu'à Épinal l'inspecteur des ventes Adidas est intervenu en 1984 auprès de tous les revendeurs Adidas de cette localité pour que soit appliqué un coefficient multiplicateur minimum de 1,70 à compter du 2 novembre 1984 (pièces 79 à 81).

Des accords tacites ont également été passés, au cours de la période examinée, avec les responsables commerciaux des magasins Serap (pièce n° 305), Saccos (pièces 307 à 312), Euromarché d'Angoulême et de Montauban ainsi que Leclerc d'Avignon, Valence et Saint-Etienne pour que soient respectés des coefficients minima de revente au consommateur de l'ordre de 1,70.

Ainsi, le rapport commercial en date du 10 mai 1983 (annexes 215 à 217) indique au sujet de la situation à Angoulême : " Très peu de problèmes en ce qui concerne la présence d'Adidas à Euromarché Angoulême. Les accords de prix sont respectés, sauf en ce qui concerne nos cadres tennis, ce qui a provoqué notre intervention auprès du responsable. La situation est maintenant réglée, du reste la clientèle traditionnelle dans cette ville ne nous a pas encore soulevé de problème. "

L'inspecteur commercial indiquait par ailleurs dans un rapport relatif à la semaine du 19 au 23 mars 1984 (pièces 219-220) :

" 2) Les visites aux clients suivants : Euromarché à Montauban - Olive Sport à Montauban - Euromarché à Angoulême - Omnisport Charente à Angoulême - étaient prévues pour régler des problèmes de prix qui existent depuis quelque temps avec Euromarché. En effet, chaque année, au moment des livraisons de printemps nous constatons que le réajustement des prix en fonction de nos nouveaux tarifs ne s'effectue pas clairement par rapport aux conventions que nous avons passées avec ces grandes surfaces (à savoir : 1,75 pour le cuir - 1,80 pour le textile). Il convient donc de faire une mise au point avec les responsables de ces magasins afin que ces conventions soient respectées. Malheureusement les périodes de changement de tarifs nous occasionnent donc des soucis chaque année à la même époque. "

Le 22 juin 1985, un rapport est adressé au directeur commercial de la société Adidas au sujet des centres Leclerc de Saint-Etienne et de Valence. Il est indiqué (pièce 239) : " M. N... m'a interpellé sur le boycottage de ses livraisons qu'il subissait depuis le début de cette année (...) Au cours de la conversation, M. N... m'a suggéré de remonter le multiplicateur sur nos produits à 1,70, dans un premier temps et ce à partir de septembre, en collaboration, avec M. G..., centre Leclerc de Valence et ce, dans le but de satisfaire notre politique. Cette opération serait menée directement en souhaitant pour lui et M. G... de Valence que l'inspecteur des " centres Leclerc ", chargé de surveiller ses coefficients de prix de revente, n'intervienne en leur défaveur, leur sucrant purement et simplement l'enseigne Leclerc. J'ai pris note de ces informations afin d'être préparé pour le mois de septembre au SISEL où nous aurons la visite de ces messieurs ".

Le rapport rédigé le 30 septembre 1985 à l'intention du directeur commercial Adidas mentionne au sujet du centre Leclerc d'Avignon (pièces 223 à 225) : " J'avais pris rendez-vous avec M. C..., directeur de ce magasin, pour les journées d'achat que nous allions faire à Valence, en présence de tous les Leclerc (Valence, Grenoble, entre autres et Avignon). (...) La révision des prix avec le nouveau multiplicateur que nous avons défini à Paris sera applicable à partir du 1er octobre 1985 ".

Un engagement a, en outre, été pris par la société Carrefour engagement faisant suite à un entretien qui s'est déroulé le 8 septembre 1987 dans le cadre du Salon International du Sport et des Loisirs (SISEL) entre les représentants de la société Carrefour et ceux de la société Adidas (pièce 238). Cet accord, dont l'existence n'a pas été contestée par Adidas France, portait sur les conditions auxquelles devait satisfaire le distributeur pour permettre la poursuite de relations durables avec le fabricant, à savoir :

- l'installation dans les magasins Carrefour d'une zone délimitée axée sur le sport ;

- le respect du prix de vente conseillé ;

- l'interdiction de discounter la marque Adidas et d'assurer les taux de marque conseillés ;

- la renonciation, si possible, aux importations parallèles.

Le chef du secteur textile du magasin Carrefour de Vitrolles, signataire de l'engagement précité, a déclaré le 30 août 1988 (pièces 231 à 233) : " Je précise qu'Adidas ne nous donne pas de prix de vente conseillés, mais nous impose un coefficient de 1,80 au minimum sur notre prix d'achat hors taxe. A peu près tous les mois, le représentant région Sud d'Adidas, M. Astre, vient vérifier que nous respectons bien le coefficient de 1,80. Lorsque nous voulons faire une promotion sur des articles de la collection Adidas, nous sommes obligés de demander l'accord préalable d'Adidas. "

Les faits ont en outre été reconnus par le chef de rayon sport du magasin Carrefour de Nice qui a déclaré dans un procès-verbal d'audition en date du 23 août 1988 (pièces 245 à 247) : " Lors de la discussion avec Adidas, cette société nous a fait part de son souci de préserver son réseau de distribution (illisible) et son image de marque. Aussi elle nous a demandé de pratiquer un coefficient multiplicateur minimum de 1,80 T.T.C. sur tous ses articles. Nous appliquons ce coefficient sur nos prix d'achat même si la concurrence pratique ponctuellement des prix ou des marges inférieurs. "

Les échanges de correspondance au cours des années 1984 et 1985 entre les sociétés Sparty et Adidas et les rapports de visite (pièces 111 à 134) démontrent que la politique commerciale menée par le distributeur a également été à l'origine de refus de vente de la part du fabricant qui a justifié ses pratiques par les manœuvres déloyales dont il n'aurait été victime de la part de son client. Il ressort en effet de la lecture d'un compte rendu en date du 2 avril 1984 que l'inspecteur commercial avait décidé de " bloquer les livraisons de cette chaîne de magasins à partir du 27 mars 1984 " dans la mesure où " les prix pratiqués par cette chaîne peuvent dégrader notre marque et créer de nombreux problèmes avec nos clients sur le secteur parisien ".

