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Décisions

Conseil Conc., 25 mars 1997, n° 97-D-21

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées sur les marchés des appareils de détection des métaux et de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de métaux et trésors

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Loïc Guérin par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, M. Bon, Mme Hagelsteen, MM. Marleix, Rocca, Sloan, membres.

Conseil Conc. n° 97-D-21

25 mars 1997

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre en date 28 janvier 1992 enregistrée sous le numéro F 478, par laquelle la société Hobby France a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques mises en œuvre par la société Prospections ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu le traité du 25 mars 1957, et notamment son article 85, et le règlement n° 1983-83 de la Commission du 22 juin 1983 ; Vu les observations présentées par les sociétés Fisher Research Laboratory, Traditions et Perspectives, Prospections et White's Laboratory ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant des sociétés Fisher, Garrett, Prospections et Trésors et Détections entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci­après exposés :

I­ CONSTATATIONS

A­ Le marché des détecteurs de métaux et la presse spécialisée dans la prospection

1. Les détecteurs de métaux

a) Les produits

Les détecteurs de métaux sont des appareils servant à déceler la présence de matières métalliques invisibles à l'oeil nu. Les principes de fonctionnement d'un détecteur sont relativement simples : le passage d'un flux électrique dans la "bobine" du détecteur crée un champ magnétique qui pénètre dans la surface prospectée ; la présence d'un objet métallique interrompt la diffusion de ce champ et provoque une réaction sonore de l'appareil. Les détecteurs sont souvent équipés d'un "discriminateur" c'est­à­dire d'un potentiomètre qui permet, en principe, d'une part d'éliminer certains métaux et d'autre part de corriger les effets induits par une forte minéralisation du milieu de prospection. Il reste ensuite au prospecteur à exhumer ou extraire l'objet décelé par le détecteur.

La vocation originelle des détecteurs de métaux est le déminage, mais leur utilisation s'est élargie à des activités civiles, telles le bâtiment et les travaux publics (détection de conduites, câbles... dans les sols et les murs), les services de distribution d'eau, d'électricité ou de gaz (recherche des "bouches à clefs" sous l'asphalte) et à la prospection de loisir effectuée par des amateurs en quête de "trésors". Les services de police ou de sécurité utiliseraient également des détecteurs de métaux.

La profondeur de détection et la capacité de l'appareil à discriminer les métaux sont des critères prééminents d'appréciation de la qualité des détecteurs. Les appareils utilisés par les professionnels du bâtiment, des travaux publics ou des industries du bois se caractérisent par une standardisation de la fonction recherche des métaux et par une grande robustesse, les instruments étant utilisés sans ménagement alors que le seuil et la qualité de la discrimination entre les métaux sont, pour les amateurs, un critère primordial d'appréciation de la qualité.

b) Les principaux acteurs

1- L'offre de détecteurs de métaux

Pendant la période couverte par les investigations (1989­1992), il n'existait aucun constructeur français de détecteurs de métaux de loisir : ces appareils étaient importés des Etats­Unis d'Amérique, du Royaume­Uni ou d'autres pays de la Communauté européenne. L'examen des catalogues de vente des distributeurs montre que les marques Scope, Tesoro, White's, Compass, Garrett, Fisher, First Texas, Bothoa (détecteurs à usage professionnel), sont les plus représentées sur le marché français.

Aucun de ces fabricants n'avait de filiale française, mais certains ont accordé des droits de distribution exclusive à des distributeurs.

La SOCE est depuis 1977 l'importateur exclusif de la firme C­Scope International, fabricant anglais de détecteurs de métaux qui revendique 40 % du marché européen de ces appareils. La SOCE distribue les produits C­Scope sur le territoire national par l'intermédiaire d'un réseau de 32 "Points détection C­Scope" dont les responsables doivent avoir une expérience en matière de détection et effectuer des démonstrations. Ce réseau est complété par une centaine de distributeurs simples.

La société FDS se présente comme "distributeur agréé" de la société White's depuis le mois de mai 1989. Ce n'est cependant que par contrat en date du 4 février 1992 que la société White's Electronics (UK) Ltd, sise au Royaume Uni, lui a conféré la qualité d'importateur exclusif de ses produits pour la France. Cette exclusivité n'est pas réciproque et n'interdit pas à la société FDS de vendre des appareils d'autres marques telles que Garrett, Fisher, Tesoro ou C­Scope.

La société Prospections, créée en 1982 et dont le gérant est M. Audinot, était à l'origine une société de presse éditant une revue dénommée Trésors de l'Histoire spécialisée dans l'information portant sur les techniques et les appareils de prospection, activité couramment dénommée "chasse aux trésors". A cette activité éditoriale a été associée progressivement la revente de détecteurs de métaux, si bien qu'à compter du mois de juin 1988, la société Prospections est devenue importateur­distributeur exclusif de plusieurs fabricants.

La société IDS a pour gérant M. A. Cloarec, ancien salarié de la société Prospections. Cette société est importateur exclusif pour le territoire français des produits Tesoro, First Texas et Compass et a commercialisé, courant 1991, des appareils Fisher.

La société Atelier Assistance Electronique (AAE) vend les principales marques de détecteurs de métaux (Fisher, Tésoro, White's...) mais ne bénéficie d'aucun contrat d'exclusivité, ses approvisionnements étant réalisés soit auprès de l'importateur exclusif français (produits C­Scope), soit auprès d'autres fournisseurs pour l'essentiel étrangers. La société AAE a racheté en septembre 1994 le fonds de commerce à l'enseigne "la Maison de la Détection", 102, rue Balard à Paris, dont l'ancien propriétaire était la société Hobby France ; elle utilise ce local comme magasin de vente.

Depuis la cession de "la Maison de la Détection", la société Hobby France n'a plus d'activité commerciale. Au moment des faits, cette société distribuait des matériels achetés à des importateurs français tels la société AAE pour les matériels Fisher et Garrett, la société FDS pour les détecteurs de métaux de marque White's, la société IDS pour les détecteurs de métaux de marque Tesoro et SOCE pour les détecteurs de métaux de marque C­Scope. Elle importait également des appareils Fisher, Garrett et White's du Canada ou des Pays­Bas.

2- Les prospecteurs

L'activité de "prospection" consiste à rechercher en tous lieux des objets métalliques présentant un intérêt qui peut être historique ou/et pécuniaire. Il n'existe pas d'étude permettant d'évaluer le nombre de "prospecteurs" opérant sur le territoire français ; selon certaines déclarations, ils seraient environ 70 000. D'après un article paru dans une revue spécialisée, la recherche de trésors peut d'ailleurs constituer une véritable profession dont la compétence est sollicitée aux fins de recherche (cote 510).

Devant le risque de détérioration du patrimoine national lié à la multiplication des fouilles anarchiques destructrices de sites, le législateur est intervenu pour limiter l'utilisation des détecteurs de métaux. Ainsi, l'article 1er de la loi n° 89­900 du 1er décembre 1989 dispose que : "Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la recherche et des modalités de la recherche" ; le non-respect de cette disposition peut être sanctionné par une amende en application du décret n° 91­787 du 19 août 1991. Par ailleurs, dans un souci de prévention et d'information des candidats­prospecteurs, l'article 2 de la loi du 1er décembre 1989 fait obligation de mentionner l'interdiction prévue à l'article 1er sur "toute publicité ou notice d'utilisation concernant les détecteurs de métaux" ; les mêmes peines qu'en matière de défaut d'autorisation de prospection sont encourues par l'auteur d'un manquement à cette obligation.

c) Le marché

L'examen des publicités parues dans les revues spécialisées confirme que les opérateurs titulaires des contrats de distribution des détecteurs de métaux, sont également les principaux intervenants sur ce marché. Sous réserve de l'incertitude due aux approximations des parts des vente des détecteurs de métaux dans le chiffre d'affaires de ces opérateurs, le marché français de détecteurs de métaux, hors détecteurs de métaux dits professionnels, peut être évalué à environ 10 millions de francs en 1989 et 11,5 millions en 1992. A ces chiffres, doivent être ajoutées les ventes d'appareils "professionnels", c'est­à­dire destinés aux professionnels du bâtiment ou des travaux publics, qui n'auraient pas dépassé trois millions de francs pour l'année 1991 répartis entre les marques White's et Bothoa.

Les parts de marché détenues par les principaux distributeurs de détecteurs de métaux de "loisirs" ont évolué pendant la période 1989 à 1992 de la façon suivante (cote 46) :

EMPLACEMENT TABLEAU

2. La presse spécialisée

a) Les revues publiées pendant les années 1990 à 1992

Le mensuel Trésors de l'Histoire a été édité de 1982 à la fin de l'année 1992 par la société Prospections, puis à compter de cette date par la société Traditions et Perspectives, M. Audinot étant gérant de ces deux sociétés jusqu'à la fin 1992. Trésors de l'Histoire a été la première revue consacrée entièrement à la "chasse au trésor". Son contenu éditorial est partagé entre une présentation critique de matériels de détection, des articles techniques concernant la pratique de la détection et des articles historiques évoquant des thèmes liés à la disparition de trésors ou pouvant présenter un intérêt pour la prospection.

La société Traditions et Perspectives édite depuis le mois de septembre 1991 un bimensuel dénommé Trésors et détections, dont le contenu est proche de celui de la revue Trésors de l'Histoire. Cette société, qui a repris le titre Trésors de l'Histoire, aurait à partir de l'année 1993 modifié le contenu de ces deux revues pour élargir leur lectorat.

Plusieurs autres revues ont fait l'objet de diffusions sporadiques pendant la période concernée par l'instruction.

La revue Trésors et découvertes éditée par la société homonyme a publié son premier numéro en décembre 1988 ; son gérant et directeur de la publication était M. Cloarec, également gérant de la société IDS précitée. La revue Trésors et découvertes disparut après que trois numéros eurent été publiés en 1989 et un en 1990 (août). La revue Eldorado Quest/Trésor Magasine est une publication mensuelle de la société des Editions Rota Press dirigée par M. Mata, ancien salarié de la société Prospections, qui a cessé toute diffusion à la suite de la mise en règlement judiciaire de la société éditrice le 22 décembre 1992 ; sept numéros ont été publiés d'avril à décembre 1992. Enfin, la revue Le Prospecteur dont le directeur de publication est M. Cloarec, ancien responsable de Trésors et découvertes, est une revue bimestrielle créée en juillet 1992 et éditée par l'Association française des prospecteurs.

