Conseil Conc., 15 septembre 1998, n° 98-PB-06
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine ministérielle concernant une opération promotionnelle portant sur des disques, réalisée par un magasin à l'enseigne Carrefour
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Philippe Komiha, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 15 décembre 1997 sous le numéro P 12, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence d'une offre promotionnelle effectuée sur des disques par l'hypermarché Carrefour de Villabé (91), susceptible d'être prohibée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus ; le représentant de la société Carrefour France ayant été entendu sur le fondement de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'en novembre 1996 l'enseigne Carrefour a lancé au plan national une opération intitulée Réussir les fêtes en diffusant un catalogue de 219 pages portant sur des produits très divers, dont 4 pages étaient consacrées aux disques, avec 10 titres de variétés françaises, 3 titres de variétés étrangères, 3 compilations de variétés, un coffret de 4 CD de variétés, collection Mega, 7 collections distinctes de 3 CD de variétés, une collection de 2 CD de variétés divers, 5 coffrets de chanteurs français, comprenant entre 8 et 16 CD, et 4 collections distinctes de coffrets de musique classique ou de jazz, comprenant de 1 à 3 CD ; que cette promotion couvrait une période d'un mois, du 13 novembre au 14 décembre 1996, qui est le début d'une période de fortes ventes pour les disques ;
Considérant que la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Essonne a procédé à une enquête pour 17 titres sur les 53 figurant à ce catalogue promotionnel du magasin Carrefour, en comparant les prix pratiqués avec ceux d'un magasin à l'enseigne Madison situé dans le même centre commercial et susceptible d'en subir les effets ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits..." (...) : "Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des enregistrements sonores reproduits sur supports matériels" ;
Sur la délimitation du marché pertinent :
Considérant, en premier lieu, que l'hypermarché Carrefour et le magasin Madison sont situés dans le même centre commercial à Villabé ; que le directeur du magasin Carrefour a indiqué que, pour les disques, son environnement concurrentiel était constitué, outre le magasin Madison, du centre commercial Art de Vivre à Corbeil et de l'hypermarché Auchan à Brétigny-sur-Orge ; que le responsable de l'enseigne Madison inclut dans cet environnement le magasin Extrapole à Belle-Epine, spécialisé dans les produits culturels (musique, librairie, vidéo, informatique) ; qu'en outre un espace culturel E.-Leclerc est implanté à Viry-Châtillon, immédiatement à proximité d'un échangeur de l'autoroute A 6, comme le centre commercial de Villabé, avec un délai de déplacement entre eux d'environ 5 à 10 minutes ; que ces magasins sont situés sur des axes de déplacement constitués de voies rapides, avec des facilités de stationnement équivalentes ; que les distances qui les séparent et les facilités de déplacement entre eux permettent de considérer que ces différents distributeurs de disques sont situés dans une même zone de chalandise ;
Considérant, en second lieu, que le catalogue promotionnel du magasin Carrefour proposait des disques dans les différents genres, sans que la distinction entre les nouveautés et les fonds de catalogue soit apparente, ni que les prix pratiqués pour ces deux catégories de disques soient significativement différents ; que l'enquête a permis de constater que les titres proposés dans cette promotion étaient également commercialisés par le magasin Madison pour au moins 15 d'entre eux sur les 17 qui ont fait l'objet de l'enquête ; que le marché à prendre en compte est celui de la distribution du disque dans la zone de chalandise telle que déterminée ci-dessus ;
Sur les dispositions de l'article 10-1 :
Considérant que l'hypermarché Carrefour de Villabé est intégré dans un groupe de la grande distribution généraliste disposant de 117 hypermarchés sur l'ensemble du territoire ayant réalisé en 1996 un chiffre d'affaires de 84,5 milliards de francs ; que la gestion financière du magasin est assurée par le groupe, tandis que la logistique et les achats de disques sont centralisés par la société Carrefour-Musique ; que le magasin de Villabé a, pour sa part, réalisé un chiffre d'affaires global de 1 038 000 000 francs et de 11 687 000 francs pour les disques, soit 1,1 % de son activité ;
Considérant que le magasin Madison est intégré dans une chaîne de 48 magasins spécialisés gérés par la SARL Diva, filiale de la société Disco Ce Ge, grossiste en disques, qui possède en outre 56 magasins de disques sous l'enseigne Nugget's ; qu'en 1996 le chiffre d'affaires de la société Disco Ce Ge a été de 402 093 439 francs, celui de la société Diva de 72 278 437 francs et celui du magasin Madison de Villabé de 5 339 310 francs dont 3 551 000 francs pour les disques, soit 66 % de son activité ; que la gestion de l'ensemble des magasins de l'enseigne Madison est déficitaire, et qu'elle subsiste actuellement grâce à la consolidation au sein de Disco Ce Ge, le résultat d'exploitation de la société Diva ayant été de + 51 150 francs en 1993, - 31 230 francs en 1994, - 121 435 francs en 1995, - 163 659 francs en 1996 et - 223 780 francs en 1997, tandis que le résultat de sa maison mère a été de + 11 695 890 francs en 1995 et + 9 184 571 francs en 1996 ;