M. Jocelyn Delecour, directeur commercial de la société au moment des faits, mis en présence des pièces recueillies au cours de l'enquête administrative, a reconnu dans un procès-verbal d'audition en date du 17 février 1988 (pièce 37 à 40) : " Comme le démontrent certains documents saisis au siège Adidas, la direction commerciale Adidas est intervenue à plusieurs reprises auprès des centres de distribution pour :

- faire remonter le niveau des marges et des prix de certains détaillants ;

- faire cesser les livraisons à certaines grandes surfaces en raison des prix pratiqués. "

La société Adidas qui a reconnu dans ses observations " être intervenue ponctuellement afin de faire respecter le coefficient minimum déterminé localement par les règles du marché " a, en revanche, contesté avoir soumis l'agrément de ses distributeurs à l'application de coefficients multiplicateurs minima et soutenu opérer une sélection de ses revendeurs uniquement en fonction de critères objectifs de nature qualitative, critères à l'origine non écrits mais qui auraient finalement été formulés dans un document non daté produit en cours d'instruction par la partie en cause et intitulé " lettre aux clients " (pièce figurant en annexe aux observations produites après la notification de griefs). Selon le fabricant, le niveau retenu pour les coefficients minima exigés des distributeurs serait en outre inférieur au " seuil minimum de viabilité " de tous les circuits de distribution et serait donc conforme aux conditions exigées par la jurisprudence communautaire pour l'exercice d'une distribution sélective (arrêt A.E.G. du 25 octobre 1983).

Il ressort enfin des rapports de réunion des centres de distribution et des notes qui leur ont été adressées par la direction commerciale Adidas que des actions visant à empêcher des exportations de chaussures de marque Adidas de la part de certains détaillants vers d'autres pays de la Communauté européenne, notamment vers l'Italie, ont été menées par le fabricant en 1983 et ce, en concertation avec les responsables des centres de distribution (pièces 331-3322).

b) Le contrat de franchise Adidas liant la société Adidas aux centres de distribution de gros.

Il existait, au moment des faits, neuf centres de distribution Adidas en France dont l'un, Corse Sport distribution, était une filiale d'Adidas France. Le fabricant a par ailleurs pris une participation majoritaire dans le capital de deux autres centres de distribution en mai 1985, les sociétés Sofag et Sporting Méditerranée.

Il découle des termes de l'article 4 du contrat de franchise Adidas que le franchisé s'interdit d'exercer son activité directement ou indirectement en dehors du territoire concédé. La société Adidas a fait valoir sur ce point, que les détaillants ont toujours la liberté de s'approvisionner directement auprès du fabricant.

Il est également mentionné dans le contrat que la clientèle du franchisé " est constituée exclusivement par les magasins de sport et les magasins de chaussures qui ont la qualité de détaillant " et que, de ce fait, le franchisé s'interdit de vendre " à tout acheteur n'ayant pas cette qualité, tel que clubs et collectivités, groupements et associations, grandes surfaces, centrales d'achats et chaînes succursalistes ".

Le contrat de franchise stipule enfin en son article 2-f que " les articles destinés aux détaillants en chaussures sont groupés dans le catalogue " chaussures ", fourni annuellement aux franchisés ". Le catalogue " chaussures 88 " versé au dossier fait apparaître que la collection réservée aux chausseurs se compose des segments " moyen " et " bas de gamme " de la collection Adidas. La société Adidas a produit plusieurs factures de vente qui tendraient à démontrer, selon elle, que, dans la pratique, les chausseurs auraient la possibilité de s'approvisionner directement auprès du fabricant, ce qui rendrait inopérante la clause précitée. Ces éléments sont cependant contredits par la lettre adressés le 26 mars 1985 par Adidas France à l'entreprise Sauze, lettre dans laquelle le détaillant en chaussures qui avait passé une commande directe auprès du fabricant est invité à s'adresser au grossiste local (pièce 69). En outre, le responsable du sous-dépôt du centre de distribution de Bordeaux a déclaré (pièce 67) qu'il lui est interdit de vendre certains articles aux chausseurs traditionnels.

c) Les pratiques commerciales mises en œuvre par la société Nike France ci-après désignée Nike et par la société Reebok France ci-après désignée Reebok.

L'enquête administrative faite en 1988 auprès des sociétés de distribution spécialisées à l'enseigne Go Sport, Courir, Décathlon et Athlete's Foot a montré que des coefficients multiplicateurs moyens (coefficients T.T.C. appliqués sur les tarifs de base hors remises - hors promotions) de 1,80 pour les chaussures de marque Nike et de 1,85 pour les chaussures Reebok étaient généralement appliqués par les responsables des magasins appartenant à ces enseignes. S'agissant des sociétés Go Sport et Courir, d'une part, et Décathlon, d'autre part, les relevés de prix effectués dans différents magasins situés en région parisienne et à Orléans sont étayés par des fiches ou des listes de prix diffusés auprès des différents points de vente de ces enseignes par les responsables nationaux des enseignes en cause (les listes ou fiches de prix conseillés figurent au dossier sous les cotes 354 à 376 pour Go Sport, 404 à 421 pour Courir et 476 à 505 pour Décathlon).

