Conseil Conc., 9 décembre 1998, n° 98-D-76
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Situation de la concurrence dans le secteur du disque
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Mathonnière, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Bon, Callu, Marleix, Robin, Rocca, Thiolon, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (formation plénière),
Vu la lettre enregistrée le 30 décembre 1994 sous le numéro F 733, par laquelle la société Debard et Fils SA a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Fnac SA, Relais Fnac Rouen, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, Warner Music France et Carrère Music, qu'elle estime anticoncurentielles ; Vu la lettre enregistrée le 7 octobre 1996 sous le numéro F 916 par laquelle le Syndicat des détaillants spécialistes du disque a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par " les filiales françaises des multinationales du disque ", qu'il estime anticoncurrentielles ; Vu la lettre enregistrée le 18 octobre 1996 sous le numéro F 917 par laquelle la société Debard et Fils SA a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Polygram SA, qu'elle estime anticoncurrentielles ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision du Conseil de la concurrence n° 95-MC-02 du 15 février 1995 ; Vu les observations présentées par la société Debard et Fils SA, le Syndicat des détaillants spécialistes du disque, les sociétés Fnac SA, Relais Fnac, Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France SA, East West France et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Debard et Fils SA, du Syndicat des détaillants spécialistes du disque, des sociétés Fnac SA, Relais Fnac, Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France SA, East West France entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les caractéristiques du secteur des phonogrammes
1. Le cadre juridique
Le terme de phonogrammes désigne tout produit sur lequel sont gravées des séquences de sons, les supports les plus répandus étant les disques compacts laser (114 millions d'unités vendues en 1995) et les musi-cassettes (27 millions d'unités vendues en 1995).
La loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication individuelle (art. L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle) a défini le statut du producteur de phonogrammes : " Le producteur de phonogrammes est la personne physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son " et lui a accordé un droit exclusif de reproduction et de mise à disposition du public : "L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme ".
La violation de ces droits est pénalement sanctionnée par l'article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle : " Est punie de deux ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit d'un phonogramme (...), réalisée sans l'autorisation lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes. Est punie des mêmes peines toute importation ou exportation de phonogrammes ou de vidéogrammes réalisée sans l'autorisation du producteur ou de l'artiste interprète, lorsqu'elle est exigée ".
L'article 9-2 de la directive 92/100/CEE du conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle dispose en son paragraphe 1 que : " Les Etats membres prévoient : ... pour les producteurs de phonogrammes, en ce qui concerne leurs phonogrammes ... un droit exclusif de mise à disposition du public de ces objets, y compris de copies, par la vente ou autrement, ci-après dénommé " droit de distribution " et au paragraphe 2 que : " Le droit de distribution dans la Communauté relatif à un objet visé au paragraphe 1 n'est épuisé qu'en cas de première vente dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement ".
Il résulte de ces dispositions que l'autorisation du producteur de phonogrammes n'est pas exigée pour l'importation d'un phonogramme en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne sur le territoire duquel il a été mis dans le commerce par le titulaire du droit ou avec son consentement.
Le cycle de production d'un phonogramme se compose, d'une part, d'une activité non industrielle et, d'autre part, d'un ensemble de processus techniques et commerciaux. La production d'un disque met ainsi en œuvre des moyens matériels et humains répartis en six fonctions de base : la création, l'enregistrement, l'édition, la fabrication, la promotion et la commercialisation.
La première étape du processus de production est la signature d'un contrat d'exclusivité avec l'artiste. Une fois le contrat signé, le producteur organise et finance l'enregistrement de l'œuvre qui aboutit à sa fixation sur un " master ". Le " master " est envoyé dans une usine de pressage qui fabrique les disques. Interviennent ensuite les phases de promotion et de commercialisation.
Certains producteurs de phonogrammes assument l'intégralité du cycle de production et de distribution, depuis la signature du contrat avec l'artiste, appelé contrat d'artiste, jusqu'à la mise sur le marché. D'autres producteurs, qui ne disposent pas d'un outil de distribution, confient l'exploitation des enregistrements qu'ils ont produits, aux termes d'un contrat de licence exclusive, à un autre producteur qui va assurer la promotion et la distribution du disque.
Les expressions couramment utilisées par les professionnels du secteur " d'éditeurs " et de " maisons de disques " recœuvrent la définition juridique de producteur de phonogrammes qui a été donnée par l'article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle cité ci-dessus, à savoir la personne qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son. Les expressions " producteurs " et " éditeurs " sont utilisées indifféremment alors que l'expression " maison de disques " est réservée aux producteurs ou éditeurs qui assurent l'intégralité du cycle de production et de distribution.
2. L'offre de phonogrammes
Le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble de l'édition phonographique française s'est élevé à 6 888 millions de francs HT en 1995. La profession comprenait à cette date environ 120 éditeurs mais la part la plus importante du chiffre d'affaires est réalisée par les filiales françaises des groupes multinationaux d'édition, désignées fréquemment sous le terme de " majors " :
- la société Polygram SA, filiale, à l'époque des faits, de la société Polygram International Holding BV (Pays-Bas)
- la société Sony Music Entertainment (France) SA, filiale du groupe japonais Sony
- la société BMG France, filiale du groupe allemand Bertelsmann, BMG (Bertelsmann Music Group) étant la division musique du groupe - la société EMI Music France, filiale de EMI Group France SA, elle-même filiale du groupe anglais EMI
- la société Groupe Virgin Disques, filiale de EMI Group France SA
- la société Warner Music France SA, filiale du groupe américain WEA International INC
- la société East West France (ex société Carrère Music), également filiale du groupe américain WEA International INC.
Les filiales françaises des groupes d'édition sont liées à leur maison mère par un contrat de licence.
En vertu de chacun des contrats de licence signés par les cinq groupes d'édition énumérés ci-dessus, la maison mère cède à ses filiales le droit exclusif d'exploiter le " master ", -c'est-à-dire le droit de fabriquer les disques à partir du " master " et de les commercialiser sur son territoire contractuel, qui correspond en règle générale au territoire national. Réciproquement chaque filiale concède à la maison mère les droits exclusifs d'exploitation qu'elle détient en vertu des contrats signés avec des artistes " locaux ". Il n'existe pas de relations contractuelles entre filiales du même groupe. Les droits d'exploitation d'une filiale locale sont toujours cédés à la maison mère qui les rétrocède aux autres filiales du groupe pour une exploitation exclusive sur chacun des territoires contractuels.
Un tel dispositif exclut par définition tout échange de produits entre les différentes sociétés du même groupe. Toutefois les accords de licence ne font pas systématiquement obligation aux filiales de mettre sur le marché l'ensemble des catalogues du groupe. De même, compte tenu des particularismes des différents répertoires nationaux, il est peu vraisemblable qu'une filiale locale souhaite mettre sur le marché le répertoire national d'une autre filiale locale. Dans ce cas, les maisons de disques procèdent à des importations de produits finis pour répondre à la demande locale.
Une fois le " master " réalisé, intervient la campagne de marketing et de promotion. Pour les artistes internationaux, la direction internationale ou européenne fixe la date de commercialisation qui peut être unique sur le plan mondial ou au minimum sur le plan européen et réalise les outils de vente et de promotion. Chaque filiale définit les quantités dont elle a besoin et prend en charge la campagne de promotion sur son territoire. Pour les artistes locaux, la date est fixée par la filiale française qui assure elle-même la campagne de promotion après avoir informé la structure de marketing internationale.
Les accords de licence stipulent que la mise sur le marché d'un disque doit se faire dans la gamme de prix supérieure. Cette catégorie de prix, dénommée dans la profession " full price ", comprend plusieurs niveaux de prix. Ainsi en 1994, les catégories " full price " de Polygram et de Sony comportaient quatre prix allant respectivement de 81,75 F à 90,50 F et de 75 F à 90 F ; les catégories " full price " de Virgin, Warner et East West France comportaient trois prix allant de 80 F à 93 F pour Virgin et de 69,50 F à 90 F pour les deux autres sociétés ; la catégorie " full price " d'EMI comprenait deux prix : 88 F et 91 F, celle de BMG, un seul prix : 88 F. La décision de positionner le disque à tel ou tel niveau de prix appartient, pour les produits internationaux, à la maison mère et la fixation du montant des différents prix relève de la responsabilité des filiales nationales. La décision de positionner le disque à tel ou tel niveau de prix dépend essentiellement de la notoriété de l'artiste et des moyens publicitaires mis en œuvre par l'éditeur. La durée de vie d'un disque dans la catégorie " full price " est en moyenne de deux ou trois ans. Pendant cette période, il arrive que l'éditeur modifie le prix initial du disque, tout en le maintenant en " full price ".
Le prix initial peut être modifié à la hausse lorsque la notoriété de l'artiste augmente. Il peut être modifié dans le sens de la baisse s'il y a mévente.
