CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 14 janvier 1993, n° ECOC9310016X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pechiney Électrométallurgie (SA), Industrie des poudres sphériques (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
MM. Guérin, Perie, Mmes Nerondat, Kamara
Avoué :
SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Mes Maitre-Devallon, Momège.
Saisi le 21 décembre 1988 par la société Extramet Industrie (Extramet), dont la dénomination sociale est désormais Industries des poudres sphériques (IPS), de pratiques relatives à la situation de la concurrence sur le marché du calcium-métal, le Conseil de la concurrence (le conseil) a :
- constaté que, sur le marché du calcium-métal standard, principalement utilisé pour le débismuthage du plomb, la fabrication d'alliages plomb-calcium et dans la sidérurgie, la société Electrométallurgique du Planet (SEMP), absorbée le 31 décembre 1985 par la société Pechiney Electrométallurgie (PEM), détenait en 1983 et 1984 une position dominante dont elle a abusé à l'égard de la société Extramet avec qui elle entrait en concurrence sur le marché aval du calcium-métal finement divisé, notamment destiné à l'affinage des aciers spéciaux, en limitant l'accès de cette société à ses sources d'approvisionnement en matière première et en gênant son développement ;
- estimé que de telles pratiques, qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, sans pouvoir bénéficier de celles de l'article 51, sont également visées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et aussi contraires à l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne ;
- infligé à la société Pechiney Electrométallurgie une sanction pécuniaire de 1 800 000 F.
Contre cette décision, la société Extramet et la société PEM ont respectivement formé des recours.
Reprenant l'argumentation développée devant le conseil, la société Extramet soutient :
- que la position dominante de la société PEM, sur le marché du calcium-métal standard admise par celle-ci jusqu'en 1983, constatée par le conseil pour l'année 1984, s'est au-delà poursuivie et renforcée par l'effet des droits anti-dumping imposés à tort sur les importations en provenance de la République populaire de Chine et d'Union soviétique par le règlement (CEE) n° 2808-89 du conseil, jusqu'à ce que ledit règlement soit annulé par la Cour de justice des Communautés européennes le 11 juin 1992 ;
- que non seulement la société SEMP a commis à son égard les abus sanctionnés par le conseil durant la période entre 1982 et 1984 mais que la société PEM les a poursuivis notamment en déposant et en soutenant, à des fins détournées, dans l'intention d'alourdir ses coûts d'approvisionnement, une plainte pour dumping visant les importations de calcium-métal standard auxquelles elle s'est trouvée contrainte de procéder en raison de l'exclusion du marché européen dont elle était victime.
La société Extramet prie en conséquence la cour de rejeter le recours de la société PEM, mais de réformer la décision du conseil en ce qu'elle n'a pas retenu les pratiques postérieures à l'année 1984 dont elle l'avait saisi, d'infliger à la société PEM une sanction propre à la décourager de tout comportement similaire et d'ordonner la publication de l'arrêt de la cour.
Contestant tout à la fois la décision du conseil et les allégations de la société Extramet, la société PEM fait valoir :
- que la lettre de saisine du conseil ayant été enregistrée le 21 décembre 1988, les faits antérieurs au 21 décembre 1985 se trouvent prescrits par application des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors qu'ont été sanctionnées des pratiques imputées à la société SEMP relatives à la période comprise entre les années 1982 et 1984 ;
- qu'en raison de la pénétration massive des importations de calcium-métal standard originaires de Chine et de Russie, la société SEMP ne dominait plus ce marché en 1984 et a fortiori en 1985 ;
- que les faits examinés par le conseil ne constituent pas des pratiques anticoncurrentielles et qu'il ne peut être soutenu que le comportement commercial de la société SEMP, entre les années 1982 et 1984, aurait contraint la société Extramet à recourir à des sources d'approvisionnement plus chères ni qu'il a eu pour conséquence de limiter l'accès de cette société au marché de la matière première, de gêner son développement et a fortiori d'entraver le progrès technique ;
- que contrairement à ce que prétend la société Extramet, qui dès 1985 a mis fin à toutes relations avec elle, il n'a été établi aucun fait postérieur à l'année 1984 susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle ;
- qu'en particulier, la situation de l'industrie de production du calcium-métal standard, qui a déterminé le règlement susvisé instituant un droit anti-dumping sur certaines importations, est sans lien avec les relations ayant existé entre les sociétés SEMP et Extramet et que, s'agissant de l'exercice normal d'un droit, la plainte déposée à la Commission des communautés européennes ne saurait caractériser un abus ;
- que la sanction prononcée est illégale et en outre manifestement excessive au regard des dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945.
