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Décisions

Cass. com., 8 juin 1993, n° 88-17.989

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Céramic Ardennes (Sté)

Défendeur :

Total (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Edin

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Me Thomas-Raquin, SCP Peignot, Garreau.

T. com. Nancy, du 25 mai 1987

25 mai 1987

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 juin 1988), que la société Céramic-Ardennes, exploitante d'une station-service, a conclu avec la société Total Compagnie française de distribution (société Total) un contrat d'approvisionnement exclusif en carburant, dit RM 7, spécifiant qu'en cas de cessation anticipée du contrat ou de résiliation pour une cause quelconque non imputable à la société Total, la société Céramic-Ardennes devrait restituer le matériel de stockage appartenant à la société Total, les travaux d'ouverture des fosses et de vidange devant être effectués par la société Céramic-Ardennes ; que les relations contractuelles ayant été rompues, la société Total a assigné la société Céramic-Ardennes en vue d'obtenir la restitution du matériel prêté ; que la cour d'appel a accueilli cette demande ;

Sur la recevabilité de la première branche du moyen : - Attendu que la société Total soutient que le grief de cette branche tiré de la violation des règles de la concurrence par la clause de restitution des réservoirs, est irrecevable pour être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

Mais attendu que l'arrêt écarte le caractère anticoncurrentiel de la clause ; que, ce motif ne pouvant être critiqué avant que l'arrêt ne soit rendu, le grief n'est pas nouveau et est donc recevable ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche ; - Vu l'article 50, alinéa 1er, de l'ordonnance du 30 juin 1945, applicable en la cause ; - Attendu que sont nulles les conventions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Attendu que, pour condamner la société Céramic-Ardennes à restituer en nature le matériel de stockage, l'arrêt retient que la clause prévoyant cette restitution, stipulée de manière générale dans le type de contrat de distribution dont s'agit, n'a pas pour effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux au revendeur de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, et qu'elle est susceptible de le dissuader de traiter avec un autre fournisseur; qu'elle est ainsi disproportionnée avec la fonction qui lui a été fixée de faire respecter l'exclusivité d'achat du carburant etqu'elle constitue un frein à la concurrence d'autres fournisseurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen : casse et annule, mais seulement en ce que l'arrêt a condamné la société Céramic-Ardennes à restituer à la société Total, Compagnie française de distribution, quatre réservoirs de carburants, l'arrêt rendu le 6 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.