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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 9 septembre 1997, n° ECOC9710336X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Héli-Inter Assistance (SARL)

Défendeur :

Jet Systems (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Canivet

Présidents :

M. Bargue, Mme Renard-Payen

Avocat général :

M. Woirhaye

Conseillers :

Mme Kamara, M. Carre-Pierrat

Avoué :

SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Flécheux, Parellada

CA Paris n° ECOC9710336X

9 septembre 1997

LA COUR statue sur le recours en annulation et subsidiairement en réformation formé par la société Héli-Inter Assistance contre une décision du Conseil de la concurrence (le conseil) n° 96-D-51 du 3 septembre 1996 qui, décidant qu'elle a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à raison de pratiques mises en œuvre dans l'exploitation de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil, à Narbonne, lui a infligé une sanction pécuniaire de 70 000 F et lui a enjoint de justifier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'une proposition de tarification des prestations des services liés à l'utilisation de l'hélistation pour l'exécution du marché de fourniture des transports sanitaires héliportés du centre hospitalier de Narbonne dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts encourus pour répondre à cette demande.

Référence faite à cette décision pour l'énoncé des faits, il convient de rappeler les éléments essentiels suivants, nécessaires à la solution du litige : par convention du 26 avril 1988, modifiée selon avenant du 27 juin 1990 pour se terminer le 1er septembre 2005, la société d'économie mixte locale SENA Sud a confié, sous le régime général de l'occupation temporaire du domaine public, à la société Air Assistance, aux droits de laquelle vient la société Héli-Inter Assistance, l'exploitation de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil, à Narbonne, comportant deux aires d'envol et d'atterrissage, ainsi que des locaux d'accueil et de garage composés d'un bâtiment pour partie à usage de bureau, salle d'attente, sanitaires et, pour une autre partie, à usage d'atelier et de hangar, moyennant une redevance annuelle fixée à 119 228,16 F en 1995.

Ce contrat prévoyait que :

- le permissionnaire ne pourrait s'opposer à l'atterrissage et à l'envol de tous hélicoptères sur les installations confiées ;

- il proposerait au contraire des prestations qu'il facturerait selon un barème clairement affiché à l'intention des usagers ;

- une copie de ce barème comportant notamment le tarif des redevances et taxes aéronautiques serait remis à la SEML SENA Sud pour accord préalable.

Le tarif établi par la société Héli-Inter Assistance mentionnait :

- taxe d'atterrissage (par poser) : 150 F ;

- stationnement (l'heure) : 13 F ;

- ravitaillement carburant (forfait) : 50 F ;

- prix du carburant (le litre) : 2,50 F ;

- mécanicien (l'heure) : 270 F ;

- électro-mécanicien (l'heure) : 340 F.

De 1989 à 1994, la société Air Assistance, puis la société Héli-Inter Assistance, ont été titulaires du marché de fourniture de transports sanitaires héliportés pour le SMUR du centre hospitalier de Narbonne.

A l'issue d'un appel d'offres ouvert en octobre 1994, ce marché, conclu pour une année à compter du 1er janvier 1995 et renouvelable par tacite reconduction pour une période globale ne pouvant excéder trois ans, a été attribué à la société Jet Systems avec l'option " 24 heures sur 24 " pour un montant de 1 538 000 F par année, tandis que l'offre de la société Héli-Inter Assistance était chiffrée à 2 157 000 F.

Le cahier des clauses techniques particulières afférent audit marché précisait que l'hélicoptère devrait rester à la disposition du SMUR de Narbonne sur l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil, dans laquelle s'effectueraient de préférence les avitaillements.

