Conseil Conc., 15 décembre 1998, n° 98-D-77
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par Aéroports de Paris dans le secteur de l'hôtellerie à la périphérie de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Hubert Grandval, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, M. Bon, Mme Boutard-Labarde, MM. Callu, Gicquel, Marleix, Robin, Rocca, Thiolon, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (formation plénière),
Vu la lettre enregistrée le 22 mars 1996 sous le numéro F 858 par laquelle l'Association du parc hôtelier de la périphérie de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle (APHPAR) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par Aéroports de Paris et autres sur le marché de l'activité hôtelière situé aux alentours de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle ; Vu le traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, modifié ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu le Code de l'aviation civile ; Vu les observations présentées par l'Association du parc hôtelier de la périphérie de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle, par l'établissement public Aéroports de Paris et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de l'Association du parc hôtelier de la périphérie de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle et de l'établissement public Aéroports de Paris entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
A. - Les opérateurs
1. Aéroports de Paris
a) Le statut et les missions dévolues à Aéroports de Paris
Le statut et les missions dévolues à Aéroports de Paris (ADP) sont définis au titre V du Code de l'aviation civile. Aux termes de l'article L. 251-1, " l'aéroport de Paris est un établissement public doté de l'autonomie financière placé sous l'autorité du ministre chargé de l'aviation civile ". En vertu de l'article L. 251-2, il est chargé " d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des aéronefs, de guider la navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transporté par air ainsi que toutes les installations annexes ". Ainsi, ADP a pour mission de concevoir, créer et gérer les infrastructures et les services nécessaires au développement du transport aérien en Île-de-France. L'établissement exerce ses prérogatives sur les quatorze aérodromes civils situés dans un rayon de 50 kilomètres autour de Paris et, particulièrement, Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle pour le trafic commercial, Le Bourget pour l'aviation d'affaires, l'héliport d'Issy-les-Moulineaux et les autres aérodromes réservés à l'aviation générale. ADP détient à la fois ces aérodromes, leurs voies d'accès, les routes aériennes réservées aux transports commerciaux, les dispositifs de protection de ces routes ainsi que les installations et dépendances rattachées à ces aérodromes pour leur exploitation.
On peut regrouper les nombreuses tâches confiées à ADP sous deux rubriques principales, une mission d'autorité aéroportuaire et une mission d'organisation et de prestation de services ; cette deuxième mission ne concerne pas seulement les compagnies aériennes mais l'ensemble des partenaires présents sur les sites aéroportuaires. Le rapport annuel de 1994 présente la façon dont ADP entend s'acquitter de cette tâche dans les termes suivants : " Offrir des prestations de qualité est un objectif permanent d'ADP. A fortiori lorsqu'il s'agit des produits commerciaux, informatiques pour industriels indispensables à l'activité de ses partenaires et des entreprises implantées sur son domaine...L'entreprise valorise ses atouts en définissant une stratégie marketing et commerciale dynamique, élargit son offre et en améliore les performances. Pour la poursuite de cette politique clairement affirmée, ADP entend développer ses marchés pour s'adapter aux évolutions du transport aérien tout en satisfaisant au mieux les attentes de sa clientèle ".
Pour atteindre ces objectifs, ADP propose directement ou indirectement de multiples services au bénéfice en particulier des usagers de l'aéroport : services de restauration, d'hôtellerie, d'information, de boutiques, etc. Lorsqu'il n'est pas lui-même prestataire de services, il met à la disposition des compagnies aériennes et des autres opérateurs économiques, contre rémunération, les terrains, ouvrages et installations des aéroports, et notamment les locaux, les guichets et les banques d'enregistrement et les différents supports permettant d'exercer les activités jugées nécessaires au bon fonctionnement des aéroports.
b) L'organisation et la fourniture de services destinés aux usagers
1°) Les règles d'administration, de gestion et le mode de contrôle concernant Aéroports de Paris sont définis dans le Code de l'aviation civile
L'article R. 252-12 du Code de l'aviation civile prévoit que le conseil d'administration d'Aéroports de Paris " définit la politique générale de l'aéroport ". Il a " l'initiative des mesures nécessaires à la création des ressources destinées à couvrir les charges d'administration, d'entretien, d'exploitation et d'amélioration de l'aéroport ". Il lui incombe également de mettre à la disposition des usagers, sous le régime de l'occupation temporaire du domaine public, les terrains, ouvrages et installations des aérodromes.
L'article R. 224-1 du même Code ajoute que : " Sur tout aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique, les services rendus aux usagers et au public donnent lieu à une rémunération, sous la forme de redevances perçues au profit de la personne qui fournit le service, notamment à l'occasion des opérations suivantes :
- ...
usage d'installations et outillage divers ;
occupation de terrains et d'immeubles ;
- ....
Les redevances revenant à l'Etat, à des collectivités publiques et établissements publics sont perçues par un comptable public.
Elles sont recouvrées selon les règles propres à la collectivité ou à l'établissement qui en bénéficie et, en ce qui concerne l'Etat, selon les règles prévues en matière de créances domaniales ou en vertu de titres de perception émis par les préfets. "
Enfin, l'article R. 224-3 précise que les redevances en cause dans la présente espèce (usage d'installations et outillage divers et occupation de terrains et d'immeubles) " sont fixées par la personne qui fournit les services ".
