CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 3 juin 1993, n° ECOC9310094X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gitem (GIE), Cospreto (Sté), Qatec (Sté), Copyrec (Sté), Gerama (Sté), Scame (Sté)
Défendeur :
Jean Chapelle (Sté), Elco (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
Mme Nerondat, MM. Perie, Betch, Jacomet
Avoués :
SCP Lagourgue, SCP Dauthy-Naboudet
Avocats :
Mes Meffre, Deprez
Par décision n° 92-D-38 du 9 juin 1992 relative à des pratiques anticoncurrentielles constatées au sein des groupements de commerçants détaillants de produits électroménagers et d'électronique grand public, le Conseil de la concurrence a :
Art. 1er - Enjoint au GIE Groupe G-Gitem et aux sociétés coopératives Elco, Copyrec, Cospreto, Qatec et Scame :
- de supprimer de leurs statuts et règlements intérieurs toutes clauses, d'une part, visant à interdire les relations commerciales directes entre les commerçants adhérents et fournisseurs offrant de meilleures conditions et, d'autre part, ne permettant à chaque adhérent d'ouvrir un nouveau point de vente ou un nouveau rayon, de vendre dans tous les points de vente et de rétrocéder ses marchandises qu'à la condition de ne pas faire de concurrence à un autre adhérent ;
- de s'abstenir de toute pratique ayant les mêmes objets, ainsi que de celles qui visent à boycotter des fournisseurs et à harmoniser les prix de vente au détail ;
Art. 2. - Infligé des sanctions pécuniaires d'un montant de :
- 900 000 F au GIE, Groupe G-Gitem ;
- 100 000 F à la société coopérative Elco ;
- 650 000 F à la société coopérative Copyrec ;
- 1 800 000 F à la société coopérative Cospreto ;
- 1 300 000 F à la société coopérative Gerama ;
- 2 800 000 F à la société coopérative Qatec ;
- 1 500 000 F à la société coopérative Scame.
Art. 3. - Ordonné une mesure de publication.
Aux motifs de sa décision, le conseil, saisi les 12 septembre et 14 octobre 1988 par M. Chapelle (Jean), agissant pour le compte de son franchisé, la société Pecastaing, a estimé que les pratiques dénoncées dans le secteur de l'électroménager regroupant les produits du " petit électroménager " (PEM), utilisés pour la préparation des aliments, l'entretien et l'hygiène, et du " gros électroménager " (GEM ou produits blancs), nécessaires à la cuisson, au lavage, au froid et au chauffage, ainsi que dans le secteur de l'électronique grand public (produits bruns), destinés à la réception, l'enregistrement et la reproduction de l'image et du son, devaient être examinées sur autant de marchés que de produits substituables dans chaque zone de chalandise.
Sur les marchés ainsi définis, il a constaté que :
1° Les règlements intérieurs des coopératives Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame contiennent des clauses interdisant à leurs adhérents de chercher à bénéficier auprès de leurs fournisseurs de conditions d'achat meilleures que celles faites aux autres pour des produits d'une marque donnée et qui peuvent, en homogénéisant leurs prix d'achat, avoir pour effet de favoriser l'uniformisation des prix de vente entre les membres de ces coopératives installés dans les mêmes zones de chalandise et donc de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ;
2° La coopérative Elco a appelé ses adhérents au boycott des appareils de marque Schneider-Laden par une circulaire du 9 mai 1988 qui avait pour objet et qui pouvait avoir pour effet de s'opposer à la prospection commerciale de cette entreprise, de limiter l'accès de ses marques aux marchés concernés ainsi que le libre exercice de la concurrence qu'elles auraient pu faire aux autres fournisseurs d'Elco pour les produits substituables et que cette circulaire a eu l'effet recherché ;
3° La coopérative Copyrec a, au mois d'octobre 1987 et au-delà des conditions statutaires d'admission, soumis à l'accord de ses membres dacquois la demande d'adhésion d'un distributeur postulant dans cette ville, cette pratique ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de protéger les adhérents en place de la concurrence que pourrait leur faire un nouveau membre ;
4° Les règlements intérieurs de ces coopératives contiennent des clauses :
- subordonnant à l'autorisation de leur conseil d'administration la possibilité pour un adhérent d'ouvrir un nouveau point de vente (Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame) ou même un nouveau rayon (Qatec), ou encore de vendre des produits en provenance de la coopérative dans l'un de leurs points de vente situé dans l'agglomération où est établi un autre adhérent (Cospreto, Elco et Scame) ;
- interdisant la rétrocession à des confrères non adhérents lorsque ceux-ci sont des concurrents directs des coopérateurs existants (Gerama),
ces clauses ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de protéger de la concurrence que pourraient leur faire les adhérents en place sur les marchés concernés et donc d'en fausser le jeu ;
5° Le Gitem établit les prix uniques de vente au détail de produits offerts à la vente par l'ensemble des adhérents des coopératives qu'il regroupe, dans le cadre de campagnes promotionnelles périodiques, ainsi que pour d'autres produits, notamment sur lesquels il bénéficie d'une exclusivité, cette pratique ayant pour objet et pour effet d'empêcher la concurrence sur les marchés concernés en faisant obstacle à la fixation des prix par le jeu du marché et en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
6° Les coopératives Copyrec, Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame établissent des tarifs généraux ou coopératifs régionaux, complétés pour Copyrec et Qatec de prix uniques pour les produits faisant l'objet de promotions locales ou provenant de marques données et qui ont le même objet et les mêmes effets.