Les accords de licence stipulent que le prix d'un phonogramme ne peut être classé dans la catégorie de prix moyens (mid price) ou économiques (budget) qu'avec l'accord de la maison mère ou du propriétaire du répertoire. Les niveaux de " mid price " en 1994 étaient les suivants : Polygram : 52,50 F, Sony : 53,50 F et 54,60 F, BMG : 53 F, EMI : 53 F, Virgin : 52,50 F, Warner et East West France : 52,40 F. Les redevances versées à la maison mère et aux artistes sont calculées sur le prix catalogue éditeur. Les taux de redevance varient en fonction de la catégorie de prix dans laquelle le disque est commercialisé, les taux les plus élevés étant pratiqués sur les prix situés dans la gamme supérieure.
Le prix de la catégorie " full price " qui a été retenu par l'éditeur au moment de la mise sur le marché, puis éventuellement les prix des catégories " mid price " ou " budget ", correspondent aux prix catalogue éditeur, c'est-à-dire aux prix de vente HT aux grossistes et aux détaillants.
Pendant les trois ou quatre semaines qui précèdent la date de sortie, la force de vente des éditeurs visite les clients et enregistre les commandes. Les livraisons sont assurées dans l'ensemble des magasins, la veille ou le jour de la sortie. Les grossistes ainsi que les entreprises de la grande distribution qui ont une fonction de répartition entre leurs magasins sont en général livrés 24 heures avant.
Selon les renseignements fournis par le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), les parts de marché des filiales françaises des groupes internationaux d'édition étaient, en 1996, évaluées de la façon suivante :
EMPLACEMENT TABLEAU
Les chiffres ci-dessus agrègent les ventes correspondant à la production propre des " majors " et les ventes réalisées au titre des contrats de licence signés avec des producteurs indépendants (des groupes multinationaux). Les statistiques du SNEP ne permettent pas, pour des raisons techniques, d'évaluer le poids des ventes issues des contrats de licence signés avec des producteurs tiers. Certains producteurs indépendants confient parfois, aux termes d'accords de distribution, la commercialisation de leurs disques aux " majors ". La part des ventes ainsi réalisée par les éditeurs est d'environ 8 %. Globalement la part des ventes réalisées par les sept sociétés énumérées ci-dessus, qui correspondent à leur production propre, à la production sous licence et à leur activité de distribution, est de l'ordre de 95 % du chiffre d'affaires de la profession.
Sur la base d'une étude réalisée par l'Ifop en 1993 le poids des différents circuits de distribution dans les ventes des éditeurs a été évalué à 34 % pour les hypermarchés, 29 % pour les grands spécialistes, 18 % pour les grossistes, 13 % pour les disquaires et 1 % pour la vente par correspondance.
Les données recueillies au cours de l'instruction font apparaître que cette répartition est restée valable en 1995 avec toutefois une progression de la part des hypermarchés.
Selon la même étude Ifop, les grossistes ont réalisé 66 % de leurs ventes avec les hypermarchés, 28 % avec les supermarchés et 6 % avec les magasins populaires. Les grandes enseignes de la distribution alimentaire font effectivement appel à un système d'approvisionnement mixte. Les magasins disposant d'un important rayon disques peuvent être suivis en direct par les éditeurs, tandis que d'autres points de vente sont approvisionnés par des grossistes. Dans certains cas, la gestion du rayon est confiée au grossiste (le rackjobber qui achète la marchandise à l'éditeur, la met en place et gère le linéaire).
Parmi les grossistes figure la société Cogedep qui est une filiale commune aux éditeurs. La société Polygram détient 42,8 % de son capital, les sociétés EMI, Virgin et East West France chacune respectivement 14,3 %. La société Cogedep a réalisé en 1994 un chiffre d'affaires de 657,6 millions de francs, ce qui représente environ 45 % du chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des grossistes.
La vente des disques au détail se fait par l'intermédiaire de deux formes de distribution principales : les spécialistes et les magasins pour lesquels la vente de phonogrammes constitue une activité accessoire.
Les spécialistes regroupent deux catégories de commerces :
- les disquaires indépendants dont le nombre est passé de 3 000 en 1972 à 250 en 1994. Des chaînes de disquaires se sont organisées, comme Madison, Starter, Music Way.
- les multispécialistes, comme la Fnac et Virgin qui assuraient en 1994 respectivement 24 % et 6 % des ventes de disques.
Les grandes surfaces alimentaires (hypermarchés et supermarchés) représentaient, à l'époque des faits, environ 50 % des ventes et les non spécialistes généralistes, comme les grands magasins, environ 5 %.
3. Les caractéristiques de la demande finale
Selon une étude économique effectuée par le SNEP en 1994, ce sont les jeunes qui procèdent aux achats de disques les plus importants. Alors que 28 % de l'ensemble de la population déclare acheter 10 CD et plus par an, 33 % des jeunes de 15 à 24 ans déclarent acheter 10 CD et plus par an.
Selon cette même étude l'achat d'un disque est largement motivé par l'écoute de la radio (42 %). Dans la majorité des cas (45 %), les consommateurs connaissent exactement en se présentant au magasin le CD ou la cassette qu'ils souhaitent acquérir. Les disques sont achetés majoritairement dans les super et hypermarchés (75 %) puis dans les magasins Fnac (37 %) et chez les disquaires traditionnels (20 %). Parmi les principaux critères présidant au choix des magasins figurent la proximité et le prix pour lesquels les super et hypermarchés ainsi que les magasins populaires arrivent en tête. En revanche sur les critères de l'étendue de la gamme offerte, des services d'écoute et de la qualité du conseil, les spécialistes et les disquaires traditionnels sont cités majoritairement.
Dans un document faisant le bilan de l'année 1994, le SNEP expose que les consommateurs manifestent " une réactivité de plus en plus forte aux sorties commerciales de quelques artistes vedettes. Les ventes de disques tendent aujourd'hui à se concentrer de plus en plus autour d'un petit nombre d'artistes, rendant ainsi le marché vulnérable. Un simple décalage dans le temps de la sortie d'un ou de quelques artistes vedettes peut engendrer des taux de croissance (ou de régression) euphorisants (ou déprimants) qui n'ont pas de réelle signification. De plus, cette forte concentration des ventes d'un album se réalise dans un laps de temps plus court qu'autrefois. Par ailleurs, le peu d'intérêt de nombreux médias pour diffuser une grande diversité de titres, ne conduit pas à faire connaître au public un grand nombre d'artistes".
B. - Les pratiques relevées
1. Dans le domaine de l'approvisionnement du disque
a) Clauses subordonnant l'octroi et le maintien des avantages résultant des accords de coopération commerciale au respect du droit de la propriété intellectuelle
Les contrats de coopération commerciale signés par les sociétés Polygram SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France et East West France avec leurs principaux clients (grossistes et détaillants) contiennent des dispositions rédigées dans les termes suivants :
Polygram : " Causes de résiliation de l'accord de coopération commerciale
" Les avantages consentis par Polygram en application du présent contrat ne seraient plus justifiés dans la mesure d'une part où la coopération du distributeur ne serait plus réelle, d'autre part où les agissements du distributeur seraient constitutifs d'une concurrence déloyale envers Polygram.
" Les actes de concurrence déloyale
" Constituent des actes de concurrence déloyale à l'encontre de Polygram des ventes :
- de produits pirates,
- de produits bootlegs,
- de produits de notre répertoire importés des Etats-Unis et du Canada (dits " imports parallèles ")...
" Polygram ne maintiendra pas les avantages liés au présent contrat à un magasin qui se livrerait à l'un des actes de concurrence déloyale à son encontre sus-définis.
" D'autre part, ces conditions particulières de fonctionnement avec Polygram peuvent être mises en cause dès lors que vos magasins s'approvisionnent sur des produits Polygram par un autre canal que Polygram, car cet accord prévoit des relations particulières et privilégiées qui seraient donc en contradiction avec votre action.
" Polygram serait amené à refuser tout retour. De même, Polygram pourrait éventuellement être amené à arrêter de visiter vos magasins.
" Polygram peut à tout moment revenir sur ces conditions qui vous sont accordées, dès lors que l'offre commerciale ne sera pas correctement respectée et que les avantages consentis ne correspondront pas à notre attente ".
BMG : " Il est bien entendu que le client s'engage à respecter la législation en vigueur en matière d'édition phonographique et notamment en matière de droits d'auteur et de droits voisins et à ne pas commercialiser des produits portant atteinte à de tels droits.
" En cas de violation des engagements du client, le présent accord de collaboration et tous les avantages qui y sont liés seront résiliés immédiatement de plein droit "
EMI : " I : En sa qualité de distributeur des produits figurant au catalogue EMI France 1995, votre société s'engage à :
" prendre toutes mesures utiles pour lutter efficacement contre la vente de produits constituant des reproductions illicites ("pirates ") des produits figurant au catalogue EMI France 1995 ou des enregistrements non autorisés d'artistes figurant dans celui-ci (" bootlegs ").