2°) Application de ces règles de gestion au domaine de l'hôtellerie
Aéroports de Paris a conclu des conventions d'occupation temporaire du domaine public autorisant l'exercice d'activités hôtelières avec différentes entreprises. Ces conventions, au nombre de six, de durée variable, ont été établies au bénéfice des établissements ci-après répertoriés :
EMPLACEMENT TABLEAU
Les caractéristiques de ces différents établissements sont présentées dans le tableau ci-dessous :
EMPLACEMENT TABLEAU
Ainsi, en 1995, par le biais de ces conventions, ADP était en mesure de mettre à la disposition des usagers de l'aéroport Charles de Gaulle un ensemble de 1 550 chambres. A la même date, le chiffre d'affaires déclaré à ADP par les établissements Sofitel, Ibis, Novotel et Hilton s'est élevé à 264,5 millions de francs.
L'examen des différentes conventions conclues entre ADP et les établissements hôteliers fait apparaître les éléments suivants :
En premier lieu, en contrepartie de l'autorisation d'occupation et d'exploitation consentie, l'exploitant est tenu de verser à Aéroports de Paris une redevance commerciale.
En ce qui concerne l'hôtel Sofitel, à l'origine la redevance commerciale était proportionnelle au chiffre d'affaires (taxes et service inclus) réalisé par l'exploitation de l'hôtel, de ses activités annexes et de toutes prestations de services. Etaient ainsi visées les prestations ci-après citées : " location de chambres, restauration, bars, conventions et banquets, loyers des boutiques et vitrines, toutes autres prestations de service " (cf. article 8 de la convention). Cette disposition a été amendée en 1995 par la voie d'un avenant. Désormais, " en contrepartie des droits accordés, le bénéficiaire verse à Aéroports de Paris une redevance égale à ..........% du montant net du chiffre d'affaires de l'hôtel service compris, soit la totalité des produits d'exploitation que le plan comptable de l'industrie hôtelière oblige ou recommande d'enregistrer dans le compte 70 ".
En ce qui concerne l'hôtel Ibis, la convention prévoit que " le bénéficiaire devra verser à Aéroports de Paris une redevance annuelle calculée en fonction du chiffre d'affaires hors taxes réalisé chaque année et du volume d'activité de l'hôtel.
Le calcul sera fait en déterminant un nombre de nuitées théoriques résultant du rapport entre le chiffre d'affaires hors taxes total de l'hôtel et le prix de vente public d'une chambre simple affiché conformément à la législation en vigueur " (cf. article 7 de la convention).
La convention propre à l'hôtel Novotel prévoit également que son titulaire devra verser à Aéroports de Paris " une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires, à l'exclusion des seules taxes fiscales, réalisé par l'exploitant de l'hôtel, de ses activités annexes et de la fourniture de toutes prestations de service " (cf. article 39 de la convention). Les taux de redevance varient selon les tranches du chiffre d'affaires.
Tout comme dans les cas qui précèdent, l'hôtel Hilton doit à Aéroports de Paris une redevance commerciale proportionnelle à son chiffre d'affaires (article 9.1 des conditions particulières). Le chiffre d'affaires est défini comme " ...toutes sommes dues par la clientèle au titre des services, fournitures et prestations annexes, entrant dans le cadre des activités autorisées par la présente convention. Pour les seules activités figurant en annexe 2 et dont le chiffre d'affaires n'entre pas directement dans les recettes de l'hôtel (activités concédées), il est admis que le chiffre d'affaires soumis à redevance sera constitué du loyer ou redevance versé par le concessionnaire à Hilton. Le chiffre d'affaires déclaré à Aéroports de Paris sera hors TVA et services compris s'il y a lieu. Il correspond à l'intégralité des sommes comptabilisées par l'exploitant dans les comptes 70 et 75 du plan comptable général ".
Il résulte de la convention que les taux de redevance varient avec les tranches de chiffre d'affaires.
Un dispositif similaire figure dans la convention liant Aéroports de Paris à la société Eliance Roissy (hôtels à l'enseigne Cocoon).
En ce qui concerne enfin le cas de l'hôtel Sheraton, l'article 8 des conditions particulières de la convention prévoit que : " En contrepartie de l'autorisation d'occupation et d'exploitation consentie, l'exploitant verse à Aéroports de Paris une redevance commerciale comprenant une part fixe et une part variable égale à un pourcentage du montant net du chiffre d'affaires et des autres produits de gestion courante de l'exploitant. Comptablement, cette assiette correspond à l'intégralité des produits devant être enregistrés aux comptes 70 et 75 du plan comptable général. Pour les seules activités figurant en annexe IV qui seraient éventuellement concédées à des sociétés ou entreprises n'appartenant pas aux concessionnaires ou à leur groupe et dont le chiffre d'affaires n'entre pas directement dans les recettes de l'hôtel, il est admis que le chiffre soumis à redevance sera constitué du loyer ou redevance versé par le concessionnaire à l'exploitant. Dans le cas contraire, ledit chiffre d'affaires sera pris en compte dans l'assiette de la redevance " (article 8 des conditions particulières).
Dans quatre conventions sur six, concernant les hôtels Novotel, Hilton, Cocoon et Sheraton, Aéroports de Paris se réserve le droit de procéder à des vérifications portant sur les montants de chiffres d'affaires annoncés par les concessionnaires.