L'instruction n'a pas permis d'établir l'existence d'autres revues exclusivement consacrées à la prospection. Pour autant, les revues spécialisées existantes ne collectent pas la totalité des dépenses publicitaires visant à promouvoir les matériels de détection ; ainsi, pour les années 1990 à 1992, la société Prospections a par exemple acheté des espaces publicitaires dans des publications aussi diverses que L'événement du jeudi, Le monde de la Bible, Archéologia et surtout Numismatique et change. Cette dernière revue est également le support choisi en mai 1992 par les sociétés FDS, IDS, Pringault et Prodect, pour révéler au grand public les pratiques qu'elles estimaient contestables d'un de leurs concurrents.

b) Leur diffusion

La diffusion des revues, évaluée par addition du nombre des exemplaires vendus en kiosque et des abonnements souscrits, peut être estimée à :

EMPLACEMENT TABLEAU

L'estimation, pour l'année 1991, de la diffusion de la revue Trésors et Détections, bimestriel dont la première parution date du mois de septembre 1991, a été faite à partir de la moyenne mensuelle communiquée pour l'année 1992. Les chiffres concernant les ventes de l'année 1992 des revues Le Prospecteur et Eldorado Quest résultent d'estimations proposées dans le rapport d'enquête administrative (cote 69).

B- Les pratiques relevées sur le marché des détecteurs de métaux

1. Le contenu des accords de distribution

a) Les accords de distribution souscrits par la société Prospections

A partir du mois de juin 1988, la société Prospections a signé plusieurs contrats de distribution avec des fabricants ou représentants de marques de détecteurs de métaux.

1- L'accord de distribution des appareils de la société Tesoro Electronics Inc. (Tesoro).

Le 27 juin 1988, la société Tesoro conférait à la société Prospections la qualité de "distributeur exclusif en France" ; il s'agit du premier contrat d'exclusivité souscrit par la société Prospections, liée à la société Tesoro par un contrat de distribution simple depuis le mois de mars 1985. L'accord imposait au distributeur des quantités minimales d'achat, l'obligation de mettre en place un réseau de distribution et un service après­vente, et lui garantissait en contrepartie des conditions d'approvisionnement particulières et une exclusivité de fourniture sur le territoire concédé.

L'accord a été dénoncé par J. Gifford, président de la société Tesoro, le 31 juillet 1990. La société Prospections répliqua par un courrier du 1er août 1990 en mettant en cause le sérieux du système de distribution de Tesoro en Europe : "La distribution de Tesoro en Europe est une véritable plaisanterie ; Gelan en Hollande destitué par Fisher, a vendu des quantités de détecteurs sans le contrôle de M. Mellish (représentant pour l'Europe de la société Tésoro) sans problèmes. Pour nous, il sera facile de trouver auprès d'importateurs douteux quelques détecteurs de métaux Tesoro...". Malgré cette résiliation, la société Prospections continua de se prévaloir jusqu'en avril 1992 de la qualité d'importateur exclusif des détecteurs de métaux Tesoro auprès des lecteurs des revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections jusqu'en avril 1992.

2- L'accord de distribution des appareils de la société Fisher Research Laboratory (Fisher).

Le 30 janvier 1989 la société Fisher adressait à la société Prospections un courrier conférant à la société Prospections "le droit de distribution exclusif des instruments pour amateurs de Fisher Research Laboratory pour la France, ainsi que les parties francophones de Belgique, Luxembourg et Suisse" ainsi que le droit d'utilisation du nom et du "logo" de la marque qui "ne doit être faite que par Prospections SARL et cela aussi longtemps que le présent contrat sera en vigueur". En contrepartie, la société Prospections s'obligeait à "effectuer le service après­vente, ainsi que les réparations sous garantie de tous les instruments [...] importés de chez nous", ainsi qu'à effectuer la promotion de la marque : "A vos frais, vous inclurez nos produits dans la publication Trésor et Détections. Vous écrirez également des articles sur l'utilisation de nos instruments, ainsi que des histoires de cas. Finalement, vous présenterez et discuterez les caractéristiques techniques de tous les nouveaux instruments qui pourront être lancés à l'avenir...".

3- L'accord de distribution des appareils de la société Garrett Electronic Inc. (Garrett).

Entrées en vigueur à compter du 1er juin 1990, les principales stipulations de cet accord sont les suivantes : "Le présent contrat donne à Prospections SARL les droits de distribution exclusifs des détecteurs de métaux pour amateurs pour la France. D'après cet accord, Garrett Electronic Inc. vendra seulement à Prospections SARL les détecteurs pour amateurs pour la distribution en France... Les responsabilités de Prospections SARL au titre de ce contrat comprennent l'importation et le service après­vente des détecteurs de métaux Garrett en France. Cette responsabilité comprend la publicité intensive du nom des produits Garrett. Prospections et ses revendeurs approuvés sont les seules sociétés autorisées à faire de la publicité et à promouvoir les marques et logos Garrett en France. En outre, Prospections est par ce contrat responsable de la protection des logos et marques Garrett à l'égard de la société Garrett. Prospections est le seul centre de service après­vente Garrett agréé par l'usine en France. Les garanties d'usine seront honorées par Garrett seulement par l'intermédiaire de Prospections. En outre, l'usine Garrett vendra les pièces de rechange uniquement à Prospections pour le marché français...".

b) Les autres accords

Hormis le dispositif régissant les relations financières des deux partenaires, les principales stipulations du contrat conclu le 4 janvier 1977 entre les sociétés SOCE et C­Scope prévoient une exclusivité réciproque d'approvisionnement et de fourniture pour le territoire français, ainsi qu'une assistance technique, documentaire et publicitaire réciproque. Le distributeur, qui a la liberté de déterminer le "prix de vente sur le territoire dans la mesure où il correspond au prix du marché", doit également mettre en place un service après­vente ; ce contrat est tacitement reconductible tous les vingt­quatre mois.

Un contrat, en date du 5 mars 1992, confère à la société IDS la qualité de distributeur exclusif pour la France de la société Tesoro. Cet accord détermine les quantités minimales d'achat, le stock outil, place le service après­vente à la charge du distributeur sans que soit précisée l'origine géographique des produits concernée. Le distributeur est libre de pratiquer les prix qu'il souhaite sous réserve de pratiquer "des prix compétitifs", il doit également assurer "la promotion" des produits. Le contrat prévoit, en outre, que "le distributeur s'engage à ne pas empiéter sur les droits et les territoires spécifiquement attribués à d'autres distributeurs comme grossiste ou comme détaillant et il s'engage également à adresser toute demande d'information émanant de l'extérieur du territoire qui lui est concédé au distributeur agréé du territoire concerné ou à Tesoro".

Par lettre en date du 4 février 1992, adressée à Mme Sachot, responsable de la société FDS, la société White's Electronics (UK), qui se présente comme la filiale britannique de la société américaine White's, certifie que la société FDS la "représente officiellement en tant que distributeur agréé depuis le mois de mai 1989". Un contrat, daté du 30 janvier 1992, fait de la société FDS le "distributeur exclusif pour la France" de ce fabricant. Cet accord d'une durée de trois ans autorise la société FDS, qui doit assurer la promotion de la marque, "à utiliser le logo et le nom de White's" ; les achats directs auprès de la maison mère, la société White's Electronic Inc. sise aux USA, ou auprès de distributeurs américains lui sont interdits.

2. L'application des accords de distribution

a) L'application des accords de distribution signés par la société Prospections

1- L'application de l'accord Tesoro - Prospections du 27 juin 1988

L'interprétation par la société Prospections des termes de cet accord de distribution qui lui donne en contrepartie de l'organisation d'un réseau de distribution, d'un service après­vente et sous réserve du respect des quantités minimales d'achat, la qualité de distributeur exclusif des appareils Tesoro pour la France, ressort de plusieurs correspondances adressées à la société AAE qui se prévalait également, selon la société Prospections, de la qualité de distributeur exclusif de la marque Tesoro.

Dans un courrier du 14 avril 1989, motivé par le démarchage des revendeurs de détecteurs de métaux effectué par la société AAE, la société Prospections met cette dernière en demeure de cesser ses pratiques dans les termes suivants : "Vous n'avez nullement la qualité pour représenter en France cette marque... Un tel contrat est établi et pour protéger une marque de la distribution sauvage dans des pays étrangers et pour assurer les intérêts de la société choisie pour en assurer la distribution dans un pays donné".

Par lettre du 21 avril 1989, la société Prospections informe la société AAE des modalités de distribution des produits Tesoro sur le territoire de la Communauté européenne et des conséquences qu'elle en tire : "La société Tesoro pour la protection de sa marque, de son image de marque, de ses concessionnaires a divisé le secteur des ventes en Europe par pays. Chaque pays détient sa concession dans son intégralité... La marque se porte toujours contre les concurrents entre pays et secteurs, les importations sauvages... Il ne nous est évidemment pas possible d'accepter une situation de paracommercialisme qui consisterait à ce que n'importe qui puisse, par des voies de transit détournées, introduire ce matériel en France afin de profiter d'une situation que nous avons créée. Ce en démarchant en outre notre réseau de revendeurs".

S'adressant encore à la société AAE et constatant l'existence "de publicités publiées par [ses] soins" proposant des appareils Tesoro [et Fisher] "à des prix inférieurs à ceux établis par le fabricant", la société Prospections l'informe le 19 juillet 1990 qu'elle va la "citer en référé auprès du Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le dédommagement dû en proportion des appareils ainsi écoulés" ; cette menace restera sans suite du fait de la dénonciation du contrat de distribution signé avec la société Prospections à la fin du mois de juillet par la société Tesoro.

2. L'application des accords de distribution Fisher et Garrett

a) L'interprétation des dispositions contractuelles

Par courrier du 5 décembre 1991, la société Fisher exprime auprès de la société Prospections sa préoccupation de lutter contre les importations parallèles : "Les importateurs parallèles portent un préjudice considérable à notre "standing", et nous vous demandons de faire le maximum pour arrêter ces pratiques...". Auparavant, dans une circulaire adressée le 18 juillet 1989 à ses revendeurs français à la suite de ventes d'appareils réalisées à "des niveaux de prix très favorable" pour les acheteurs par un ancien distributeur exclusif, la société Fisher avait écrit : "... nous avertissons sincèrement tout revendeur sérieux engagé dans la vente de nos instruments qu'il ne doit pas continuer à acheter... Non seulement, un revendeur met en danger sa garantie d'usine, mais, ce qui est plus important, il peut lui arriver d'acheter des appareils déjà utilisés et/ou de l'équipement reconditionné. Grâce à notre ordinateur, nous surveillons attentivement les numéros de série, et en conséquence, devons vous avertir de ne pas assurer le service après­vente à votre client, et de ne pas lui fournir nos instruments qui n'ont pas été importés par le seul importateur français reconnu, Prospections SARL".