Elle conclut en conséquence à l'annulation de la décision soumise à recours et subsidiairement à sa réformation par réduction du montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée.
Le conseil n'a pas usé de la faculté, prévue par l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, de présenter des observations écrites devant la cour.
Le ministre de l'économie et des finances estime que le conseil a régulièrement qualifié les pratiques mises en œuvre par la société SEMP entre les années 1982 et 1984 au regard des dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 mais qu'en fonction du chiffre d'affaires réalisé en France par la société SEMP le montant de la sanction pécuniaire doit être réduit.
Aux termes de leurs mémoires en réplique, les deux sociétés requérantes ont maintenu et complété les moyens ci-dessus exposés.
A l'audience, le ministère public a conclu au rejet des recours quant à la constatation des pratiques sanctionnées mais à la réduction du montant de la sanction pécuniaire infligée à la société PEM.
Sur quoi, LA COUR :
1° Sur la prescription :
Considérant que, selon l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction;
Que doit être assimilée à un tel acte une plainte dénonçant aux juridictions répressives des pratiques de nature à constituer des infractions pénales avant la mise en application des dispositions de l'ordonnance précitée et dont a ensuite été saisi le conseil;
Que tel est le cas de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 1er octobre 1985 par la société Extramet devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Nanterre, visant sous la qualification d'infraction au décret du 24 juin 1958 (refus de vente) les faits qui, ensuite du non-lieu rendu le 13 novembre 1987 en raison de l'abrogation de la loi pénale, ont été repris dans le mémoire par lequel la même société a saisi le conseil le 21 décembre 1988;
Qu'il ne saurait être soutenu que ladite plainte ne visait que des pratiques individuelles restrictives de concurrence, dès lors qu'elle se réfère expressément à la situation de monopole de la société SEMP sur le marché considéré, qu'elle a été complétée d'un mémoire consécutif au résultat de la perquisition effectuée le 17 décembre 1985 dans les locaux de l'entreprise concernée, indiquant que les faits dénoncés étaient constitutifs d'abus de position dominante et qu'en outre, par une autre note du 26 juin 1986, elle a demandé au juge d'instruction d'en saisir pour avis la Commission de la concurrence ;
Considérant, en conséquence, que c'est par une exacte application du texte susvisé que le conseil a examiné les pratiques dont il a été saisi par la société Extramet à partir du 9 octobre 1982 ;
2° Sur la preuve et la qualification des pratiques examinées :
Considérant que la société PEM soutient que, ses parts s'étant considérablement réduites en 1984 (37,5 p. 100) et en 1985 (22 p. 100), elle n'occupait plus à cette époque une position dominante sur le marché du calcium-métal ;
Que la société Extramet prétend au contraire que le recul de la société PEM observé en 1985 et 1986 est la conséquence des importations auxquelles elle-même a dû procéder faute de pouvoir s'approvisionner auprès de cette dernière, seul producteur européen, et que cette circonstance liée à la stratégie adoptée par son ancien fournisseur n'a pas modifié la position dominante de celui-ci durant toute la période de référence, puisqu'en 1987, sa part de marché était remontée à 41 p. 100, sa position s'étant même renforcée à partir de 1989, grâce à l'imposition de droits antidumping sur les importations ;
Considérant que la part de la société SEMP puis la société PEM sur le marché national est passée de 79 à 72,7 p. 100 de 1982 à 1983, à 37,5 p. 100 en 1984, 22 p. 100 en 1985, 20 p. 100 en 1986 puis est remontée à 41 p. 100 en 1987, la même évolution étant observée sur celui de la Communauté européenne où de 1982 à 1987 ces sociétés ont successivement détenu 77,9 p. 100, 63 p. 100, 43,8 p. 100, 24,7 p. 100, 26 p. 100 et 35,6 p. 100 des parts ;
