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Décisions

Conseil Conc., 12 janvier 1999, n° 99-MC-01

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société NC NumériCâble

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Mouy, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Cortesse, Jenny, vice/présidents.

Conseil Conc. n° 99-MC-01

12 janvier 1999

Le Conseil de la Concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 18 novembre 1998 sous les numéros F 1098 et M 230, par laquelle la société NC NumériCâble a saisi le conseil de la concurrence de faits susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, concernant la situation de la concurrence dans le secteur du transport de signal audiovisuel par câble, et a demandé le prononcé de mesures conservatoires ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société France Télécom, par la société NC NumériCâble et par le commissaire du Gouvernement ; Vu l'avis adopté le 6 janvier 1999 par l'Autorité de régulation des télécommunications, à la demande du conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-10 du Code des postes et des télécommunications ; Vu l'avis adopté le 6 janvier 1999 par le conseil supérieur de l'audiovisuel, à la demande du conseil, en application de l'article 16 du décret n° 86-1309 susvisé ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société NC NumériCâble et de la société France Télécom entendus ;

Considérant que, par lettre en date du 17 novembre 1998, la société NC NumériCâble, qui exploite 44 réseaux de télédiffusion par câble, dont 26 lui appartiennent en propre et 18 appartiennent à France Télécom, a saisi le conseil de la concurrence de pratiques de France Télécom dont elle allègue qu'elles sont prohibées par les dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 86 du traité de Rome ; qu'elle a assorti sa saisine d'une demande de mesures conservatoires ;

Considérant que la société NC NumériCâble a été créée en 1984 sous la dénomination Compagnie générale de vidéocommunications/Compagnie générale des eaux (CGV/CGE) ; que jusqu'au 1er novembre 1997, date à laquelle la société Canal Plus a acquis la totalité de son capital, elle était filiale à 90 % de la Compagnie générale des eaux, le reste de son capital étant détenu par la société générale ; que sa dénomination sociale a été modifiée en mars 1998 pour devenir NC NumériCâble ; qu'en septembre 1998 la société luxembourgeoise Exante a acquis 37 % du capital de NC NumériCâble ;

Considérant que la propriété des réseaux de télédiffusion par câble construits par l'Etat entre 1982 et 1986 dans le cadre du plan câble a été transférée à France Télécom par la loi n° 90-538 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ; qu'à partir de 1986 les communes et groupements de communes, qui avaient l'initiative de l'établissement d'un réseau sur leur territoire, ont obtenu le droit de choisir le constructeur et l'exploitant, en faisant appel, le cas échéant, à des sociétés de capitaux privés ; que de nouveaux site ont alors été équipés ;

Considérant que, selon l'association des villes pour le câble et le multimédia, il existait, au 30 septembre 1998, 454 sites câblés, desservant 1 325 communes ; que le nombre total de prises installées s'élevait à 7 077 415 et que 2 513 716 foyers étaient abonnés à l'un des services du câble ; que 44 de ces sites avaient été construits dans le cadre du plan câble et totalisaient 61 % des prises installées et 53 % des abonnés ;

Considérant que, si France Télécom assure l'exploitation technique de l'ensemble des réseaux du plan câble, les communes et les groupements de communes sur lesquels sont installés ces réseaux confient l'exploitation commerciale de leur réseau câblé à un opérateur, après autorisation du conseil supérieur de l'audiovisuel ; que, dans les faits, trois opérateurs assurent l'exploitation commerciale des réseaux du plan câble ; France Télécom Câble qui exploite 18 sites comprenant 31 % des prises installées et 38 % des abonnés, Lyonnaise Câble qui exploite huit sites, comprenant 31,5 % des prises installées et 30,5 % des abonnés, NC NumériCâble qui exploite 18 sites, comprenant 37,5 % des prises installées et 31,5 % des abonnés ; que les exploitants commerciaux de ces réseaux versent une redevance à France Télécom ;