Le Conseil a estimé que ces pratiques, qui ne découlent pas nécessairement du statut de la coopération dont elles excèdent au contraire les buts et ne sont pas indispensables au maintien d'un commerce de proximité, tombent sous le coup, selon la date à laquelle elles ont été mises en œuvre, de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ou de l'article 7 de celle n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
La société Jean Chapelle a formé un recours contre cette décision à laquelle elle reproche :
- de n'avoir pas donné de définition précise et motivée des différents marchés des produits distribués par le Gitem et les coopératives qu'il regroupe ;
- d'avoir écarté sans motifs certaines des pratiques qu'il a dénoncées, s'agissant, d'une part, des conditions d'admission à Copyrec qui interdisent aux adhérents de faire de la publicité pour les " ventes à emporter sans service", d'exploiter une enseigne concurrente et, d'autre part, du partage territorial auquel procèdent ces groupements au moyen de contrats d'exploitation des marques Force G et Gitem ;
- de n'avoir pas examiné les conditions de vente discriminatoires dont bénéficie le Gitem de la part de ses fournisseurs dont elle l'avait saisi.
Elle prie en conséquence la cour de réformer partiellement la décision déférée et de renvoyer au conseil l'examen des pratiques non retenues qu'elle prétend anticoncurrentielles.
Le Gitem et les sociétés coopératives qu'il regroupe : Cospreto, Qatec, Copyrec, Gerama et Scame ont également formé un recours en réformation partielle de la décision en faisant valoir que :
- le Conseil a relevé par erreur que des dispositions des règlements des coopératives en cause font interdiction à l'adhérent de négocier avec les fournisseurs des conditions de prix plus avantageuses alors qu'elles se bornent à l'empêcher de contracter à titre indépendant aux conditions dont bénéficie la coopérative ;
- telles qu'elles sont libellées les clauses figurant dans les règlements de Gerama, Cospreto et Scame, qui subordonnent les ouvertures de nouveaux points de vente ou de rayons à l'autorisation du conseil d'administration, visent au contraire à stimuler la concurrence en obligeant les adhérents à maintenir à l'intérieur de chaque zone une politique commerciale dynamique afin d'éviter l'installation d'un autre adhérent et qu'elles sont par conséquent licites au regard des dispositions de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- les clauses des règlements intérieurs de Cospreto et Scame qui ne permettent à chaque adhérent de vendre les marchandises acquises par l'intermédiaire de la coopérative qu'à la condition de ne pas faire concurrence à un autre ne visent que les cas où tous les points de vente ne sont pas affiliés et qu'elles sont par conséquent nécessaires au respect des prescriptions légales qui réservent à leurs seuls adhérents les services offerts par les coopératives ;
- les clauses d'interdiction de rétrocession à des concurrents non membres du Gitem font légitimement obstacle à la revente de ces marchandises par des distributeurs extérieurs sans contrepartie pour la coopérative ni fourniture des services spécifiques proposés par les membres du groupement ;
- les documents promotionnels diffusés par le Gitem portant des références de prix sont, pour la plupart, justifiés par la politique d'enseigne commune qu'il entend promouvoir, dès lors qu'ils ne portent pas sur des articles exclusivement réservés au Gitem, que les prix indiqués reflètent l'état du marché, que dans 93,5 p. 100 des cas les adhérents ne sont pas entre eux en situation de concurrence et que, dans les autres, ils le sont également avec d'autres distributeurs.
Le Gitem et les coopératives qui en sont membres concluent en conséquence à la suppression ou à la modification des injonctions édictées par le conseil et à la réduction sensible des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées.
Mise en cause d'office par application de l'article 7, alinéa 2, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1949, la société Elco, en redressement judiciaire, prétend à titre principal qu'étant une entité économique unique au regard du droit de la concurrence, elle ne peut voir appliquer les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux relations entre ses membres.
A titre subsidiaire, Elco soutient :
- que n'est prouvée ni sa participation à une entente tarifaire nationale avec le Gitem ni celle de ses membres à une concertation régionale sur les prix ;
- que cette concertation ne serait pas restrictive de concurrence puisque dans les agglomérations où ils sont établis ses adhérents ne sont en situation de concurrence ni entre eux ni avec ceux d'autres coopératives affiliées au Gitem ;
- que les recommandations adressées à ses membres visant Schneider-Laden étaient justifiées par l'attitude de cette entreprise et n'ont eu aucun effet sur la concurrence.
Elle poursuit en conséquence l'annulation des injonctions et sanctions prononcées à son encontre.
Sur les moyens soulevés contre sa décision le Conseil fait observer que :
- compte tenu des caractéristiques propres aux produits concernés, les marchés pertinents sont limités à des aires géographiques constituées d'une ville ou/et de sa zone d'attraction périphérique ;
- le choix pour des commerçants de mettre en œuvre une politique commerciale commune sous une même enseigne peut légitimement les conduire à exclure la promotion d'une formule de vente ou de limiter les points de vente dans une zone de chalandise, dès lors que, sur les marchés, s'exerce la concurrence d'autres circuits de distribution pour les produits considérés ;
- dans la mesure où les requérants admettent que dans trente-six villes il y a au moins deux adhérents, la diffusion nationale d'un prix uniforme fait obstacle à la libre fixation des prix par le jeu du marché.
Dans les observations écrites qu'il a développées à l'audience, le ministre de l'économie et des finances estime que les griefs retenus sont fondés mais suggère la réduction des sanctions pécuniaires.
Le Ministère public a oralement conclu aux mêmes fins.