Mais considérant que le conseil a observé qu'en dépit de ce recul dû à l'augmentation des importations la société SEMP, filiale de la société Bozel Métallurgie appartenant à un groupe puissant, diversifié et présent sur plusieurs marchés connexes à celui du calcium, a été peu affectée par cette situation jusqu'en 1985, l'essentiel de sa clientèle lui étant demeuré fidèle, ses exportations ayant augmenté de 64 p. 100 et son chiffre d'affaires doublé entre 1982 et 1985 ;
Qu'il en a justement déduit qu'étant largement indifférente à la stratégie de ses concurrents cette entreprise a occupé de 1982 à 1984 une position dominante sur les marchés français et européens du calcium-métal standard, mais qu'à partir de 1986 elle s'est vue confrontée à une vive concurrence par suite d'une chute brutale, de 20 à 35 p. 100, des prix du calcium russe et chinois ;
Considérant que la société PEM, qui discute dans le détail l'appréciation des pratiques abusives faite par le conseil, soutient que les règles de libre concurrence n'imposent nullement qu'un producteur, même en position dominante, doive modifier son offre jusqu'à ce qu'elle corresponde à la demande d'un client lorsque celle-ci est spécifique, inhabituelle et en tout cas non compatible avec le produit mis sur le marché et que, en outre, une entreprise en position dominante ne doit pas entraver le développement d'un concurrent, rien ne l'oblige à le favoriser ;
Mais considérant que les moyens soulevés par la société PEM, qui a choisi de réitérer intégralement au soutien de son recours l'ensemble des points de contestation développés devant le conseil, sont inopérants au regard des preuves déterminantes que constituent les documents appréhendés au cours de l'instruction ;
Qu'il résulte en effet desdites pièces que la société Extramet, ayant découvert et décidé d'exploiter à partir de 1982 un procédé nouveau de granulation du calcium-métal présentant des caractéristiques techniques novatrices pour l'affinage des métaux et la fabrication des fils fourrés, a, par lettre du 8 mars 1982, demandé à la société SEMP les conditions de vente du calcium-métal standard nécessaire à sa production et si celle-ci était en mesure de lui en livrer 3 à 5 tonnes au titre de l'année en cours, 150 tonnes en 1983 et 60 tonnes en 1984 (annexe 68) ;
Qu'ayant perçu au cours des réunions consacrées à l'examen de cette demande et des essais techniques l'intérêt du procédé de granulation exploité par son partenaire, apprécié ses caractéristiques techniques et mesuré l'impact concurrentiel qu'il pouvait avoir sur leurs propres productions, la société Bozel Industrie et sa filiale la société SEMP ont d'abord tenté d'imposer à cette entreprise une politique industrielle et commerciale commune, mais, constatant le refus de celle-ci, ont décidé de promouvoir "un produit aux propriétés identiques mais moins cher" pour "éliminer Extramet" tout en ayant à son égard "une action commerciale permettant de la prendre de vitesse " (annexes 71, 74 et 87) ;
Considérant que dans le cadre de la stratégie ainsi définie, la société SEMP a d'abord imposé des délais anormalement longs pour fournir aux demandes de son partenaire des réponses dilatoires ou incomplètes ; qu'ainsi, bien que la société SEMP ait été parfaitement informée, soit par des correspondances, soit par des réunions préparatoires, des quantités souhaitées et des caractéristiques du calcium nécessaire quant à sa granulométrie et sa pureté, la lettre initiale de demande d'approvisionnement de la société Extramet du 8 mars 1982 n'a reçu de réponse que le 17 janvier 1983 et après un rappel du 15 décembre 1982, alors que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune indication n'avait entre temps été donnée sur les conditions de vente et d'approvisionnement relatives aux quantités à livrer en 1983 et 1984 (annexes 68 à 79) ;