Il ressort des déclarations des responsables commerciaux de ces enseignes que les coefficients précités sont conseillés par les marques dont il s'agit.

Ainsi, le directeur des achats de chaussures au siège de l'enseigne Courir, entendu par procès-verbal d'audition le 1er septembre 1988, a déclaré (pièce 396) : " Pour les prix de vente notre listing adressé aux magasins reprend les coefficients recommandés par les marques. Pour la surveillance de ces prix par les représentants des marques, je confirme les déclarations des responsables de magasins dont une copie des procès-verbaux m'ont été communiqués. Les recommandations des marques en la matière ne sont pas imposées mais un consensus s'établit entre elles et nous sur un prix de marché compte tenu de l'image de marque des produit considérés. Il y a un partenariat qui s'installe entre des fabricants et une distribution constituée de spécialistes ". Les responsables des magasins à enseigne Courir d'Orléans et Go Sport de Chambourcy et de Sainte-Geneviève-des-Bois ont déclaré que les fabricants intervenaient pour contraindre les distributeurs à remonter le niveau de leurs prix en cas de non-respect des prix conseillés.

Les responsables du département chaussures au siège social de la société Décathlon à Villeneuve-d'Ascq ont déclaré dans un procès-verbal d'audition en date du 30 août 1988 (pièces 472 à 475) : " Pour les prix de vente, la gestion Décathlon est très centralisée. Les listings de prix de détail sont adressés aux magasins. Le listing reprend dans l'ensemble les prix conseillés par les marques qui nous indiquent des coefficients conseillés à pratiquer sur le prix d'achat de base, avant déduction des remises qui ont été négociées. Ces coefficients sont les suivants : New Balance : 2 ; Nike : 1,8 ; Coq surveillance des prix par les marques et leurs interventions en ce domaine, nous confirmons les déclarations des responsables de nos magasins dont copies de leurs procès-verbaux nous ont été remises par l'enquêteur. Dans leur mesure où ces prix conseillés correspondent à notre approche de niveaux auxquels se situent les prix de marché, nous les suivons. "

Il ressort des déclarations des responsables des magasins Décathlon de Sainte-Geneviève-des-Bois et de Chambourcy que les fabricants exerçaient une surveillance de la politique des prix de revente des distributeurs (pièces 536, 522). Le responsable du magasin Décathlon de Vélizy a précisé : " Pour les marques Adidas, Nike, Reebok : surveillance des prix. Si nous constatons un écart nous les prévenons et ils s'engagent à s'efforcer de remonter le prix. S'ils n'y parviennent pas nous nous alignons sur le magasin. Au cas où le prix n'est pas respecté il peu y avoir un blocus des livraisons. " (Pièce 520).

Un courrier en date du 28 janvier 1988 adressé par la société Nike aux sociétés Décathlon et Athlete's Foot mentionne un prix de revente T.T.C. aux consommateurs de 495 F, pour deux articles, prix déterminé par application d'un coefficient de 1,80 par rapport au tarif Nike hors T.V.A. et hors remises.

Le directeur commercial du siège de la société Athlete's Foot à Paris a déclaré dans un procès-verbal d'audition en date du 25 août 1988 (pièce 538) : " Les marques recommandent de pratiquer un niveau de prix minimum compte tenu de leur stratégie de marque ". Le responsable régional de la société en nom collectif exploitant un magasin de cette enseigne à Marseille a également déclaré le 12 août 1988 (pièce 552) : " Au niveau des marques il y a un coefficient minimal à appliquer (notamment Nike, Reebok, Adidas). Les coefficients multiplicateurs sont compris de 1,75 à 1,90, les promotions se font avec l'accord des fournisseurs. "

Un listing de prix établi par la centrale d'achats Spao et diffusé auprès de l'ensemble des magasins de cette enseigne fait apparaître des prix de revente conseillés déterminés par application de coefficients multiplicateurs respectifs de 1,80 à 1,85 par rapport aux tarifs pour les marques Nike et Reebok (pièces 584 à 587).

La société Reebok a fait valoir qu'il n'était nullement démontré que le coefficient de 1,85 bien qu'identique à celui qui résulte de la lecture d'un document interne à l'entreprise intitulé " Tarif 1987 " et à celui d'autres distributeurs, ait été diffusé par ses responsables, le tarif précisé n'étant selon elle qu'une liste de prix " souhaités " par l'entreprise.

Il ressort cependant des déclarations de la responsable du magasin à enseigne " Sport 2000 " à Sarcelles que le représentant de la société Reebok lui aurait demandé de lui signaler tous problèmes de prix " se situant en dessous de la " norme " Reebok " et que le représentant serait intervenu pour faire cesser des promotions sur la marque en cause dans son magasin (pièces 632 à 634). Le propriétaire du magasin à enseigne " Sport 2000 " à Pierrelatte a par ailleurs déclaré dans un procès-verbal d'audition en date du 3 décembre 1987 que la commercialisation des chaussures de marque Reebok était faite par un système de prix imposés avec un coefficient multiplicateur de 1,85 et que le représentant avait exercé des pressions à son encontre pour qu'il remonte le niveau de ses prix (pièces 636 à 641).

Le Directeur général de la société Jean Sport à Istres, a déclaré le 29 août 1988 (pièce 657) : " A l'ouverture de mon magasin en mai 1987 à Istres, le représentant du secteur Reebok est venu ici et m'a déclaré que le coefficient minimum autorisé par la société était de 1,85 et si je vendais en dessous de ce coefficient Reebok ne me livrerait plus. Actuellement dans mes magasins d'Istres et de Salon, j'obéis à cette directive de Reebok et je fais 1,85 ".