Pour sa part, la société Garrett informait la société Prospections, le 12 décembre 1991, de son souhait de voir cette dernière œuvrer dans le sens d'un strict respect des dispositions de l'accord de distribution qui les liait dans les termes suivants : "Cette lettre concerne le problème de "l'importation grise" qui semble frapper le marché des détecteurs de métaux en France... De même nous commençons à nous inquiéter du fait que, après la conclusion d'un accord avec Prospections SARL la désignant comme distributeur et centre de service sous garantie agréé pour les produits Garrett en France, d'autres sociétés se présentent malhonnêtement comme étant des importateurs et centres de service Garrett agréés... Si elles font de la publicité avec les logos et marques Garrett, elles le font sans notre permission et nous sommes obligés d'exiger qu'elles cessent d'utiliser ces logos et marques de fabrique afin de protéger nos droits de propriété sur le nom et les symboles de Garrett en France. C'est pourquoi, nous demandons que Prospections engage toute action qu'elle estimera nécessaire pour assurer que les logos et marques de fabrique Garrett soient protégés et pour empêcher les sociétés non agréées de se présenter malhonnêtement comme des revendeurs et centres de service après­vente Garrett en France".

La lutte contre les importations parallèles souhaitée par les sociétés Fisher et Garrett se traduisit par des campagnes d'information des acheteurs diffusées dans les revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections et par des actions judiciaires intentées par les sociétés Fisher, Garrett et Prospections à l'encontre de certains concurrents de cette dernière.

b) La mise en œuvre de la clause de garantie et de service après­vente :

Plusieurs avertissements publiés dans la revue Trésors de l'Histoire (octobre 1989 à novembre 1990 ; cf. par exemple cote 540), éditée à cette époque par la société Prospections, ont pour but d'informer les consommateurs sur les conséquences d'un achat réalisé auprès d'un distributeur non "agréé" :

"Il est rappelé aux utilisateurs et acheteurs de matériel Fisher que tout matériel de détection acheté, même neuf, auprès des revendeurs non agréés se trouve ipso­facto hors garantie.

Toute réparation devant intervenir sur du matériel importé de l'étranger en dehors de l'importateur exclusif (en France, Prospections) se trouverait de ce fait sans pouvoir bénéficier de la garantie Fisher sur les pièces et la main d'œuvre...

Les acheteurs de matériel à "prix réduit" devront, la provenance et l'origine du matériel n'étant pas discernable, faire réparer le matériel en leur possession, en cas de panne à leurs frais... Il est rappelé que les importateurs légaux et exclusifs de ce matériel Fisher proposent à leur clientèle une garantie complète d'une année, avec un délai de réparation de 7 jours maximum, quel que soit le type de panne, ou qu'il s'agisse d'un simple réglage de routine...".

L'avertissement suivant a également été publié à plusieurs reprises : "Pour la France, la Belgique et la Suisse, les établissements Prospections sont les seuls agréés par le laboratoire de recherche Fisher pour distribuer ses produits. C'est aussi le seul établissement propre, en ces pays à assurer la garantie Fisher ainsi qu'à proposer un service après­vente agréé par le fabricant, à disposer des pièces d'origine..." (Trésors de l'Histoire n° 86, 87, 88 ; Trésors et Détections n° 6 et 8).

La revue Trésors et Détections datée de novembre­décembre 1992 (p. 46) contient un autre type d'adresse : "Pour l'Europe, seuls les distributeurs mentionnés sur cette liste sont agréés par la marque pour en distribuer les produits, assurer leur service après­vente avec les pièces d'origine et le complet agrément Fisher. Tous le reste n'est que fantaisie... au risque et péril des acheteurs éventuels et sans aucune garantie Fisher. C'est ce que l'on nomme le marché noir."

Des mises en garde de même nature concernant d'ailleurs à la fois les matériels des sociétés Fisher, White's, et Tesoro sont également publiés : "Prospecteurs, si vous avez récemment racheté un détecteur au rabais auprès d'un revendeur non agréé par l'importateur exclusif, vous savez que malgré cette économie, vous ne pourrez bénéficier du service après­vente. En cas de panne vous serez obligé de retourner votre appareil chez le fabricant ou de régler le montant de toute réparation.

Si vous avez été victime d'un tel achat, adressez à notre service après­vente une petite carte mentionnant le n° de série, la date et le lieu d'achat du matériel incriminé... Votre réclamation servira à enrayer ce trafic et vous recevrez en cadeau et par retour un casque d'écoute" (cote 53, Trésors de l'Histoire n° 62, p. 39).

Courant 1992, les sociétés Fisher, Garrett et Prospections assignèrent les sociétés Hobby France, AAE et FDS sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Le contenu des assignations, dont les termes sont quasiment identiques, éclaire la portée que ces entreprises donnent à la clause réservant le service après­vente des appareils Fisher et Garrett à la société Prospections. En effet, après avoir affirmé que "la société Prospections SARL est l'importateur et le distributeur exclusif des marques Fisher et Garrett sur le territoire français", les demandeurs énoncent : "qu'en faisant de l'importation parallèle de ces produits distribués exclusivement par la SARL Prospections, [le défendeur] désorganise de toute évidence ce réseau de vente... que d'ailleurs l'acquisition de ces appareils est totalement irrégulière et que par conséquent la société Prospections ne peut en aucun cas garantir les pièces et la main d'œuvre" (cote 249/4, assignation délivrée à la société Hobby France).

c) La mise en œuvre de la clause de protection de la marque :

La clause confiant la protection des "logos" et marques des sociétés Fisher et Garrett a la société Prospections a également donné lieu à l'engagement de procédures opposant ces sociétés à d'autres distributeurs.

Ainsi, le 16 février 1990 la société Prospections enjoint à la société AAE de lui adresser ses commandes pour "tout ce qui concerne les ventes en France et certains pays d'Europe des marques suivantes : Fisher, White's, Tesoro, Gold Mountain, Pulse Technology..." et rappelle au destinataire : "Vous n'ignorez sans doute pas que la représentation de marques aussi importantes ne se négocie pas comme on achète une paire de chaussettes aux puces, mais en transactions qui demandent une couverture commerciale qu'il vous sera toujours impossible de fournir."

Le 19 juillet 1990 la société Prospections reproche à ce même concurrent de "proposer au commerce des articles de marque Fisher et Tesoro à des prix inférieurs à ceux établis par le fabricant" et l'informe d'une prochaine assignation visant à obtenir réparation du préjudice subi "en proportion des appareils ainsi écoulés".

Le 25 novembre 1991 la société AAE était mise en demeure "de cesser toute utilisation commerciale des marques Fisher et Garrett, des logos afférent à ces marques, de même que toute forme de diffusion des produits fabriqués par ces marques dont nous sommes, par contrat, les représentants exclusifs en France". La société AAE, qui réplique le 25 novembre 1991 en contestant le bien fondé de la demande, se voit alors demander de produire "une évaluation précise du montant et des volumes des ventes réalisées pour les appareils de marque initiale Fisher et Garrett...". Après avoir été déboutées par le Tribunal de commerce de Paris, saisi en référé, pour défaut d'urgence de la mesure sollicitée, les sociétés Prospections, Fisher et Garrett assignent la société AAE le 17 février 1992, et demandent le prononcé d'une mesure d'interdiction de publicité sur les marques Fisher et Garrett dans les termes suivants :

" La société Prospections s'est rendue compte que les logos afférents aux marques Fisher et Garrett étaient utilisés commercialement dans les différents magasins spécialisés en la matière et ce par la société AAE... ;

La société Prospections s'est aperçue que la société AAE importait parallèlement les produits Garrett et Fisher pour les mettre en vente en France à des prix beaucoup plus bas que ceux pratiqués par elle­même... ;

Attendu que la société Prospections est l'importateur et le distributeur des marques Garrett et Fisher sur le territoire français ;

Attendu qu'elle est spécialisée en la matière et assure de ce fait un service de qualité supérieure à sa clientèle ;

Attendu qu'elle est l'unique société agréée par les marques Fisher et Garrett pour effectuer des réparations sur ce matériel ; qu'elle assure ainsi la qualité du service après­vente, possédant les pièces détachées ainsi que les plans des détecteurs ;

Attendu qu'ainsi un réseau de distribution sélective des produits de marque Fisher et Garrett est organisé ;

Attendu que la société AAE en faisant de l'importation parallèle de ces produits distribués exclusivement par la société Prospections SARL désorganise de toute évidence ce réseau de vente... ;

Attendu surtout que la société AAE est parfaitement informée du fait que la société Prospections SARL est le distributeur exclusif de ces produits ; que d'autre part elle n'a jamais eu l'autorisation des sociétés Garrett et Fisher d'utiliser ces marques ;

Que d'ailleurs, l'acquisition de ces produits est totalement irrégulière..."

Des actions de même type furent engagées à l'encontre de la société FDS.

Ainsi, par lettre du 4 décembre 1991 la société Prospections reproche à cette société de persister "à utiliser commercialement les logos et les noms de marque des fabricants de détecteurs de métaux Garrett et Fisher", en dépit de "l'exclusivité de représentation et de distribution que des contrats internationaux nous octroyaient sur ces deux marques". Un courrier du 14 décembre 1991 complète l'accusation : "Vous avez, à vos risques, préféré les marchés dits parallèles... Votre mise en demeure n'était qu'une procédure nécessaire car vous utilisez indûment les logos Garrett et Fisher et vous proposez ces marques à la vente, publiquement. Compte tenu de ces faits, nous vous avons inclus dans une procédure qui, sur la demande même des établissements Fisher et Garrett amènera au respect et à la protection de leur marque en France..." ; l'expression "d'importateur clandestin" est également employée pour désigner la société FDS Cet envoi fut suivi de l'expédition d'une copie des contrats dont bénéficiait la société Prospections ; le 22 janvier 1992, la société FDS informe la société Prospections qu'elle a "pris bonne note de ces informations pour l'avenir" et qu'elle entend désormais "agir en conséquence pour (ses) publicités".

Insatisfaites de cette réponse, les sociétés Prospections, Fisher et Garrett assignaient le 8 février 1992 la société FDS en référé devant le Tribunal de commerce d'Avignon dans des termes quasiment identiques à ceux de l'assignation délivrée à la société AAE. Il était en effet reproché à la société FDS d'avoir acquis ces appareils de façon "totalement irrégulière", ce qui exonérait Prospections de son obligation de garantie et de pratiquer, de surcroît, "des prix beaucoup plus bas".