Considérant qu'outre l'exploitation de 18 sites du plan câble, la société NC NumériCâble exploite 26 autres sites qui lui appartiennent ; qu'en 1997, le chiffre d'affaires de NC NumériCâble s'est élevé à 740 MF dont 70 % provenaient de l'exploitation des 18 sites du plan câble et 30 % provenaient de l'exploitation des 26 sites lui appartenant ;

Considérant que les conventions d'établissement et d'exploitation du réseau de vidéocommunication conclues en 1986 et 1987 pour 25 ans entre l'Etat, les communes ou groupements de communes concernés et la Compagnie générale de vidéocommunications fixaient le mode de calcul de la redevance qui devait être versée à l'Etat, et, ultérieurement à France Télécom ; que ce mode de calcul a été révisé à plusieurs reprises par l'accord/cadre du 19 mars 1990, par celui du 29 mai 1992, par le protocole d'accord du 15 octobre 1990 et son avenant daté du 28 août 1997 ; qu'il était prévu que les conditions tarifaires fixées dans ce protocole modifié n'étaient valables que jusqu'au 31 décembre 1998 et seraient renégociées avant cette date ; que, dans ces conventions, accords ou protocoles, le montant de la redevance était fixé en fonction du nombre de prises installées et raccordables sur le site mais également en tenant compte du taux de pénétration effectif ou anticipé du câble, c'est/à/dire du nombre d'abonnements ;

Considérant que, dans une lettre en date du 30 juillet 1998, France Télécom a indiqué à NC NumériCâble, premièrement, que le protocole tarifaire en vigueur sur l'ensemble des réseaux câblés de France Télécom arrivait à échéance le 31 décembre 1998, deuxièmement, qu'aux termes de ce protocole, et en particulier de son article 5, France Télécom et NC NumériCâble devaient se rapprocher afin de négocier les dispositions tarifaires nouvelles devant être mises en application à compter du 1er janvier 1999, troisièmement, qu'elle souhaitait adopter une nouvelle approche dans la détermination de la redevance ; que, dans cette lettre France Télécom a proposé une nouvelle formule de calcul ; que cette formule comprend, d'une part, un montant pour l'usage du réseau de 1 700 F par prise raccordable multiplié par le pourcentage d'utilisation en MHz augmenté d'un coefficient de 1,1 pour couvrir les frais généraux et, d'autre part, une rémunération pour couvrir les frais de maintenance, soit 6 F par mois et par prise raccordable ; que cette formule est donc indépendante du taux de pénétration de NC NumériCâble sur les sites appartenant à France Télécom qu'elles exploite commercialement, c'est-à-dire du nombre effectif d'abonnés au câble sur ces sites ; que France Télécom indique, dans sa lettre du 30 juillet 1998 que " ce dispositif s'inspire du raisonnement qui a guidé l'Autorité de régulation des télécommunications dans l'instruction de la décision n° 97-210 du 10 juillet 1997 rendue à votre demande, ainsi que des décisions n° 98-526 et 98-527 du 19 juin 1998, et qu'il nous paraît logique de prendre comme référence dans le cas présent " ;

Considérant que, selon l'annexe 4 des observations complémentaires déposées par NC NumériCâble, l'application de la formule de calcul proposée en juillet 1998 par France Télécom ferait passer la redevance, rapportée au nombre d'abonnés à 71 F par mois pour la période 1999/2011, alors que ce montant n'aurait été que de 31 F avec le mode de calcul en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998 et prévu dans l'accord du 28 août 1997, et que le montant global de la redevance due par NC NumériCâble à France Télécom en 1999 passerait ainsi de 148 MF à 373 MF ; que, toujours selon l'annexe 4 des observations complémentaires déposées par NC NumériCâble, le montant total de la redevance due sur l'ensemble de la période restant à courir dans le contrat en cours, soit 1999/2011, serait de 4 846,31 MF au lieu de 1 961,92 MF avec les conditions tarifaires précédentes ; qu'enfin, dans l'hypothèse d'un prix d'abonnement au câble constant, la redevance due en moyenne sur la période 1999/2011 représenterait une charge correspondant à 52,16 % du chiffre d'affaires par abonné au lieu de 20,71 % actuellement ;