La gérante du magasin à enseigne Ja-Sport à Grigny (91) a déclaré le 29 juillet 1989 : " Reebok : le représentant nous a dit que nos prix étaient trop bas comparés à Go Sport et Décathlon. Nous faisions un coefficient de 1,80. Il nous a dit de pratiquer 1,85, en conséquence nous avons remonté nos prix " (Procès-verbal d'audition coté 686-687).

Le chef de rayon chaussures du magasin à enseigne Carrefour de Vitrolles qui possède un rayon spécialisé de sport a, quant à lui déclaré : " Je ne vends pas de produits Reebok parce que ce fournisseur a refusé de nous livrer il y a un an sans nous donner de raison particulière. " (Pièce 733). Le chef de rayon sport du magasin Carrefour de Nice a également déclaré (pièce 723) : " En ce qui concerne la marque Reebok, des contacts ont été pris en mars 1988 au salon du ski à Grenoble. Ils ont déclaré que leurs produits seraient dévalorisés en cas de distribution dans une grande surface. "

Un télex reçu le 15 avril 1987 par la société Nike (pièce 462) fait état d'une cessation de livraisons aux magasins appartenant à la chaîne Metro, société de gros en libre-service, en raison de promotions effectuées sur quatre modèles de chaussures de marque Nike. Le responsable des achats de chaussures de sport au siège social de la société Metro, mis en présence du document précité a confirmé dans un procès-verbal d'audition en date du 28 juillet 1988 (pièce 460), que sa société n'était plus approvisionnée par les sociétés Nike, Adidas et Reebok depuis avril 1987 en raison de sa politique de prix et qu'elle était contrainte de s'approvisionner par des circuits parallèles. La société Nike a justifié cette pratique par les méthodes de vente " à emporter " utilisées par le grossiste concerné et par le risque de voir, par ces méthodes, les clients de la société Metro privés de conseils jugés indispensables à la revente des produits en cause, ceci d'autant plus que le grossiste n'imposerait pas de prises de commande à l'avance, contrairement à la société Nike.

Le 5 avril 1988, une responsable du siège de la société Athlete's Foot à Paris adresse un télex à la société Nike qui est avisée que " notre magasin franchisé de Caen nous informe que vos articles cuirs sont travaillés au coefficient de 1,65 sur prix tarif par les magasins ADD ". Par télex du même jour, la société Nike répond : " Nous avons bien reçu votre information concernant Sport Club à Caen et faisons immédiatement le nécessaire pour que les prix soient rétablis ". (Pièce 470). La société Nike, qui a reconnu dans ses observations qu'une " intervention active " avait été annoncée à Athlete's Foot afin de rassurer ce dernier, a cependant soutenu que le rapport ne démontrait nullement que cet échange de télex avait reçu un début d'exécution.

Le président de la SA Nike France a déclaré que sa société n'impose aucun coefficient ou prix de vente et que la clientèle Nike est " libre de fixer ses prix de vente comme bon lui semble " et que " Nike ne donne pas de consigne en général, à ses délégués commerciaux, de s'immiscer dans le niveau des prix fixés par les clients. Cela n'empêche pas d'en parler avec eux ".

Les sociétés Nike et Reebok ont nié procéder à une sélection de leurs revendeurs selon la politique de prix de revente mais ont déclaré opérer une sélection des points de vente en fonction de critères qualitatifs. Pour la société Reebok, très attachée à la défense de l'image de marque de ses produits et à leur distribution par réseau spécialisé, cette sélectivité est l'application de ses conditions générales de vente (paragraphe I et XI) qui poseraient selon elle, par écrit, le principe de la sélection. Les conditions générales de vente de la société Reebok (pièce 559) stipulent : " Reebok ne pourra honorer les commandes qui lui sont présentées, et ce dans l'intérêt du consommateur, que si elles émanent de revendeurs qualifiés remplissant les conditions de sélectivité fixées par la société Reebok " et : " Par la qualification professionnelle de leur personnel et par la qualité de leurs installations, les revendeurs Reebok devront justifier d'une réelle aptitude à conseiller et expliquer les différentes caractéristiques des chaussures Reebok, ainsi qu'à protéger le consommateur en le mettant en garde contre les risques énoncés plus haut ".

Selon la société Nike, ses conditions générales de vente (pièce 431), rédigées en termes très voisins de celles de la société Reebok, répondraient aux critères objectifs de nature qualitative exigés par la jurisprudence tant communautaire que nationale.

L'instruction a par ailleurs montré que la société Nike commercialisait ses produits sur catalogue par l'intermédiaire des sociétés de vente à emporter Camif et La Redoute. Le fabricant a fait valoir, s'agissant de la Camif, que les articles " techniques " seraient vendus essentiellement aux professeurs d'éducation physique qui sont des professionnels du sport, aptes à juger de la qualité des produits proposés. Pour ce qui concerne La Redoute, la société Nike considère que le consommateur peut disposer, dans le catalogue ou auprès de revendeurs concurrents, des moyens suffisants pour lui procurer l'information qualitative exigée par ses conditions de vente. La société Nike estime en outre que le consommateur peut utilement s'adresser aux trois points de vente de la Camif situés en province ou auprès des " rendez-vous " La Redoute dans lesquels ils peuvent trouver les compléments. Elle considère que, dans ces conditions, les distributeurs en cause répondent aux critères de sélectivité.

d) Les pratiques commerciales des sociétés Le Coq Sportif, Patrick International SA (ci-après Patrick) et Puma France (ci-après Puma).