Sur quoi, LA COUR :
I. - Sur les moyens de procédure :
Considérant que, saisi par la société Jean Chapelle les 12 septembre et 17 octobre 1988 de pratiques mises en œuvre respectivement par le Gitem, la coopérative Copyrec et des adhérents de cette dernière, en même temps que d'autres impliquant les fabricants, importateurs et principaux distributeurs de produits électroménagers ou d'électronique grand public, le conseil a pu, d'une part, faire porter sa décision sur les pratiques anticoncurrentielles constatées au sein des groupements de commerçants détaillants de tels produits et, d'autre part, joindre l'examen des autres faits à une instruction en cours, enregistrée sous le numéro F. 238 et consécutive à une nouvelle saisine de Jean Chapelle visant les pratiques dites d'" ententes généralisées " mises en œuvre sur les marchés concernés par les fournisseurs, importateurs et principaux distributeurs ;
Que les moyens visant à contester cette répartition de la saisine sont irrecevables dès lors qu'ils ne se rapportent pas à une décision susceptible de recours par application des articles 12, alinéa 4, et 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
II. - Sur la délimitation des marchés pertinents :
Considérant qu'au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le marché se définit comme le lieu de confrontation d'une offre et d'une demande de biens ou de services substituables, c'est-à-dire aptes à satisfaire également les besoins et préférences des consommateurs ;
Que les diverses catégories de produits électroménagers et d'électronique grand public satisfont des besoins distincts des consommateurs et caractérisent de ce fait des marchés séparés ;
Qu'ils sont généralement d'une valeur unitaire relativement élevée, pour certains d'un poids non négligeable, fréquemment livrés et installés par le vendeur, souvent assortis de garanties après-vente, en tout cas exposés à des réparations ; qu'en raison de ces caractéristiques, pour un groupe localisé de consommateurs, l'offre se restreint en pratique aux distributeurs situés dans un territoire usuellement accessible de leurs domiciles et aux entreprises de vente par correspondance qui le couvrent ; qu'il s'ensuit que les marchés à prendre en compte se réduisent, pour chacun de ces produits, à des aires géographiques constituées d'une agglomération et sa zone d'attraction périphérique ;
Considérant que, si l'influence des grandes enseignes spécialisées installées en marge de ces zones peut en faire évoluer les contours de manière différenciée selon chaque type d'appareils, elle ne remet toutefois pas en cause les contraintes de distance qui pèsent sur le consommateur et délimitent géographiquement les marchés ;
Considérant que la critique par la société Jean Chapelle de la division de ces marchés en fonction des gammes de qualité et de coût ou des effets de mode dans chaque catégorie de produits est sans portée sur l'appréciation des pratiques examinées.
III.- Sur la structure du groupement et des coopératives en cause :
1° Sur la structure du Gitem et des coopératives adhérentes :
Considérant que, constitué dans le but de moderniser la distribution traditionnelle dans les secteurs en cause et de lutter contre la montée en puissance de la grande distribution, le Gitem (Groupement intercoopératif télé, vidéo, hifi, électricité, ménager) rassemble sous la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE) des sociétés coopératives de détaillants exerçant respectivement dans une même région et ayant la forme statutaire soit de coopératives artisanales régies par la loi n° 83-657 du 20juillet 1983 : Cospreto dans la région Ouest, Qatec dans la région Nord, Scame dans la région Est, Gerama dans la région Nord-Ouest, Copratec dans la région Centre-Est, Elco dans la région Sud-Est, soit de coopérative de commerçants : Copyrec dans la région Sud-Ouest ;
2° Sur la structure d'Elco :
Considérant qu'Elco, qui a été exclue du groupement en 1988 dans des conditions conflictuelles, soutient qu'elle est une entreprise unique à l'intérieur de laquelle les relations entre ses adhérents échappent à l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Qu'à cette fin, elle déclare réunir des commerçants de proximité n'étant pas entre eux en situation de concurrence, dans une coopérative dont ils respectent les principes, qui leur dicte leur politique commerciale, limite leur autonomie et où ils poursuivent l'intérêt commun de vendre à un prix compétitif ;
Mais considérant que, conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1983 susvisée, Elco associe des artisans, personnes physiques ou morales immatriculées au répertoire des métiers ; que si ces commerçants indépendants les uns des autres choisissent, par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative à laquelle ils adhérent, de grouper leurs achats, de valoriser un emblème commun, de diffuser certains produits sous une même marque avec des services spécifiques à la clientèle, aucune de ces dispositions statutaires ne les fait renoncer à leur autonomie commerciale;
Qu'en stipulant les relations entre les membres et de ceux-ci avec le groupement, les fournisseurs et les tiers ainsi que les conditions de leur adhésion et de leur retrait, ces pacte et règlement ne privent pas les coopérateurs d'Elco de toute indépendance d'action sur le marché mais visent seulement à concilier leurs pratiques commerciales respectives avec les objectifs qu'ils poursuivent en commun ;
Qu'en outre lesdites clauses n'excluent pas toute concurrence entre eux mais se bornent, dans des conditions par ailleurs discutées, à en soumettre la possibilité à l'approbation du conseil d'administration ;
Qu'il s'ensuit que bien qu'associés d'une même coopérative artisanale, les membres d'Elco ne constituent pas ensemble une unité économique caractérisant une entreprise unique.
IV.- Sur les pratiques examinées :
1° Sur l'exclusion de publicité de la vente à emporter, l'interdiction d'appartenance à plusieurs réseaux et la concession exclusive des marques Gitem et Force G :
Considérant que le Gitem vise, d'une part, à promouvoir une politique d'enseigne commune que reprennent selon des modalités diverses les coopératives adhérentes, notamment en ce qui concerne la qualité des prestations annexes offertes à la clientèle : agencement des magasins, assortiments, accueil des clients, livraison et installation des appareils, service après-vente, d'autre part, à répartir entre les coopératives des zones d'influence et, au sein de celles-ci, entre leurs adhérents, des territoires protégés notamment par la concession exclusive des marques ;
Que, par des contrats successifs, le Gitem et les coopératives adhérentes réservent en effet par secteurs à leurs détaillants l'exclusivité de l'exploitation des marques Gitem et Force G dont ils sont titulaires, le premier sur le territoire national, les secondes dans les régions qu'il leur a concédées ;
Que, si les contrats conclus par le Gitem avec les coopératives ne stipulent que des indications générales quant aux techniques de commercialisation compatibles avec les marques Gitem et Force G, certaines des coopératives prévoient dans leurs statuts et règlement intérieur des obligations plus précises excluant notamment certaines formes de vente et l'appartenance à une autre enseigne ;
Considérant, d'une part, que la concession exclusive de l'exploitation d'une marque de distribution n'est pas de nature à fausser les règles de la concurrence dans la mesure où subsistent d'autres réseaux sur le marché ;
Qu'à cet égard la décision constate que la distribution des produits d'électroménager et d'électronique grand public s'effectue selon divers circuits, hypermarchés, chaînes multi spécialistes, vente par correspondance, enseignes spécialisées et commerçants traditionnels, certains réunis en groupements d'achats, franchises ou coopératives, dont la confrontation crée dans chacun des marchés concernés des structures très concurrentielles.