Par lettre du 6 janvier 1995, la société Jet Systems interrogeait la société Héli-Inter Assistance sur les tarifs qu'elle pouvait lui consentir pour l'utilisation des installations de l'hélistation dans les termes suivants : " Suite à notre dernier entretien, voici les facilités dont nous souhaiterions disposer sur l'hélistation de Narbonne, dans le cas où nous ne procéderions pas à la location de votre hélicoptère :

" Pouvez-vous nous chiffrer chaque partie avec une tarification mensuelle? En cas de location de votre appareil, quel serait le coût de ces mêmes prestations ? "

Le même jour, la société Héli-Inter Assistance adressait à la société Jet Systems " ses meilleures conditions " pour " l'utilisation de l'hélistation et les facilités que cette utilisation peut... apporter: stationnement d'un hélicoptère, mise à disposition d'une aire de lavage, branchement électrique et PTT privatifs (frais de branchement et consommation à votre charge), livraison de carburant (heures de bureau), mise à disposition d'un bureau de permanence (charges comprises) aux heures de bureau et accès aux sanitaires (heures de bureau) : forfait mensuel sur la base de 1 200 F HT/jour de semaine, week-end et jours fériés sur la base de 1 800 F HT/jour, soit 40 800 F HT/mois. "

Ayant refusé ces propositions, la société Jet Systems a pu seulement utiliser la piste de décollage et d'atterrissage, mais a été privée de l'accès au bâtiment à usage de garage, à l'aire de lavage, ainsi qu'à la station de kérosène et s'est trouvée contrainte d'installer le bureau de ses pilotes dans une caravane sur un terrain contigu à l'hélistation et de se faire livrer le carburant par un camion-citerne provenant de Lézignan.

Puis la société Héli-Inter Assistance a émis pour l'année 1995 des factures " provisionnelles " d'un montant global de 145 974,45 F pour le stationnement et la taxe d'atterrissage des appareils. Statuant sur l'action en paiement de cette somme, le tribunal de commerce de Narbonne a, par jugement du 5 février 1996 - actuellement déféré à la cour d'appel de Montpellier - débouté la société Héli-Inter Assistance de sa demande au motif, notamment, qu'il résultait d'un courrier du maire de Narbonne du 16 juin 1989 qu'il n'était pas envisagé de réclamer le paiement des taxes aéronautiques en ce qui concerne les opérations SAMU et SMUR aux sociétés qui effectuent des transports sanitaires.

C'est dans ces conditions que, saisi par une lettre de la société Jet Systems enregistrée le 17 juin 1995 des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par l'exploitant de l'hélistation, le conseil, aux termes de la décision entreprise, a estimé que :

- la société Héli-Inter Assistance a abusé de sa position dominante et de la situation de dépendance dans laquelle la société Jet Systems se trouvait à son égard en lui imposant une tarification forfaitaire injustifiée et discriminatoire ;

- cette pratique a pu avoir pour effet de restreindre la concurrence en empêchant la société Jet Systems d'assurer dans des conditions financières justifiées et dans des conditions techniques acceptables l'exécution du marché de fourniture de transports sanitaires d'urgence héliportés dont elle avait été déclarée attributaire.

La société Héli-Inter Assistance poursuit l'annulation de la décision déférée en faisant valoir que l'instruction suivie devant le conseil a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense dès lors que la notification des griefs n'a pas qualifié précisément les pratiques en cause ni opéré de distinction entre les dispositions de l'article 8-l et de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en sorte qu'elle-même n'a formulé ses observations en réponse que sur la notion d'abus de dépendance économique, et non sur l'abus de position dominante.

Elle soutient en outre qu'elle ne détient pas de position dominante sur le marché de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil et que la société Jet Systems ne se trouve pas en état de dépendance économique à son égard puisque seule la piste d'atterrissage, que la susnommée a pu utiliser, constitue une installation essentielle et que le surplus des prestations peut être offert par d'autres entreprises, observation faite que la société Jet Systems exécute sans dommage depuis deux ans le marché des transports sanitaires héliportés, démontrant qu'elle a eu recours utilement à des solutions alternatives équivalentes.

La requérante affirme qu'en toute hypothèse aucun abus n'est démontré à son encontre, que la correspondance du 6 janvier 1995 ne constituait de sa part qu'une proposition, que les taxes d'atterrissage qu'elle a facturées sont légalement dues et que l'effet anticoncurrentiel de ses pratiques n'est pas établi, la société Jet Systems ayant normalement accompli son contrat de transports hospitaliers d'urgence.