Considérant que les négociations se sont poursuivis entre France Télécom et NC NumériCâble, postérieurement à l'envoi de la lettre du 30 juillet 1998, jusqu'au 29 septembre 1998, date à laquelle NC NumériCâble indique que : " compte/tenu de la proposition inacceptable de France Télécom réitérée au cours de la réunion du 22 septembre 1998 se traduisant par une augmentation brutale de 150 % de la redevance (elle) a été contrainte (...) d'entériner la rupture des négociations " ; que, postérieurement, dans une lettre en date du 8 décembre 1998, France Télécom s'est déclarée : " conscient(e) de l'impact d'une évolution trop brutale pour (NC NumériCâble) de la redevant proposée dans (son) courrier du 30 juillet dernier " et a proposé une nouvelle formule ; que, selon NC NumériCâble, cette nouvelle proposition ramène la redevance due en 1999 à 271,8 MF, soit une augmentation de 94 % par rapport à la redevance calculée avec les dispositions tarifaires en vigueur en 1998, mais augmente le montant de la redevance due sur l'ensemble des années restant à couvrir en vertu du contrat par rapport à la proposition de France Télécom en date du 30 juillet 1998, la faisant passer de 4 846,31 MF à 5 177,19 MF ; que France Télécom a, par ailleurs, indiqué dans sa lettre du 8 décembre 1998, que " dans l'hypothèse où la négociation actuelle n'aboutirait pas et tant que les procédures prévues par les accords n'auront pas débouché sur une décision de justice ou arbitrale définitive, France Télécom facturera à votre société les redevances prévues par les accords de 1992 auxquelles s'ajouteront les minima de perception qui redeviennent exigibles " ; que, pour NC NumériCâble, qui conteste la conformité aux engagements contractuels en vigueur de ce retour aux conditions tarifaires de 1992, l'application de ces conditions tarifaires se traduirait par une hausse d'environ 70 % de la redevance facturée en 1999 par rapport à ce que serait la redevance déterminée selon le mode de calcul appliqué en 1998 ; que France Télécom indique la première mensualité de la redevance ainsi calculée sera facturée à NC NumériCâble à la fin du mois de janvier 1999 ;