Enfin, le 17 février 1992, les sociétés Prospections, Fisher et Garrett assignaient la société Hobby France aux mêmes motifs que ses autres concurrents. Il lui était reproché de désorganiser son réseau de vente par "l'importation parallèle" de produits, et "de surcroît" "de pratiquer des prix plus bas". Comme dans les cas précédents, il était demandé au tribunal saisi : "d'ordonner à la société Hobby France la cessation de toute utilisation des marques Fisher et Garrett par voie de publicité ou autre, sans autorisation et l'interdiction de vendre les produits Garrett et Fisher et ce, sous astreinte...".

b) L'application de l'accord White's / FDS du 30 janvier 1992

Une lettre du 17 février 1992, adressée par la société FDS aux sociétés AAE et Prospections, éclaire l'interprétation faite par le distributeur "exclusif" de ces stipulations : "Afin que nos revendeurs travaillent dans de bonnes conditions, nous pouvons vous assurer que le contrat d'exclusivité approuvé sur le marché européen, permettra d'arrêter dorénavant les importations parallèles, qui seront contrôlées et appréhendées par nous­mêmes ainsi que par les établissements White's".

3. Les autres pratiques

Les entreprises précitées ont parfois cherché la solution de leurs différends auprès d'autres instances que les juridictions commerciales.

Ainsi, le 18 février 1991, la société AAE saisit la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'une plainte pour "publicité mensongère" contre la société Prospections au motif notamment que celle­ci se prévalait indûment de la qualité de distributeur exclusif de la société Tesoro.

Egalement sur le fondement de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la société Prospections saisit le 4 novembre 1992 la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes contre plusieurs de ses concurrents, dans les termes suivants :

"Ces sociétés s'entendent :

Afin d'organiser des actions concertées afin d'empêcher notre société, représentant exclusif en France des produits de détection de métaux Fisher et Garrett de pratiquer les prix normaux du marché.

Ces actions concertées se caractérisent par l'importation hors des circuits commerciaux établis par le fabricant et par des intermédiaires, de produits des deux marques qui sont ensuite proposés à des prix moindres, de l'ordre de 30 à 40 % par rapport à ceux pratiqués par le représentant exclusif des marques américaines Garrett et Fisher à qui incombe le service après­vente, la représentation et la publicité sur les productions desdites marques.

L'entente est telle que ces sociétés s'entendent parfaitement pour pratiquer des prix identiques bien inférieurs aux prix normaux du marché...".

c- La politique éditoriale des revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections

1. Appréciation des revues des sociétés Prospections et Traditions et Perspectives sur les appareils de la société White's et chronologie des relations commerciales entre les sociétés White's et Prospections

Le catalogue de la société Prospections pour l'année 1990 présente les appareils White's comme : "les plus adaptés à l'usage des particuliers, avec de grandes performances... Les appareils White's, très polyvalents conviennent autant à la recherche de petites masses qu'à la détection de grands trésors". La revue Trésors de l'Histoire n° 59 datée de janvier 1990 fait également l'éloge des appareils White's : "White's : grande marque de détection de loisirs... Cette maison s'est souvent trouvée au faîte des innovations en matière de détection de métaux. Les discriminateurs, l'atténuation des effets de sol, le pinpointing, le vue-mètre analytique. Autant d'inventions White's depuis reprises par tous les fabricants". Dans un encart destiné à promouvoir les services après­vente de la société Prospections il est affirmé dans la même revue : "Les marques White's, Tésoro, Fisher, Fieldmaster nous ont confié l'agrément de les représenter en France".

L'avertissement suivant, est publié dans les revues n° 61 (p. 43, 44), 63 (p. 39,40), 64 (p. 21) :

"Avertissement important White's

Il est rappelé aux utilisateurs de détecteurs White's que tout matériel acheté, même neuf, au rabais ou en dehors de l'importateur exclusif et de ses revendeurs agréés se verrait ipso facto privé de garantie.

Les réparations et les réglages, éventuellement effectués et acceptés par l'importateur exclusif (qui seul dispose des plans électroniques et des pièces de rechange) seraient, au prix fort, entièrement à la charge de l'acheteur d'un tel matériel. Ne confiez pas votre détecteur à régler à n'importe qui, les appareils White's possédant des circuits internes qui ne peuvent être ajustés que par un spécialiste agréé".

Le 24 janvier 1990 la société Prospections effectue ses premiers achats de matériel White's à la société Kellico, société sise aux USA.

Le tableau ci­après permet de comparer les prix payés par la société Prospections au mois de janvier 1990 pour des appareils achetés auprès de ces deux fournisseurs :

EMPLACEMENT TABLEAU

La revue Trésors de l'Histoire n° 62 (avril 1990), contient l'avertissement suivant :

" Fisher Tesoro White's

Prospecteurs, si vous avez récemment acheté un détecteur au rabais auprès d'un revendeur non agréé par l'importateur exclusif, vous savez que malgré cette économie, vous ne pourrez bénéficier du service après­vente. En cas de panne vous serez obligé de retourner votre appareil chez le fabricant, ou de régler le montant de toute réparation.

Si vous avez été victime d'un tel achat :

Adressez à notre service après­vente une petite carte mentionnant le numéro de série, la date et le lieu d'achat du matériel incriminé. Les numéros figurent sur le boîtier, sur une pastille autocollante de couleur métallique. Votre réclamation servira à enrayer ce trafic et vous recevrez en cadeau et par retour du courrier un casque d'écoute".

Les numéros suivants (64 ,65, 67) contiennent les mêmes avertissements.

Le 24 du même mois, la société White's UK (Inverness) adresse à toutes "personnes concernées", une lettre affirmant que la société Prospections n'est pas distributeur exclusif de cette société (cote 319).

La revue Trésors de l'Histoire n° 65 du mois de juillet 1990 teste "le neutralisateur d'effet de sol inventé par White's afin de pallier le comportement un peu fou de ses détecteurs face aux terrains déminéralisés". A proximité de cet article, un cartouche contient la mention suivante : "Ne confiez votre détecteur à réparer ou à régler qu'à un spécialiste. Service après vente Prospections : Les marques White's, Tesoro, Fisher, Fieldmaster nous ont confié l'agrément de les représenter en France...".

Trésors de l'Histoire n° 69 (novembre 1990) publie la mise en garde suivante :

"Fisher Tésoro White's

Prospecteurs, si vous avez récemment racheté un détecteur au rabais auprès d'un revendeur non agréé par l'importateur exclusif, vous savez que malgré cette économie vous ne pourrez bénéficier du service après­vente. En cas de panne vous serez obligé de retourner votre appareil chez le fabricant ou de régler le montant de toute réparation.

Attention : les détecteurs de marque Tésoro et Fisher actuellement proposés à la vente dans des circuits plus ou moins sombres sont annoncés comme possédant un numéro d'origine ! Après vérification, il s'avère que les numéros de série, garanties des appareils de ces marques, ont été remplacés par des autocollants et que l'escroquerie est facile à vérifier d'un simple coup d'oeil tant elle est grossière !

Vous risquez d'acheter ainsi un appareil de 4 ans et plus !

Si vous avez été victime d'un tel achat :

Adressez à notre service après­vente une petite carte mentionnant le numéro de série, la date et le lieu d'achat du matériel incriminé".

Par lettre datée du 20 novembre 1990, la société FDS fait grief à la société Prospections d'avoir "proclamé tout au long de l'année dans votre magasin à Paris et dans vos revues Prospections ­ Trésors de l'Histoire être l'importateur exclusif de la marque White's en France et avoir été choisi par cet établissement pour le service après­vente" et la somme de cesser cette "publicité mensongère" notamment dans son "catalogue général".

La société Prospections répond le 21 novembre 1990 dans les termes suivants : "Qu'un distributeur écossais octroie depuis Inverness des concessions de distribution, en France, pour du matériel provenant des USA est hautement rocambolesque. Les détecteurs White's que nous commercialisons sont de source américaine et distribués en Europe par une firme américaine (la société Kellyco) dont nous sommes les représentants exclusifs en France non seulement, mais aussi en Belgique, Suisse, Luxembourg... Puisque nous en sommes à la question des concessions de distribution en exclusivité, nous vous confirmons posséder pour la France, la Belgique et la Suisse, l'exclusivité d'un certain nombre de marques que vous prétendez vendre... et de manière juridique beaucoup plus solide sans doute qu'à la façon dont vous présentez votre droit écossais sur White's USA".

Le numéro 71 de la revue Trésors de l'Histoire daté du mois de janvier 1991 publie une annonce pour le magasin Prospections rédigée en ces termes :

"Le matériel Prospections

Distributeur exclusif pour la France, Belgique, Suisse des marques Garrett, Fisher, Tésoro, Kellyco, Pulse... et bien d'autres.

Appareils White's, Compass, Turtle, Field master, Lectra­Search.

A ce titre, Prospections bénéficie de la part des fabricants de séries spéciales conçues en fonction des besoins du chercheur européen.

Nous sommes bien sûr les seuls à posséder les pièces détachées de ces détecteurs, mais aussi leurs plans, (service après­vente ").

Cette publicité est diffusée jusqu'au mois de décembre 1991.

La société Prospections informe par ailleurs les lecteurs que : "Compte tenu de l'afflux de réparations insolubles sur du matériel d'origine douteuse, le SAV Prospections n'accepte plus que les appareils de toutes marques vendus par le magasin Prospections sur place ou par correspondance". Cette annonce est renouvelée dans les numéros 72 (p. 29), 73 (p. 29), 74 (p. 52), 76 (p. 62), 77 (p. 37).

Dans le numéro daté de septembre/octobre 1991 (n° 1) de la revue Trésors et Détections, les détecteurs de métaux de marque White's sont décrits dans les termes suivants : "Nous les dénommons les monstres de la détection. Les appareils White's accusent leur âge ! Les nouvelles séries directement dérivées des plus vieux systèmes de détection connus, offrent des désagréments nombreux... Certains détails paraissent préhistoriques....".

Au mois d'octobre 1991, le numéro n° 79 de la revue Trésors de l'Histoire comporte la mise en garde suivante : "Détecteurs White's : Danger. Face à une mésaventure survenue à un de nos lecteurs, nous ne pouvons que mettre nos lecteurs en garde contre le peu de sérieux de la distribution actuelle des appareils de marque White's... Ce fabricant d'une marque d'appareils assez vétustes et de moins en moins utilisés par les prospecteurs à cause de leur épouvantable discrimination et de leur grande et légendaire sensibilité aux effets de sol, tente de faire payer le prix fort du point de vue des réparations... Les divers SAV ont décidé de ne plus assurer hors garantie les réparations sur ces détecteurs de marque White's souvent distribués illégalement en France depuis l'Ecosse hors l'importateur officiel".