" A ce titre, votre société s'engage à tenir immédiatement informée EMI France de toutes reproductions illicites des produits figurant au catalogue EMI France 1995, ou d'enregistrements non autorisés d'artistes figurant dans ce dernier et, de manière générale, de toutes éventuelles contrefaçons ou utilisations non autorisées des marques et/ou des droits d'auteur ou droits voisins d'auteur dont est titulaire EMI France, et dont elle pourrait avoir connaissance ".
Virgin : " Nous nous réservons le droit de résilier le présent accord sans préavis en cas de non-respect par ... de ses engagements, et notamment dans le cas de commercialisation par ... de disques portant atteinte aux droits exclusifs des auteurs-compositeurs, des artistes-interprètes ou des producteurs (disques pirates ou bootlegs)".
Warner et East West France : " Ces remises de fin d'année s'appliquent aux points de vente qui satisfont à l'article 12 de nos conditions générales de vente, en particulier à ceux qui ne distribuent pas de produits pirates.
" Le non-respect de cette clause pourra entraîner non seulement la suspension des livraisons, mais également l'exclusion pour le ou les magasins concernés de l'assiette du chiffre d'affaires ristournable ".
b) Clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif auprès du producteur
En dehors des retours des produits défectueux qui sont organisés dans les conditions générales de vente, les éditeurs pratiquent une politique de retour d'invendus sur les disques ayant fait l'objet d'une importante campagne publicitaire et qui sont livrés par grandes quantités chez les distributeurs. Selon les informations fournies par la Fnac les taux de retour sur ces produits se situent entre 7 % et 15 % des achats. Le représentant de la société BMG chiffre le taux de retour moyen sur une année à 10 %. En revanche pour la société Sony le taux de retour est assez faible.
Sur les sept contrats de coopération commerciale examinés, trois ont inséré une clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif auprès des producteurs (Polygram, BMG et Virgin). Pour les autres éditeurs les retours font l'objet de négociations ponctuelles. Les conditions auxquelles Polygram soumet le retour d'invendus font partie du texte cité au a) ci-dessus. Pour BMG France et Groupe Virgin Disques, les dispositions relatives aux retours sont rédigées dans les termes suivants :
BMG : " Dans le cadre du présent accord de coopération, BMG France pourra dans certains cas accepter de procéder à des reprises d'invendus. Ces retours qui seront traités par les représentants de BMG France supposent le respect de ses obligations par le client. D'autre part aucun retour ne pourra être accepté par BMG France en cas d'approvisionnement des références distribuées par BMG France auprès de tiers "
Groupe Virgin Disques :" Dans le cadre du présent accord, qui est conclu pour une durée d'un an à compter du 1er janvier 1994, nous pourrons, dans certains cas, accepter des retours d'invendus étant précisé que leur acceptation est subordonnée au respect par ... de l'ensemble de ses engagements, et sous réserve que vous ne vous approvisionnez pas auprès de tiers en produits figurant au catalogue Virgin "
A l'occasion du renouvellement de l'accord liant le Groupe Virgin Disques et la Fnac le 7 août 1995, la clause a été modifiée en précisant à la fin de la phrase : " hors pays de l'Union européenne ". Cette modification n'a pas été apportée aux autres contrats de coopération commerciale.
c) Clauses d'approvisionnement exclusif
Le contrat signé par Sony Music avec la Fnac en 1995 précise : " Nous vous proposons ci-après nos conditions définitives pour l'exercice en cours, pour un approvisionnement exclusif ". Les contrats signés avec Bourg Music et le groupe Starter composé d'une quarantaine de disquaires indépendants subordonnent l'octroi des avantages au respect par le distributeur des clauses suivantes :
- approvisionnement exclusif,
- assortiment complet et représentatif du catalogue, avec suivi permanent,
- représentativité des supports courts et suivi intégral des objectifs de la Compagnie,
- suivi des objectifs albums et participation au développement des artistes,
- représentativité permanente des séries prix moyen,
- présence de points écoute, avec possibilité d'utilisation pour les produits au prorata du CA,
- utilisation de la PLV.
Aux termes de l'accord de partenariat de 1994 et 1995 proposé par EMI France, le distributeur s'engage à " s'approvisionner exclusivement auprès d'EMI France pour tous les produits figurant à son catalogue, sauf application des dispositions du droit communautaire en vigueur ".
d) Les relations avec les distributeurs
Dans un courrier adressé à Carrefour le 12 novembre 1992, la société Polygram a écrit : " Avant d'attaquer l'année 1993, nous souhaitons vous faire part de certaines réflexions qui peuvent handicaper sérieusement notre collaboration si nous n'obtenons pas d'informations plus précises quant à votre objectif de société.
" En effet, plusieurs faits troublants apparaissent :
1. En regardant votre catalogue de jouets 1992, nous constatons que vous faites des prix extrêmement bas sur un certain nombre de produits audio qui, par rapport aux prix France, sont des prix très discountés.
2. Il est évident que l'origine de ces produits venant de l'étranger, alliée à votre volonté de discount, provoque des remous suffisamment importants pour qu'à un moment donné, l'objectif inverse soit atteint car un discounter ne peut réellement faire son métier qu'à partir du moment où le marché existe.
3. Or, votre approche risque de provoquer une disparition de ce marché et donc votre politique de discount n'aura plus de raison d'être.
4. Vous comprendrez aisément qu'il est difficile d'avoir des accords de coopération et des relations privilégiées dès lors que votre objectif est totalement inverse du nôtre ".
Dans sa déclaration du 18 octobre 1995 le directeur général de la société Disma (Le Furet Musique) a précisé : " Il ressort des relations que nous entretenons avec les éditeurs qu'il existe toujours un rapport de force dû à la pression qu'ils mettent sur nous pour s'assurer l'exclusivité de l'octroi de leurs produits (souvent disponibles moins cher sur les marchés parallèles). Ils subordonnent la qualité du service qu'ils nous offrent (PLV -précommandes - passages de représentants - informations diverses - livraisons sur sites ou par bon de commande séparé) à une fidélité totale et inconditionnelle de leur client. Exemple : nous avons dernièrement acheté le dernier CD de Mylène Farmer en Belgique, vu la différence de prix : 78 F en France après remise, 68 F français en Belgique. Nous nous attendons à des mesures de rétorsion de la part de Polygram France. Le représentant a, quant à lui, déjà annoncé qu'il est probable qu'il ne passe plus nous visiter ". La page 4 du contrat en date du 14 mars 1995 avec Polygram laisse bien apparaître cet état d'esprit puisqu'il subordonne la visite du représentant et les retours à cette totale et inconditionnelle fidélité.
" En ce qui concerne nos relations avec EMI, elles sont maintenant normalisées mais ont connu quelques heurts qui illustrent bien la haute surveillance dont nous faisons ponctuellement l'objet : ayant acheté en Belgique un article disponible un jour plus tôt dans ce pays par rapport à la France, Beastie Boys " Root Down ", la réaction de l'éditeur fut immédiate et l'on peut juger de la nature de la réaction dans le courrier du 2 juin 1995 ".
Ce courrier signé du directeur régional précise en effet : " Lors d'une visite dans votre magasin de Lille, le mardi 30 mai 1995, j'ai constaté que vous proposiez le nouvel album Beastie Boys (Root Down " (réf. 8336032). Cet album vous a été livré le 1er juin 1995 par EMI France. J'en déduis donc que votre engagement de partenariat exclusif vis-à-vis d'EMI France n'est pas respecté ".
En réponse à ce courrier, le directeur général de la société Disma a fait parvenir le 20 juin 1995 à EMI France le courrier suivant :
" Je prends à l'instant connaissance de votre dernier courrier, et je m'étonne de son contenu.
Je vous renvoie aux termes de l'accord de partenariat auquel vous vous référez. Le paragraphe concerné est le 1.1 qui stipule : " Disma s'engage à s'approvisionner exclusivement auprès d'Emi France pour l'intégralité des produits figurant à son catalogue, sauf application des dispositions du droit communautaire en vigueur ".
" Deux remarques :
1. Il me paraît normal qu'à partir du moment où EMI France n'est pas à même de nous fournir un produit le jour de sa sortie, nous prenions toutes dispositions pour obtenir ce produit sur un autre marché. On peut d'ailleurs considérer par extension qu'avant la date de sortie d'un produit chez EMI France, celui-ci ne figure pas à son catalogue, puisque non encore disponible.
2. Votre accord de partenariat évoque " l'application des dispositions du droit communautaire en vigueur ". Je me permets de vous signaler que cette clause autorise toute importation provenant d'un pays membre de la Communauté européenne ".
" Je ne vois donc pas en quoi l'accord de partenariat n'a pas été respecté par notre société ".
Dans un courrier du 9 novembre 1992 adressé à Carrefour, la société BMG écrit : " Du fait de votre refus exprès d'accepter les conditions que nous vous proposions de mettre en place pour 1992 dans notre lettre du 17 février 1992, nous vous rappelons, en tant que de besoin, que nos relations contractuelles pour l'exercice en cours ne sont régies par aucun accord de coopération commerciale.