Elle prétend enfin que l'injonction donnée par le conseil ne peut qu'être annulée, car elle la conduirait à faire contrôler par le conseil sa tarification et qu'elle est donc contraire à la liberté des prix instaurée par l'ordonnance de 1986.

Subsidiairement, elle requiert la réformation de la décision en ce qu'elle lui a infligé une injonction et une sanction financière d'une importance exceptionnelle puisqu'elle atteint 2 % de son chiffre d'affaires pour 1995, alors que le conseil ne justifie cette sanction que par une référence aux conséquences hypothétiques de l'inexécution du marché par la société Jet Systems.

La société Jet Systems conclut à la confirmation de la décision critiquée, soulignant que la société Héli-Inter Assistance, détenteur de l'exploitation exclusive de la seule hélistation à proximité de Narbonne, occupe une position monopolistique, qu'elle-même se trouve dépendante de la requérante et que la solution alternative " qu'elle a trouvée la place dans la plus grande précarité.

Aux termes de ses observations écrites, le conseil relève :

- que les griefs d'abus de position dominante et de dépendance économique ont été clairement notifiés ;

- que la qualification d'installation essentielle ne saurait se limiter à la seule aire d'atterrissage ;

- que la société Héli-Inter Assistance ne pouvait, sans commettre un abus de position dominante et/ou de dépendance économique, ne permettre à ses concurrents d'accéder à l'hélistation qu'à des conditions commerciales discriminatoires.

Il ajoute qu'il a fondé sa décision sur l'abus de position dominante, tout en relevant que la société Jet Systems se trouvait en situation de dépendance objective par rapport à la société Héli-Inter Assistance, mais qu'il n'a pas qualifié cette situation de " dépendance économique ", ni sanctionné la requérante sur le fondement de l'abus d'une telle dépendance.

Le ministre de l'économie et des finances sollicite la confirmation de la décision querellée aux motifs :

- que le rapporteur a strictement répondu à la lettre de saisine de la société Jet Systems en demandant au conseil de constater la réalité de la position dominante de la société Héli-Inter Assistance et de sanctionner l'abus commis de ce chef ainsi que l'abus de dépendance économique dans lequel se trouvait la société Jet Systems à son égard ;

- que la société Héli-Inter Assistance occupe une position dominante sur le marché de l'exploitation d'une structure essentielle, en l'occurrence l'hélistation de Saint-Crescent-Le-Vieil ;

- que la société Jet Systems ne dispose que de solutions précaires et insatisfaisantes et non d'une solution constituant une alternative équivalente ;

- que la proposition tarifaire définitive formulée à la société Héli-Inter Assistance, ainsi que la facturation des taxes d'atterrissage, visaient à rendre impossible ou extrêmement difficile l'exécution par la société Jet Systems du marché passé avec le centre hospitalier de Narbonne et qu'elles étaient abusives.

Le ministère public a oralement conclu au rejet du recours.

Cela étant exposé, LA COUR,

Sur la procédure :

Considérant que, dans sa lettre de saisine afférente aux agissements de la société Héli-Inter Assistance, exploitante de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil, qui visaient, selon elle, à l'empêcher d'exécuter normalement le marché public d'évacuations sanitaires héliportées de l'hôpital de Narbonne dont celle-ci était anciennement titulaire, la société Jet Systems a invité le conseil à constater, d'une part, l'abus de position dominante de la société Héli-Inter Assistance, prohibé par l'article 8, paragraphe 1, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'autre part, l'abus de dépendance économique commis par elle a son égard, prohibé par l'article 8, paragraphe 2 ;

Considérant que le rapporteur a analysé les pratiques reprochées au regard, en premier lieu, de la définition du marché, de l'existence du monopole et de la question de l'abus, en second lieu, de l'abus de dépendance économique; qu'il a conclu notamment que la société Héli-Inter Assistance disposait d'une situation de monopole pour l'exploitation de l'hélistation, sans pouvoir être le seul opérateur des services de transports puisqu'elle était tenue de proposer ses prestations selon un barème affiché, et que des griefs avaient lieu d'être notifiés à son encontre, les faits révélés par l'instruction établissant la mise en œuvre de pratiques contraires aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance ;