Le numéro 80 de la revue Trésors de l'Histoire daté du mois de novembre 1991 contient dans sa rubrique "Magazine" un article critique sur les nouveaux modèles de la gamme White's : "L'électronique de ces détecteurs est une véritable usine à gaz dont le réglage nécessite un parfait contrôle des règles de l'empirique, à tel point que certains techniciens refusent même d'ouvrir les boîtiers de ces appareils. Régler un 5900 SL ou un 6000 SL est une véritable plaie...".

En janvier 1992 la société FDS signe un contrat d'exclusivité avec la société White's UK ; une lettre de cette dernière, adressée à la société FDS en février 1992, lui reconnaît la qualité de vendeur officiel depuis le mois de mai 1989.

En mai 1992, la société Prospections adresse à la société IDS une lettre dans laquelle il est notamment affirmé : "Le problème de la distribution de produits White's est beaucoup plus subtil. Lorsque nous commandons des produits White's, ils nous sont adressés sans difficulté. M. Georges Mac Rae nous a confié lors d'un récent entretien en nos locaux de Paris, ne pas avoir de distributeur sous contrat en France. Cela a été confirmé par écrit, écrit comprenant ensuite une offre de matériel White's. Il est extrêmement étonnant que dans de telles conditions des sociétés aient pu, pendant des années s'affirmer "distributeurs exclusifs White's", nous pensons à une entreprise d'Avignon à laquelle vous faites référence dans votre courrier. La seule exclusivité White's connue ce jour en France est celle dont dispose précisément M. Mac Rae depuis l'Ecosse. Cette exclusivité est valable pour l'ensemble de l'Europe. Il est surprenant que dans son dernier courrier M. Mac Rae nous informe ne pas avoir de distributeur agréé en France... Il serait, je pense, au courant".

Une lettre circulaire datée 10 juin 1992 signée de M. Audinot et expédiée, comme le laisse à penser l'examen des réponses sous le timbre de la société Prospections ou de la revue Trésors de l'Histoire, a été envoyée aux utilisateurs d'appareils White's clients de cette société pour les interroger sur la qualité des appareils de cette marque ; quelques réponses ont été annexées par les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives à leurs observations. Les opinions présentées sont dans l'ensemble négatives et plusieurs des réponses mettent en cause Trésors de l'Histoire pour avoir, notamment dans ses numéros 58 et 59, fait la promotion de certains appareils de marque White's. M. Belain, écrit par exemple : "J'avais confiance en la marque White's et en la maison Prospections, j'ai le sentiment d'avoir été trahi" ; M. Rives "s'attendait à mieux surtout que l'essai de Trésors de l'Histoire était concluant" ; M. Kimmel regrette "d'avoir cru bon à l'époque, suite à la publicité faite dans Prospections - Trésors de l'Histoire, d'investir dans un appareil de haut de gamme" ; M. Renaud écrit : "En réponse à votre lettre concernant le matériel White's et plus particulièrement le 5900 DI PRO SL dont je suis utilisateur, je viens à constater que votre conception commerciale est plus basée sur le profit que sur la satisfaction du client...", avant de rappeler les termes de l'article du numéro 58 de Trésors de l'Histoire mettant en avant les qualités du produit comparés aux termes des numéros 79 et 80 très critiques. Enfin, M. Lecoa a "l'impression d'avoir jeté de l'argent en l'air car, avec toutes les bonnes informations que le magazine Trésors avait délivré au grand public, celui­ci était en droit d'attendre autre chose qu'une boîte dont rien ne sort".

La revue Trésors et Détections datée des mois de septembre/octobre 1992 présente un florilège des lettres d'utilisateurs collectées en réponse à la lettre du 10 juin. A la suite des extraits présentés, le commentateur ajoute : "Les détecteurs White's sont encore plus inadaptés à l'usage qui leur est destiné, soit la découverte de métaux, que nous n'avions eu le courage de le souligner dans nos précédents numéros... Le vrai problème White's réside dans le fait que si ces appareils présentent des défauts qui n'avaient pas été constatés lors d'essais publiés par des revues professionnelles il y a de cela deux ans, c'est que ces revues s'étaient vues envoyer des appareils White's fabriqués en Ecosse, et dont le comportement était tout à fait différent... Les détecteurs cités dans les courriers sont tous des détecteurs Made in USA.... Il faut bien comprendre qu'il existe une énorme différence entre les appareils White's fabriqués en Écosse, ceux qui en leur temps furent testés par une revue spécialisée, et les appareils américains, les seuls qu'il soit possible à l'heure actuelle de trouver sur le marché, ceux dont se plaignent les utilisateurs".

Par lettre du 30 septembre 1992 la société FDS, qui se prévaut de la qualité d'importateur exclusif des produits White's, demande à la société Traditions et Perspectives la faculté d'exercer un droit de réponse. Elle affirme par ailleurs : "La soi­disant différence entre les appareils testés à leur époque par la revue Trésors de l'Histoire et ceux disponibles actuellement est inexistante puisque les usines White's d'Ecosse, sous la direction de M. Georges Mac Rae, fabriquent depuis plus de quinze ans des appareils essentiellement mi de gamme, tandis que les hauts de gamme ont toujours été d'origine américaine (Oregon, USA), même s'ils transitaient et continuent de transiter par l'Ecosse. Contrairement à ce qui est dit dans cette revue, l'usine White's Écosse n'a pas fermé ses portes".

Par lettre du 10 octobre, M. Audinot, alors gérant de la société Traditions et Perspectives, oppose à la société FDS un refus au motif qu'elle n'était pas citée dans l'article incriminé ; d'autre part, s'agissant de l'origine géographique des produits White's, il précise : "Au vu de toutes les lettres que nous possédons émanant de la société White's, il apparaît clairement que le représentant exclusif de cette marque pour la France est M. Mac Rae, d'Inverness, en Ecosse. Comme dit dans notre revue, tous les appareils distribués par cet importateur de la marque proviennent des USA et ne sont donc plus construits en Ecosse".

Estimant que l'article publié dans la revue Trésors et Détections datée des mois de septembre/octobre 1992 lui porte préjudice, la société White's Electronics UK Ltd fait donner, le 5 mars 1993, assignation aux sociétés Prospections et Traditions et Perspectives en vue de faire constater par le Tribunal de commerce de Corbeil le caractère déloyal de leur concurrence. Sur le fond, le tribunal jugea que : "Attendu que l'enquête de la revue n'a pas été menée selon les règles de l'art ; attendu que les résultats de l'enquête ont été exposés de manière très partielle ; attendu que les écrits de M. Audinot confirment le poids de ces deux revues sur le marché de la détection ; attendu que le tribunal conclura de ce qui précède qu'il y a eu dénigrement et que ce dénigrement a engendré une concurrence déloyale... Constate le caractère déloyal de la concurrence dont se sont rendues coupables les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives et les condamne...". Cette affaire est actuellement pendante devant la juridiction d'appel.

2. Appréciations des revues des sociétés Prospections et Traditions et Perspectives sur les appareils de la société Tésoro et chronologie des relations commerciales des sociétés Tésoro et Prospections

En novembre 1989, alors que la société Prospections est importateur exclusif des appareils Tesoro, la revue Trésors de l'Histoire présente le détecteur de métaux dénommé Golden Sabre en termes particulièrement élogieux : "Le Golden Sabre nous a surpris, au cours de l'essai effectué, tant par la très bonne qualité de discrimination que par son efficacité sur le terrain. L'appareil est difficile à battre dès lors que l'on évoque les profondeurs atteintes dans le sol...". D'autres détecteurs de métaux comme le Toltec 100 ou L'Eldorado sont également valorisés : "Le Toltec 100 est capable de saisir une pièce de monnaie d'un diamètre de... ce qui est supérieur à tout ce qu'offrent les appareils haut de gamme. Il nous a paru intéressant de vous proposer dès maintenant un essai complet d'un détecteur tout aussi étonnant dans la gamme, l'Eldorado...".

La société Prospections est évincée du réseau Tesoro en juillet 1990, mais continue à se prévaloir de la qualité de distributeur exclusif jusqu'en décembre 1991.

La revue Trésors de l'Histoire datée de mars 1991 (p. 54) attire l'attention des lecteurs sur les problèmes rencontrés avec ces appareils : "Voici plusieurs mois que, mis en alerte par des dizaines de prospecteurs, nous avons évoqué les graves défauts qui, à l'usage, viennent perturber le fonctionnement des appareils Tesoro, principalement de l'Eldorado, du Golden Sabre... C'est avec un vif plaisir que les services après­vente voient peu à peu ces appareils disparaître du marché français !".

La revue Trésors et Détections publie, en septembre 1991, les appréciations suivantes : "En France, le marché et la commercialisation de ces détecteurs à surprise est une véritable ruine sur laquelle il y a peu de choses à dire, sinon que pour du neuf comme de l'occasion, l'achat d'un appareil Tesoro est à éviter à tout prix".

Dans le numéro 7 de la revue Trésors et Détections daté de septembre/octobre 1992, ces appréciations négatives sont réitérées dans les termes suivants : "Fini le temps des essais gratuits sollicités par des importateurs. Ces essais parfois impitoyables sont faits, avant tout, pour informer les prospecteurs trop souvent roulés dans la farine auprès des commerçants chez qui une seule marque est représentée... A l'époque, c'est du reste l'importateur de la marque lui­même qui a décidé de faire le jour sur ce terrible problème... et qui a cessé de distribuer illico le matériel Tesoro. Depuis quelques madrés ont repris la marque et essayé de faire passer ces véritables usines à gaz pour des appareils efficaces...".

3. Les relations de la société Prospections avec certains annonceurs

a) Refus de la société Prospections de communiquer à la société FDS les tarifs d'annonces de la revue Trésors de l'Histoire

Le 12 décembre 1991, la société FDS écrit à la société Prospections : "Puisque nous parlons de vos magazines, nous réitérons notre demande concernant vos tarifs de publicité". Celle­ci répond : "Compte tenu aussi de votre réputation, bien confirmée par votre position d'importateur clandestin des marques que nous représentons, il ne nous est pas possible d'accéder à une demande d'insertion publicitaire que nous n'avons du reste jamais reçue".

La société Prospections réplique le 16 du même mois à la société FDS : "Vous ne pourrez plus prétendre ne pas avoir eu connaissance de ces contrats, pourtant annoncés dans la revue Trésors de l'Histoire, que vous suivez tellement bien dans ses parutions que vous auriez souhaité y passer de la publicité".

b) Refus de la société Prospections d'insérer une publicité de la société Hobby France dans la revue Trésors de l'Histoire

Le 14 décembre 1991, la société Prospections écrit à la société Hobby France : "Vous n'êtes pas habilité, et vous le savez, à représenter les marques de détecteurs de métaux Fisher et Garrett, pas plus qu'à utiliser leurs logos... Il est évident que notre position commerciale ne nous incite pas à accepter de publicité de votre part, une procédure concernant la protection de nos droits commerciaux étant actuellement en cours à votre encontre".