Les dispositions contractuelles contenues dans les conventions Novotel, Hilton, Cocoon et Sheraton permettent à Aéroports de Paris d'avoir une mesure du taux de fréquentation des hôtels bénéficiant d'une concession.
En second lieu, dans trois conventions, des clauses définissent des règles à respecter avant de développer de nouvelles capacités hôtelières.
Dans son dernier alinéa, l'article 34.2 de la convention liant Aéroports de Paris à Novotel (Accor) prévoit que " Ce taux atteint (taux de remplissage moyen de 70 %), et si Aéroports de Paris décide la création d'un hôtel de même catégorie sur l'aéroport Charles de Gaulle, il s'engage à consulter le groupe Accor " ; de son côté, le groupe Accor s'engageait " ...en son nom propre ainsi qu'au nom de son groupe à renoncer à toute exploitation d'hôtel, de quelque catégorie qu'il soit, sur les communes riveraines de l'aéroport Charles de Gaulle, pendant une durée de six ans à compter de la date de signature du présent contrat. Cet engagement s'étend à toute formule d'exploitation notamment sous franchise " (article 34.1).
Selon l'article 4 des conditions particulières jointes à la convention d'occupation du domaine public de l'aéroport Charles de Gaulle au bénéfice de l'hôtel Hilton, il est prévu que " Dans l'hypothèse où Aéroports de Paris déciderait d'affecter à un usage hôtelier tout ou partie des parcelles ou des volumes contigus à la parcelle exploitée par l'exploitant et indiqués sur le plan annexé aux présentes, il proposera par lettre recommandée avec accusé de réception à l'exploitant de les mettre à sa disposition par préférence à toute autre personne en précisant les conditions financières de leur occupation.
L'exploitant disposera d'un délai de 2 mois à compter de la date de réception de la proposition d'Aéroports de Paris pour faire connaître sa réponse définitive, laquelle devra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception au directeur de l'exploitation commerciale ".
Enfin, sous l'intitulé " caractère non exclusif des droits concédés ", l'article 3 des conditions particulières de la convention Sheraton prévoit que " Les droits concédés ne sont assortis d'aucune exclusivité. Aéroports de Paris se réserve la possibilité de créer, sur l'aéroport Charles de Gaulle, d'autres hôtels de même qualité ou de qualité différente et d'en confier la réalisation et l'exploitation à qui bon lui semblera. Néanmoins, Aéroports de Paris s'engage à ne pas autoriser la construction d'un hôtel de classe similaire dans un périmètre de 400 mètres autour des dépendances domaniales mises à la disposition des concessionnaires ".
En troisième lieu, par l'effet des conventions (sauf la convention Hôtel Ibis), ADP est informé de la politique tarifaire appliquée par les différents concessionnaires. A l'occasion, Aéroports de Paris contrôle cette politique.
A titre d'exemple, on peut citer l'article 8 (prix pratiqués) des conditions particulières de la convention Hilton qui prévoit que " L'exploitant s'engage à suivre la politique de prix exposés dans les documents figurant en annexe (annexe 6). Toute modification de cette politique de prix devra être portée au préalable à la connaissance d'Aéroports de Paris qui se réserve le droit d'en contrôler l'application ". Et l'annexe 6 ci-dessus mentionnée, intitulée " politique des prix ", apporte différentes précisions quant à la politique qui, en la matière, doit être suivie par l'établissement : " La politique des prix de Ladbroke Roissy SA est fondée sur une optimisation du chiffre d'affaires par un équilibre entre des prix de chambres élevés, tout en restant dans les normes du marché, et un taux élevé d'occupation [...]. Les tarifs publics, ainsi que l'ensemble des tarifs négociés seront révisés régulièrement, une ou plusieurs fois par an, selon les cas, pour refléter l'augmentation des coûts. Les augmentations pratiquées refléteront au minimum le taux d'inflation annuel [...]. Selon les hôtels, le prix moyen effectif par chambre se situe de 50 à 65 % du tarif public le plus élevé. Dans le cas de l'hôtel Hilton aéroport Charles de Gaulle, le taux devrait progressivement s'établir à 60 % ".
3°) Application de ces règles de gestion aux installations destinées à l'information des usagers
Le système d'information des usagers de l'aéroport de Roissy possède plusieurs composantes dont les modes de gestion sont théoriquement très différents. On peut distinguer l'information implantée sur les axes routiers qui sont inclus dans l'emprise d'ADP, l'information d'intérêt général sur le site lui-même pour assurer l'orientation des passagers, et le dispositif d'information mis à la disposition des opérateurs économiques pour leur permettre de diffuser l'information de leur choix :
1. En ce qui concerne l'information implantée sur les axes routiers, il faut distinguer la signalisation de police fondée sur les prescriptions du Code de la route qui relève de la compétence du préfet de la Seine Saint-Denis (article L. 213-2 du Code de l'aviation civile) et une signalisation dite " directionnelle ", mise en œuvre non pas en vertu des pouvoirs de police du préfet mais par utilisation des pouvoirs de gestion du domaine public qui incombe à ADP pour faciliter les déplacements des usagers sur la plate-forme aéroportuaire. Ce service ne donne normalement pas lieu à paiement de redevance. Seuls les hôtels implantés sur le site bénéficient de ce dernier type de signalisation.