" De plus, nous tenons à vous faire part de notre très vif étonnement à la suite de la mise en place dans vos magasins, malgré nos mises en garde, d'une opération de braderie sur certains de nos produits...
" Compte tenu de ce qui précède, il va de soi bien entendu qu'aucune ristourne de fin d'année ne vous sera due au titre de l'année 1992. Seules les conditions générales BMG, ci-après annexées, vous seront applicables ".
Un autre courrier est adressé le 26 novembre au même distributeur dans les termes suivants : " Il ressort d'explications qui nous ont été fournies par les différentes personnes de votre société que, dans le cadre d'une opération pour les fêtes de fin d'année, Carrefour aurait procédé à des importations massives de certains de nos produits achetés auprès de grossistes à l'étranger, et en particulier hors CEE.
" Il est bien évident que, compte tenu de cette situation, BMG France ne sera plus en mesure, comme elle a pu le faire dans le passé, de procéder à aucune reprise ni d'accepter aucun retour de produits invendus. Nous ne pouvons que renouveler notre désapprobation à l'égard de l'attitude adoptée par Carrefour dans la mise en œuvre de cette opération, dont la licéité est plus que douteuse ".
Dans sa réponse au courrier du 9 novembre, la société Carrefour fait valoir que " nous ne pouvons accepter votre position consistant à refuser le paiement des ristournes négociées sous prétexte que nous avons décidé de nous approvisionner de façon à commercialiser les produits BMG à un prix inférieur ".
Dans un courrier adressé le 3 février 1995 à la société Disma (le Furet Musique), la direction régionale de Sony Music à Nancy écrit : " En contrepartie de ces divers avantages, nous vous demandons de respecter les conditions suivantes :
- approvisionnement exclusif auprès de Sony Music France des produits disponibles à son catalogue (y compris les CD single),
- engagement de votre part de ne pas vendre les produits Sony Music France en dessous de leur prix d'achat,
- respect des délais de paiement ".
Au cours de son audition du 12 janvier 1998 le représentant de la société Virgin Stores a précisé :
" Certains accords de coopération commerciale, comme ceux de Polygram, de BMG, de Virgin France contiennent des clauses subordonnant les retours d'invendus à un approvisionnement exclusif. Les retours ne se justifient que sur les " nouveautés " pour lesquelles les éditeurs ont fait une publicité importante et qui ont été livrées par grandes quantités chez les distributeurs. La présence en grandes quantités de la " nouveauté " chez les disquaires permet à l'éditeur d'avoir la meilleure exposition pour son produit. Il est donc normal qu'en contrepartie il accepte le retour des invendus. En réalité cette clause n'est pas nécessaire car les éditeurs connaissent parfaitement le potentiel de leurs clients, les quantités commandées, les quantités livrées. Les passages fréquents des représentants leur permettent de contrôler en permanence les quantités vendues. En tout état de cause le retour d'invendus fait l'objet d'une négociation album par album et constitue en conséquence un moyen de pression permanent en faveur de l'éditeur, même si les accords de coopération commerciale ne comportent aucune indication sur les modalités de retour des invendus.
Il en est de même des dispositions relatives à la lutte contre les produits pirates et au respect de la législation relative aux droits de la propriété intellectuelle. Les disques piratés se reconnaissent le plus souvent. Sur 10 000 nouvelles références par an, deux ou trois d'entre elles nous échappent. Mais nous avons un système de contrôle qui permet d'éviter que ces produits arrivent jusqu'au bac. En réalité cette clause est également un moyen de pression.
Même lorsque les accords ne contiennent aucune clause introduisant directement ou indirectement une obligation d'approvisionnement exclusif, l'absence de substituabilité sur le territoire français entre les différents éditeurs, chacun d'entre eux disposant d'une exclusivité pour les produits de leur catalogue, assortie de la surveillance exercée par les représentants dans les magasins, contraint le distributeur à se fournir exclusivement auprès des éditeurs français ".
Au cours de son audition du 14 janvier 1998, le représentant de la Fnac a expliqué :
"La politique de la Fnac vis-à-vis des éditeurs consiste à ne pas accepter de politique d'approvisionnement exclusif. Soit elle peut obtenir facilement la suppression de clauses les plus évidemment restrictives en ce qui concerne les importations intracommunautaires, soit elle tente d'obtenir la modification de clauses qui directement ou indirectement limitent ou sanctionnent la liberté de la Fnac de s'approvisionner librement et licitement.
Les clauses qui subordonnent le retour des invendus à un approvisionnement exclusif ne sont pas dans la réalité appliquées. Leur remise en cause, compte tenu de l'appréhension des éditeurs sur l'authentification des produits, est plus difficile à obtenir. Certains accords sont à l'heure actuelle en suspens en raison de la présence de ces clauses. Les retours représentent entre 7 et 15 % des achats et portent essentiellement sur des CD deux titres et les produits marketés. De toute façon cette clause ne nous a pas empêchés d'importer dans la mesure de nos moyens logistiques ".
Au cours de son audition du 22 octobre 1997, le président du Syndicat des détaillants spécialisés du disque a déclaré : " Actuellement sur l'importation communautaire les détaillants sont liés par deux types d'accords avec les éditeurs français : en premier lieu, ceux qui exigent un approvisionnement exclusif auprès de l'éditeur français sur l'intégralité des produits figurant au catalogue et en second lieu, ceux qui n'interdisent pas un approvisionnement au sein de la CEE mais introduisent par ailleurs des clauses restrictives qui dissuadent les détaillants d'utiliser cette possibilité ".
Au cours de son audition du 28 janvier 1998 la représentante du Groupement des achats des centres E.Leclerc (Galec) a précisé : " La raison pour laquelle les magasins travaillent avec les fournisseurs français (éditeurs ou grossistes) tient à l'importance d'une relation commerciale suivie, c'est-à-dire information sur les produits par un passage régulier d'un représentant. Les achats faits directement à l'étranger par nos magasins ne peuvent être que ponctuels et discrets car ils pourraient être source de tension avec nos fournisseurs habituels qui considéreraient que les accords de partenariat ne sont pas respectés ".
Certains éditeurs (Polygram - Sony - BMG - EMI) ont engagé des poursuites judiciaires contre la société Debard et Fils SA pour la contraindre à cesser ses approvisionnements en provenance des Etats-Unis et du Canada.
Au cours de son audition du 1er octobre 1997, M. Debard, président de la société Debard et Fils SA, a déclaré : " A la suite de l'arrêt de la cour d'appel concernant Sony, une table ronde a été organisée avec les responsables des sociétés Sony, BMG, EMI et Warner pour négocier une reprise des relations commerciales. Polygram m'a reçu séparément. Aux termes de ces négociations, Polygram et Sony ont décidé de faire stopper la procédure d'expertise prévue par l'arrêt de la cour d'appel et le jugement du tribunal de grande instance, en contrepartie de mes engagements de cesser mes approvisionnements hors Communauté européenne et de faire une déclaration parue dans la Lettre du Disque. J'ai été assigné devant le tribunal de grande instance du Havre par BMG et EMI. Les procédures sont en cours d'extinction en contrepartie de mes engagements.
Depuis la reprise des relations commerciales et ma réintégration au groupe Starter, je m'approvisionne exclusivement auprès des éditeurs pour les produits distribués dans leur catalogue (je peux encore importer des produits qui ne sont pas ou plus distribués par les éditeurs mais qui sont édités par leurs sociétés mères, ou de petits labels non distribués en France) ".
Dans " la Lettre du Disque " dont fait état M. Debard dans sa déclaration, a été publié en février 1997 un article rédigé dans les termes suivants : " Bruno Debard s'adresse aux disquaires ".
Changement de cap chez les Debard. Alors que Max s'est retiré fin décembre de la présidence du syndicat SDSD, son fils Bruno " désormais seul à jouer les Robin des Bois du disque " (pour reprendre ses propres mots), adopte une politique plus conciliante. Après avoir perdu en appel le procès intenté par Sony Music à l'Audito, son Pdg renonce à l'importation parallèle. Lors d'une réunion avec les majors le 19 février dernier, a été décidée " une nouvelle politique de partenariat, pour reconstruire ensemble ", explique Bruno Debard, en nous adressant une " Lettre ouverte ", que nous reproduisons ci-dessous.
" Chers collègues et amis disquaires,
En respect de la décision de la Cour d'appel de Rouen, dans le procès nous opposant à Sony Music, je vous confirme avoir stoppé toutes importations extra-communautaires de produits distribués par les majors éditeurs français. Je vous demande expressément d'en faire autant, afin d'éviter d'être confrontés à de très graves ennuis.
Après une trop longue période de conflits m'opposant aux Bditeurs, l'heure est maintenant au dialogue et j'ai pu constater une réelle volonté d'ouverture et de partenariat, qui devrait, je l'espère, redynamiser notre secteur d'activité. Je vous conseille également un approvisionnement exclusif auprès des fournisseurs français afin de bénéficier d'avantages qualitatifs spécifiques à notre réseau de distribution.