Considérant que NC NumériCâble fait valoir dans sa lettre de saisine, que le service rémunéré par la redevance est celui de la mise à disposition d'une prestation de transport de signal de radiodiffusion sonore et de télévision depuis la sortie de la tête du réseau vers les divers points de branchement ; qu'ainsi chaque réseau câblé constitue un marché géographique pertinent sur lequel France Télécom dispose d'une position dominante ; qu'en outre, sur chacun de ces sites, le réseau câblé appartenant à France Télécom constitue une infrastructure essentielle pour l'acheminement des signaux vidéo sur les sites du plan câble dont elle est l'opérateur commercial ; qu'elle soutient également que le montant de la redevance " imposé " par France Télécom pour l'accès à cette infrastructure essentielle était abusivement élevé, avant même l'augmentation proposée pour 1999, comme en témoignerait, d'une part, le fait " qu'aucun des opérateurs " plan câble " n'a pu, à ce jour, réaliser des bénéfices ", d'autre part, le fait que " la comparaison avec les prix pratiqués par l'autre grand opérateur historique européen (Deutsche Telekom), qui assure le transport du signal pour des câblo/opérateurs, montre un grand déséquilibre de traitement par rapport aux situations étrangères ", enfin, que " la redevance exigée par France Télécom ne serait pas proportionnée aux coûts que l'on pourrait attendre d'un opérateur raisonnablement efficace dans sa situation " ; qu'elle estime également que " l'importance de l'augmentation de cette redevance que France Télécom veut imposer constitue un autre abus " ; qu'elle fait valoir, enfin, que la pratique tarifaire de France Télécom serait discriminatoire en indiquant que " les informations dont (elle) dispose lui laissent penser que France Télécom lui impose une redevance qui est déjà, à ce jour, plus élevée que celle acquittée par Lyonnaise Câble, et par France Télécom Câble " ; qu'au total, pour NC NumériCâble, l'ensemble des pratiques qu'elle dénonce constituent des abus de position dominante prohibés par les dispositions des article 86 du traité de Rome et 8, paragraphes 1 et 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que NC NumériCâble a joint à sa saisine au fond une demande de mesures conservatoires ; qu'elle souligne que sa situation serait " d'ores et déjà intenable ", ayant accumulé depuis une dizaine d'année plus de 3,5 milliards de francs de pertes ; que, selon l'annexe 6 des observations complémentaires déposées par NC NumériCâble, ces pertes s'établissaient en 1997 à 281 MF pour 740 MF de chiffre d'affaires ; qu'elle a dû mettre en œuvre un plan de restructuration depuis le 1er janvier 1998 ayant pour objectif le retour à un résultat net positif en trois ans, grâce, d'une part, à une politique commerciale et de marketing forte comprenant un élargissement de l'offre de programmes à 70 chaînes, une baisse des prix de vente, un développement de ses équipes commerciales et, d'autre part, à une restructuration de ses dépenses et à la mise en œuvre d'un plan social réduisant les effectifs de 40 % ; que, dans ces circonstances, elle se verra contrainte soit de supporter une augmentation de ses charges d'exploitation de 225 MF par an, augmentation qui compromettrait définitivement, et à très court terme, sa viabilité, ses comptes prévisionnels faisant, dans ce cas, apparaître pour 1999 une perte d'exploitation de 350 MF pour un chiffre d'affaires de 867 MF, selon l'annexe 6 des observations complémentaires déposées par NC NumériCâble, soit de cesser son activité sur l'ensemble des sites concernés si France Télécom interrompait sa prestation de transport du signal ; que, compte/tenu de l'atteinte grave et immédiate à ses intérêts qu'elle invoque, NC NumériCâble demande au conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'enjoindre à France Télécom " de poursuivre les conventions en cours avec NC NumériCâble aux conditions tarifaires actuelles, et ce jusqu'à ce que le conseil de la concurrence statue au fond " ;

Sur la saisine du conseil de la concurrence et sa compétence :

Considérant que la société France Télécom souligne que la société NC NumériCâble a rompu unilatéralement toute discussion et n'a pas cherché à faire jouer les mécanismes contractuels prévus en cas de désaccord entre les parties ; qu'elle fait valoir à cet égard que, dans le cadre du protocole n° 2 de 1996, il convient d'appliquer, en cas de litige entre les parties, les dispositions de l'article 13 du protocole n° 1 de 1992 qui prévoit de recourir à un collège d'experts, lequel doit statuer dans un délai d'un mois à compter de sa constitution ; qu'elle soutient, par ailleurs, que les pratiques qui lui sont reprochées relèvent d'un simple litige commercial et n'entrent pas dans le champ de compétence du conseil de la concurrence ;

Mais considérant que, si les litiges nés entre deux sociétés dans le cadre de relation contractuelles relèvent de la compétence du juge du contrat, ou éventuellement d'un tribunal arbitral lorsque le contrat contient une clause compromissoire conforme aux dispositions des articles 1442 et 1443 du nouveau Code de procédure civile, le conseil de la concurrence est néanmoins compétent pour examiner les pratiques révélées à l'occasion de ces litiges dès lors qu'elles pourraient être de nature à porter atteinte au fonctionnement du marché; que les dispositions de l'article 13 du protocole n° 1 de 1992 prévoyant une procédure d'arbitrage ne font donc pas obstacle à la possibilité pour NC NumériCâble de saisir le conseil de pratiques visées par les dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le conseil est donc valablement saisi et compétent pour examiner si les pratiques de France Télécom dénoncées par la société NC NumériCâble sont susceptibles de constituer des infractions à l'article 8 de l'ordonnance susmentionnée et à l'article 86 du traité de Rome;