Qu'aux nouvelles lettres que lui a adressées la société Extramet les 25 mars 1983, relative au prix du produit, et 13 juillet 1983, concernant encore les tarifs et les spécifications techniques, la société SEMP n'a pas apporté de réponse effective avant le 27 octobre 1983, après une mise en demeure du 20 octobre ; qu'elle ne peut prétendre qu'un tel retard est la conséquence de l'imprécision des demandes de son partenaire alors que celles-ci, sur lesquelles toutes indications complémentaires pouvaient aisément être obtenues, n'étaient nullement équivoques dans le contexte de leurs pourparlers (annexes 80 à 93) ;
Qu'en outre cette dernière lettre est imprécise quant aux caractéristiques du produit disponible, qu'éludant les observations qualitatives de la société Extramet, elle se borne à lui offrir le choix entre du calcium standard et du calcium distillé plus pur mais à un tarif supérieur de 80 p. 100 et refuse de négocier les conditions de vente relativement aux quantités livrées (annexe 92) ;
Qu'enfin, à une commande du 6 février 1984 portant sur 10 tonnes de calcium par mois à partir du mois d'avril 1984, la société Extramet s'est vu répondre par une proposition de contrat sur des quantités mensuelles de 5 à 10 tonnes, à déterminer d'un commun accord avec un préavis de six semaines, sans pouvoir obtenir d'indications plus précises sur la date et les quantités de la première livraison (annexes 93 et 94) ;
Considérant que ces manœuvres grossièrement dilatoires ont été suivies du non-respect des engagements contractuels pris par la société SEMP qui, durant l'année 1984, a livré à sa cliente avec retard et de manière fractionnée une marchandise défectueuse ;
Qu'il est en effet établi par les courriers échangés par les deux entreprises entre le 25 juin et le 14 décembre 1984, et sans qu'une expertise sur ce point ne soit nécessaire, que du 26 mars au 6 juillet ont été livrées hors les délais prévus, en diverses quantités aléatoires, 14 tonnes de calcium dont plus de la moitié s'est avérée totalement inutilisable, créant même de graves nuisances au sein des usines d'Extramet (annexes 95 à 102) ;
Que, contrairement à ce que soutient la société PEM, ces faits sont différents de ceux visés sous la qualification de fraude et falsification de produit dans la plainte avec constitution de partie civile qui ont fait l'objet du non-lieu rendu le 13 novembre 1987 ;
Qu'une ultime tentative de reprise des livraisons entre les mois de mai et septembre 1985 s'est encore soldée par un échec en raison de l'inadaptation manifeste du produit fourni, toutes relations commerciales entre les deux entreprises étant alors rompues (annexes 103 à 117);
Considérant que la société SEMP n'est pas fondée à soutenir que les demandes de la société Extramet étaient, quant aux spécifications, incompatibles avec le produit offert, alors qu'au moment des faits elle n'a jamais invoqué d'impossibilité technique de satisfaire les commandes mais s'est délibérément abstenue de mettre en œuvre les moyens industriels, cependant à sa portée, permettant d'y répondre correctement ;
Qu'est dépourvue de la moindre justification l'allégation selon laquelle les difficultés techniques rencontrées seraient dues au procédé de fabrication de la société Extramet, alors qu'il n'est pas contestable que cette dernière a finalement développé sa production avec du calcium-métal d'importation ; qu'en particulier les lettres échangées de mars à octobre 1984 entre la société Extramet et un fournisseur canadien, la société Chromasco, sur lesquelles s'appuie vainement la requérante et qui ne font état que de difficultés mineures lors de la période d'essai, ne contribuent en aucune manière à remettre en cause la validité d'une technique qui a par ailleurs prouvé ses performances ;
Qu'elle ne peut davantage prétendre que les exigences tarifaires de la société Extramet étaient anormales, alors que les correspondances échangées révèlent qu'aux légitimes tentatives de négociation sur les prix effectuées par son partenaire elle a opposé une attitude manifestement contraire aux usages commerciaux (annexes 79, 89 et 92) ;