Considérant qu'il en résulte que les griefs d'abus de position dominante et de dépendance économique prévus par le texte précité ont été clairement notifiés à la société Héli-Inter Assistance ;

Qu'en conséquence la requérante a été mise en mesure de présenter utilement sa défense et que, par suite, la procédure suivie au cours de l'instruction devant le conseil est régulière ;

Sur les pratiques incriminées :

Considérant qu'en relevant dans sa décision que " la société Héli-Inter Assistance a abusé de sa position dominante et de la situation de dépendance dans laquelle la société Jet Systems se trouvait à son égard en lui imposant une tarification injustifiée et discriminatoire ", le conseil a retenu à l'encontre de la société Héli-Inter Assistance à la fois un abus de position dominante et un abus de dépendance économique, ainsi d'ailleurs qu'en conviennent les parties, étant précisé à cet égard que les observations écrites du conseil, qui énoncent que sa décision n'a pas été fondée sur le second grief, ne peuvent valoir interprétation de la décision déférée ni en modifier la teneur ;

Sur l'existence d'une position dominante et d'une dépendance économique :

Considérant que les ressources essentielles désignent des installations ou des équipements indispensables pour assurer la liaison avec les clients et/ou permettre à des concurrents d'exercer leurs activités et qu'il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables ;

Considérant qu'en l'espèce les services de ravitaillement des hélicoptères en carburant, de hangar pour abriter des appareils et l'aire de lavage de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil, seule hélistation de la commune de Narbonne dont l'utilisation est imposée par le marché public de fourniture de transports héliportés pour le centre hospitalier narbonnais, sont indispensables à la sécurité et au bon fonctionnement de ces transports ;

Qu'en effetl'installation par la société Jet Systems d'une caravane sur un terrain contigu à l'hélistation pour y abriter les pilotes et recevoir les communications du centre hospitalier, le stationnement de l'hélicoptère en terrain découvert sans commodité de lavage, ainsi que l'avitaillement en kérosène par un camion citerne en provenance d'une commune voisine, ne constituent que des procédés précaires, exposant l'entreprise chargée des évacuations sanitaires héliportées à des contretemps dommageables pour l'exécution du marché dont elle est titulaire, même si, en l'occurrence, la société Jet Systems a pu accomplir sa mission sans faille depuis 1995 ;

Que ces moyens de fortune ne peuvent donc être qualifiés de prestations substituables et que la seule solution alternative équivalente consisterait en la construction de nouveaux bâtiments et équipements destinés à remplir les services offerts par l'hélistation exploitée par la société Héli-Inter Assistance, alors qu'une telle construction ne peut être réalisée à un coût économiquement raisonnable ;

Qu'en conséquence l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil est une installation essentielle, à laquelle la société Jet Systems doit avoir accès dans des conditions non discriminatoires pour l'exécution du marché public des transports sanitaires héliportés pour le SMUR du centre hospitalier de Narbonne, dont la société Héli-Inter Assistance était précédemment titulaire et au renouvellement duquel elle s'est portée candidate, en sorte que ces deux entreprises sont concurrentes;

Considérant que, sur le marché pertinent de l'exploitation de ladite hélistation, la société Héli-Inter Assistance détient un monopole résultant de la convention conclue le 26 avril 1988 avec la société d'économie mixte locale SENA Sud et qu'elle occupe de ce seul fait une position dominante ;

Que la requérante soutient vainement qu'elle n'a pas contractuellement le monopole de l'utilisation de l'hélistation, dès lors qu'un tel monopole n'est pas en cause et que seules se trouvent incriminées les conditions dans lesquelles elle permet à ses concurrents d'accéder au marché dont elle est l'unique opérateur ;

Considérant que la société Jet Systems, qui ne peut disposer d'installations et d'équipements substituables à l'infrastructure essentielle sur laquelle la société Héli-Inter Assistance détient un monopole d'exploitation, se trouve nécessairement en situation de dépendance économique pour l'exécution du contrat public dont elle est titulaire ;

Sur l'abus de position dominante et de dépendance économique :