2. L'information d'intérêt général en dehors des voies publiques du domaine d'ADP est assurée normalement sans redevance particulière par ADP lui-même. Il s'agit là encore d'information directionnelle (points d'accès aux moyens de transport, localisation des principaux services...) ou bien de la mise à disposition des usagers de bureaux d'information situés à l'intérieur des terminaux. Peuvent aussi être rangées dans cette catégorie les bornes interactives 36-15 Horav qui donnent gratuitement, en plus de l'horaire des vols, des informations sur les seuls hôtels de la plate-forme. Seuls les hôtels implantés sur le site ou des hôtels situés sur le site de Disneyland bénéficient d'une signalisation conduisant aux navettes qui les desservent ou à leur localisation sur le terminal lui-même.
3. Le troisième type de service d'information correspond à des intérêts particuliers ; ce type de services est assuré soit par ADP lui-même (mise à disposition de téléphones de courtoisie et de supports d'affichage, promotion des activités commerciales du site) soit par des entreprises concessionnaires qui sont au nombre de deux :
La société Marketing Conseil International (MCI) est titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public en vue d'exploiter des appareils électroniques destinés à la réservation de chambres d'hôtels et de restaurants situés dans la région Île-de-France. Les articles 20-4 à 20-7 de l'autorisation fixent successivement les conditions suivantes : " Le bénéficiaire s'engage à mettre en œuvre tous les moyens pour faire figurer sur ses tableaux un nombre de 200 prestataires par site hors ceux de la plate-forme.......En ce qui concerne l'ensemble de ces installations, les hôtels situés sur les plates-formes d'ADP viendront s'ajouter hors quota......Pour la période correspondant à la durée de la présente convention, les hôtels [situés sur les plates-formes] figureront à titre gratuit sur l'ensemble des panneaux. Seuls les frais techniques ... seront à la charge des hôteliers.......Le bénéficiaire s'engage à mettre en valeur les hôtels situés sur les plates-formes par rapport aux autres hôtels ". Sur ce support, les hôtels du site sont répertoriés sous la rubrique " Plate Forme de Roissy " et les autres hôtels sous la rubrique " Périphérie ".
La société AP Systèmes, quant à elle, dispose d'une autorisation pour l'exploitation de supports publicitaires sur les aéroports d'Orly et de Charles de Gaulle. Aux termes de l'article 22 de la convention qui la concerne : " ... Est interdite, notamment : ... - toute publicité de nature à nuire au transport aérien, à ADP..., à ses concessionnaires et partenaires "....." En tout état de cause, le service Concessions Commerciales d'Aéroports de Paris se réserve le droit de demander sans préavis l'enlèvement immédiat de toute publicité si ADP n'a pas donné son agrément sur le projet de celle-ci et s'il la juge non conforme aux dispositions énoncées au présent article ".
Quant aux interventions directes d'ADP dans la gestion de ces services dits d'intérêt particulier, elles ne font l'objet d'aucune clause standard dans le cahier des clauses et conditions générales des autorisations d'occupation temporaire du domaine public d'ADP. Ce sont les conventions particulières signées avec les hôtels du site qui en précisent le contenu ; ces conventions donnent parfois l'occasion de rappeler aussi l'existence de prestations qualifiées plus haut de services d'intérêt général mais aucune des prestations mentionnées, qu'elle soit d'intérêt général ou particulier, n'est assortie d'un prix spécifique.
Cas de la convention Hilton : " L'exploitant dispose dans les aérogares passagers, de téléphones de courtoisie. Il peut mettre en place à sa charge, un service de navettes particulières "... (article 2 des conditions particulières).
Cas de la convention Sheraton : " L'exploitant dispose dans les aérogares passagers, de téléphones de courtoisie. Il peut mettre en place à sa charge, un service de navettes particulières "..." Aéroports de Paris s'engage à fournir une signalisation de l'hôtel dans les aérogares et sur le réseau routier, identique à celle des autres hôtels de la plate-forme ". (article 7-6 des conditions particulières).
Cas de la convention Cocoon : " Aéroports de Paris facilitera l'implantation au bénéfice du bénéficiaire de téléphone de courtoisie aux mêmes endroits que ceux des hôtels de la plate-forme " (article 27-1 des conditions particulières).
Cas de la convention Novotel : " Accor disposera, dans les aérogares passagers, de téléphone de courtoisie " (article 2-2 de la convention).
Cas de la convention Ibis " Dans les aérogares passagers, l'exploitant disposera d'un support pour son propre affichage et aura la possibilité de raccorder un poste téléphonique permettant une liaison avec l'hôtel " (article 2-6 de la convention).
La convention Sofitel ne contient aucune mention sur ce thème.
Toutes les conventions (sauf Ibis et Sofitel) prévoient une participation financière des concessionnaires aux frais engagés par ADP pour la promotion des activités commerciales du site.
2. Les hôtels périphériques
L'Association du parc hôtelier de la périphérie de l'aéroport de Paris. Roissy Charles de Gaulle (APHPAR) regroupe des hôtels situés à la périphérie de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Selon ses statuts, elle a pour objet " ... d'assurer la promotion de la zone économique se situant à la périphérie de l'aéroport de Paris Roissy Charles de Gaulle et plus particulièrement la défense des industries hôtelières et touristiques et l'accès donné aux produits et services dépendant des activités aéroportuaires ".