Au cours de son audition du 22 octobre 1997 le président du Syndicat des détaillants spécialistes du disque a déclaré :
" Actuellement sur l'importation communautaire les détaillants sont liés par deux types d'accords avec les éditeurs français : en premier lieu, ceux qui exigent un approvisionnement exclusif auprès de l'éditeur français sur l'intégralité des produits figurant au catalogue et en second lieu, ceux qui n'interdisent pas un approvisionnement au sein de la CEE mais introduisent par ailleurs des clauses restrictives qui dissuadent les détaillants d'utiliser cette possibilité...
" Le retour d'invendus de produits français n'est pas un acquis contractuel, mais le résultat d'une négociation permanente au coup par coup. Cette clause maintient en permanence le détaillant en situation de dépendance vis-à-vis de l'éditeur. Elle peut notamment l'amener à renoncer à une importation intracommunautaire alors même qu'il est connu que l'éditeur n'a aucun moyen d'identifier la provenance du produit puisqu'il a été fabriqué dans une même usine, avec les mêmes Codes barres et les mêmes Codes prix ".
2. Dans le domaine de la vente au détail du disque
a) Les faits à l'origine de la saisine
La société Debard et Fils SA, propriétaire d'un magasin à l'enseigne l'Audito au Havre a ouvert le 6 septembre 1994 un magasin, sur une superficie de 1 300 m², à la même enseigne dans le centre commercial " l'Espace du palais " situé dans le centre de Rouen.
Dans la période précédant l'ouverture du magasin de Rouen, M. Debard a annoncé à plusieurs reprises dans la presse locale son intention de vendre les disques à bas prix grâce à ses approvisionnements à l'intérieur de la Communauté européenne et aux Etats-Unis. Il a défini sa politique de prix dans les termes suivants :
- " fond de catalogue major éditeur : prix tarif éditeur x 1,55 ;
- nouveautés françaises ou internationales : prix aligné sur les hypers de la région (Carrefour et Leclerc) et sur les prix verts de la Fnac de Rouen au 1er septembre 1994.
Des opérations-promotions sur des disques plus anciens, cuts, overstocks, promotions étrangères, séries-budgets achetés sur les marchés internationaux à des prix excessivement bas - objets du tract sur lesquels nous réalisons une très bonne marge : entre 35 et 50 % mais permettant au consommateur d'acquérir une cassette ou un compact à des prix rarement vus en France ".
En octobre, pour réagir aux baisses de prix pratiquées par la Fnac de Rouen, M. Debard a décidé de faire paraître une publicité dans le journal Libération du 29 octobre 1994 pour " interpeller les lecteurs afin qu'ils exigent l'alignement des Fnac parisiennes et provinciales sur les prix pratiqués à Rouen ".
Face aux nouvelles baisses de prix pratiquées par la Fnac de Rouen après la publicité, la société Debard et Fils SA a saisi le Conseil de la concurrence. Elle estime être victime d'un abus de position dominante de la Fnac destinée à l'évincer du marché.
b) Le marché concerné
Analysant la demande dans le domaine des phonogrammes, le conseil a précisé, dans son avis n° 97-A-18 relatif à l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 au secteur du disque : " Les études réalisées par des instituts de sondage ainsi que les opinions exprimées par les professionnels font apparaître que, pour le disque, les critères du prix et de la proximité du lieu d'achat sont déterminants dans la majorité des cas, d'autant qu'il s'agit principalement d'achats d'impulsion. Par suite, la demande s'oriente principalement pour les nouveautés mises en avant, vers les distributeurs les plus attractifs en matière de prix, c'est-à-dire les hypermarchés ou les grands spécialistes. Toutefois, soit lorsqu'il s'agit de nouveautés d'une notoriété moindre, soit lorsque l'acheteur a une idée précise du produit qu'il envisage d'acquérir, la demande s'oriente plutôt vers les points de vente qui offrent une gamme étendue de disques et une certaine permanence de l'assortiment ". Il en résulte que dans le secteur du disque, à l'intérieur d'une zone géographique qui est à déterminer au cas par cas, une certaine substituabilité est possible entre les différentes formes de distribution.
Les déclarations faites au service d'enquête par les deux distributeurs spécialistes du disque situés au centre ville de Rouen - le magasin Fnac et l'Audito - montrent qu'ils se considèrent comme étant situés dans la même zone de chalandise que les grands distributeurs non spécialisés.
Ainsi le directeur de la SNC Relais Fnac Rouen a défini sa zone de chalandise de la façon suivante :
" Nos concurrents dans le centre ville sont : l'Audito, les Nouvelles galeries, le Printemps, Madison à Saint-Sever, des magasins divers. En périphérie, nos concurrents sont : 2 Carrefour, 1 Continent, 1 Rond-Point, 3 Leclerc.
Cette approche de part de marché est basée sur l'ensemble de l'agglomération rouennaise : 400 000 habitants, la ville de Rouen représentant un peu plus de 100 000 habitants. Les hypermarchés nous concurrencent essentiellement sur les nouveautés et les produits d'actualité ".
Dans cette zone géographique, trois catégories de distributeurs sont présents :
- deux spécialistes, la Fnac et l'Audito, étant précisé que la Fnac présente la caractéristique, par rapport à l'Audito, d'être un multispécialiste de produits culturels ;
- des grands magasins ;
- des hypermarchés.
L'enquête a permis de constater à partir d'un échantillon d'une quarantaine de titres que pendant une période donnée les mêmes titres - qui correspondent en général aux " nouveautés " -étaient présents dans ces différents magasins. Ainsi la clientèle, en fonction de ses différents déplacements : travail en centre ville, achats dans les centres commerciaux, peut s'approvisionner, tout au moins dans une certaine gamme de disques, indifféremment auprès de ces différentes catégories de distributeurs.
A partir de ces éléments de fait, le contour géographique du marché à prendre en compte est celui de l'agglomération rouennaise, comprenant le centre ville et la périphérie.
c) Les parts de marché des différents opérateurs
Le marché du disque exprimé en valeur dans l'agglomération rouennaise a été évalué en 1994 à 138 770 000 F. Les chiffres d'affaires réalisés sur les disques ont été les suivants :
EMPLACEMENT TABLEAU
d) La comparaison des prix pratiqués par la Fnac et l'Audito
Selon les déclarations faites au service d'enquête par la responsable du magasin Fnac de Rouen : " Dans les jours et les semaines qui ont suivi l'ouverture de l'Audito à Rouen, nous avons pu constater une politique de prix extrêmement agressive relayée par une forte communication axée essentiellement sur le niveau des prix. Sur le fond de catalogue, l'Audito est moins cher que nous car il ne pratique pas les mêmes coefficients. Sur le fond de catalogue, il était de 3 % à 6 % moins cher que nous. Sur l'actualité et sur la nouveauté, il était moins cher ou au même prix que nous en fonction de l'origine de son approvisionnement.
Il procédait également sur une large sélection à de fortes opérations promotionnelles grâce à ses imports. En conséquence, nous avons d'ailleurs été amenés à retirer certains produits de la vente, dans l'impossibilité où nous étions de nous aligner.
" Progressivement, après l'ouverture de l'Audito et au vu de la chute de notre chiffre d'affaires, - 25 % sur deux mois consécutifs (septembre, octobre 1994) nous avons effectué une baisse sélective de prix sur les titres identifiables (il s'agit de titres liés à l'actualité auxquels les clients sont réceptifs). Il s'agissait soit d'alignement prix à prix, parfois supérieur, parfois inférieur.
Généralement, nous avons à disposition du client les produits d'actualité quelques jours avant lui, ce qui dans ce contexte là, nous a amené à nous positionner en prix, l'approvisionnement import présentant des risques quant aux délais de livraison. En septembre-octobre 1995, nous sommes toujours obligés de nous aligner fréquemment sur ses prix ".
Une comparaison entre les prix pratiqués par la Fnac et les prix pratiqués par l'Audito a été effectuée pendant les mois de septembre à novembre 1994, à partir d'un échantillon comportant une quarantaine de disques. Cet échantillon comprenait les titres ayant fait l'objet de la publicité parue dans le journal " Libération " et correspondant aux meilleures ventes du moment.