L'instruction a permis d'établir que la société Le Coq Sportif, devenue Sarragan France en décembre 1988 (groupe Adidas), a délibérément décidé de ne pas commercialiser ses chaussures de sport par l'intermédiaire de la distribution dite " alimentaire ", ceci sans que cette sélectivité s'appuie sur des critères objectifs de nature qualitative. Cette constatation ressort notamment des déclarations du directeur commercial de la société consignées dans un procès-verbal en date du 23 juin 1988 (pièces 344 à 346) dans lequel il est notamment précisé : " Il a été décidé de ne pas commercialiser la marque Le Coq Sportif auprès de la grande distribution dite alimentaire (hypermarchés notamment), établissant ainsi une sélectivité informelle. Pour l'instant il n'existe aucun contrat de distribution exclusive ou sélective entre la société Le Coq Sportif et ses distributeurs. "

Il ressort en outre de la lecture du contrat de grossiste de la société Le Coq Sportif en vigueur en 1988 que " la clientèle du distributeur sera constituée exclusivement de magasins de sport et de chaussures ayant la qualité de détaillants sous réserve qu'ils présentent les garanties de solvabilité et de compétence professionnelles compatibles avec l'image du Coq Sportif ". Les procès-verbaux de déclarations de deux grossistes liés à la société Le Coq Sportif par contrat attestent que cette société leur interdit de livrer les grandes surfaces (pièces 752-753 et 754 à 756). La société en cause a soutenu s'être appuyée sur des critères de sélection non écrits identiques à ceux utilisés par la société Adidas au cours de la période concernée et nié, en s'appuyant sur des études Nielsen versées au dossier, que la clause litigieuse ait eu pour objet ou ait pu avoir pour effet d'écarter les produits de marque Le Coq Sportif des hypermarchés qui auraient pu s'approvisionner directement auprès du fabricant.

La société Patrick, qui occupe la deuxième place sur le marché de la chaussure de football haute et moyenne gamme, a opéré en 1987-1988 une segmentation du marché en fonction de l'appartement des revendeurs à la distribution spécialisée ou non, ceci sans que ces pratiques sélectives s'appuient sur des critères objectifs de nature qualitative. Ainsi, le directeur commercial de la société Patrick a déclaré le 5 juillet 1988 : " Avec la grande distribution alimentaire nous travaillons sous la marque Patrick depuis cinq ans. Il s'agit toutefois de références spécifiques qui n'existent pas pour les revendeurs indépendants ni pour les grandes surfaces spécialisées. D'une façon générale nous ne possédons aucun contrat de distribution avec nos revendeurs. En cas de demande de produits de la part d'un revendeur, nous le livrons sous réserve qu'il soit solvable et qu'il soit un magasin spécialisé, en articles de sport (...). Nous n'intervenons auprès de nos revendeurs que lorsque ceux-ci pratiquent un coefficient inférieur à 1,7 sur la base du prix d'achat hors taxe. " (Pièces 748 à 751). Le directeur commercial de la société Patrick a, par ailleurs, reconnu être intervenu en 1987 auprès de deux grossistes, les sociétés Hautin et Sofac pour que celles-ci ne livrent pas à la distribution dite " alimentaire " des chaussures de sport réservées à la distribution spécialisée. Cette déclaration est confortée par celle du responsable commercial de la société Sports et loisirs diffusion de Bordeaux, entreprise de négoce en gros, qui a précisé : " Concernant la marque Patrick nous assurons un rôle de grossiste uniquement auprès des hypers. Il s'agit des articles spécifiques " hyper " de la marque Patrick. Il ne nous est pas possible de vendre à ces hypers des produits de la gamme détail. " (Pièce 753).

La société Puma qui occupe la troisième place du segment Football sur le marché de la chaussure haute et moyenne gamme, était une filiale de la société allemande Puma EG Dassler au moment des faits. Il ressort des déclarations du directeur commercial de la société en cause du 24 août 1988 (pièces 762, 764), qu'une segmentation du marché a été opérée entre, d'une part, les clients traditionnels qui peuvent recevoir la totalité de la gamme commercialisée et, d'autre part, les grandes surfaces qui ne peuvent accéder qu'à une collection restreinte. Le tarif 89-1 versé au dossier confirme l'existence d'une " collection hyper " composée des modèles les moins onéreux de la collection. Les conditions de vente de la société Puma se limitent, pour ce qui concerne la distribution des produits, à exiger de tout acquéreur qu'il " s'engage à les offrir au consommateur dans leur état d'origine sur présentoir ou dans leur conditionnement par opposition, par exemple, à une vente en vrac ou dans des paniers " et à vendre le produit dans son conditionnement d'origine lorsqu'il informe le consommateur sur le mode d'entretien des produits. Les contrats de dépôt-vente Puma en vigueur jusqu'à fin juin 1988 mentionnaient expressément que " le dépositaire s'interdit de vendre aux magasins " grande distribution " à moins d'obtenir l'autorisation préalable de Puma, ainsi qu'aux comités d'entreprise, clubs, associations ou collectivités ". Il ressort enfin des déclarations du responsable commercial de la société Sports et loisirs diffusion, entreprise spécialisée dans la vente en gros d'articles de sport, qu'" il ne nous est pas possible de vendre en hypers les produits de la gamme détail sauf autorisation spéciale des responsables de Puma " (procès-verbal d'audition coté 752-753).