Qu'il ne peut enfin être reproché à la société Extramet d'avoir, dès qu'elle a rencontré des difficultés avec son fournisseur européen, cherché des sources d'approvisionnement alternatives sur le marché mondial et que l'argumentation tendant à démontrer que, ce faisant, elle aurait agi de mauvaise foi à l'égard de la société PEM ne repose sur aucun élément sérieux ;
Considérant que de ce qui précède il résulte que la requérante a effectivement et délibérément arrêté et suivi une stratégie visant à éliminer une entreprise opérant sur le même marché; que, contrairement à ce qu'elle soutient, un tel comportement ne peut constituer une réaction normale et proportionnée de protection de ses intérêts dans un rapport de concurrence avec l'un de ses propres clients;
Considérant que, dès lors qu'elles ont affecté de manière sensible le commerce entre Etats membres, les pratiques ci-dessus décrites entrent dans le champ d'application de l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne;
Que, commises avant le 1er décembre 1986, elles doivent être examinées également au regard des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, telles que reprises par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant qu'ainsi qu'il a été ci-dessus exposé la société SEMP a développé une pratique commerciale pernicieuse aux fins d'empêcher la société Extramet d'exploiter le procédé de fabrication du calcium finement divisé que celle-ci avait mis au point jusqu'à ce qu'elle-même puisse offrir un produit concurrent à un tarif inférieur; qu'une telle pratique consistant à limiter la production du produit concerné et le développement d'un procédé technique de fabrication novateur était de nature à priver les aciéries et les fabricants de fils fourrés de source alternative d'approvisionnement; qu'ainsi elle constitue, au sens de l'article 86 du traité, l'exploitation abusive d'une position dominante sur le Marché commun;
Considérant que la société Extramet prouve que lesdites pratiques l'ont contrainte, à partir du mois de juillet 1984, à se fournir à l'étranger, ce qui, par l'allongement des délais d'approvisionnement, la constitution de stocks plus importants, les risques monétaires et la nécessité de prendre des engagements à long terme, a accru ses charges d'exploitation de 6 p. 100 au cours de l'exercice de 1983-1984 et de 15 p. 100 au cours du suivant ;
Qu'en compromettant, en retardant ou en renchérissant le coût d'exploitation d'un nouveau procédé de fabrication du calcium-métal finement divisé, lesdites pratiques ont eu également pour effet d'entraver le fonctionnement normal du marché de ce produit ;
Considérant en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'intention de la société PEM, de telles pratiques constatées du mois d'octobre 1982 à la fin de l'année 1984 tombent sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas des éléments soumis l'appréciation de la cour qu'au-delà de l'année 1984 des pratiques anticoncurrentielles soient imputables à la société PEM ;
Qu'il n'est en effet pas établi qu'à cette époque, en raison de la concurrence extracommunautaire à laquelle elle était effectivement exposée, la baisse de son activité et l'érosion de sa rentabilité qui s'est traduite par des pertes financières en 1987, ladite société se soit maintenue dans la position dominante qu'elle occupait jusqu'en 1984 ;
Qu'en outre il n'apparaît pas que la plainte visant des pratiques de dumping dont, au mois de juillet 1987, la chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie a saisi la Commission des communautés européennes soit constitutive d'abus ;