Cette comparaison a fait apparaître que sur 17 disques la Fnac a pratiqué des prix qui étaient inférieurs de 9 % à 27 % à ceux pratiqués par l'Audito.
e) Analyse des prix du disque sur le marché de l'agglomération rouennaise
Les services d'enquête ont procédé les 28, 29 et 30 juin 1995 à des relevés de prix pratiqués par l'ensemble des distributeurs de disques localisés dans l'agglomération rouennaise, à partir d'un échantillon de trente disques, correspondant aux meilleures ventes du moment. Ces relevés ont permis de constater que :
- sur quinze disques, les prix les plus bas sont pratiqués par la Fnac ;
- sur trois disques (V. Sanson, Indians Sacred Spririt, Bonnie Tyler), est observé un alignement entre la Fnac et Carrefour ;
- sur trois autres disques (Pink Floyd, Offspring, Deep Forest) les prix les plus bas sont pratiqués par des magasins de centre ville ;
- sur huit disques les prix les plus bas sont pratiqués par des hypermarchés ;
- les prix de l'Audito sont alignés sur les prix nouveautés de la Fnac et se situent, de façon générale, légèrement au-dessus.
f) Comparaisons effectuées entre plusieurs agglomérations
En même temps que les relevés effectués ci-dessus dans l'agglomération rouennaise, les services d'enquête ont procédé, dans les mêmes conditions, à des relevés dans trois autres agglomérations : Marseille, Bordeaux et Paris. Les relevés ainsi effectués ont permis de procéder à une analyse portant, d'une part, sur les prix pratiqués par les magasins Fnac situés à Rouen, Marseille, Bordeaux et Paris et, d'autre part, sur les prix pratiqués par les magasins Fnac et par les autres distributeurs.
La comparaison entre les prix pratiqués par les magasins Fnac situés à Rouen, Marseille, Bordeaux et Paris montre, sur les 25 disques présents dans les magasins au moment des relevés de prix que :
- un disque, Pink Floyd est vendu à Marseille à un prix inférieur à celui de Rouen,
- un autre disque : " Cool Groove " est vendu au même prix que celui de Rouen, à Marseille et à Bordeaux : 113 F, mais à 142 F à Paris,
- dans quatorze cas les prix de Marseille et de Bordeaux sont identiques et supérieurs à ceux de Rouen.
La comparaison entre les prix pratiqués par les magasins Fnac et par les autres distributeurs donne les résultats suivants :
- à Marseille : Virgin aligne ses prix à un niveau légèrement supérieur à ceux de la Fnac. Des prix nettement plus élevés sont pratiqués au Printemps et chez un disquaire spécialisé. Dans six cas, les prix les plus bas sont pratiqués par Casino et dans 17 autres cas, par Continent avec des différences de prix importantes par rapport aux prix Fnac et Virgin.
- à Bordeaux : sur la majorité des disques, Virgin s'aligne sur la Fnac à un niveau légèrement supérieur. Les deux magasins spécialisés pratiquent des prix sensiblement supérieurs à ceux de la Fnac et de Virgin. Dans huit cas, les prix les plus bas sont pratiqués par Carrefour et dans douze autres cas par Leclerc avec des différences de prix importantes par rapport aux prix Fnac et Virgin.
- En région parisienne, il est constaté un alignement entre la Fnac et Virgin : sur les trente disques concernés, la Fnac pratique des prix légèrement inférieurs à ceux de Virgin et inversement sur les quinze autres disques. Au BHV, treize prix sont alignés sur le plus élevé des prix Fnac ou Virgin, neuf prix sont situés entre le prix Fnac et le prix Virgin. Dans seize cas, les prix les plus bas sont pratiqués par Carrefour Auteuil et dans sept autres cas par Auchan Bagnolet, avec des différences de prix sensibles avec les prix Fnac et Virgin.
Dans les trois cas examinés il apparaît que l'initiative des prix les plus bas revient majoritairement aux hypermarchés, à la différence du cas de l'agglomération rouennaise.
Une comparaison supplémentaire a été effectuée entre les prix pratiqués par l'ensemble des hypermarchés. Il en résulte que les hypermarchés situés dans l'agglomération rouennaise pratiquent une politique de prix plus modérée par rapport aux prix de référence que constituent les prix Fnac, puisque seulement huit prix inférieurs à ceux de la Fnac ont été relevés.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Sur la délimitation des marchés pertinents,
Considérant qu'en matière de distribution, la jurisprudence tant nationale que communautaire considère que deux marchés sont concernés : ceux qui mettent en présence les entreprises du commerce de détail et les consommateurs pour les ventes de biens de consommation et ceux de l'approvisionnement en ces mêmes biens;
Considérant qu'au stade de l'approvisionnement, la structure de l'offre est caractérisée par la présence d'une centaine de producteurs phonographiques qui bénéficient, aux termes de contrats signés avec les artistes, d'une exclusivité d'exploitation des enregistrements desdits artistes sur un territoire contractuel déterminé, lequel correspond, en règle générale, au territoire national ; que, si certains producteurs sont spécialisés dans certains genres musicaux, les éditeurs réalisant la majorité du chiffre d'affaires de l'édition phonographique proposent à leurs clients des catalogues dans lesquels sont représentés tous les genres (classique, variétés nationales, variétés internationales), chacun de ces genres pouvant être lui-même subdivisé en plusieurs spécialités ; que les distributeurs ont pour objectif de proposer à la vente un assortiment étendu de produits, recouvrant les différents genres ainsi que les différentes catégories d'œuvres et d'interprètes, en vue de répondre à l'attente des consommateurs ; que la rencontre entre cette offre et cette demande caractérise un marché global de l'approvisionnement du disque, sans qu'il y ait lieu de procéder à des distinctions entre les différents genres, ni entre les différentes catégories d'œuvres ou d'interprètes ; qu'en raison, d'une part, du champ géographique national de l'exclusivité dont bénéficient les producteurs de phonogrammes et, d'autre part, du mode d'approvisionnement des distributeurs, qui s'adressent en majorité directement aux éditeurs, le contour géographique de ce marché doit être considéré comme correspondant au territoire national ; qu'il résulte de ces éléments que le marché pertinent est celui de l'approvisionnement français du disque ;
Sur la position des sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France SA et East West France, sur le marché ainsi défini,
Considérant que les sept éditeurs susvisés réalisent plus de 80 % du chiffre d'affaires de l'édition phonographique en production pure et production sous licence, la part de marché atteignant 96 % avec la prise en compte des ventes réalisées au titre des accords de distribution passés avec des producteurs indépendants ; que les filiales des groupes d'édition multinationaux ont pour caractéristique commune, par rapport aux producteurs indépendants, de proposer des catalogues comportant des milliers de références, parmi lesquelles figurent des œuvres ou des interprètes de grande notoriété ; que, de ce fait, l'accès aux catalogues de chacun d'eux est indispensable pour les distributeurs ; que les sociétés Polygram SA, EMI France, Groupe Virgin Disques et East West France ont constitué une filiale commune, la société Cogedep qui opère, en tant que grossiste, sur le marché de l'approvisionnement ; que les sociétés EMI France et Groupe Virgin Disques appartiennent au groupe EMI Groupe France ; que les sociétés Warner Music France et East West France appartiennent au groupe WEA International Inc ;
Considérant que les politiques de commercialisation des sept éditeurs présentent, par rapport aux producteurs indépendants, des caractéristiques communes qui portent sur les modalités de fixation des prix, sur les modalités de lancement des phonogrammes, sur la publicité, sur la promotion, en particulier autour des " nouveautés ", sur l'information des distributeurs, sur les modalités de livraison et sur le suivi des ventes ;
Considérant que plusieurs entreprises simultanément présentes sur un même marché peuvent être considérées comme détenant conjointement une position dominante s'il existe entre elles une interdépendance qui les conduit à adopter une stratégie explicitement ou implicitement coordonnée;
Considérant que les éditeurs soutiennent que l'exclusivité dont ils bénéficient en vertu du Code de la propriété intellectuelle ne saurait constituer un élément structurel d'une position dominante collective ; que l'existence de la société Cogedep, dont l'activité est en déclin, ne suffit pas pour démontrer une coordination des politiques commerciales des éditeurs qui en sont les associés ; que les sociétés Sony et BMG France observent qu'elles ne possèdent aucun lien capitalistique direct ou indirect avec l'un ou plusieurs des six autres éditeurs ; que les sept éditeurs font valoir qu'ils sont en permanence en concurrence dans la recherche des artistes et que l'examen de leurs politiques commerciales et tarifaires respectives, loin de traduire une similitude de comportements, révèle au contraire de nombreuses différences témoignant de l'existence d'une concurrence importante entre les maisons de disques pour obtenir les meilleures places du classement des ventes ;
Considérant qu'en l'espèce il n'existe pas de liens structurels entre les sept sociétés en cause ; que la circonstance que chacune bénéficie d'une exclusivité sur les enregistrements qu'elle produit n'indique pas une coordination stratégique entre elles dès lors que chacune d'elles a intérêt, quelle que soit la politique poursuivie par les autres entreprises, à rechercher de telles exclusivités; que, par ailleurs, les similarités entre leurs politiques commerciales sont insuffisantes pour établir l'existence d'une coordination entre leurs politiques commerciales dès lors que l'examen de leurs comportements révèlent par ailleurs de nombreuses différences;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France SA et East West France ne peuvent être regardées comme détenant collectivement une position dominante sur le marché français de l'approvisionnement du disque;
Sur les pratiques constatées,