Considérant que l'hypermarché Carrefour peut s'appuyer sur une structure nationale importante et bénéficier de la diversité des produits qu'il commercialise, lui permettant ainsi d'opérer d'éventuelles compensations entre les différents rayons, d'autant que les disques ne représentent qu'une très faible part de ses ventes ; qu'en comparaison le magasin Madison appartient à une société indépendante de dimension modeste par rapport à cet ensemble et dont l'activité dépend principalement de la vente des disques ; que la promotion s'est déroulée pendant une période de fortes ventes pour les disques ; qu'en conséquence les circonstances caractérisées par la possibilité d'une situation de déséquilibre entre les deux magasins et la durée de la pratique justifient un examen des prix de cette promotion ;
En ce qui concerne le caractère abusivement bas des prix :
Considérant qu'en ce qui concerne les coûts susceptibles de servir de référence pour apprécier le caractère abusivement bas des prix, le Conseil indique, dans son avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997, qu'en tout état de cause sont pris en considération les coûts variables, un prix de vente inférieur au coût variable permettant de présumer un effet d'éviction; que par ailleurs le Conseil indique que des prix peuvent être considérés comme abusivement bas par rapport aux coûts moyens totaux, même s'ils sont supérieurs aux coûts variables, si la pratique de prix bas est accompagnée d'indices suffisamment sérieux, probants et concordants d'une volonté délibérée de capter la clientèle au détriment d'un concurrent;
Considérant que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, dans l'arrêt AKZO du 3 juillet 1991, que la nature fixe ou variable de certains coûts doit être appréciée au regard des circonstances de l'espèce ; qu'en effet dans cet arrêt la Cour a précisé notamment : "Il convient donc d'examiner si les frais de main-d'œuvre ont, en l'espèce, varié en fonction des quantités produites..." et que : "dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les coûts variables sont ceux qui figurent dans les documents que cette entreprise a soumis à la cour" ; que, dans sa décision n° 94-MC-10 du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt à l'emploi dans le département du Var, le Conseil a défini le coût moyen variable de production à partir de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises ; qu'il résulte des deux décisions précitées qu'il convient d'examiner au cas par cas, en se fondant sur la comptabilité particulière du distributeur, les coûts dont le montant varie avec les quantités vendues;
Considérant, en premier lieu, que le coût d'achat des disques constitue un coût variable; que pour les quinze disques de la promotion examinés dans le cadre de l'instruction le prix de vente proposé était supérieur au prix d'achat ; qu'ainsi il n'est pas établi que les disques de la promotion en cause ont été vendus à un niveau inférieur à leur coût d'achat ;
Considérant, en second lieu, que le magasin Carrefour de Villabé a communiqué, pour le quatrième trimestre 1996, la liste et le montant de ses principaux postes de coûts et les clés de répartition permettant de déterminer la part de ces coûts pouvant être affectée au rayon disques ; que les charges ainsi identifiées sont les frais de personnel du rayon et du personnel des caisses, les frais des services généraux, l'énergie, le nettoyage, les frais de location immobilière, les assurances, la carte bancaire, la taxe foncière et la taxe professionnelle, enfin les impôts et taxes divers ;
Considérant que les frais de location immobilière résultent d'une convention passée avec le bailleur et sont déterminés en fonction des données du marché de l'immobilier commercial dans la zone géographique considérée ; que les frais de la carte bancaire sont déterminés par les organismes financiers correspondants en fonction des coûts de gestion qu'ils supportent ; que les impôts et taxes sont des charges dont les montants résultent des décisions prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la législation fiscale ; qu'enfin les assurances résultent de contrats dont les montants sont déterminés par la nature et l'importance des risques à couvrir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la plupart de ces catégories de coûts sont fonction de paramètres étrangers au volume des ventes ; que le directeur du magasin Carrefour de Villabé a déclaré que "seul le coût d'achat est avec certitude variable en fonction des quantités achetées ou vendues et que tous les autres coûts sont par nature des coûts fixes dans la mesure où, sur la période de promotion considérée, il va de soi que les frais de personnel ou les coûts de fonctionnement n'ont pas évolué en fonction des ventes des produits considérés" ;