L'article 7 des statuts précise les conditions d'adhésion : " Pour être membre de l'association il faut être un établissement hôtelier, une entreprise à vocation touristique ou une personne physique intéressée par le but de l'association et l'accès donné aux produits et services dépendant des activités aéroportuaires, et verser sa cotisation annuelle.
Toute candidature d'adhésion devra être formulée par écrit puis approuvée par l'assemblée des membres du conseil d'administration de l'association ".
La constitution de l'association remonte au 5 décembre 1995. Elle regroupe une dizaine d'hôtels de la " périphérie ".
B. - Les pratiques constatées
Par lettre en date du 15 décembre 1993 adressée à ADP, les responsables des établissements hôteliers Holiday Inn, Capthorne, Hyatt, Ibis et Mercure, hôtels implantés à la périphérie de l'aéroport de Roissy et membres de l'APHPAR, faisaient état de nombreuses plaintes reçues de leurs clients et liées à " une absence totale de signalisation hôtelière ". Afin de remédier à la situation, ils sollicitaient l'intervention de l'établissement public " ... afin que les passagers ayant réservé dans (leurs) hôtels trouvent le moyen d'y accéder par :
une signalisation des points d'arrêt des navettes hôtels. Nous souhaitons que la mention " navettes hôtels " figure et non uniquement les hôtels présents sur la zone aéroportuaire ;
une signalisation routière renforcée pour Roissy en France permettant à nos adhérents de faire référence à leur localisation ".
Le 3 janvier 1994, le chef du département Exploitation CDG devait, en réponse à ce premier courrier, souligner que " Le fait d'être concessionnaire d'ADP conduit à un versement de redevance conformément aux concessions commerciales sur l'aéroport et, en contrepartie, donne un certain nombre d'avantages dont la plupart sont contenus dans vos demandes, à savoir, identification, aide au transport... " ; il concluait en soutenant qu'" il ne peut être envisagé par ADP d'étendre à d'autres (quelles limites d'ailleurs) des avantages qui sont des contreparties de la concession. Vous comprendrez dans ces conditions que je ne peux donner une suite favorable à vos demandes et ce, sur aucun des points cités ".
Par un courrier en date du 23 juin 1995, les établissements hôteliers Balladins, Campanile, Capthorne, Ibis, Holiday Inn, Hyatt, Mercure et Quality Inn formulaient une nouvelle demande. Comprenant qu'il était difficile " de faire paraître le nom de chaque hôtel ", les signataires de la lettre ne demandaient plus que de voir figurer la mention " navettes hôtels " à la sortie des aérogares " et se disaient prêts à accepter de régler une redevance à ADP. Cette demande était appuyée par le maire de Roissy en France qui, par lettre en date du 10 juillet 1995, demandait au président d'Aéroports de Paris de bien vouloir répondre positivement à la demande formulée. En réponse à ce dernier courrier, le 3 août 1995, le directeur général d'ADP devait se déclarer favorable à l'étude de solutions équitables incluant le paiement d'une redevance par les hôtels qui sollicitaient une signalisation mais ajoutait qu'il convenait cependant d'en discuter avec les concessionnaires du site.
Malgré cette ouverture, dès le 8 août suivant, la direction commerciale de l'aéroport adressait une réponse négative au représentant de l'APHPAR ; ce refus d'étendre la signalisation à des immeubles implantés hors du site était fondé sur un souci de préserver la lisibilité des indications données aux usagers. Les contacts ultérieurs ne devaient pas permettre de faire évoluer la situation. La réunion du 11 octobre, au cours de laquelle M. Gauthey, chef du département " Promotion des services au public " se serait engagé à consulter à nouveau, un par un, les hôtels du site, n'eut aucune suite ; il aurait d'ailleurs déclaré au cours de la même réunion que ceux-ci s'opposeraient à toute signalisation car ADP avait avec eux des contrats d'exclusivité au niveau de la signalisation. Enfin, les dernières interventions du maire de Roissy puis du député du Val d'Oise, Marcel Porcher, et du sénateur Jean-Philippe Lachenaud demeurèrent sans effet : par lettre du 21 décembre 1995 adressée au député, le directeur général d'ADP concluait à l'impossibilité de donner satisfaction aux demandeurs car les hôtels du site qui sont soumis au versement d'une redevance sont " légitimement attachés à conserver l'avantage d'une signalisation en aérogare, avantage qu'ils refusent de partager avec leurs concurrents... ".
Parallèlement, le directeur de l'hôtel Hyatt, qui représente l'APHPAR, avait, dès le 6 novembre 1995, sollicité les services de la société AP Systèmes, concessionnaire de l'affichage publicitaire dans les aérogares de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle ; il s'était vu répondre directement par le service des concessions commerciales d'ADP que les services demandés étaient " affectés prioritairement aux compagnies aériennes puis aux sociétés implantées sur la plate-forme, le préalable étant dans tous les cas l'attribution d'une autorisation d'activité sur la plate-forme. Dans ces conditions nous ne sommes pas en mesure de satisfaire votre demande ".