Considérant, d'autre part, que le Conseil a justement estimé que des commerçants regroupés en coopérative, qui ont fait le choix d'une politique basée sur une enseigne commune, peuvent déterminer ensemble une formule de vente cohérente avec l'image qu'ils veulent donner, dès lors que, compte tenu de la structure de la distribution dans le secteur, les moyens mis en œuvre à cette fin ne sont pas susceptibles de fausser le jeu de la concurrence ;
Que la valorisation d'un signe collectif d'identification du distributeur, distinct de la marque des produits offerts, n'implique pas nécessairement de la part des groupements concernés la définition exhaustive de modalités communes de commercialisation, s'il est justifié que les systèmes de vente exclus sont objectivement définis et incompatibles avec l'image de leur enseigne;
Qu'en l'espèce Copyrec qui, comme l'ensemble des coopératives réunies dans le Gitem, vise, par ses statuts, son règlement et les campagnes de promotion auxquelles elle participe, à convaincre les consommateurs de la qualité des prestations d'accueil, de conseil et de service après-vente offertes par ses membres et attachées à l'enseigne qui constitue leur bien commun, est fondée à refuser l'adhésion de distributeurs faisant de la publicité pour un mode de commercialisation défini comme " la vente à emporter tout emballé et sans service" ;
Que, dans la mesure où elle est de nature à créer une confusion avec l'image de sa propre enseigne, l'adhésion d'un coopérateur de Copyrec à d'autres réseaux de distribution peut également être légitimement proscrite ;
Qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que prétend la société Jean Chapelle, les clauses du règlement intérieur de la société Copyrec, excluant la publicité pour les ventes à emporter et l'appartenance à un double réseau et celles des contrats de coopération Force G et Gitem qui permettent au concessionnaire de s'opposer à toute nouvelle " implantation " desdites marques dans sa zone d'activité ne sont pas susceptibles de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés susvisés ;
Considérant qu'il n'est en outre nullement démontré, ni par les éléments de l'enquête ni par les allégations contenues dans les divers mémoires produits par la société Jean Chapelle, que l'application de ces clauses ait donné lieu à des pratiques anticoncurrentielles ;
Mais considérant que, si, telle qu'elle est ci-dessus décrite, la structure du marché permet au Gitem et aux coopératives qu'il regroupe de réduire le nombre de leurs membres sur chacun des marchés en cause par des contrats de concession exclusive de marques de distribution, ces groupements ne peuvent toutefois imposer, par les interdictions statutaires qui s'y ajoutent, un cloisonnement absolu des secteurs géographiques d'activité respectifs de chacun des adhérents et interdire ou restreindre la concurrence entre eux lorsqu'ils opèrent sur le même marché;
Considérant en conséquence que le Gitem, les coopératives affiliées et Elco ne sont pas fondés à revendiquer comme acquise et légitime l'absence totale de concurrence entre leurs membres à l'intérieur de chacune des zones de chalandise où ils sont respectivement implantés;
Que la décision constate en effet que, en dépit de la recherche d'une sectorisation régionale des coopératives et de la répartition territoriale de chacun de leurs membres, ceux-ci opèrent néanmoins ensemble dans certaines agglomérations ; qu'elle relève en particulier que plusieurs adhérents d'une même coopérative ou, plus rarement, de deux d'entre elles sont en situation de concurrence dans soixante-sept villes ou agglomérations d'une certaine importance (voir tableau Notification des griefs, p. 63) ;
Que le Gitem et les coopératives affiliées qui ne précisent pas en quoi ces constatations feraient erronées concèdent que dans trente-six villes leurs adhérents se trouvent en situation de concurrence entre eux ; que de son côté tout en affirmant n'être jamais en présence d'un magasin affilié au Gitem, Elco admet que plusieurs de ses coopérateurs étaient installés dans les villes de Carcassonne, Béziers et Millau ;
Considérant en outre que les contrats de coopération commerciale Gitem et Force G ainsi que les statuts des diverses coopératives en cause n'interdisent pas expressément toute concurrence entre leurs membres mais la subordonnent soit à l'accord du concessionnaire de l'enseigne, soit, par des dispositions des règlements intérieurs dont la licéité est discutée, à l'approbation du conseil d'administration de la coopérative ;
2° Sur les clauses relatives à l'extension des activités des coopérateurs et à la cession des produits :
a) Sur les clauses relatives à l'ouverture de nouveaux points de vente :
Considérant que la décision déférée constate que, par leurs statuts et règlements intérieurs, Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame subordonnent à l'autorisation préalable de leur conseil d'administration la possibilité pour un adhérent d'ouvrir un nouveau point de vente, le Qatec soumettant au surplus à la même condition l'ouverture d'un nouveau rayon ;
Considérant que les requérants soutiennent que, à l'exception de celles figurant dans le règlement du Qatec dont le caractère illicite n'est pas contesté, les clauses litigieuses donnent à leurs conseils d'administration le pouvoir d'autoriser un adhérent à ouvrir un nouveau point de vente dans une agglomération où un autre est déjà établi lorsque ce dernier ne fait pas l'effort nécessaire pour distribuer les produits de la coopérative ; que ces dispositions statutaires visent par conséquent à stimuler le dynamisme commercial de leurs réseaux, cet objectif d'efficience économique relevant, selon Elco, de l'application de l'article 10-2 de l'ordonnance du ter décembre 1986 ;
Mais considérant que,quelles que soient les conditions dans lesquelles les conseils d'administration des coopératives concernées autorisent l'ouverture de nouveaux points de vente, les clauses litigieuses visent à faire respecter entre coopérateurs une répartition territoriale absolue et à supprimer ainsi toute concurrence entre des opérateurs indépendants sans pour autant renforcer leur dynamisme commercial, évidemment mieux assuré dans une situation de concurrence ouverte et de libre expansion de leurs activités; que de telles restrictions de concurrence qui vont à l'encontre de l'objectif de progrès qu'elles prétendent atteindre ne peuvent être justifiées par application de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée ;