Sur la saisine au fond :

Considérant que France Télécom fait valoir qu'elle ne détient pas une position dominante sur les marchés de l'accès aux infrastructures de transport de signaux audiovisuels par câble ; qu'en effet, il résulterait du contexte contractuel des relations entre France Télécom et les opérateurs de réseaux câblés que France Télécom n'a pas le choix des opérateurs qui exploitent commercialement les réseaux qu'elle possède ; qu'elle est liée avec ces opérateurs pour une période de 25 ans ; qu'elle n'aurait aucune latitude pour leur imposer quoi que ce soit dès lors, d'une part, qu'elle ne pourrait interrompre sa prestation et, d'autre part, que le prix de sa prestation, en cas de désaccord, est fixé selon une procédure prévue au contrat ;

Considérant, en outre, que France Télécom fait valoir que NC NumériCâble ferait une application totalement erronée de la " théorie des facilités essentielles " telle que développée par les autorités françaises et communautaires ; qu'en effet, d'une part, France Télécom ne concurrence nullement NC NumériCâble sur le marché, la première étant le propriétaire du réseau, la seconde l'exploitant commercial choisi par un concédant qui est la collectivité locale et que, d'autre part, il existe des alternatives pour les opérateurs de câble tant parce que d'autres modes de diffusion des images existent que parce que, depuis la loi du 30 septembre 1986, rien n'interdit en droit français, à un ou plusieurs câblo/opérateurs de construire leur propre réseau et de l'exploiter ;

Mais considérant, en premier lieu, que pour chaque site géographique du plan câble exploité par NC NumériCâble, il n'existe, à l'heure actuelle qu'un seul réseau câblé sur lequel NC NumériCâble peut faire transporter ses programmes audiovisuels, réseau dont France Télécom est le propriétaire et l'exploitant technique; que, sur chacun des sites concernés, la construction et l'exploitation du réseau câblé ont fait l'objet d'un contrat signé entre la commune ou le groupement de communes, l'exploitant et France Télécom; que ces contrats prévoient que NC NumériCâble assurera l'exploitation commerciale du réseau et que France Télécom établira " les liaisons spécialisées pour la transmission d'images télévisuelles qui seront demandées par la société entre les établissements de certains usagers et la tête de réseau "; que, pour honorer ces contrats, NC NumériCâble doit nécessairement obtenir une prestation de transport de signaux audiovisuel sur le réseau câblé, prestation que France Télécom est, dans l'état actuel de l'équipement des sites en cause, seule en mesure de fournir;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que France Télécom n'ait pu choisir l'opérateur commercial des réseaux du plan câble n'a pas à être prise en considération pour déterminer si elle dispose d'une position dominante sur le marché du transport des signaux audiovisuels de chaque site du plan câble dès lors qu'elle est, dans les faits, la seule entreprise susceptible de répondre à la demande de prestation de l'opérateur commercial de chacun des sites concernés ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que France Télécom ne serait pas concurrente de NC NumériCâble sur le marché de l'exploitation commerciale des sites concernés n'a pas être prise en considération pour déterminer si l'accès à l'infrastructure possédée par France Télécom sur ces sites est essentiel pour que NC NumériCâble puisse les exploiter; que, d'autre part, les contrats signés portent sur la diffusion de programmes audiovisuels sur des réseaux câblés et non par voie hertzienne ou par satellite; que, d'autre part, il apparaît que la construction sur un même site géographique d'un deuxième réseau câblé ne pourrait pas être rentabilisé en l'état actuel du marché, France Télécom ne contestant d'ailleurs pas le caractère déficitaire de l'exploitation des réseaux câblés déjà existants; qu'ainsi, il ne peut être exclu que NC NumériCâble ne disposant d'aucune autre solution que d'utiliser les réseaux de France Télécom pour l'exploitation de ces sites, ces infrastructures revêtent pour elle le caractère d'une facilité essentielle;