Par ces différentes décisions, ADP a refusé aux hôtels situés à la périphérie de la plate-forme de Roissy-Charles de Gaulle l'accès à une signalisation implantée dans l'aérogare et permettant d'informer leurs clients des moyens par lesquels ces derniers pouvaient les rejoindre ;
II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,
Sur la compétence du Conseil,
Considérant qu'ADP soutient que les décisions qui lui sont reprochées sont par nature administratives dès lors qu'elles relèvent d'une mission de service public administratif et qu'elles ne correspondent à aucune activité de production, de distribution ou de prestation de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en effet, ces décisions relèvent de la gestion du domaine public dont le contentieux est expressément réservé à la juridiction administrative par l'article 84 du Code du domaine de l'État qui dispose que " Les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou dénomination, passés par l'État, les établissement publics ou leurs concessionnaires sont portés en premier ressort devant le tribunal administratif " ;
Mais considérant, en premier lieu, que l'établissement public ADP, inscrit au registre du commerce de Paris, est chargé, aux termes de l'article L. 251-2 du Code de l'aviation civile, " d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne " ; qu'à ce titre, selon les dispositions de l'article R. 252-12 du même Code, le conseil d'administration d'ADP" décide la mise à disposition des usagers, sous le régime de l'occupation temporaire du domaine public, des terrains, ouvrages et installations de l'aéroport " ; qu'en outre, en application de l'article R. 224-1 du même Code, l'occupation de terrains et d'immeubles comme l'usage d'installations et d'ouvrages divers consentis aux usagers et au public donnent lieu à une rémunération ; que dans sa décision n° 98-D-34 du 2 juin 1998 le Conseil de la concurrence a retenu que " en ce qui concerne les capacités et installations portuaires, celles-ci sont fournies par le gestionnaire d'aéroport aux compagnies aériennes qui, pour poursuivre leurs activités, utilisent ou occupent divers installations, locaux et espaces d'accueil et de vente aménagés, pour lesquels elles acquittent une redevance dont les taux sont fixés par le conseil d'administration d'ADP et qui varient en fonction de la nature et de la consistance des prestations ; qu'ainsi la fourniture d'installations aéroportuaires constitue une activité de nature économique entrant dans le champ d'application de l'article 53 de l'ordonnance " ; qu'il suit de là que l'activité d'ADP, qui consiste à mettre à la disposition d'opérateurs économiques, directement ou indirectement et en contrepartie de redevances, des installations permettant à ces opérateurs d'informer les usagers des aéroports de leur existence ou de leur localisation, est une activité de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant, en second lieu, que, alors même que la décision par laquelle ADP accorde ou refuse une autorisation d'occupation du domaine public ou un service dont la prestation implique l'utilisation d'une partie du domaine public revêt le caractère d'un acte administratif dont l'appréciation de la légalité ne relève que de la juridiction administrative, cette décision n'en est pas moins prise en l'espèce par ADP en vue d'exercer une activité de production, de distribution ou de services au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'il suit de là que le Conseil de la concurrence est compétent pour apprécier, au regard des dispositions du Titre III de cette ordonnance, les décisions par lesquelles ADP a refusé de satisfaire la demande des hôtels situés à la périphérie de son domaine et tendant à bénéficier de l'implantation d'une signalisation dans l'aérogare;
Sur le marché de référence et la position d'ADP,
Considérant qu'un marché se définit comme le lieu théorique où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts ; qu'il est constant qu'à la demande exprimée par un certain nombre d'hôtels d'avoir accès aux installations aéroportuaires destinées à l'information des passagers répond une offre faite par ADP ; que ce point est corroboré par les dispositions des concessions signées entre ADP et les hôtels du site relatives à la signalisation desdits hôtels sur le domaine public géré par ADP ; que la demande exprimée ne saurait être satisfaite par le recours à d'autres installations ; que, si ADP soutient que les installations en cause font partie intégrante du domaine public et que de ce fait il est interdit de considérer qu'elles puissent constituer un marché, ce moyen, qui ne relève pas de l'argumentation relative à la définition du marché mais ressortit à l'argumentation relative à la compétence du Conseil, a déjà été écarté ; qu'ADP étant propriétaire de ces installations et responsable de leur gestion, il est en position dominante sur le marché de l'accès à ces installations ;
Considérant, en outre, qu'ADP conteste l'existence d'un marché local de l'hôtellerie centré sur l'aéroport de Roissy et sur lequel les décisions qui lui sont reprochées, relatives à l'accès au marché des installations aéroportuaires destinées à l'information des usagers, pourraient avoir un effet ; que, selon lui, les hôtels du site ou de la périphérie font partie d'un marché plus large englobant Paris et la région parisienne ;
Considérant, toutefois, qu'il existe parmi les usagers des aéroports une catégorie particulière de voyageurs qui souhaitent trouver un point d'accueil réduisant au maximum le temps de déplacement entre le point d'embarquement ou de débarquement et ce lieu d'accueil ; que les parties sont convenues à l'audience que, pour des prestations de qualité égale, les prix pratiqués par les hôtels proches des pistes de Roissy étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués dans la capitale ; qu'au surplus, la spécificité de ce marché est confirmée par les dispositions des concessions conclues entre ADP et certains hôtels du site ; qu'ainsi la convention signée avec le groupe Accor fait état de l'engagement pris par ce groupe de ne pas exploiter d'autre hôtel sur " les communes riveraines " de l'aéroport pendant une durée de six ans ; que l'annexe 6 de la convention signée par le groupe Hilton indique que : " Dans la fixation des prix des premières années et, jusqu'à la stabilisation du marché, il sera tenu compte de l'effet négatif de l'ouverture simultanée dans la zone périphérique de Charles de Gaulle, de plusieurs autres établissements hôteliers " ; qu'ainsi, la zone aéroportuaire et la zone périphérique de l'aéroport de Roissy, directement accessible par navette, appartiennent au même marché local de l'hôtellerie ;
Sur l'application du droit européen,
Considérant que l'association requérante allègue que la pratique d'ADP serait non seulement prohibée par le droit national mais aussi prohibée par le droit communautaire ; qu'elle cite à cet effet une abondante jurisprudence européenne ;
Considérant qu'aux termes de l'article 86 du traité de Rome : " Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci ".