II. - A LA LUMIÈRE DE CES CONSTATATIONS, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Sur la procédure

Considérant que, par lettre du 26 juillet 1989, les sociétés Adidas et Le Coq Sportif, devenue Sarragan France, ont sollicité un délai supplémentaire d'un mois pour répondre aux griefs finalement retenus à leur encontre dans le rapport ; que, par lettre en date du 27 juillet 1989, le président du Conseil de la concurrence a refusé ce délai ; que les parties allèguent que le Conseil de la concurrence ne leur a permis d'assurer leur défense dans des conditions normales en raison de la période de congés ;

Mais, considérant qu'en limitant à deux mois le délai de présentation des observations, le président du Conseil de la concurrence s'est borné à faire application de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui dispose que " les parties ont un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse " ;

Considérant que les parties ont contesté la régularité de la procédure au motif que, s'agissant de pratiques d'ententes verticales visées soit par les dispositions des articles 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, soit pour celles de l'article 85 du traité de Rome, des griefs auraient dû être notifiés à l'ensemble des distributeurs concernés ;

Mais considérant qu'il est de jurisprudence constante, tant communautaire (décision Konica de la Commission de la Communauté économique européenne du 18 décembre 1987) que nationale (décision Phillips n° 88-D-47 du 6 décembre 1988, confirmée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 28 juin 1989), de ne retenir de griefs, lors de l'examen de pratiques restrictives verticales qu'à l'encontre des entreprises ayant pris l'initiative des actes de nature contractuelle visés par les dispositions précitées et qui ont intérêt en premier lieu à les mettre en œuvre ;

Considérant que la société Adidas demande au Conseil de la concurrence de condamner les revendeurs se livrant à des manœuvres déloyales à son encontre ; que le conseil n'a pas compétence pour faire application des textes réprimant la publicité mensongère ou trompeuse ni des articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'il est loisible à la société Adidas de faire usage des voies de droit appropriées pour faire cesser le trouble allégué ;

Sur la validité du système de distribution sélective dans le secteur de la chaussure de sport " haute et moyenne gamme "

Considérant, que dès lors qu'ils préservent une certaine concurrence sur le marché, les systèmes de distribution sélective sont conformes aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et à celles de l'article 85 du traité de Rome si les critères de choix ont un caractère objectif, sont justifiés par les nécessités d'une distribution adéquate des produits en cause, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature une ou des formes déterminées de distribution et ne sont pas appliqués de façon discriminatoire ;

Considérant par ailleurs que, si l'existence de contrats similaires est susceptible de constituer une partie du contexte économique et juridique dans lequel les conventions doivent s'apprécier, il ne s'agit là que d'un élément parmi d'autres permettant de savoir si elles peuvent altérer le jeu de la concurrence sur le marché; que, s'agissant de la chaussure de sport haute et moyenne gamme, il apparaît notamment, en raison d'une part des fluidités observées entre les marques sur le marché lequel est largement influencé par les phénomènes de mode et, de l'arrivée de nouveaux entrants, que le recours par les producteurs à des contrats de distribution sélective aux critères susmentionnés n'est pas incompatible avec le jeu d'une certaine concurrence ; que, de ce fait, il n'y a pas lieu, en l'état, de s'opposer à ce que les fabricants commercialisent leurs chaussures les plus " techniques " ou les plus prestigieuses par l'intermédiaire de contrats de distribution sélective fondés sur les critères rappelés ci-dessus ;

Considérant en revanche que, s'il eut pu paraître légitime, pour des fabricants de chaussures de sport à très forte notoriété, de réserver la distribution de leurs produits ou de la partie la plus élaborée de leurs gammes à des distributeurs spécialisés ou des revendeurs disposant de rayons spécialisés, il ne leur appartient ni de faire une application discriminatoire des critères exigés, ni de limiter la liberté commerciale de leurs revendeurs, ni de soumettre leur agrément à des conditions autres que celles qui sont objectivement définies par les contrats de distribution ;

Sur les pratiques de sélectivité mises en œuvre par les sociétés Adidas, Reebok, Nike, Patrick International et Puma vis-à-vis de leurs revendeurs détaillants

Sur les pratiques de la société Adidas

Considérant que les extraits de documents reproduits dans le paragraphe a du 2 de la partie I de la présente décision établissent que la société Adidas a exercé des pressions auprès de ses distributeurs détaillants au cours des années 1983 à 1988 afin que ceux-ci appliquent des coefficients multiplicateurs minima de revente de l'ordre de 1,70 à 1,80 ; qu'il est par ailleurs établi que la société Adidas a rompu ses relations commerciales avec la société Sparty en raison des prix aux consommateurs pratiqués par cette entreprise ; que, contrairement à ce qu'allègue, le fabricant en cause, ces pratiques ne se limitaient pas, dans les faits, à des interventions ponctuelles ; que, comme l'attestent les refus de livrer ou les pressions exercées à l'encontre de certains revendeurs, l'application d'un coefficient multiplicateur minimum par le distributeur constituait l'un des critères de sélection appliqués par la société Adidas à l'égard de l'ensemble de son réseau ; qu'il est dès lors établi que la société Adidas ne s'est bornée à opérer une sélection de ses revendeurs selon les critères objectifs de nature qualitative mais a également soumis leur agrément à l'acceptation tacite d'une marge minimale; qu'il en résulte que la société Adidas a contrevenu aux dispositions des articles 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant que la société Adidas fait valoir qu'elle est intervenue pour faire respecter des coefficients minima de revente " au plus égaux au seuil minimum de viabilité de l'ensemble des réseaux de distribution présents dans un lieu donné " et qu'une telle limitation n'aurait d'effet anticoncurrentiel qu'autant qu'elle permettrait le maintien d'une marge " assez sélective " ;