Considérant cependant que le commissaire du Gouvernement, dans ses observations écrites, note : "En premier lieu, le coût d'achat n'est certainement pas le seul coût proportionnel aux quantités vendues. Les charges de personnel, pour une partie au moins (personnel de caisse, personnel de gestion des rayons), certains frais logistiques ou généraux (emballage, étiquetage, stockage...) sont sans aucun doute liés au volume d'activité. Il conviendrait donc d'isoler ces postes et de trouver une clé de répartition permettant d'imputer la part supportée par le rayon disques. En second lieu, il sera relevé qu'en toute hypothèse les coûts dont il vient d'être question figurent au nombre des coûts de commercialisation. Il en est d'ailleurs d'autres, qu'il s'agisse des frais généraux imputables à due proportion au rayon disques ou de frais directement affectés à un rayon (points d'écoute, bacs de présentation, démarque inconnue...)" ;
Considérant que, si l'on intègre aux coûts variables les frais de personnel, cités par le commissaire du Gouvernement comme faisant partie de coûts de commercialisation même s'ils ne sont pas directement proportionnels aux ventes, il convient, en tout état de cause, d'imputer ces frais de personnel aux disques vendus en promotion au prorata du montant de leurs ventes dans les ventes totales de disques; qu'en l'absence de statistiques de ventes détaillées sur la période de la promotion, le chiffre de ces ventes a été évalué, d'une part, en tenant compte de la répartition des ventes entre novembre et décembre sur la période considérée, soit respectivement 32 % et 68 %, d'autre part, du nombre de jours ouvrables couverts par la promotion sur ces deux mois, soit 28 jours ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé sur les disques de la promotion a représenté sur cette période 9,5 % des ventes de disques calculées selon cette méthode ; que le coût du personnel ainsi affecté à la vente des disques en cause ressort à 2,2 % du chiffre d'affaires réalisé sur ces mêmes disques ; qu'en ce qui concerne les autres coûts, leur affectation aux disques en promotion au prorata de ce que représente le rayon concerné au sein du magasin aboutit à un taux de 0,7 % qui, cumulé avec le coût du personnel, aboutit à un coût total de 2,9 % ;
Considérant que l'examen de la marge entre le prix d'achat et le prix de vente permet de constater que les prix de vente de 7 des 15 disques en cause couvraient en sus du prix d'achat les coûts de personnel; qu'en revanche 8 des 15 titres ont été vendus à un prix inférieur au coût d'achat majoré du coût du personnel(S. Lama, P. Perret, T. Turner, Les voix en or, P. Obispo, Worlds Appart, Starmania, Mega Ambiance) ; qu'a fortiori, pour ces disques, le coût du personnel et les autres coûts n'étaient pas couverts par le prix de vente;
En ce qui concerne la constatation d'une éviction du marché :
Considérant qu'une pratique de prix abusivement bas, à supposer qu'elle soit établie, ne suffit pas à justifier l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'il convient d'établir si cette pratique a pour objet ou est susceptible d'avoir pour effet d'évincer du marché l'entreprise qui prétend en être victime; que, dans le cas d'espèce, le dossier d'instruction ne contient aucun indice ou document démontrant l'existence d'une volonté d'éviction du magasin Madison de Villabé de la part de l'hypermarché Carrefour; qu'en conséquence il y a lieu de vérifier si la pratique de prix de cet hypermarché n'a pas eu ou ne pouvait avoir un tel effet ;
Considérant, en premier lieu, que les disques pour lesquels le coût d'achat majoré du coût du personnel ne serait pas couvert par leur prix de vente concernaient 8 titres sur un total de 4 500 références commercialisées par le magasin Carrefour, et 5 000 commercialisées par le magasin Madison; que pour 3 de ces 8 disques (S. Lama, T. Turner, Les voix en or) le ratio des ventes du magasin Madison par rapport à Carrefour a été de 0,28, 0,27 et 0,22, comparables à ceux constatés pendant l'année 1996 pour l'ensemble des disques, notamment de février à avril (0,24 à 0,26) et d'août à novembre (0,27 et 0,28) ; que ces 8 titres n'ont représenté que 2,6 % des ventes de disques des deux mois concernés pour Carrefour et 0,9 % pour Madison, et 0,8 % des ventes de disques de l'année pour Carrefour contre 0,3 % pour Madison;