Considérant que, pendant la période des faits examinés, les contrats de coopération commerciale signés par les sociétés Polygram SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France et East West France contenaient une clause subordonnant l'octroi et le maintien des avantages résultant de la coopération commerciale au respect du droit de la propriété intellectuelle ; que les contrats signés par les sociétés Polygram SA, BMG France et Groupe Virgin Disques contenaient une clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif ; que les contrats signés par la société Sony Music en 1995 avec la Fnac, Bourg Music et les membres du groupe Starter contenaient une clause d'approvisionnement exclusif ; que le contrat proposé par la société EMI France prévoyait l'engagement du distributeur de s'approvisionner exclusivement auprès d'EMI France, " sauf application des dispositions du droit communautaire " ;
En ce qui concerne la clause subordonnant l'octroi et le maintien des avantages résultant de la coopération commerciale au respect du droit de la propriété intellectuelle,
Considérant que la clause d'un contrat subordonnant l'octroi et le maintien d'avantages liés à la coopération commerciale convenue entre les parties au respect de la propriété intellectuelle dont se prévaut l'une d'elles constitue l'expression d'un droit et ne présente pas, en soi, un caractère anticoncurrentiel ; qu'il en va, cependant, autrement lorsque, en raison des conditions dont l'exercice de la faculté de résiliation de l'accord se trouve assorti, la clause tend, en réalité, par un détournement de sa fonction légitime, à assurer la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles, sous la menace d'une éventuelle rupture du contrat ;
Considérant qu'en l'espèce, et contrairement à ce que soutient la société Polygram SA, l'accord de coopération conclu par elle ne se borne pas à énumérer les actes de concurrence déloyale susceptibles d'entraîner la résiliation mais énonce immédiatement après : " D'autre part, ces conditions particulières de fonctionnement avec Polygram peuvent être mises en cause dès lors que votre magasin s'approvisionne sur des produits Polygram par un autre canal que Polygram, car cet accord prévoit des relations particulières et privilégiées qui seraient donc en contradiction avec votre action " ; que l'association ainsi faite entre le rappel licite du respect de la propriété intellectuelle et l'interdiction illicite de s'approvisionner en produits Polygram par un autre canal que Polygram était de nature, par la confusion susceptible d'en résulter, à créer une situation propice à l'exercice de pressions favorisant la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles ;
Considérant en revanche, que le contenu des clauses introduites dans les accords de coopération commerciale des sociétés BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques, Warner Music France et East West France, reproduit au IB1a) de la présente décision, ne présente pas de caractère anticoncurrentiel et qu'il y a donc lieu d'écarter le grief qui leur a été notifié de ce chef ;
En ce qui concerne la clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif,
Considérant que les sociétés Polygram SA, BMG France et Groupe Virgin Disques soutiennent que la clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif a pour objet de répondre à la difficulté pratique de vérifier que les retours portent sur les produits qu'ils ont effectivement vendus ; qu'elles soulignent les enjeux juridiques importants des retours d'invendus ; que cette clause a, en effet, pour objet selon elles d'éviter les fraudes aux rémunérations des ayants droit (artistes, producteurs, compositeurs et éditeurs de musique) ; que le droit aux retours constitue un avantage économique sensible pour les distributeurs, tout à fait inusuel en matière d'achat/revente, puisque c'est le distributeur et non le fournisseur qui supporte en principe le risque d'invendu ; que la société Polygram SA rappelle qu'elle avait proposé en 1991 un système alternatif reposant sur l'existence de deux stocks différents, selon que les produits étaient ou non achetés à Polygram France, mais que les distributeurs refusèrent d'appliquer ; que la société Groupe Virgin Disques expose que cette clause ne peut avoir eu pour objet ni pour effet de dissuader les distributeurs de s'approvisionner à l'étranger ; qu'en effet, les retours d'invendus concernent essentiellement des références dont la promotion commerciale échoue, alors que l'importation de phonogrammes n'est une activité rentable que pour les références les plus demandées par le public ; qu'ainsi les disques qui font l'objet de retours d'invendus ne sont pas les mêmes que ceux qui sont susceptibles de faire l'objet d'importations ;
Mais considérant que la préoccupation légitime de la part des éditeurs de s'assurer que les retours d'invendus portent sur les disques qu'ils ont effectivement vendus ne peut justifier une obligation d'approvisionnement exclusif portant sur l'ensemble du catalogue ; qu'en effet, en raison du champ géographique national de l'exclusivité territoriale des éditeurs, cette disposition est de nature à dissuader et à empêcher les distributeurs de s'approvisionner au sein de l'Union européenne et a pu avoir pour effet de maintenir les prix à un niveau artificiellement élevé en France ; que les clauses figurant aux contrats des sociétés Polygram SA, BMG France et Groupe Virgin Disques sont, par suite, contraires aux dispositions des articles 85 § 1 du Traité de Rome et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne les clauses d'approvisionnement exclusif,
Considérant que la société Sony Music soutient que la clause d'approvisionnement exclusif, citée au IB1c) de la présente décision, a figuré uniquement dans quatre de ses propositions commerciales en 1995 et ne concernait que des distributeurs qui, à l'époque, se livraient à des importations illicites ; que la question des importations illicites était d'une actualité particulière en 1994 ; qu'en effet, le président du Syndicat des détaillants spécialistes du disque en exercice à l'époque des faits avait invité les membres du syndicat à procéder à des importations illicites jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, arrêt qui a été rendu le 30 janvier 1997 ; que, parmi ces derniers, figurait la société Disma (Le Furet Musique) qui avait adopté une stratégie consistant à commercialiser des produits importés, parmi lesquels figurent en grande partie des produits achetés hors de l'Union européenne et des produits pirates ;
Considérant que la société EMI France souligne que la clause litigieuse a été rédigée de façon à permettre expressément aux distributeurs de bénéficier des dispositions du droit communautaire ; que le courrier adressé le 2 juin 1995 à Disma, cité au IB1d) de la présente décision, ne démontre pas qu'EMI France exigeait l'exclusivité d'approvisionnement, même pour les produits d'origine intracommunautaire ; qu'en effet, dès que Disma a démontré qu'elle s'était licitement approvisionnée en Belgique, EMI France n'a donné aucune suite au courrier en cause ; que par la suite un accord de partenariat a été signé, alors que ce distributeur, filiale d'une société belge, est bien implanté pour procéder à des importations, qui représentent, selon ses propres affirmations, 65 % de ses approvisionnements ;
Mais considérant que la préoccupation légitime de lutter contre les contrefaçons ne peut justifier une clause d'approvisionnement exclusif, laquelle, en raison du champ géographique national de l'exclusivité territoriale dont bénéficient les sociétés Sony Music Entertainment (France) SA et EMI France, est de nature à dissuader et à empêcher les distributeurs de s'approvisionner au sein de l'Union européenne ; que, contrairement à ce que soutient la société EMI France, les termes de la lettre adressée à la société Disma le 2 juin 1995, citée au IB1d) de la présente décision, démontrent qu'elle exigeait un approvisionnement exclusif de la part des clients ayant signé un accord de partenariat ;
Considérant que les échanges de courriers recueillis au cours de l'instruction, et qui sont reproduits au IB1d) de la présente décision, font apparaître que les sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA et BMG France ont fait pression sur leurs clients pour les dissuader de pratiquer des prix attractifs sur les produits figurant à leurs catalogues ; que ces mêmes correspondances démontrent également que les sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France et EMI France ont fait pression sur leurs clients pour les dissuader de s'approvisionner dans un Etat membre de l'Union européenne ; que la déclaration de M. Debard dans la Lettre du disque, reproduite au IB1d), est significative de la pression exercée sur les disquaires pour les dissuader de s'approvisionner au sein de l'Union européenne ; qu'en effet, à la suite des rencontres qui ont eu lieu entre M. Debard et les éditeurs après l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen le 30 janvier 1997, M. Debard s'est non seulement engagé à cesser ses importations d'origine extra communautaire mais a aussi recommandé aux membres du groupe Starter de s'approvisionner exclusivement auprès des fournisseurs français ; que les déclarations des distributeurs citées au IB1d) montrent que les clauses incriminées ont restreint leur liberté d'approvisionnement auprès de fournisseurs installés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ; qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Sony Music Entertainment (France) SA et EMI France ont introduit et appliqué des clauses d'approvisionnement exclusif qui sont de nature à dissuader ou à empêcher les distributeurs de s'approvisionner auprès des fournisseurs situés dans d'autres pays de l'Union européenne ; que les sociétés Polygram SA et BMG France ont exercé des pressions sur les détaillants ayant le même objet ; que ces pratiques ont eu pour effet d'entraver le commerce intracommunautaire et de cloisonner le marché commun et ont pu avoir pour effet de maintenir les prix à un niveau artificiellement élevé en France ; que ces pratiques sont, par suite, contraires à l'article 85 du Traité de Rome et à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur le marché de la vente au détail du disque dans l'agglomération rouennaise,