b) Sur la pratique mise en œuvre par Copyrec à Dax au mois d'octobre 1987 :
Considérant qu'il n'est pas contesté que le comportement de Copyrec qui, au mois d'octobre 1987, a soumis à l'accord de ses associés déjà installés dans la ville de Dax l'adhésion d'un détaillant de la même localité sollicitant son admission dans la coopérative avait pour objet et pour effet de protéger les membres en place de la concurrence que pourrait leur faire un nouvel adhérent ;
c) Sur les clauses contrôlant ou interdisant les cessions de marchandises :
Considérant que par les dispositions de leurs statuts et règlements intérieurs :
- Cospreto, Elco et Scame soumettent à l'autorisation de leur conseil d'administration la possibilité, pour l'un de leurs membres, de vendre des produits en provenance de la coopérative dans l'un de leurs magasins situé dans une ville où est établi un autre adhérent ;
- Gerama interdit à ses adhérents la rétrocession de produits en provenance de la coopérative à des détaillants non adhérents se trouvant en concurrence avec un autre coopérateur ;
Considérant que les requérants soutiennent que ces prescriptions sont destinées à empêcher que les produits achetés par l'intermédiaire du groupement et aux conditions négociées par celui-ci avec ses fournisseurs soient revendus dans des magasins qui ne sont pas affiliés, en infraction avec les dispositions légales obligeant les coopératives à réserver leurs services à leurs seuls membres ; qu'ainsi elles relèvent de l'exonération prévue par l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Qu'Elco ajoute que la clause qui la concerne a pour objet de maintenir un taux minimum de coopération, qu'elle est en outre nécessaire à l'homogénéité ainsi qu'à l'image de marque de son réseau et pour éviter que, en vendant les produits de la coopérative dans des points de vente non affiliés, un adhérent se livre à une concurrence déloyale à l'égard d'un autre installé au même endroit ; qu'elle prétend enfin que, contribuant à accroître la concurrence, cette clause est justifiée par l'article 10-2 de l'ordonnance précitée ;
Mais considérant que les requérants n'indiquent pas sur quelle disposition tirée du statut des coopératives ils fondent le moyen tiré de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 permet au contraire à ces coopératives, lorsque cette faculté est mentionnée dans leurs statuts, d'admettre des tiers non associés à bénéficier de leurs services ; que, en tout cas, ce texte ne fait obstacle à la libre pratique des marchandises acquises par un commerçant ni à l'application des dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'Elco ne démontre pas en quoi lesdites clauses sont nécessaires au maintien d'un taux minimum de coopération qui, dans ses statuts, fait l'objet d'obligations spécifiques particulièrement rigoureuses et sont à elles seules suffisantes (règlement intérieur, chapitre II, annexes à la notification des griefs, cote 529) ;
Qu'il n'apparaît pas que la vente, hors d'un réseau de distribution multi-marques, de marchandises qui ne sont ni couvertes par une exclusivité ni désignées par des marques distinctives soit à elle seule de nature à nuire à son enseigne ou constitutive de concurrence déloyale ;
Que, les rétrocessions de marchandises n'étant interdites qu'à un "concurrent direct d'un coopérateur existant", il ne peut en outre être soutenu qu'elles sont destinées à protéger l'image ou l'homogénéité du réseau des coopérateurs Elco ;
Considérant, au contraire, que ces interdictions de rétrocession de marchandises, ajoutées aux clauses qui empêchent l'ouverture de nouveaux points de vente, sont en réalité prévues pour protéger chaque détaillant affilié à la coopérative de la concurrence directe ou indirecte des autres au sein de sa zone d'activité; que pour les raisons sus-indiquées ce cloisonnement territorial qui ne résulte pas du statut des coopératives artisanales n'est pas nécessaire à l'objectif de progrès qu'elles prétendent assurer ;
3° Sur les clauses interdisant les achats directs auprès des fournisseurs :
Considérant que la décision constate que les règlements intérieurs de Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame interdisent à leurs adhérents de chercher à bénéficier de conditions d'achat meilleures que celles des autres, pour des produits d'une marque donnée ;
Considérant que le Gitem et les coopératives qu'il regroupe soutiennent que ces clauses, liées à l'obligation minimum de coopération qui n'est pas critiquée par le Conseil, ne visent pas à empêcher leurs adhérents de contracter personnellement avec les fournisseurs de la coopérative mais seulement à leur interdire de bénéficier à titre individuel des conditions de vente négociées par celle-ci ; que, selon ce qu'ils prétendent, admettre une telle pratique reviendrait à consacrer, par une discrimination au préjudice des autres membres et des tiers, une entente illicite entre le fournisseur et l'adhérent ;
Qu'à ces moyens Elco ajoute à titre subsidiaire que, à tenir pour exacte l'interprétation qu'en fait le Conseil, ces clauses, en ce qu'elles visent à protéger l'étanchéité de son réseau, seraient nécessaires à l'efficience économique que permet le regroupement en coopérative de commerçants de proximité et, de ce fait, justifiées par application de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que les clauses litigieuses sont ainsi libellées :
Cospreto : règlement intérieur - Titre VI - Exclusion d'un adhérent. - Causes pouvant entraîner l'exclusion (pièces annexes à la notification des griefs n° 1813) :
" a) Tout adhérent qui userait de sa position de coopérateur pour obtenir de meilleures conditions auprès des fournisseurs ainsi que des achats sans passer par la coopérative ;
" b) Tout adhérent qui effectuerait des achats à des fournisseurs de la coopérative et qui demanderait et accepterait, sur proposition du fournisseur ou son représentant, d'être facturé directement aux conditions de la coopérative" ;
Elco : règlement intérieur (pièces annexes à la notification des griefs n° 528 et suivantes) :
" Chapitre II. - Engagement coopératif :
"f) Il n'est pas admis d'acheter directement aux fournisseurs de la coopérative qui proposeraient de meilleures propositions sans passer par la coopérative. "
" Chapitre V. - Clauses pouvant entraîner l'exclusion d'un adhérent : a et b idem Cospreto.