Considérant que, lorsque l'exploitant monopolistique d'une infrastructure essentielle est en même temps le concurrent potentiel d'une entreprise offrant un service exigeant le recours à cette facilité, cet exploitant peut restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval du service en abusant de sa position dominante ou de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouve son concurrent à son égard en établissant un prix d'accès à cette facilité injustifié, non proportionné à la nature et à l'importance des services demandés, non transparent et non orienté vers les coûts encourus relevant de critères objectifs;

Considérant qu'interrogée par la société Jet Systems, aux termes d'une demande précise et détaillée, sur le tarif de l'utilisation des installations de l'hélistation, la société Héli-Inter Assistance lui a proposé, au titre de ses " meilleures conditions " pour le stationnement de l'hélicoptère, la mise à disposition d'une aire de lavage, le branchement électrique et PTT privatif (frais à la charge de la société Jet Systems), la livraison de carburant, la mise à disposition d'un bureau de permanence et l'accès aux sanitaires (aux heures de bureau), un forfait mensuel de 40 800 F HT, soit un montant annuel de 489 600 F HT ;

Considérant que ce tarif, établi après un entretien préliminaire entre les responsables des deux sociétés, ne peut être qualifié de simple proposition en vue d'une négociation et doit être tenu pour le prix exigé par la société Héli-Inter Assistance pour l'accès de la société Jet Systems aux services de la station ;

Considérant qu'un tel prix ne peut être utilement comparé aux tarifs mis en œuvre sur des hélistations de dimensions et de trafic héliporté différents, étant au demeurant relevé qu'il ne suffirait pas qu'un tarif soit comparable à un autre pour ne pas présenter un caractère abusif ;

Que le tarif incriminé, qui ne distingue aucun prix afférent aux prestations offertes, n'est pas transparent et ne repose sur aucune donnée objective; que ne faisant pas mention de taxes d'atterrissage ou de prestations de mécanicien, qu'il n'apparaît donc pas avoir inclus, il est sans commune mesure avec la liste des prix publiée par la société Héli-Inter Assistance et agréée par la SEML SENA Sud, qui indique un coût horaire de stationnement de 13 F, soit 9 360 F pour un mois de trente jours, et un prix de 50 F pour la livraison du carburant, soit 750 F pour un avitaillement tous les deux jours en moyenne (la société Héli-Inter Assistance retenant dans ses observations en réponse à la notification de griefs l'hypothèse d'un atterrissage tous les deux jours) ; qu'à supposer que la taxe d'atterrissage ait été incluse dans le forfait, elle se serait élevée à 2 250 F par mois (150 F x 15) pour un atterrissage tous les deux jours, sous réserve qu'elle ait été due pour les transports sanitaires nonobstant l'engagement pris par le maire de Narbonne le 16 juin 1989 de ne pas la recouvrer en pareil cas ;

Que, de même, le tarif litigieux ne peut être regardé comme orienté vers les coûts encourus par l'entreprise sur le marché pertinent puisque, d'une part, la redevance domaniale à la charge de la requérante s'élevait en 1995 à 119 228,16 F, d'autre part, il ressort des observations formulées par la société Héli-Inter Assistance en réponse à la notification des griefs que la société Jet Systems n'était pas la seule utilisatrice de l'hélistation, la requérante indiquant utiliser cette installation pour ses propres besoins et contracter avec d'autres usagers, telles des sociétés privées d'hélicoptères (Air Action, Héli-Inter, Jet Systems...), des entreprises publiques (EDF) et des administrations (sécurité civile, année, douanes...), en sorte qu'elle ne pouvait légitimement prétendre répercuter sur la société Jet Systems la totalité de ses charges d'exploitation;

Considérant qu'au surplus la société Héli-Inter Assistance a facturé provisionnellement à la société Jet Systems pour l'année 1995 des taxes d'atterrissage qui n'étaient pas dues dès lors que, d'une part, aux termes d'une lettre du 16 juin 1989, le maire de Narbonne avait précisé qu'en matière de taxes aéronautiques, " en ce qui concerne les opérations SAMU et SMUR, il n'est pas envisagé de réclamer de tels paiements aux sociétés qui effectuent des transports sanitaires " - la requérante ne contestant pas ne pas avoir acquitté ces taxes lorsqu'elle était titulaire du marché des évacuations sanitaires jusqu'en 1994 et ces dispositions ayant pu éventuellement devenir caduques seulement en vertu d'un courrier du maire du 29 novembre 1995 -, d'autre part, les factures étaient arbitrairement établies, sans correspondre à un décompte du nombre d'atterrissages; qu'une telle pratique, économiquement injustifiée, contribuait à rendre difficilement praticable pour la société Jet Systems l'utilisation de la piste d'atterrissage, indispensable à l'exercice de son activité;