Que s'il n'est pas contestable que l'instauration sur le calcium-métal standard originaire de la République populaire de Chine ou d'Union soviétique d'un droit anti-dumping provisoire de 10,7 p. 100, puis d'un droit définitif compris entre 21,8 p. 100 et 22 p. 100, a sensiblement grevé les coûts de production de la société Extramet et créé un avantage concurrentiel substantiel au profit de la société PEM, il n'est nullement démontré, quels que soient les arguments techniques invoqués pour la soutenir, que ladite plainte ait elle-même été abusive, dès lors qu'à partir du mois de janvier 1988 la société Extramet a eu accès à la procédure communautaire et a pu faire valoir son point de vue ;
Qu'au surplus, bien qu'il annule le règlement (CEE) n° 2808 du Conseil instituant un droit anti-dumping définitif, au motif que les institutions communautaires n'ont pas recherché si le préjudice subi par l'industrie communautaire n'était pas la conséquence du refus de vente opposé par la société PEM à la société Extramet, l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 11 juin 1992 ne contient aucun élément permettant de retenir un comportement procédural abusif à l'encontre de la requérante ;
3° Sur les sanctions :
Considérant qu'aux termes de l'article 53, alinéa 2, de l'ordonnance du 30 juin 1945, en l'espèce applicable en raison de la date des pratiques constatées, le montant maximum de la sanction applicable à une entreprise est de 5 p. 100 du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos avant le premier acte interruptif de prescription ;
Qu'il n'est pas aujourd'hui contesté que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société PEM au cours de l'année 1984 dans le secteur intéressé est de 8 073 800 F ;
Considérant qu'aux termes du texte susvisé le montant de la sanction pécuniaire infligée doit être fixé compte tenu de la gravité des faits reprochés et de l'importance des dommages causés à l'économie, ainsi que de la situation financière et de la dimension de l'entreprise ;
Considérant que sont particulièrement graves et préjudiciables à l'économie les pratiques anticoncurrentielles qui, comme il a été ci-dessus exposé, visaient de la part d'une entreprise en position dominante et unique producteur communautaire sur le marché considéré à éliminer un opérateur concurrent sur un marché voisin en l'empêchant de développer une innovation technique dans un secteur industriel de pointe ;
Que lesdites pratiques ont eu lieu sur le marché du calcium-métal standard dont la production mondiale est relativement restreinte (1 500 tonnes) et confrontant seulement six producteurs dont la société SEMP ;
Qu'elles ont affecté le marché du calcium-métal finement divisé dont les seuls producteurs en France sont la société PEM et la société Extramet et ont été perpétuées au préjudice de cette dernière, constituée en 1981 précisément pour l'exploitation par ses inventeurs d'un brevet de granulation liquide du calcium ;
Considérant que la société SEMP a été créée le 1er janvier 1982 par apport du département électrométallurgie de Planet-Wattohm du groupe Imétal à Bozel-Métallurgie, puis a été intégrée au groupe Pechiney-Electrométallurgie et absorbée par la société PEM au mois de décembre 1985 lors de la fusion de ce groupe avec Bozel Electrométallurgie
Que la seule autre indication fournie par la société PEM sur l'importance du groupe auquel elle appartient est le montant de ses pertes ;
Considérant qu'en tenant compte des éléments susvisés, le montant de la sanction pécuniaire infligée à ladite société doit être fixé à 250 000 F ;
Qu'il échet en outre d'ordonner par application de l'article 53, alinéa 5, de l'ordonnance du 30 juin 1945 la publication du texte du présent arrêt dans le journal Le Figaro,
Par ces motifs : Rejette les moyens visant à l'annulation de la décision soumise à recours ; La réforme sur le montant de la sanction pécuniaire ; Statuant à nouveau, inflige à la société Pechiney Electrométallurgie une sanction pécuniaire d'un montant de 250 000 F ; Y ajoutant, ordonne aux frais de la société Pechiney Electrométallurgie la publication du présent arrêt dans les pages économiques du journal Le Figaro, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Met les dépens à la charge de la société Pechiney Electrométallurgie.