En réponse, la société Hobby France saisit en référé le Tribunal de commerce de Corbeil au motif que, bien qu'elle "ait fourni tous les documents demandés par Prospections... qu'elle a envoyé plusieurs courriers mettant en demeure Prospections de faire passer ladite publicité", cette dernière n'avait pas accédé à sa demande. Le défendeur soutenant "qu'il y a litige en cours entre les deux sociétés pour concurrence déloyale et que cette demande d'insertion avait pour but de [lui] nuire" le juge du référé, constatant le sérieux de la contestation, se déclara incompétent et "renvoya les parties à mieux se pourvoir".

II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur l'amnistie :

Considérant que la société Prospections fait valoir que le refus d'insertion d'une annonce publicitaire doit être considéré comme amnistié par application de l'article 2 de la loi n° 95­884 du 3 août 1995 qui prévoit que "sont amnistiés les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, à l'exclusion de toute autre peine ou mesure, lorsqu'ils ont été commis avant le 18 mai 1995" ;

Mais considérant que les pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont susceptibles devant le conseil que de sanctions administratives qui, distinctes de par leur nature des sanctions pénales, ne peuvent leur être assimilées dans leurs conséquences juridiques ; qu'en conséquence, les pratiques reprochées n'entrent pas dans le champ d'application de la loi d'amnistie ;

Sur la prescription :

Considérant que les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives soutiennent dans les mêmes termes que le procès­verbal en date du 28 février 1996 de MM. Nicod et Fonteneau leur serait inopposable au motif qu'il ne constituerait pas "un acte de recherche, de constatation ou de sanction des griefs établis à [leur] encontre" ; qu'il en serait de même du procès­verbal de M. Audinot en date du 12 mars 1996 qui n'est pas signé du déclarant et ne porte aucune mention de sa main ; qu'en conséquence la procédure engagée à leur encontre serait prescrite au motif de l'absence d'acte interruptif pendant un délai de trois ans ouvert à compter de la transmission au Conseil de la concurrence, le 14 avril 1993, du rapport d'enquête administrative ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ; que, d'une part, s'agissant du procès­verbal de MM. Nicod et Fonteneau en date du 28 février 1996, cet acte qui décrit les modalités d'approvisionnement de la société Hobby France en détecteurs de métaux au moment des faits et l'état des procédures opposant cette dernière à la société Prospections constitue un acte de constatation; qu'accompli dans un délai inférieur à trois ans après la transmission du rapport d'enquête administrative au Conseil de la concurrence, il a interrompu la prescription à l'égard de toutes les partiesen cause ; que, d'autre part, le procès­verbal de M. Audinot en date du 12 mars 1996 porte mention du refus de signer opposé par la personne entendue conformément aux prescriptions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986; qu'ayant ainsi été régulièrement établi, cet acte d'instruction a pu valablement interrompre le cours de la prescription;

Considérant que la saisine du Conseil de la concurrence a été faite par lettre reçue le 28 janvier 1992, ouvrant ainsi un délai de prescription dont le cours a été interrompu par la demande d'enquête puis, le 14 avril 1993, par la transmission du rapport d'enquête administratif, enfin par les procès­verbaux de déclaration et de communication de documents en date du 28 février 1996 de MM. Nicod et Fonteneau (société Hobby France) et de M. Audinot en date du 12 mars 1996 ; qu'en application des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance précitée, le conseil est donc compétent pour examiner les faits commis depuis le 28 janvier 1989 et par conséquent ceux reprochés aux sociétés Prospections et Traditions et Perpectives ;

Sur la durée de la procédure :

Considérant que les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives font valoir que "la longueur de la procédure relative à une plainte de la société Hobby France... est contraire aux dispositions de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable" ;

Mais considérant que les parties n'établissent pas en quoi le délai d'instruction du dossier aurait porté atteinte aux droits de la défense ; que la preuve de la violation alléguée ne saurait résulter ipso facto de la seule durée de la procédure ; qu'en tout état de cause, le moyen soulevé par référence à l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales n'est pas de nature à entacher la procédure de nullité et est dès lors inopérant ;

Sur l'absence d'investigations auprès de la société Traditions et Perspectives :

Considérant que la société Traditions et Perspectives estime faire "l'objet d'une procédure unilatérale de la part de l'administration, procédure parfaitement irrégulière" au motif qu'elle "n'a jamais fait l'objet de la moindre demande de communication de pièces comptables ou autres de la part d'éventuels enquêteurs. Elle n'a reçu aucun enquêteur et n'a même pas été sollicitée ne serait­ce que téléphoniquement par des agents de l'administration" ;

Mais considérant, d'une part, que le Conseil de la concurrence étant saisi in rem, celui­ci est valablement saisi de l'ensemble des faits constatés sur un marché ; que, d'autre part, les allégations de la société Traditions et Perspectives sont démenties par le fait que les pièces cotées n° 290, 291, 292, 293 et 299 en annexe du procès­verbal de M. Audinot interrogé le 4 novembre 1992 en tant que gérant de la société Prospections (cotes 516 à 521), contiennent des informations sur la revue Trésors de l'Histoire éditée par la société Traditions et Perspectives ou sont des pièces appartenant à cette société dont il était également le responsable social ; qu'en outre M. Audinot a communiqué aux enquêteurs des exemplaires des deux revues ; qu'en tout état de cause, aucune disposition législative n'impose l'audition de l'ensemble des parties au cours de l'instruction; que le moyen n'est donc fondé ni en fait ni en droit ;

Sur l'application de la règle non bis in idem :

Considérant que la société Prospections fait valoir qu'ayant été poursuivie pour les mêmes faits au plan pénal, elle ne pourrait l'être de nouveau, en application de la règle non bis in idem, devant le Conseil de la concurrence ;

Mais considérant que M. Audinot, gérant de la société Prospections, a été cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel d'Evry pour avoir "effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur la possession par la société Prospections de la qualité d'importateur et de distributeur exclusif de la marque Tesoro et de la qualité d'importateur légal des marques, Fisher, Garrett, Tesoro, Kellyco, Tulse, Teck et Fildmaster" ; que le Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante, s'est vu attribuer une compétence spéciale en application de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que la qualification sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 de clauses contractuelles ou des pratiques en résultant sur un marché est distincte d'une poursuite fondée sur les articles L. 121­1, L 121­5, L. 121­6 et L. 213­1 du Code de la consommation; qu'en conséquence ce moyen doit être écarté;

Sur le fond :

Sur les accords de distribution exclusive :

En ce qui concerne les accords de distribution souscrits par la société Prospections :

Considérant en premier lieu, d'une part, que par contrat en date du 30 janvier 1989 la société Fisher a conféré à la société Prospections la qualité de "distributeur exclusif pour la France ainsi que les parties francophones de la Belgique et du Luxembourg" de ses produits ; que ce contrat stipule que : "Prospections SARL est obligée d'effectuer le service après vente ainsi que les réparations sous garantie de tous les instruments importés" du fournisseur et confie l'utilisation "de la marque et du logo" de la société Fisher à la société Prospections ; que, d'autre part, par contrat en date du 1er juin 1990, la société Garrett a conféré à la société Prospections la qualité de "distributeur exclusif" de ses produits pour la France ; que ce contrat stipule que la société Prospections s'engage à assurer le service après­vente des produits Garrett et lui confie la protection des "logos et marque Garrett" ;

Considérant que l'obligation impartie à la société Prospections d'effectuer le service après­vente des appareils Fisher et Garrett était limitée aux seuls produits de ces marques importés et vendus par le distributeur exclusif sur les territoires concédésainsi que le montrent les actions engagées par les sociétés Fisher, Garrett et Prospections et les avertissements publiées par la société Prospections dans la revue Trésors de l'Histoire ; que l'obligation impartie à la société Prospections de protéger l'utilisation des "logos" et des marques Fisher et Garrett a fondé des actions visant à empêcher la revente d'appareils de ces marques importés directement par d'autres distributeurs que la société Prospections sur les territoires concédés; que ces pratiques, qui avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de faire bénéficier la société Prospections d'une protection territoriale absolue de son activité sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu' en outre, dans la mesure où la zone concédée, constituée par la France, s'agissant du contrat Garrett, pays auquel s'ajoutent "les parties francophones de la Belgique et du Luxembourg" s'agissant du contrat Fisher, couvre une partie substantielle du territoire de la Communauté européenne, ces pratiques sont susceptibles d'affecter les échanges intra­communautaires; qu' à ce titre, elles sont prohibées par les dispositions de l'article 85 § 1 du traité du 25 mars 1957;

Considérant, en deuxième lieu, que par contrat en date du 27 juillet 1988, dénoncé en juillet 1990, la société Tesoro a conféré à la société Prospections la qualité de "distributeur exclusif pour la France" ;

Considérant que la société Prospections a engagé des actions à l'encontre de concurrents afin d'obtenir qu'ils cessent la distribution de produits de marque Tesoro qui n'auraient pas été importés par ses soins sur le territoire concédé ; que, par ailleurs, elle a informé les lecteurs de la revue Trésors de l'Histoire qu'elle n'assurerait pas le service après­vente d'appareils achetés auprès d'autres importateurs situés sur son territoire ; que ces pratiques, qui avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de faire bénéficier la société Prospections d'une protection territoriale absolue de son activité dans la zone concédée par la société Tesoro, faussent le jeu de la concurrence et sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'en outre, dans la mesure où ce territoire couvrait une partie substantielle du territoire de la Communauté européenne constituée par la France, ces pratiques sont susceptibles d'affecter les échanges intra­communautaires et sont prohibées par l'article 85 § 1 du traité du 25 mars 1957 ;

En ce qui concerne l'accord de distribution souscrit par la société IDS :

Considérant que, par contrat en date du 5 mars 1992, la société Tesoro a conféré à la société IDS "des droits de distribution exclusive pour la France" ; que, selon les termes de ce contrat, le distributeur exclusif "s'engage à ne pas empiéter sur les droits et les territoires spécifiquement attribués à d'autres distributeurs comme grossiste ou comme détaillant et s'engage également à adresser toute demande d'information émanant de l'extérieur du territoire qui lui est concédé au distributeur agréé du territoire concerné ou à Tesoro" ; que l'interdiction faite à un distributeur exclusif d'approvisionner les utilisateurs ou les intermédiaires situés en dehors du territoire qui lui est concédé, même dans l'hypothèse où ceux­ci viendraient lui passer commande, a pour objet et peut avoir pour effet d'entraver le libre jeu de la concurrence et de répartir les marchés en lui conférant une protection territoriale absolue; que cette pratique est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu' en outre, dans la mesure où la zone concédée couvre une partie substantielle du territoire de la Communauté européenne constituée par la France, elle est susceptible d'affecter les échanges intra­communautaires et est prohibée par l'article 85 § 1 du traité du 25 mars 1957 ;