Gerama : règlement intérieur - titre III - Engagements et obligations (pièces annexes à la notification des griefs n° 1457) :
" d) 1° Il n'est pas admis d'acheter directement aux fournisseurs de la coopérative qui proposeraient de meilleures conditions sans passer par la coopérative. Dans ce cas, chacun se dot d'informer immédiatement la direction ;
Qatec : règlement intérieur - article 16 (pièces annexes à la notification des griefs n° 1671) :
" Sous peine d'exclusion, il est interdit : c) de provoquer ou d'entretenir entre les sociétaires des groupages de commandes sur la base des conditions obtenues à l'intérieur du groupement en tendant à éviter la facturation Qatec " ;
Scame : règlement intérieur - titre III - Engagements et obligations (pièces annexes à la notification des griefs n° 1881) :
" 1° Il n'est pas admis de s'approvisionner directement aux fournisseurs de la coopérative qui proposeraient de meilleures conditions sans passer par la coopérative. Dans ce cas, chacun se doit d'en informer directement la direction" ;
Considérant que,si le règlement intérieur d'une coopérative peut contenir des clauses précisant l'obligation contractuelle de loyauté des membres à son égard, notamment dans leurs relations avec les fournisseurs référencés par le GIE auquel elle appartient, ces dispositions statutaires ne sauraient pour autant, sans porter atteinte à leur autonomie commerciale, interdire à des commerçants de négocier individuellement avec lesdits fournisseurs à des conditions plus favorables que celles consenties au groupement;
Considérant que les clauses précitées contenues dans les règlements intérieurs d'Elco, Gerama et Scame emportent une interdiction absolue de traiter directement avec lesdits fournisseurs ; que, si elles sont plus ambigués, les dispositions prévues par les autres coopératives conduisent toutefois au même résultat, dès lors qu'elles ne permettent pas de distinguer si les conditions plus favorables obtenues par leurs adhérents résultent de manœuvres déloyales ou illicites, alors qu'à eux seuls la négociation directe d'un détaillant affilié à une coopérative avec un fournisseur référencé par celle-ci et l'octroi de conditions plus favorables ne sont pas constitutifs de faute ou de discrimination concertée ;
Que, telles qu'elles sont libellées, les clauses litigieuses ne sont ni justifiées par le statut légal des coopératives ni indispensables à l'objectif de progrès qu'elles visent à atteindre ;
Qu'ainsi que l'a justement relevé le Conseil, en obligeant les adhérents à ne s'approvisionner qu'aux conditions négociées par leur coopérative pour les produits d'une marque donnée, sans pouvoir rechercher des avantages propres, les clauses litigieuses conduisent en fait à uniformiser les prix d'achat et peuvent ainsi avoir pour effet de supprimer toute concurrence par les prix de vente ;
4° Sur le boycott de Schneider-Laden par Elco :
Considérant que le 9 mai 1988, Elco a diffusé à l'ensemble de ses membres une note ainsi libellée :
"Stop à Schneider-Laden,
"Nous vous avons déjà informé par circulaire que la coopérative n'avait pas d'accord commercial avec cette marque.
"Actuellement, ce fournisseur fait le forcing sur le terrain et tous nos adhérents reçoivent ou recevront la visite des forces de vente de ce fournisseur qui proposent des conditions exceptionnelles afin de déstabiliser la coopérative.
"Notre esprit coopératif et notre discipline doivent jouer une fois de plus envers un fournisseur, nous rappelons au souvenir des adhérents que les épreuves antérieures de ce genre ont été payantes, notamment envers Optalix, Thomson, Atlantic et même Schneider en 1970.
"A chaque fois, nous avons eu satisfaction, après les périodes difficiles, de voir régulariser des conditions commerciales avec des améliorations financières.
"Nous comptons sur vous pour remporter cette épreuve.
"Merci.