Considérant, en deuxième lieu, que le commissaire du Gouvernement, dans ses observations écrites, note que "ces disques étaient des produits porteurs, figurant au Top 50 (Worlds Appart, Dion, Tina Turner par exemple) ou étant l'œuvre d'artistes-interprètes de forte notoriété (Lama, Perret...)" ; que, cependant, le dossier ne contient aucun classement des ventes de disques pour la période considérée qui permette de constater que les titres en cause figuraient au "Top 50" des meilleures ventes ; qu'en outre pour les 8 titres concernés les quantités vendues par Carrefour pendant la promotion représentent 1 à 3 unités par jour pour 6 titres (Mega Ambiance, S. Lama, P. Perret, T. Turner, Les voix en or, P. Obispo), celles de Worlds Appart et Starmania ayant été de 8 et 10 unités par jour ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les produits visés constituaient des produits porteurs à forte notoriété, qui auraient représenté une part significative de la demande;
Considérant que l'examen du ratio du chiffre des ventes du magasin Madison rapporté au chiffre des ventes du magasin Carrefour pour l'année 1996 permet de constater que, si pour les 15 disques en promotion concernés les ventes de Carrefour ont été cinq fois supérieures à celles de Madison (ratio de 0,18), pour l'ensemble des disques Carrefour a réalisé en novembre des ventes trois fois et demi supérieures à celles de Madison (ratio de 0,28), en décembre deux fois et demi supérieures à celles de Madison (ratio de 0,37), tandis que sur l'ensemble de l'année le ratio moyen a été de 0,30 et que, sur les trois mois précédant immédiatement la promotion ces ratios ont été de 0,27 et 0,28 ; qu'ainsi les écarts d'activité entre les deux magasins constatés sur l'ensemble des disques pendant la période de la promotion ont été plus favorables ou au moins équivalents pour Madison à ceux relevés sur d'autres périodes ou sur l'ensemble de l'année;
Considérant que la progression du chiffre d'affaires du magasin Madison pendant la période de la promotion, par rapport au mois précédent, a été meilleure que celle du magasin Carrefour; qu'ainsi en novembre les ventes de Madison ont progressé de + 22 % par rapport à octobre contre + 18 % pour Carrefour, et qu'en décembre les ventes de Madison ont progressé de + 174 % par rapport à novembre contre + 109 % pour Carrefour ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la promotion du magasin Carrefour sur les quinze produits visés a eu un effet d'entraînement sur les ventes d'autres disques au détriment de Madison;
Considérant que, si le magasin Madison a enregistré en novembre/décembre 1996 une baisse d'activité par rapport à la même période de l'année précédente, soit - 16 % en novembre et - 23 % en décembre, cette baisse est déjà constatée en 1995 par rapport à 1994, avec des taux de même amplitude, notamment en mars et avril 1995; que le responsable de l'enseigne Madison a déclaré que l'ouverture en 1995 d'un magasin Extrapole à Belle-Epine, spécialisé dans les produits culturels, a provoqué pour le magasin Madison de Villabé d'importants transferts de clientèle; qu'en 1996 les magasins Carrefour et Madison ont subi une baisse équivalente de leurs ventes de disques, soit - 10 % pour Carrefour et - 10,5 % pour Madison; qu'il en résulte que la baisse d'activité de Madison de novembre/décembre 1996 ne peut être imputée à la promotion sur les disques réalisée par Carrefour;
Considérant que le commissaire du Gouvernement, dans ses observations écrites, note que la répétition de telles promotions sur des produits porteurs et de forte notoriété, soutenue par une importante publicité à une période sensible, a une potentialité d'éviction certaine du marché vis-à-vis d'un disquaire spécialisé ou peut rendre en tout cas très difficile son maintien sur le marché ; qu'en outre les opérations promotionnelles régulièrement pratiquées par les grandes surfaces dans le cadre de leur concurrence mutuelle, dès lors qu'elles porteraient sur des disques proposés à des prix abusivement bas, sont susceptibles d'avoir des effets collatéraux négatifs à l'égard des distributeurs spécialisés, en l'absence même d'une intention d'éviction;
Considérant, en effet, que si un distributeur était confronté à plusieurs reprises et à intervalles suffisamment rapprochés à des ventes à prix bas de la part d'un ou de plusieurs concurrents, alors que lui-même ne serait pas en mesure de pratiquer de tels prix aussi régulièrement sans remettre en cause l'équilibre de son entreprise, et s'il était établi que les prix en question constituaient des prix abusivement bas, une telle situation pourrait aboutir à l'éviction du marché de ce distributeur; que cependant, en l'espèce, l'instruction n'a pas établi que le magasin Carrefour de Villabé ou les autres distributeurs de disques situés dans la même zone de chalandise ont pratiqué à plusieurs reprises des prix susceptibles d'être considérés comme abusivement bas sur des disques qui seraient porteurs et de forte notoriété et qui auraient suscité la baisse d'activité du magasin Madison constatée en 1995 et 1996;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les prix pratiqués sur les disques de la promotion réalisée par le magasin Carrefour de Villabé ont eu pour objet ou aient pu avoir pour effet d'évincer du marché le magasin Madison de Villabé; qu'en conséquence cette opération n'est pas visée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,
Décide :
Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.