En ce qui concerne l'accord de distribution souscrit par la société FDS :

Considérant que par contrat en date du 30 janvier 1992, la société White's a conféré à la société FDS "des droits de distribution exclusive pour la France" ; que par lettre en date du 17 février 1992, adressée aux sociétés AAE et Prospections, la société FDS informe ses concurrents du fait que : "Afin que nos revendeurs travaillent dans de bonnes conditions, nous pouvons vous assurer que le contrat d'exclusivité approuvé sur le marché européen, permettra d'arrêter dorénavant les importations parallèles, qui seront contrôlées et appréhendées par nous­mêmes ainsi que par les établissements White's" ; qu'il en résulte que le contrat d'exclusivité signé avec la société White's a pour objet et peut avoir pour effet de conférer un caractère absolu à la protection territoriale dont la société FDS bénéficie; que cette pratique qui entrave le libre exercice de la concurrence est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'en outre, dans la mesure où la zone concédée couvre une partie substantielle du territoire de l'Union européenne de la Communauté européenne constituée par la France, elle est susceptible d'affecter les échanges intra­communautaires et est prohibée par l'article 85 § 1 du traité du 25 mars 1957;

Sur l'application de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Sur l'existence d'un marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection des métaux et des trésors :

Considérant que les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives font valoir, dans les mêmes termes, d'une part, qu'il n'existe pas de marché de la presse spécialisée dans la prospection et, d'autre part, que les revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections consacrent plus de 90 % de leur volume rédactionnel à des articles d'histoire et de géologie touchant de la sorte un public plus large que celui des prospecteurs de trésors ;

Mais considérant que les supports ayant des caractéristiques voisines et disposant de structures de lectorat proches peuvent être considérés comme étant en concurrence les uns avec les autres sur un même marché; que l'examen du contenu des revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections montre qu'elles proposent toutes deux des essais critiques des matériels de détection, des articles portant sur les techniques de prospection ainsi que des articles historiques ou géologiques qui sont les compléments des précédents ; qu'en outre, ainsi qu'il résulte des déclarations recueillies au cours de l'instruction, cette presse constitue pour les annonceurs distributeurs de détecteurs de métaux un support privilégié de promotion de leurs produits ; qu'il résulte de ce qui précède que, s'adressant à un lectorat particulier d'amateurs de prospections de métaux et de chasse au trésors, ces revues se distinguent d'autres supports d'information pouvant ponctuellement traiter la même matière, par leur technicité et la prééminence accordée à ces activités;

Sur la position des revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections sur ce marché :

Considérant, en premier lieu, que les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives soutiennent que l'existence d'un gérant commun ou d'un siège social commun est insuffisante à établir l'existence d'un lien les unissant aux moment des faits et, qu'en conséquence, il n'y pas lieu d'apprécier conjointement leur position sur le marché ;

Mais considérant que si aucune de ces sociétés n'avait de participation dans le capital social de l'autre, leurs deux actionnaires communs, dont M. Audinot, détenaient la majorité de leur capital respectif ; qu'en outre, M. Audinot était leur gérant commun; que l'examen des mentions devant être portées dans toutes les publications de presse en application de l'article 5 de la loi n° 86­897 du 1er août 1986 relative à la presse figurant sur les deux revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections montre que, jusqu'à la fin de l'année 1992, M. Audinot était leur directeur de publication, leur équipe rédactionnelle était en partie commune et leur impression effectuée dans la même imprimerie ; que, dans ses fonctions de gérant de la société Prospections, M. Audinot a communiqué aux enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des éléments concernant la société Traditions et Perspectives ou des pièces lui appartenant ; que les réponses à la circulaire du 10 juin 1992 expédiée sous la signature de M. Audinot aux clients de la société Prospections afin de connaître leur avis sur la qualité des appareils de marque White's ont été publiées dans la revue Trésors et Détections datée de septembre/octobre 1992 et non dans la revue Trésors de l'Histoire, pourtant toujours propriété de la société Prospections ; que les deux revues, qui ont une périodicité différente, ont selon les déclarations de la société Prospections un contenu éditorial complémentaire de telle sorte que les ventes de Trésors de l'Histoire "sont constantes depuis la création du titre et n'ont subi aucune altération avec la parution de Trésors et Détections"; qu'enfin, leur gérant commun a mené une politique éditoriale unique de défense des intérêts de la société Prospections face aux importations parallèles auxquelles celle­ci était confrontée; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la part des revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections sur le marché de la presse spécialisée doit être appréciée conjointement ;

Considérant, en second lieu, que la société Prospections fait valoir que l'évaluation proposée par la notification de griefs, s'agissant des années 1990 et 1992, des parts de la revue Trésors et Détections du marché de la presse spécialisée est erronée ; que la société Traditions et Perspectives soutient qu'elle n'aurait pas communiqué le nombre d'exemplaires de la revue Trésors et Détections vendus en 1992 cité dans la notification de griefs, qui serait "rigoureusement faux" ;

Mais considérant, d'une part, s'agissant de la diffusion des deux revues en cause et de leur part de marché, que les chiffres finalement retenus dans le rapport pour l'année 1990 sont conformes à ceux communiqués par M. Audinot lors du procès­verbal du 4 novembre 1992 (cote 516), soit un total de vente de la revue Trésors de l'Histoire pour cette même année de 83 868 numéros (abonnés inclus, hors anciens numéros) ; que, s'agissant de l'année 1992, la diffusion des revues concurrentes de celles de la société Prospections résulte d'estimations tenant compte de la considération que la société Rotapress, éditrice de la revue Eldorado Quest, a été mise en liquidation judiciaire le 22 décembre 1992 après la parution de son septième numéro et du fait que la revue Le prospecteur n'a été publiée que trois fois pendant la même année ; qu'en conséquence la marge d'incertitude résultant de l'approximation effectuée n'est pas de nature à modifier la position des deux revues sur le marché ; que, d'autre part, le nombre d'exemplaires de la revue Trésors et Détections vendus par la société Traditions et Perspectives mentionné dans la notification de griefs résulte d'un document annexé au procès­verbal du 4 novembre 1992 de M. Audinot (cote 516) qui indique notamment le montant des ventes en kiosque des six premiers numéros de la revue Trésors et Détections, datés de septembre/octobre 1991 à juillet/août 1992 ; que, si ces résultats ont été affectés pour leur totalité à l'année 1992 dans la notification de griefs, ils ont été rétablis dans le rapport final sur le fondement de ceux communiqués par la société Traditions et Perspectives dans ses observations en réponse ;

Considérant que la part du marché des revues spécialisées dans la prospection des métaux et trésors détenue par les revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections s'établissait à 94 % en 1990, 100 % en 1991 et 68 % en 1992 ; que cette prééminence est confirmée par les déclarations recueillies au cours de l'instruction d'où il ressort que la revue Trésors de l'Histoire, qui "faisait autorité en la matière" (cote 300), est "la seule à être sérieusement diffusée sur le territoire national et limitrophe" (cote 305/11) ; que les revues Trésors de l'Histoire et Trésors et Détections détenaient un "monopole de l'information" (cote 305/16) portant sur les détecteurs de métaux si bien que la création de revues concurrentes était "devenue indispensable" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Prospections, qui détenait seule, en 1990, une position dominante sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de métaux et de trésors, détenait une telle position collectivement avec la société Traditions et Perspectives en 1991 et 1992;

Sur les allégations concernant les distributeurs concurrents et la qualité de certains détecteurs de métaux :

En ce qui concerne les allégations concernant les appareils de marque White's :

Considérant que la société Prospections, d'une part, conteste la qualification de "dénigrement" au motif que les critiques formulées dans la revue Trésors de l'Histoire ne seraient que le reflet des plaintes reçues des utilisateurs et, d'autre part, soutient que l'évolution de sa position éditoriale s'expliquerait par une diminution de la qualité des matériels de la marque White's induite par un changement de provenance dont elle se serait simplement fait l'écho ; que, pour sa part, la société Traditions et Perspectives fait valoir l'absence de critiques des appareils de marque White's publiées dans la revue Trésors et Détections ;

Mais considérant que, dans un premier temps, la société Prospections a usé de qualificatifs dévalorisants à l'endroit de ses concurrents distributeurs de produits White's tout en s'arrogeant indûment la qualité de distributeur exclusif de cette marque dans des encarts publiés dans la revue Trésors de l'Histoire dont la teneur est reproduite supra (IC1) alors que la société White's avait confié la distribution de ses appareils de détection à la société FDS ; que, dans un deuxième temps, elle a critiqué la qualité des appareils White's distribués par ses concurrents au motif d'une diminution de leur qualité qui aurait résulté d'un changement du lieu de fabrication alors qu'elle seule avait cessé de s'approvisionner auprès du représentant de cette marque pour l'Europe, la société White's UK ; que ces critiques, relayées par la revue Trésors et Détections datée de septembre/octobre 1991 et septembre/octobre 1992 éditée par la société Traditions et Perspectives, visaient à entraver l'activité de ses concurrents sur le marché des détecteurs de métaux; que de telles pratiques, mises en œuvre par un groupe d'entreprises qui dispose d'une position dominante sur le marché, avaient pour objet pouvaient avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence et sont prohibées par les dispositions de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne les allégations concernant les appareils de marque Tesoro :

Considérant que, d'une part, la société Prospections fait valoir que les critiques adressées aux appareils Tesoro dans la revue Trésors de l'Histoire sont consécutives aux plaintes réitérées de clients reçues au siège de la revue et que la dénonciation par le président de la société Tesoro, le 31 juillet 1990, du contrat de distribution passé avec la société Prospections est la conséquence de la publication dans la revue Trésors de l'Histoire datée de juillet 1990 des plaintes d'utilisateurs ; que, d'autre part, la société Traditions et Perspectives soutient que les conclusions du rapporteur la concernant sont fondées sur un "document faux" puisque contrairement à ce qu'il est indiqué dans le rapport, la page 44 de la revue Trésors et Détections datée de septembre/octobre 1991 ne porte aucune mention dénigrant la marque Tesoro ;