"La Direction "
Considérant que, soulignant qu'elle ne représente que 0,5 p. 100 du marché des produits de cette marque, Elco soutient qu'elle a proposé à ses adhérents de ne procéder à aucun achat direct auprès de Schneider-Laden pour ne pas être déstabilisée par les pratiques discriminatoires mises en œuvre par ce fournisseur et que, eu égard à la puissance du groupe auquel il appartient, sa démarche n'a pas pu avoir pour effet de l'empêcher d'accéder au marché ;
Mais considérant que, quelles que soient la puissance du fournisseur et la part de son chiffre d'affaires avec Elco, les manœuvres reprochées par Elco à Schneider-Laden, dont il n'est au demeurant pas apporté la moindre preuve, ne seraient pas de nature à justifier un refus concerté d'approvisionnement ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de faire obstacle à la libre prospection commerciale de cette entreprise :
5° Sur les ententes en matière de prix de vente au détail :
Considérant que la décision relève :
- que le Gitem établit et diffuse auprès des commerçants adhérents aux coopératives qui en sont membres des prix uniques pour les produits faisant l'objet de promotions nationales ainsi que pour d'autres produits dits exclusifs ;
- que Copyrec, Cospreto, Elco, Gerama, Qatec et Scame ont établi et diffusé des tarifs généraux ou coopératifs régionaux ;
- que Copyrec et Qatec ont établi et diffusé des prix uniques pour des produits faisant l'objet de promotions locales ou de marques données ;
Considérant que le Gitem et les coopératives qu'il regroupe soutiennent :
- d'une part, que les documents édités dans le cadre d'opérations de promotion nationales, s'agissant de prospectus, de dépliants ou de " posters", ne mentionnant des prix de vente au consommateur que pour un nombre réduit d'articles par rapport au total des articles référencés, qu'ils sont indispensables à la politique d'enseigne que le Gitem a pour objet de promouvoir et n'ont aucun caractère anticoncurrentiel, dès lors que ces campagnes ne portent pas sur des produits exclusifs, que les prix mentionnés sont le plus fréquemment pratiqués par les autres réseaux et que les points de vente associés ne sont que très rarement en concurrence sur le même marché, et en tout cas toujours avec ceux d'un autre réseau ;
- d'autre part, que les " tarifs généraux ou coopératifs " ainsi que les "appels de commandes" portant des prix de vente conseillés ne participent pas de cette politique de promotion mais qu'ils permettent au détaillant de connaître sa propre marge avant de passer une commande, sans que le prix de détail indiqué soit obligatoire ;
Qu'Elco prétend quant à lui :
- que, sur un marché aussi " éclaté " que celui de la distribution des produits " blancs " et " bruns", seul un contrôle des prix de revente permet aux coopératives de concurrencer les autres réseaux ;
- qu'aucune pièce du dossier ne permet de prouver qu'elle a participé à une entente nationale sur les prix avec le Gitem ; qu'en outre aucun de ses adhérents ne se trouve en situation de concurrence entre eux ou avec des points de vente affiliés au Gitem ;
- que la preuve d'une entente de prix au sein de sa propre coopérative n'est pas davantage rapportée et que, en tout cas, pour la raison susindiquée, elle n'aurait pu avoir aucun effet sur la concurrence ;
Considérant que la participation de distributeurs indépendants à des campagnes de promotion nationales réalisées par la diffusion et l'affichage de documents publicitaires proposant la vente d'articles à un prix unique constitue une entente sur les prix, quel qu'en soit le mode de fixation, dès lors que, comme il est démontré, dans un nombre significatif de cas ces détaillants opèrent sur les mêmes marchés ;
Que la politique de promotion d'enseigne commune, à laquelle de telles diffusions de prix uniques seraient indispensables, ne saurait toutefois justifier une telle pratique de la part de commerçants coopérateurs supposés conserver une politique commerciale autonome, notamment en matière de prix ;
Que la présentation et le contenu de ces documents publicitaires plaçaient les commerçants associés dans l'obligation d'appliquer les prix indiqués ;
Que, contrairement à ce qu'il soutient, le Gitem a, notamment en 1988, diffusé des prix uniques pour des articles réservés en exclusivité à ses adhérents ;
Considérant que les moyens développés par Elco visant à contester sa participation aux ententes nationales sur les prix organisées par le Gitem sont sans objet, ce grief n'étant pas retenu à son encontre ;
Considérant que la décision déférée constate encore des ententes tarifaires régionales mises en œuvre au sein de chaque coopérative dont seule Elco conteste l'existence et le caractère anticoncurrentiel ;
Mais considérant que cette coopérative admet que certains de ses adhérents se trouvaient en situation de concurrence à l'époque de l'enquête ; que son propre directeur commercial a déclaré " qu'en ce qui concerne le mode de fixation des prix publics faisant l'objet de publicité par voie de presse, de catalogue ou de radio nous ne passons plus par la commission nationale d'achat du GIE. Nous pratiquons toutefois de la même manière : nos acheteurs négocient avec les fournisseurs à partir des prix du marché relevés au plan régional par les organismes List et IFR. Concernant les produits nouveaux, nous les déterminons sur la base des prix de la concurrence" ; que le Conseil était par conséquent fondé à en déduire que, par la diffusion et la facturation de prix nets, Elco a mis en œuvre au sein de son groupe une politique de prix de détail pré-calculés ;
Considérant enfin que, contrairement à ce que soutiennent les autres requérantes,l'indication d'un prix de revente sur les " appels de commande " peut, outre son objet anticoncurrentiel, avoir un tel effet, dans la mesure où, ainsi que le montrent les relevés opérés par l'administration, il incite le coopérateur à renoncer à son autonomie pour aligner ses prix sur ceux qui lui sont suggérés;
Considérant en conséquence que les accords et pratiques ainsi caractérisés, en fonction de la date à laquelle ils ont été mis en œuvre, sont prohibés soit par application de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, soit par application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qu'ils ne sont pas justifiés par les dispositions de l'article 51 du premier de ces textes ou de l'article 10 du second ;
V. - Sur les injonctions et sanctions pécuniaires :
Considérant que de ce qui précède il résulte que les moyens tendant à l'annulation, à la suppression ou à la modification des injonctions doivent être rejetés ;
Considérant qu'Elco, qui a été mise en cause d'office par application de l'article 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 dans la mesure où le recours principal risquait d'affecter ses droits quant aux injonctions qui lui sont communes avec les coopératives requérantes, ne saurait, en cette qualité, contester la validité et le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été individuellement infligée et contre laquelle elle n'a pas formé de recours ;