Mais considérant que la jurisprudence européenne citée par l'APHPAR concerne des pratiques susceptibles de fausser la concurrence entre des opérateurs qui desservent plusieurs pays de la Communauté européenne; que les pratiques étudiées dans la présente affaire ne sauraient avoir d'effet sensible sur aucun marché de dimension communautaire dont le fonctionnement pourrait être affecté par des distorsions constatées sur le marché local de l'hôtellerie; qu'il ne saurait donc en l'espèce être fait application du droit européen de la concurrence;
Sur les pratiques constatées,
Considérant qu'ADP a rejeté à plusieurs reprises la demande des hôtels membres de l'APHPAR de faire signaler les points d'arrêts de leurs navettes ;
Considérant que les hôtels du site disposent sur le territoire de l'aéroport de moyens d'information bien supérieurs à ceux dont bénéficient les hôtels de la périphérie avec lesquels ils sont en concurrence ; que, le long des voies d'accès, la signalisation ne porte que sur les hôtels du site ; que, dans les aérogares, seuls les points d'arrêt des navettes conduisant aux hôtels du site ou la localisation même de ces hôtels sont signalés par différents panneaux à l'attention des usagers ; qu'il n'existe qu'une seule exception à ces dispositions et qu'elle concerne la signalisation des navettes conduisant aux hôtels situés sur le site de Disneyland, lesquels n'entrent pas eux-mêmes en concurrence avec les hôtels du site ; qu'en ce qui concerne les téléphones de courtoisie, ils ne permettent d'entrer en contact qu'avec des hôtels du site, tandis que les bornes 36-15 Horav ne donnent, outre les horaires des vols, que des indications sur les hôtels implantés sur le site ; que les bureaux d'informations des aérogares tiennent à la disposition des usagers, essentiellement sinon exclusivement, des documents d'information sur les hôtels du site ;
Considérant, par ailleurs, que ; si la société MCI, qui exploite des appareils électroniques destinés à la réservation de chambres d'hôtels et de restaurants situés dans la région Ile-de-France, fait figurer sur ses tableaux, parmi 200 prestataires, les hôtels du site comme les hôtels de la périphérie et autorise les hôtels qui le souhaitent à indiquer dans l'espace qui leur est alloué le numéro de la porte de l'aérogare où l'on peut trouver leur navette, ce système d'information ne saurait se comparer en efficacité aux panneaux indicateurs portant à la connaissance des passagers les points d'arrêt des navettes ou la localisation des hôtels du site ;
Considérant que le refus opposé par ADP a été maintenu malgré l'offre faite par les demandeurs d'acquitter une redevance ; qu'au surplus, lorsqu'un hôtel membre de l'APHPAR a souhaité limiter les conséquences de ce refus et a sollicité les services de la société AP Systèmes, concessionnaire de l'exploitation des supports publicitaires sur les aéroports d'Orly et Charles de Gaulle, ADP lui-même s'est opposé à cette utilisation ;
Considérant que, pour justifier sa position, ADP fait valoir, tout d'abord, que l'avantage de la signalisation en aérogare serait réservé aux hôtels du site ; qu'il n'existe toutefois dans les conventions signées avec ces hôtels aucune clause d'exclusivité relative à la signalisation en aérogare ; que, si ADP soutient que cette exclusivité viendrait compenser les contraintes attachées au caractère précaire de l'occupation du domaine public par les hôtels concessionnaires, il n'est en rien établi qu'une telle exclusivité de fait serait justifiée par les prétendues contraintes alléguées ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté qu'il existe une exception pour des hôtels situés sur le site de Disneyland qui n'entrent pas en concurrence avec les hôtels du site ;
Considérant qu'ADP avance, en second lieu, qu'une signalisation des autres hôtels porterait atteinte à la lisibilité de la signalisation tout entière en raison de la multiplicité des messages affichés ; que cette allégation, qui n'est soutenue par aucun élément de fait, doit être écartée alors surtout que la demande relative aux arrêts des navettes portait sur une signalisation commune pour l'ensemble des hôtels desservis par des navettes et non pas sur une signalisation pour chacun d'eux ; qu'il n'est, par ailleurs, pas établi qu'une signalisation commune " nuirait gravement à la fluidité du trafic automobile " ;