Mais considérant, en premier lieu, que l'article paru dans la revue Trésors de l'Histoire n° 65 du mois de juillet 1990, relate simplement certaines difficultés rencontrées par les utilisateurs des appareils Tesoro et propose une "opération courte et peu coûteuse, [qui] permet de supprimer la totalité des inconvénients de stabilité" ; que cette revue ne contient, contrairement à ce qui est allégué, la reproduction d'aucune des plaintes reçues ; que d'ailleurs la plainte la plus ancienne communiquée par la société Prospections à l'appui de ses observations est datée du 18 juin 1990 soit une date postérieure à celle de la composition de la revue qui par conséquent ne pouvait en faire état ; qu'en conséquence, l'explication de la rupture du contrat de distribution par la société Tesoro fin juillet 1990 par les critiques formulées dans Trésors de l'Histoire en juillet 1990 n'est pas fondée ;

Considérant, en second lieu, que s'agissant des documents dénoncés comme "faux" sur lesquels le rapporteur se serait fondé, la société Traditions et Perspectives fait référence à un document auquel renvoie une note de bas de la page 28 du rapport où il est indiqué : "Trésors et Détections n° 1, p. 44 ; cotes 576­577" ; que les cotes 576 et 577 constituent les copies des pages 15 et 16 de cette revue et correspondent aux cotes 44 et 45 de l'annexe XII du rapport d'enquête administrative ; que ces pièces, dont le contenu dévalorisant à l'égard des appareils de la société Tesoro n'est pas discuté, ont bien été portées à la connaissance de la société Traditions et Perspectives qui ne pouvait en ignorer la teneur ;

Considérant que les allégations concernant les appareils de marque Tesoro énoncées par la société Prospections dans la revue Trésors de l'Histoire en 1991 et par la société Traditions et Perspectives dans la revue Trésors et Détections en 1991 et 1992, visaient à entraver la distribution par ses concurrents d'appareils de la marque Tesoro en jetant l'opprobre sur celle­ci, s'expliquent par l'éviction de la société Prospections du réseau Tesoro ; que de telles pratiques, mises en œuvre par un groupe d'entreprises qui dispose d'une position dominante sur le marché, avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et sont prohibées par les dispositions de l'article 8.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les refus d'insertions :

Considérant que les sociétés Hobby France et FDS se sont heurtées à un refus d'insertion d'annonces publicitaires dans la revue Trésors de l'Histoire dans les conditions rappelées ci­dessus au I.C.B ; que la société Prospections conteste la réalité du refus opposé à la société FDS au motif que cette société a seulement formulé une demande de communication de tarifs ; que, s'agissant du refus opposé à la société Hobby France, celui­ci serait justifié par l'absence sur le projet d'annonce des mentions rendues obligatoires par la loi du 18 décembre 1989, absence qui aurait d'ailleurs été relevée par le Tribunal de commerce de Corbeil ;

Mais considérant d'une part que, s'agissant des relations entre les sociétés Prospections et FDS, il résulte de l'instruction que la société Prospections a refusé de communiquer ses tarifs d'insertion dans la revue Trésors de l'histoire à la société FDS au motif explicite que celle­ci procédait à des importations parallèles de détecteurs de métaux ; que, d'autre part, la cause du refus opposé par la société Prospections à la société Hobby France réside dans l'existence d'un différend commercial entre ces deux sociétés qui avait donné lieu à une assignation délivrée par la société Prospections à la société FDS au motif qu'elle importait parallèlement des produits dont la société Prospections était distributeur exclusif ; qu'enfin, la société Prospections ne peut utilement invoquer l'ordonnance du 10 juin 1992 du président du Tribunal de commerce de Corbeil, puisque la phrase : "la non-conformité de cette formule aux dispositions légales" appartient à la partie du texte dans laquelle sont rappelés ses propres moyens et non au dispositif (cote 465) ;

Considérant que les refus d'insertion opposés par la société Prospections aux publications des sociétés Hobby France et FDS visaient à entraver l'activité de ces concurrents sur le marché des détecteurs de métaux; qu'une telle pratique commise par une entreprise détenant une position dominante sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la détection de métaux et de trésors, pouvait avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché des détecteurs de métaux et constitue un abus de cette position au sens de l'article 8.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs" ;

Considérant que le contrat de distribution exclusive de la société Fisher comporte des clauses ayant un objet et pouvant avoir un effet anticoncurrentiel ; que le dommage causé à l'économie par la société Fisher doit s'apprécier en tenant compte de la situation de son partenaire commercial, la société Prospections, sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de métaux et de trésors ; que la gravité des pratiques résulte de la nature des moyens mis en œuvre pour limiter la concurrence entre revendeurs à l'intérieur de la marque ; que cette entreprise a réalisé un chiffre d'affaires en France qui, en l'absence de réponse plus précise à la demande de communication formulée auprès de la société Fisher, peut être évalué à partir du montant des achats effectués auprès d'elle par son distributeur exclusif soit 334 638 F au cours du dernier exercice clos disponible, l'année 1995 ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 5 000 F ;

Considérant que le contrat de distribution exclusive de la société Garrett contient plusieurs stipulations ayant un objet et pouvant avoir un effet anticoncurrentiel ; que le dommage causé à l'économie par la société Garrett doit s'apprécier en tenant compte de la situation de son partenaire commercial sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de métaux et de trésors ; que la gravité des pratiques résulte de la nature des moyens mis en œuvre pour limiter la concurrence entre revendeurs à l'intérieur de la marque ; que cette entreprise a déclaré avoir réalisé un chiffre d'affaires sur le territoire français assimilé au montant des achats effectués auprès d'elle par son distributeur exclusif de 146 240 F au cours du dernier exercice clos disponible, soit l'année 1995 ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 200 F ;

Considérant, d'une part, que la société Tesoro a passé un accord de distribution exclusive avec la société Prospections le 27 juin 1988 , que l'interprétation par la société Prospections des termes de cet accord a conduit cette société à mettre en œuvre à l'encontre de distributeurs concurrents des pratiques ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre la concurrence, auxquelles toutefois la société Tesoro ne s'est pas associée ; que, d'autre part, le contrat de distribution exclusive mis en place par société Tesoro à partir de l'année 1992 et auquel a adhéré la société IDS comporte une clause ayant un objet et pouvant avoir un effet anticoncurrentiel ; que le dommage à l'économie doit s'apprécier en tenant compte de la place de la société IDS sur le marché des détecteurs de métaux ; que la gravité de la pratique résulte du fait que la clause contestée avait pour objet et pouvait avoir pour effet de limiter la concurrence intramarque ; qu'il n'est cependant pas établi que cette clause ait été effectivement mise en œuvre ; que la société Tesoro a réalisé un chiffre d'affaires sur le territoire français assimilé au montant des achats effectués auprès d'elle par son distributeur exclusif, la société IDS, de 1 652 167 F au cours du dernier exercice clos disponible, soit l'année 1995 ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 000 F ; qu'en outre, il y a lieu d'enjoindre à la société Tesoro de supprimer de son contrat de distribution la disposition suivante : "le distributeur s'engage à ne pas empiéter sur les droits et les territoires spécifiquement attribués à d'autres distributeurs comme grossiste ou comme détaillant et il s'engage également à adresser toute demande d'information émanant de l'extérieur du territoire qui lui est concédé au distributeur agréé du territoire concerné ou à Tesoro" ;

Considérant que la société Prospections a, d'une part, adhéré aux contrats de distribution des sociétés Fisher, Garrett et Tesoro et, d'autre part, par l'intermédiaire de la revue Trésors de l'Histoire dont elle est éditeur, mis en cause la qualité des marques distribuées par ses concurrents et refusé leurs insertions publicitaires afin de détourner les utilisateurs des produits qu'ils distribuaient ; que le dommage causé à l'économie par les pratiques de la société Prospections doit s'apprécier en tenant compte de la situation de cette société sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de trésors ; que la gravité des pratiques tient notamment au fait que la revue Trésors de l'Histoire faisait "autorité" dans le secteur et qu'elles avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence tant intermarque qu'intramarque sur le marché des détecteurs de métaux ; que cette entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 3 457 153 F au cours du dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 F ;

Considérant que le dommage causé à l'économie par les pratiques de la société Traditions et Perspectives doit s'apprécier en tenant compte de la situation de cette société sur le marché de la presse spécialisée dans l'information portant sur la prospection de métaux et de trésors ; que la gravité de ces pratiques résulte du fait qu'elles avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence tant intermarque qu'intramarque sur le marché des détecteurs de métaux ; que cette entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 4 424 780 F au cours du dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 F ;

Considérant que le dommage causé à l'économie par les pratiques de la société IDS doit s'apprécier en tenant compte de la place modeste de cette société sur le marché des détecteurs de métaux au moment des faits ; que, pour apprécier la gravité des pratiques de cette société, il y a lieu de retenir que si celles­ci avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence entre revendeurs de la marque, il n'est pas établi que la clause contestée ait été mise en œuvre ; que cette entreprise a réalisé un chiffre d'affaires sur le territoire français de 2 069 431 F au cours du dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 5 000 F ;

Considérant que le dommage causé à l'économie par les pratiques de la société FDS doit s'apprécier en tenant compte de la place modeste de cette société sur le marché des détecteurs de métaux au moment des faits ; que leur gravité résulte du fait du fait qu'elles avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence intramarque ; que cette entreprise a réalisé un chiffre d'affaires sur le territoire français de 4 595 914 F au cours du dernier exercice clos disponible ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci­dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 10 000 F ;

Considérant qu'il n'est pas établi que la société White's ait adhéré aux pratiques de la société FDS visant à limiter la concurrence entre revendeurs de la marque ; que le contrat de distribution de cette société est conforme aux dispositions du règlement n° 1983-83 ; qu'il n'y a pas lieu de lui infliger de sanction pécuniaire,

Décide

Article 1er ­ Il est établi que :

- les sociétés Fisher, Garrett, Tesoro et Prospections ont enfreint les dispositions des articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 § 1 du traité du 25 mars 1957 ;

- les sociétés Prospections et Traditions et Perspectives ont enfreint les dispositions de l'article 8.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- les sociétés IDS et FDS ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 ­ Il est enjoint à la société Tesoro de supprimer de son contrat de distribution la clause selon laquelle : "le distributeur s'engage à ne pas empiéter sur les droits et les territoires spécifiquement attribués à d'autres distributeurs comme grossiste ou comme détaillant et il s'engage également à adresser toute demande d'information émanant de l'extérieur du territoire qui lui est concédé au distributeur agréé du territoire concerné ou à Tesoro" ;

Article 3 ­ Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- société Prospections : 50 000 F ;

- société Traditions et Perspectives : 30 000 F ;

- société IDS : 5 000 F ;

- société FDS : 10 000 F ;

- société Fisher : 5 000 F ;

- société Garrett : 2 200 F ;

- société Tesoro : 2 000 F.