Considérant que, de l'ensemble de ces éléments, il suit que la société Héli-Inter Assistance a entendu appliquer à la société Jet Systems un tarif discriminatoire destiné à l'empêcher d'accéder à l'infrastructure essentielle nécessaire à l'accomplissement du marché sur lequel elle était sa concurrente;

Que cette pratique pouvait avoir pour effet de dissuader la société Jet Systems de contracter avec elle et de restreindre la concurrence en interdisant à celle-ci d'assurer dans des conditions financières et techniques satisfaisantes l'exécution du contrat dont elle avait été déclarée attributaire :

Que, bien que cette entreprise ait réussi à accomplir ses obligations contractuelles en dépit des obstacles par elle rencontrés du fait de l'impossibilité d'accéder dans des conditions non discriminatoires aux équipements de l'hélistation, le directeur adjoint du centre hospitalier de Narbonne a souligné au cours de la séance devant le conseil le risque encouru en continuant de faire assurer dans les conditions dont s'agit le marché par la société Jet Systems ;

Considérant qu'en conséquence le conseil a retenu à bon droit que la société Héli-Inter Assistance avait abusé de sa position dominante et, concomitamment, de l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société Jet Systems à son égard ;

Sur l'injonction :

Considérant qu'en enjoignant à la société Héli-Inter Assistance de lui justifier de la mise en œuvre " d'une tarification des prestations des services liés à l'utilisation de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil par la société Jet Systems pour l'exécution du marché de fourniture des transports sanitaires héliportés du centre hospitalier de Narbonne dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts encourus pour répondre à cette demande ", le conseil n'a fait que poser des conditions destinées à assurer l'ordre public concurrentiel, laissant à l'entreprise sa liberté de tarification en fonction des paramètres qu'elle retiendra pour établir sa grille tarifaire ;

Que ne s'apparentant pas à une mesure de contrôle des prix, cette injonction a été justement prononcée ;

Sur la sanction pécuniaire :

Considérant que pour fixer à 70 000 F la sanction pécuniaire infligée à la société Héli-Inter Assistance, le conseil a exactement tenu compte de l'importance du dommage à l'économie résultant de l'effet potentiel attaché aux pratiques anticoncurrentielles incriminées; qu'il a ainsi relevé que la société Jet Systems avait été déclarée attributaire du marché conclu avec l'hôpital de Narbonne pour un montant de 1 583 000 F et que, par suite des agissements de la société Héli-Inter Assistance destinés à empêcher cette dernière d'exécuter son contrat, le centre hospitalier aurait pu être conduit à contracter avec la requérante, dont l'offre était chiffrée à 2 157 000 F ; que la dépense annuelle supplémentaire se serait donc élevée à 619 000F ;

Qu'il a, à juste titre, souligné la gravité des faits destinés à faire échec à l'exécution dans des conditions satisfaisantes du marché lancé par l'hôpital, lequel correspondait à un contrat public de fourniture de transports d'urgence de blessés ou de malades ;

Qu'enfin le conseil ayant relevé que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par la société Héli-Inter Assistance au cours de l'exercice 1995, dernier exercice clos disponible au jour de sa décision, s'était élevé à 2 164 777 F, et observation faite que le chiffre d'affaires de l'exercice clos le 31 décembre 1996 est chiffré à 1 888 692 F et que les résultats de l'entreprise sur ces deux exercices sont stables (pertes d'environ 25 000 F), il y a lieu de confirmer la sanction pécuniaire proportionnée justement décidée ;

Par ces motifs : Rejette le recours ; Met les dépens à la charge de la requérante.