Considérant que la société Debard et Fils SA soutient qu'après son installation à Rouen en septembre 1994, la Fnac de Rouen a pratiqué des prix prédateurs destinés à l'évincer du marché ;
Considérant qu'à l'époque des faits, les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, introduites par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 n'étaient pas entrées en vigueur ; qu'en conséquence les pratiques dénoncées consistant en une stratégie d'éviction du marché par une politique ciblée de baisse de prix ne peuvent faire l'objet d'un examen sur la base de ces dispositions ;
En ce qui concerne la position du magasin Fnac de Rouen,
Considérant que sur le marché décrit au IB2b) de la présente décision, le magasin Fnac de Rouen détenait, au moment des faits, une part de marché évaluée à 32 % ; que les parts de marché des second et troisième opérateurs étaient évaluées à 19 % pour l'Audito et à 17 % pour les magasins Carrefour ; que, dans le magasin Fnac de Rouen, la superficie réservée à la vente des disques est de 350 m² ; que la superficie du magasin l'Audito installé dans le centre commercial " L'espace du palais " était de 1 300 m² ;
Considérant que le commissaire du Gouvernement soutient que les différents paramètres caractérisant la part de marché de la Fnac, son appartenance à un groupe disposant d'une forte puissance d'achat, sa notoriété reconnue dans le domaine du disque, l'ancienneté de son installation à Rouen, la position relative des autres intervenants sur le marché, l'assortiment beaucoup plus large que celui de ses concurrents, la nature et le nombre des services offerts, sont des éléments constitutifs de la position dominante de la Fnac à Rouen ; que les éléments recueillis au cours de l'instruction relatifs à sa politique de prix montrent que la Fnac a adopté une stratégie clairement orientée sur l'Audito ;
Mais considérant que, si la part de marché constitue un indice parmi d'autres à prendre en compte pour apprécier l'existence d'une position dominante et si des éléments tels que la notoriété, l'appartenance à un groupe puissant peuvent être retenus pour établir une telle position, il est constant qu'en l'espèce l'Audito disposait d'une surface de vente près de quatre fois supérieure à celle de la Fnac ; qu'il avait acquis en quatre mois une part de marché de 19 % ; qu'outre l'Audito, étaient présents sur le marché concerné des magasins appartenant à la grande distribution - Carrefour, Continent, Leclerc, " Rond-Point " - avec des parts de marché respectives de 17 %, 10 %, 8 % et 7 % ; qu'au total la structure de l'offre était caractérisée par l'existence de neuf distributeurs, les parts de marché des cinq premiers d'entre eux étant relativement proches les unes des autres ; que ces éléments ne permettent pas d'établir que le magasin Fnac de Rouen détenait, à l'époque des faits, une position dominante sur le marché de la vente au détail du disque de l'agglomération rouennaise ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner les pratiques relevées au regard de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les sanctions,
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;
En ce qui concerne les sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, BMG France, EMI France, Groupe Virgin Disques,
Considérant que pour apprécier la gravité des pratiques constatées il y a lieu de tenir compte du fait que les sociétés en cause appartiennent à des groupes multinationaux et qu'elles ne pouvaient ignorer que les pratiques mises en œuvre étaient de nature à faire obstacle aux échanges intracommunautaires ; que, pour apprécier le dommage à l'économie, il y a lieu de relever la structure concentrée de l'offre sur le marché français de l'approvisionnement du disque caractérisée par la présence de sept éditeurs faisant partie de cinq groupes qui assurent plus de 90 % du chiffre d'affaires de la profession ; que, dans le cadre d'une telle structure cumulée avec les systèmes d'exclusivité, les pratiques mises en œuvre ont rendu d'autant plus difficile le maintien ou l'émergence de sources d'approvisionnement alternatives au niveau français ou européen ;
En ce qui concerne la société Polygram SA,
Considérant que la société Polygram SA, qui a réalisé 32 % des ventes de phonogrammes en France, est le premier opérateur sur le marché de l'approvisionnement du disque ; qu'elle a exercé le droit qu'elle détient en vertu de l'article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle à des fins anticoncurrentielles ; qu'elle a subordonné l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif pour tous les produits figurant à son catalogue ;
Considérant que la société Polygram SA a réalisé en France en 1997, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires de 2 746 720 257 F ; que, compte tenu des éléments d'appréciation examinés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 000 000 F ;
En ce qui concerne la société Sony Music Entertainment (France) SA,
Considérant que la société Sony Music Entertainment (France) SA a exigé en 1995 un approvisionnement exclusif de la part de la Fnac, de Bourg Music, de la société Disma et des membres du réseau Starter ; que la société Sony Music Entertainment (France) SA a réalisé en France en 1997, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires de 1 841 859 077 F ; que, compte tenu des éléments d'appréciation examinés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 000 000 F ;
En ce qui concerne la société EMI France,
Considérant que la société EMI France a introduit dans ses accords de partenariat une clause d'approvisionnement exclusif ; que la mention selon laquelle cette clause s'appliquait " sous réserve des dispositions du Traité de Rome " n'a pas empêché l'éditeur d'exiger un approvisionnement exclusif de la part de certains distributeurs ayant signé l'accord de partenariat ; que la société EMI France a réalisé au cours du dernier exercice clos le 31 mars 1998 un chiffre d'affaires de 799 445 948 F ; que, compte tenu des éléments d'appréciation examinés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 500 000 F ;
En ce qui concerne la société Groupe Virgin Disques,
Considérant que la société Groupe Virgin Disques a subordonné, dans ses accords de coopération commerciale, l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif pour tous les produits figurant à son catalogue ; que la société Groupe Virgin Disques a réalisé au cours du dernier exercice clos le 31 mars 1998 un chiffre d'affaires de 613 366 374 F ; que, compte tenu des éléments d'appréciation examinés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 F ;
En ce qui concerne la société BMG France,
Considérant que la société BMG France a subordonné dans ses accords de coopération commerciale l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif pour tous les produits figurant au catalogue ; que la société BMG France a réalisé, au cours du dernier exercice clos le 31 mars 1998, un chiffre d'affaires de 477 986 441 F ; que, compte tenu des éléments d'appréciation examinés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 F ;
Considérant qu'il y a lieu, en outre, afin de prévenir la poursuite de telles pratiques d'enjoindre,
- à la société Polygram SA de supprimer de ses accords de coopération commerciale le passage rédigé dans les termes suivants : " D'autre part, ces conditions particulières de fonctionnement avec Polygram peuvent être mises en cause dès lors que vos magasins s'approvisionnent sur des produits Polygram par un autre canal que Polygram, car cet accord prévoit des relations particulières et privilégiées qui seraient donc en contradiction avec votre action. Polygram serait amené à refuser tout retour. De même, Polygram pourrait éventuellement être amené à arrêter de visiter vos magasins. Polygram peut à tout moment revenir sur ces conditions qui vous sont accordées, dès lors que l'offre commerciale ne sera pas correctement respectée et que les avantages consentis ne correspondront pas à notre attente " ;
- aux sociétés Sony Music Entertainment (France) SA et EMI Music France de supprimer la clause d'approvisionnement exclusif figurant dans leurs accords de coopération commerciale ;
- aux sociétés Groupe Virgin Disques et BMG France de supprimer la clause de leurs accords de coopération commerciale subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif à l'ensemble du catalogue,
Décide :
Article 1er : Il est établi que les sociétés Polygram SA, Sony Music Entertainment (France) SA, EMI France, Groupe Virgin Disques et BMG France ont enfreint les dispositions des articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du Traité de Rome du 25 mars 1957.
Article 2 : Il est enjoint à la société Polygram SA, de supprimer de ses accords de coopération commerciale le passage rédigé dans les termes suivants : " D'autre part, ces conditions particulières de fonctionnement avec Polygram peuvent être mises en cause dès lors que vos magasins s'approvisionnent sur des produits Polygram par un autre canal que Polygram, car cet accord prévoit des relations particulières et privilégiées qui seraient donc en contradiction avec votre action. Polygram serait amené à refuser tout retour. De même, Polygram pourrait éventuellement être amené à arrêter de visiter vos magasins. Polygram peut à tout moment revenir sur ces conditions qui vous sont accordées, dès lors que l'offre commerciale ne sera pas correctement respectée et que les avantages consentis ne correspondront pas à notre attente ".
Article 3 : Il est enjoint aux sociétés Sony Music Entertainment (France) et EMI France, de supprimer dans leurs accords de coopération commerciale la clause d'approvisionnement exclusif.
Article 4 : Il est enjoint aux sociétés Groupe Virgin Disques et BMG France de supprimer la clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif à l'ensemble du catalogue.
Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
- 2 000 000 F à la société Polygram SA
- 1 000 000 F à la société Sony Music Entertainment (France) SA
- 500 000 F à la société EMI
- 300 000F à la société Groupe Virgin Disques
- 300 000 F à la société BMG France