Considérant que, se fondant sur des moyens tirés de la proportionnalité des sanctions pécuniaires qui leur ont été infligées eu égard aux faits qui leur sont respectivement imputables, le Gitem et les coopératives affiliées demandent à la Cour d'en réduire le montant ;
Considérant que les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné;
Considérant que, si, comme il est jugé, les pratiques mises en œuvre par ces coopératives ne peuvent être justifiées par les dispositions des articles 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ou 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,il doit néanmoins être observé, comme facteurs réducteurs de la sanction eu égard à l'importance relative du dommage causé à l'économie, d'une part, que la somme des achats des adhérents du groupe Gitem pour l'ensemble des produits en cause ne représentait que 1,3 p. 100 du secteur (1 p. 100 depuis le départ d'Elco), d'autre part, que les coopératives d'artisans sont propices à la sauvegarde d'un commerce de proximité, lui-même indispensable au maintien des équilibres économiques et sociaux;
Considérant, relativement à la gravité des faits, que ces pratiques ont été mises en œuvre par des organismes coopératifs cherchant à définir les modalités d'un système de commerce de détail, regroupant des entreprises indépendantes au sein d'un réseau valorisant une enseigne unique et des procédés de vente cohérents leur permettant de s'opposer à la concurrence de la grande distribution ou des réseaux intégrés, sans que les responsables de ces groupements aient nécessairement, et dans tous les cas, eu conscience du caractère anticoncurrentiel des contraintes statutaires imposées à leurs adhérents ou des campagnes de promotion uniformisées engagées à cette fin ; qu'ils ont dans l'ensemble loyalement contribué à l'enquête comme à l'instruction du Conseil et ont pour partie mis fin aux pratiques dont ils ne discutent pas le caractère illicite ;
1° En ce qui concerne le GIE Gitem :
Considérant que le Gitem est sanctionné pour avoir, dans les conditions ci-dessus discutées et caractérisées, mis en œuvre des ententes nationales sur les prix ; qu'il a cessé les pratiques qu'il n'estimait pas justifiées par sa politique d'enseigne ;
Considérant que son chiffre d'affaires de référence est de 44,531 MF et que, en 1987, il regroupait sept coopératives représentant huit-cent cinquante points de vente au total ;
Qu'il fait observer que, à l'inverse des coopératives qui achètent pour revendre, son chiffre d'affaires n'est constitué que des ristournes qui lui sont reversées afin de couvrir, outre ses frais de gestion, le montant des dépenses publicitaires du groupe ;
Considérant que, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus visés, le montant de la sanction pécuniaire infligée au Gitem doit être de 445 000 F ;
2° En ce qui concerne la société Copyrec :
Considérant que la société Copyrec est sanctionnée pour avoir mis en œuvre entre ses membres des ententes en matière de prix et organisé une concertation avec ses adhérents dacquois sur le rejet de la demande d'adhésion d'un commerçant de cette ville ;
Que le chiffre d'affaires de référence est de 127,288 MF et que cette coopérative de commerçants détaillants regroupait cent vingt-neuf points de vente en 1987 ;
Que, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus visés le montant de la sanction pécuniaire infligée à Copyrec doit être de 420 000 F.
3° En ce qui concerne la société Cospreto :
Considérant que Cospreto est sanctionnée pour avoir inclus dans son règlement intérieur des clauses interdisant à ses membres des achats directs auprès des fournisseurs référencés par le groupement, d'ouvrir de nouveaux points de vente dans la zone d'activité d'un autre adhérent et mis en œuvre en son sein des ententes en matière de prix ;
Que son chiffre d'affaires de référence est de 181,506 MF et que, en 1987, cette coopérative artisanale réunissait cent six points de vente ;
Que, en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels ci-dessus visés, le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée doit être de 900 000 F ;
4° En ce qui concerne la société Germa :
Considérant que la société Gerama est sanctionnée pour avoir inclus dans son règlement intérieur des clauses interdisant à ses membres les achats directs auprès des fournisseurs référencés par le groupement, d'ouvrir de nouveaux points de vente dans la zone d'activité d'un autre adhérent ou d'y vendre des marchandises provenant de la coopérative et mis en œuvre en son sein des ententes en matière de prix ;
Que son chiffre d'affaires de référence est de 129 989 MF et que, en 1987, cette coopérative artisanale réunissait cent treize points de vente ;
Que, en fonction des éléments généraux et individuels ci-dessus visés, le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée est de 650 000 F ;
5° En ce qui concerne la société Qatec :
Considérant que la société Qatec est sanctionnée pour avoir inclus dans son règlement intérieur des clauses interdisant à ses membres les achats directs auprès des fournisseurs référencés par le groupement, d'ouvrir de nouveaux points de vente ou de nouveaux rayons ou de céder des marchandises en provenance de la coopérative dans la zone d'activité d'un autre adhérent et mis en œuvre en son sein des ententes en matière de prix ;
Que son chiffre d'affaires de référence est de 286 204 MF et que, en 1987, cette coopérative artisanale réunissait cent vingt-huit points de vente ;
Que, en fonction des éléments généraux et individuels ci-dessus visés, le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée doit être de 1 430 000 F ;
6° En ce qui concerne la société Scame :
Considérant que la société Scame est sanctionnée pour avoir inclus dans son règlement intérieur des clauses interdisant à ses membres les achats directs auprès des fournisseurs référencés par le groupement, d'ouvrir de nouveaux points de vente ou d'y vendre des marchandises en provenance de la coopérative dans la zone d'activité d'un autre adhérent et mis en œuvre en son sein des ententes en matière de prix ;
Que son chiffre d'affaires de référence est de 152,607 MF et que, en 1987, cette coopérative artisanale réunissait cent-dix-neuf points de vente ;
Que, en fonction des éléments généraux et individuels ci-dessus visés, le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée doit être de 760 000 F ;
Par ces motifs : Déclare irrecevables les moyens développés par la société Jean Chapelle tendant à contester la division de la saisine ; Rejette les moyens visant à l'annulation, à la suppression ou à la modification des injonctions ; Déclare la société Elco irrecevable en ses moyens tendant à l'annulation ou à la réduction de la sanction pécuniaire qui lui est infligée ; Fixe les sanctions pécuniaires infligées : au GIE, groupe G-Gitem à 445 000 F ; à la société Copyrec à 420 000 F ; à la société Cospreto à 900 000 F ; à la société Gerama à 650 000 F ; à la société Qatec à 1 430 000 F ; à la société Scame à 760 000 F. Rejette tous autres moyens ; Met les dépens à la charge des requérants.