Considérant, enfin, que, sur la question particulière de l'accès aux supports publicitaires gérés par AP Systèmes, ADP fait valoir, d'une part, qu'il est habilité à interdire tout affichage qui porterait préjudice à un de ses concessionnaires et, d'autre part, que l'accès à ce service particulier serait réservé aux entreprises qui disposent d'une autorisation d'activité sur la plate-forme ; que sur le premier point ADP n'est pas fondé à soutenir que le souci de protéger les intérêts des concessionnaires, lesquels lui versent une redevance, justifierait de sa part la mise en œuvre d'une pratique destinée à limiter artificiellement la concurrence entre ces concessionnaires et les hôtels situés à la périphérie du domaine public ; que, par ailleurs, aucun document réglementaire ni contractuel ne prévoit une exclusivité de l'accès aux services offerts par AP Systèmes au profit des entreprises autorisées à exercer leur activité sur la plate-forme ; qu'ainsi, en tout état de cause, les deux motifs avancés par ADP ne sauraient justifier une pratique discriminatoire au regard du droit de la concurrence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions d'ADP ont pour objet, en limitant l'accès des hôtels situés à la périphérie du domaine public aux installations destinées à l'information des usagers de l'aéroport, de priver cette catégorie d'opérateurs sur le marché de l'hôtellerie de proximité de la possibilité d'informer leurs clients de leur existence, de leur localisation et des moyens de se rendre chez eux; qu'une telle pratique peut avoir un effet sensible sur le fonctionnement du marché en créant un déséquilibre dans la concurrence entre les hôtels du site et les hôtels situés à la périphérie du domaine public d'ADP; qu'il suit de là que le refus opposé par ADP aux demandes de l'APHPAR d'accéder à ces installations constitue un abus de position dominante prohibé par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur l'entente alléguée entre ADP et les hôtels du site,
Considérant que l'article 7 de l'ordonnance de 1986 prohibe " les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions notamment lorsqu'elles tendent à : 1) limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;... " ;
Considérant que l'association requérante soutient que la concertation qui s'est développée entre ADP et les hôtels du site lors de la préparation de la réponse d'ADP à la demande de signalisation qu'elle avait formulée constitue une entente au sens des dispositions précitées ;
Considérant toutefois que si, à plusieurs reprises, ADP a indiqué à l'APHPAR qu'une réponse favorable à sa demande dépendait de la position des hôtels du site et que ces hôtels étaient " légitimement attachés à conserver l'avantage d'une signalisation en aérogare ", cette présentation ne signifie pas qu'un accord explicite entre les parties restreignait la liberté de décision d'ADP ; qu'il a déjà été rappelé ci-dessus qu'aucune exclusivité contractuelle n'a été consentie à ces hôtels et qu'une telle exclusivité ne serait en rien justifiée par le caractère dit " précaire " de l'occupation du domaine public ; qu'en définitive, ADP demeure seul responsable de sa décision en la matière ;
Considérant, par ailleurs, que si ADP a consulté les hôtels en cause afin d'étudier avec eux la réponse qu'il serait possible de donner à la question posée, il ne résulte pas de l'instruction que des pressions dépassant en intensité ce qu'une relation commerciale normale autorise auraient été exercées sur ADP par les hôtels du site pour obtenir le maintien du statu quo ; que, dans ces conditions, la concertation qui s'est développée entre ADP et les hôtels du site ne saurait être qualifiée d'entente prohibée par l'article 7 de l'ordonnance précitée ;
Sur les sanctions et injonctions,
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. cent du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos " ;
Considérant que, si le refus opposé par ADP aux demandes d'accès au système d'information des usagers de l'aéroport de Roissy formulées par l'APHPAR ne porte pas sur l'accès à une installation indispensable à l'exercice de l'activité hôtelière à proximité du site de cet aéroport, il a cependant pour objet de priver certains opérateurs sur ce marché d'un moyen d'information de la clientèle qui leur est utile pour l'exercice de leur activité ; qu'il émane en outre d'un organisme qui dispose du monopole de la gestion des installations aéroportuaires de Roissy et qui a utilisé ce monopole pour protéger l'activité des hôtels implantés sur le site, activité à laquelle il est intéressé par l'intermédiaire des redevances qu'il perçoit ; que ce comportement doit être qualifié de grave au regard du droit de la concurrence;
Considérant que,pour apprécier le dommage causé à l'économie, il y a lieu de considérer que le marché de l'espèce recouvre l'activité de six hôtels implantés sur le site et d'une dizaine d'hôtels installés sur la périphérie de l'aéroport; que l'avantage retiré par ADP des pratiques en cause est représenté par une fraction des redevances perçues des hôtels du site;
Considérant, enfin, qu'ADP a réalisé en France au cours du dernier exercice clos disponible un chiffre d'affaires hors taxes de 7 199 100 650 francs ; que, compte tenu des éléments généraux et individuels ci-dessus exposés, il y a lieu de prononcer une sanction pécuniaire de 500 000 francs à son encontre,
Décide :
Article 1er : Il est établi qu'Aéroports de Paris a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Article 2 : Il est infligé à ADP une sanction pécuniaire de 500 000 francs.
Article 3 : Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, ADP fera à l'APHPAR des propositions de nature à répondre à sa demande de signalisation des points d'arrêt des navettes desservant les hôtels de la périphérie.