Considérant, au surplus, que France Télécom Câble, dont France Télécom détient 99,3 % du capital par l'intermédiaire de la Cogecom, elle/même filiale à 100 % de France Télécom, est concurrente de NC NumériCâble sur le marché de l'exploitation commerciale des réseaux sur lequel les demandeurs sont les collectivités locales et les offreurs les exploitants et les câblo/opérateurs ; que si NC NumériCâble se retirait de ce marché, France Télécom Câble pourrait, comme d'autres câblo/opérateurs ou exploitants, se porter candidate à la reprise de l'exploitation des réseaux du plan câble actuellement exploités par NC NumériCâble ; qu'il n'est donc pas exclu que France Télécom Câble puisse être en concurrence avec NC NumériCâble; qu'en outre, avec l'offre récente de services d'accès en ligne Internet sur l'un des réseaux qu'elle exploite, NC NumériCâble est en concurrence avec France Télécom sur le marché des services d'accès en ligne sur lesquels France Télécom dispose d'une position dominante au plan national;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article 239 des conventions d'établissements signés pour chaque réseau entre l'Etat, les collectivités territoriales et la Compagnie générale de vidéocommunications (devenue depuis NC NumériCâble) en 1986 et 1987 stipule que " en cas de défaut de paiement des redevances définies au titre IV, les Télécommunications peuvent suspendre la mise à disposition de la société des capacités de transport et de distribution des signaux de radiotélévision par câble " ; que France Télécom soutient cependant qu'une telle coupure serait impossible car contraire à l'article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ainsi qu'à l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui garantissent le droits à la réception des informations ou des idées ; que, de plus, la loi du 2 juillet 1966, modifiée, par la loi du 29 décembre 1990, institue un " droit au câble " ;

Mais considérant, d'une part, qu'il appartient au seul juge compétent d'apprécier, au regard des dispositions susmentionnées, la licéité d'une coupure du signal par France Télécom ; que, d'autre part, si la loi du 2 juillet 1966 modifiée par la loi du 29 décembre 1990 prévoit que " le propriétaire d'un immeuble ne peut, nonobstant toute convention contraire, même antérieurement conclue, s'opposer, sans motif sérieux et légitime, à l'installation, à l'entretien ou au remplacement, aux frais d'un ou plusieurs locataires ou occupants de bonne foi, d'une antenne extérieure réceptrice de radiodiffusion. Il ne peut, dans les mêmes conditions, s'opposer au raccordement d'un locataire ou occupant de bonne foi à un réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore ou de télévision ", cette disposition s'adresse aux propriétaires d'immeubles d'habitation, et non aux propriétaires des réseaux câblés construits dans le cadre du plan câble ; qu'enfin, et en tout état de cause, la coupure du signal serait rétabli au profit d'un concurrent qui reprendrait l'exploitation commerciale du réseau, suite à la défaillance de NC NumériCâble ; que dès lors, la mise en œuvre, en cas de défaut de paiement de NC Numéricâble, des dispositions de l'article 29 des conventions d'établissement, signées pour chaque réseau entre l'Etat, les collectivités territoriales et la Compagnie générale de vidéocommunications (devenue depuis NC NumériCâble) en 1986 et 1987, ne peut être exclue ;