Mais considérant que, quels que soient les motifs de la société Adidas il ne lui appartenait pas de limiter la concurrence par les prix entre ses distributeurs, lesquels avaient d'ailleurs, compte tenu de leur diversité, des conditions d'exploitation différentes ;

Sur les pratiques de la société Nike

Considérant qu'il est établi, au vu des déclarations concordantes de nombreux distributeurs dont celles des clients les plus importants ainsi que de documents commerciaux versés au dossier, que la société Nike, qui prétend sélectionner ses revendeurs en fonction de critères objectifs qualitatifs, a exigé d'eux l'application d'un coefficient multiplicateur minimum de 1,80 par rapport aux prix hors TVA apparaissant sur le tarif de base Nike France ; que le refus exprimé par la société Metro d'appliquer un tel coefficient a notamment entraîné en 1987, la rupture des relations commerciales établies, jusqu'alors entre cette entreprise spécialisée dans le libre-service de gros à emporter et la société Nike ; qu'il en résulte que cette entreprise a contrevenu aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant par ailleurs que les conditions générales de vente de la société Nike professionnelle contiennent une clause selon laquelle " par la qualification professionnelle de leur personnel et la qualité de leurs installations, les revendeurs devront justifier d'une réelle aptitude à expliquer et à conseiller utilement ainsi qu'à protéger le consommateur en le mettant en garde contre les risques énoncés plus haut ";

Mais considérant que la société Nike, qui justifie la sélection de ses revendeurs par la haute technicité de ses produits nécessitant, à ses yeux, des précautions d'usage et qui commercialise ses chaussures de sport par l'intermédiaire de la Camif et de la Redoute, entreprises de vente par correspondance, ne peut pas prétendre que ce type de distribution constitue un réseau de vente disposant de personnel qualifié apte à " conseiller " et " protéger le consommateur " ; que l'argument selon laquelle la Camif s'adressait, entre autres, à des professeurs d'éducation physique qui n'ont pas besoin de conseils particuliers en la matière ne peut constituer une justification suffisante à l'exonération des critères objectifs de nature qualitative prétendument exigés ; qu'il en résulte qu'en raison de la généralité des termes employés dans la clause précitée, la société Nike n'est pas fondée à soutenir que la sélection de ses distributeurs est fondée sur des critères objectifs de nature qualitative; que dans ces conditions, le contrat de distribution sélective résultant de ses conditions de vente est visé par les dispositions de l'article 7 du 1er décembre 1986;

Sur les pratiques de la société Reebok

Considérant qu'il est établi, notamment au vu de leurs déclarations concordantes, que les principaux clients de la société Reebok ont appliqué un coefficient multiplicateur de 1,85 par rapport au tarif de base hors TVA et hors remises pour la détermination de leurs prix de vente de chaussures de marques Reebok et que ce coefficient était diffusé par le fabricant ; qu'il ressort par ailleurs explicitement des documents décrits au paragraphe c du 2 de la partie I de la présente décision que la société Reebok a exercé des pressions auprès de certains de ses revendeurs afin qu'ils appliquent ce coefficient multiplicateur ; qu'elle a menacé d'exclusion des distributeurs qui n'acceptaient pas d'appliquer ce coefficient minimum ; que ces pratiques sont visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant également que cette entreprise, qui a reconnu dans ses observations exercer une politique de sélectivité " de fait " sur le fondement d'un principe défini dans les conditions générales de vente, s'est opposée à l'entrée dans son réseau de certains distributeurs parce qu'ils appartenaient à la distribution dite " alimentaire " ; que la circonstance que la société Reebok a énoncé dans ses conditions générales de vente (paragraphe I et XI) des principes de sélectivité des revendeurs basés sur la " qualification professionnelle de leur personnel " et la " qualité de leurs installations " ne saurait justifier l'exclusion, par principe, de certaines formes de distribution ; qu'il en résulte que la société Reebok n'a pas sélectionné ses revendeurs par référence à des critères objectifs de nature qualitative ; qu'elle a contrevenu aux dispositions de l'ordonnance précitée ;

Sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Patrick et Puma

Considérant qu'il ressort des déclarations des directeurs commerciaux des sociétés Patrick et Puma que ces sociétés ont entendu limiter l'accès des grandes surfaces au marché de la chaussure " haute et moyenne gamme " en ne leur livrant qu'une collection restreinte, sans que cette segmentation s'appuie sur des critères de sélection objectifs de nature qualitative ; que le directeur commercial de la société Patrick a, en outre, reconnu être intervenu auprès de deux grossistes en chaussures afin que ceux-ci ne livrent pas la " grande distribution " et a déclaré être intervenu auprès des distributeurs lorsque ces derniers appliquaient un coefficient multiplicateur inférieur à 1,70 ; que par ailleurs, le contrat de dépôt-vente en vigueur jusqu'en juin 1988 interdisait aux dépositaires de vendre à la " grande distribution " ; que ces pratiques sont visées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les entraves apportées par la société Adidas aux exportations de revendeurs vers d'autres pays de la Communauté économique européenne

Considérant qu'il ressort de différents comptes rendus de visite rédigés par les inspecteurs de vente et des déclarations du directeur commercial de l'entreprise au moment des faits que la société Adidas a entendu, au cours de la période concernée, s'opposer aux exportations de chaussures de marques Adidas de la part de revendeurs vers d'autres pays de la Communauté européenne, notamment vers l'Italie, et ce, avec l'appui des responsables des centres de distribution ; que ces pratiques sont visées par les dispositions de l'article 85 du traité de Rome qui prohibe les accords entre entreprises, les décisions d'associations d'entreprise et toutes pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun dans la mesure où elles sont susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire ;

Sur les contrats de grossistes des sociétés Adidas et Sarragan (Le Coq Sportif)