Considérant, en dernier lieu, que la volonté d'une entreprise d'améliorer la rentabilité des actifs inscrits à son bilan ne présente pas en soi un caractère anti/concurrentiel ; qu'il ne peut, cependant, être exclu, sous réserve d'une instruction au fond, que l'ampleur et la brutalité de la hausse de la redevance demandée pour 1999 à NC NumériCâble, alors même que cette entreprise est dans une situation financière difficile, constituent, au cas d'espèce, un abus de la position dominante que détiendrait France Télécom sur le marché de l'acheminement des signaux sur les réseaux du plan câble, ou de la situation de dépendance dans laquelle elle tiendrait NC NumériCâble, abus ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'éliminer cette dernière entreprise des marchés de l'exploitation commerciale des réseaux du plan câble et de restreindre le jeu de la concurrence potentielle sur les marchés de la téléphonie fixe et de l'accès à Internet, sur lesquels France Télécom détient une position dominante au plan national; qu'il ne peut donc être exclu que France Télécom ait mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions des articles 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et 86 du traité de Rome;

Sur la demande de mesures conservatoires :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des mesures conservatoires " ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante " ; que les mesures susceptibles d'être prises à ce titre " doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ", que la mise en œuvre de ce texte suppose la constatation de faits constitutifs de troubles illicites auxquels il conviendrait de mettre fin sans tarder ou susceptibles de causer un préjudice imminent et certain au secteur concerné, aux entreprises victimes des pratiques ou encore aux consommateurs, préjudice qu'il faudrait alors prévenir, dans l'attente d'une décision au fond;

Considérant que le déficit courant de la société NC NumériCâble cumulé sur les années 1995, 1996 et 1997 a atteint 1 196 millions de francs ; que l'exploitation des réseaux du plan câble a généré, en 1997, 69,5 % de son chiffre d'affaires ; que le montant dû au titre de la redevance a représenté, en 1998, environ 26 % du chiffre d'affaires dégagé par cette activité ; que la hausse de la redevance proposé par France Télécom dans son courrier du 30 juillet 1998 porterait, selon les estimations NC NumériCâble non contestées par France Télécom, que ce soit dans ses observations ou en séance, le montant dû au titre à environ 61 % du chiffre d'affaires prévisionnel de NC NumériCâble pour cette société en 1999, soit 373 MF au lieu de 148 MF qui aurait été dus par NC NumériCâble si les conditions tarifaires en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998 étaient appliquées ; qu'à défaut d'accord France Télécom a indiqué sa volonté de facturer à NC NumériCâble, en vertu des accords de 1992 dont NC NumériCâble conteste qu'ils soient applicables, une hausse de redevance d'environ 70 % en 1999 ; que la première mensualité de la redevance ainsi calculée sera facturée à NC NumériCâble par France Télécom à la fin du mois de janvier 1999 ;

Considérant que les hausses des charges fixes que France Télécom entend imposer d'un seul coup à NC NumériCâble sont d'une ampleur telle qu'elles constituent une modification substantielle des conditions d'exploitation de cette entreprise et sont manifestement de nature à mettre en péril son existence; qu'en outre une suspension du signal en cas de non/paiement de la redevance porterait immédiatement une atteinte grave aux intérêts commerciaux de l'entreprise plaignante;

Considérant qu'au vu de ce qui précède il y a lieu d'enjoindre à France Télécom, jusqu'à ce que le conseil ait statué au fond, de ne pas mettre en œuvre les dispositions de l'article 29 des conventions d'établissement conclues en 1986 et 1987, dès lors que NC NumériCâble lui versera mensuellement une provision égale au montant de la redevance mensuelle qui serait due si cette redevance était déterminée selon le même mode de calcul que celui utilisé en 1998;

Décide :

Article unique : Il est enjoint à la société France Télécom, jusqu'à ce que le conseil ait statué au fond, de ne pas mettre en œuvre les dispositions de l'article 29 des conventions d'établissement conclues en 1986 et 1987 avec la Compagnie générale de vidéocommunications devenue depuis NC NumériCâble, dès lors que NC NumériCâble lui versera mensuellement une provision égale au montant de la redevance mensuelle qui serait due si cette redevance était déterminée selon le même mode de calcul que celui utiliser en 1998.