Considérant que la société Adidas était liée au moment des faits par contrat de franchise avec des centres de distribution; que ce contrat prévoyait notamment en son article 4 que " le franchisé s'interdit en conséquence d'exercer son activité directement ou indirectement en dehors dudit territoire "; que cette clause a manifestement pour objet d'interdire toute possibilité de concurrence entre franchisés; qu'elle va au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l'objectif recherché par les contrats de franchise de grossistes, qui est l'amélioration du service aux distributeurs; qu'elle est dès lors visée par les dispositions des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant que le contrat de franchise Adidas stipule par ailleurs en son article 5-1 que " la clientèle du franchisé est constituée exclusivement par les magasins de sport et les magasins de chaussures qui ont la qualité de détaillants " et que " le franchisé s'interdit ce faisant de vendre à tout acheteur n'ayant pas cette qualité, tel que clubs et collectivités, groupements et associations, grandes surfaces, centrales d'achats et chaînes de succursalistes " ; qu'il n'est pas établi, en raison de la possibilité pour les circuits de distribution concernés de s'approvisionner directement auprès du fabricant, que cette clause ait eu, par elle-même, pour objet ou ait pu avoir pour effet de les évincer du réseau de distribution Adidas et de fausser ainsi l'exercice de la concurrence sur le marché dans les conditions fixées par les articles 50 et 7 des ordonnances précitées ;

Considérant enfin qu'il est stipulé à l'article 2 f du contrat susvisé que " les articles destinés aux détaillants en chaussures (en particulier les chaussures) sont groupés dans un catalogue " chausseurs ", fourni annuellement aux franchisés " ; que l'instruction a établi que cette clause avait pour objet ou pouvait avoir pour effet de limiter l'accès du marché de la chaussure de sport haute et moyenne gamme aux détaillants chausseurs quelle que soit la qualification de leur personnel ou la nature de leurs installations ; que cette clause est donc visée par les dispositions des articles 50 de l'ordonnance n° 45-1483 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que les entreprises Société d'Exploitation du Coq Sportif et Établissements A.J. et M. Pradet, devenues Sarragan France, ont signé un contrat de distribution type avec huit entreprises de négoce en gros au nombre desquelles figure la société Sport Loisirs Distribution sise à Bordeaux ; que ce contrat stipule que le distributeur s'interdit notamment la revente des articles de la marque Le Coq Sportif auprès de la clientèle des particuliers, des clubs ou associations sportives, des collectivités d'entreprise, des grandes surfaces, des centrales d'achats ; qu'il ressort en outre des déclarations du directeur commercial de la société Le Coq Sportif et de celle du directeur commercial de la société Sports et Loisirs Diffusion par contrat avec son fournisseur qu'il est interdit au grossiste de vendre à la distribution dite " alimentaire " ; que si la société Sarragan soutient que des grandes surfaces ont pu se procurer ponctuellement des produits de marque Le Coq sportif, il n'en reste pas moins qu'il résulte des déclarations de son directeur commercial reproduites au paragraphe d du 2 de la partie I de la présente décision que la clause susvisée avait bien pour objet et a pu avoir pour effet de limiter l'accès de certaines formes de distribution au marché de la chaussure de sport " haute et moyenne gamme " ; que cette clause est donc visée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que les agissements de la société Adidas, qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 susvisée, sont également contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les pratiques des sociétés Nike, Patrick, Puma, Reebok et Sarragan sont visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que ces pratiques puissent bénéficier des dispositions de l'article 51 de l'ordonnance de 1945 ou de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il y a lieu dès lors, en application des dispositions combinées de l'article 13 de cette dernière ordonnance et de l'article 53 de celle de 1945, d'infliger des sanctions pécuniaires aux auteurs de ces pratiques ;

Décide :

Article 1er. - Il est enjoint aux sociétés Adidas France, Nike France, Reebok France et Patrick International de cesser de subordonner l'accès à leur réseau de distribution au respect par les distributeurs de l'application de marges minimales.

Article 2. - Il est enjoint aux sociétés Adidas France, Nike France, Reebok France, Patrick International et Puma de se limiter à des critères de nature qualitative dans leurs contrats de distribution sélective et de cesser de sélectionner leurs revendeurs en fonction de leur appartenance ou non à la " grande distribution ".

Article 3. - Il est enjoint à la société Sarragan France de modifier, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la pré décision, la clause V figurant dans ses contrats de grossistes qui interdit l'accès du marché de la chaussure de sport " haute et moyenne gamme " aux " grandes surfaces ".

Article 4. - Il est enjoint à la société Adidas France de modifier, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision , les clauses figurant dans les contrats de franchise la liant aux grossistes et de nature, d'une part, à limiter tout exercice de la concurrence entre négociants et, d'autre part, à limiter l'accès du marché aux détaillants chausseurs (suppression du mot " indirectement " dans le deuxième alinéa de l'article 4 intitulé " Territoire contractuel " et suppression du deuxième alinéa de l'article 2-f du contrat intitulé " Fourniture des produits Adidas ").

Article 5. - Il est infligé à la société Adidas France une sanction pécuniaire de 3 millions de francs, à la société Nike France une sanction pécuniaire de 800 000 F, à la société Reebok France une sanction pécuniaire de 600 000 F, à la société Patrick International une sanction pécuniaire de 50 000 F et à la société Sarragan France une sanction pécuniaire de 100 000 F.

Article 6. - Dans un délai maximum d'un mois à compter de la date de la notification de la présente décision, le texte de la partie II sera publié aux frais de sociétés précitées dans l'hebdomadaire Libre-service actualité.