Conseil Conc., 10 mars 1998, n° 98-D-18
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine de M. Christophe Palma
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Jacques Poyer, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, , M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 2 juin 1995 sous le numéro F 766, par laquelle M. Christophe Palma a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Volkswagen France SA ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de M. Christophe Palma ayant été entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
A. - Le secteur et les entreprises concernées
Le secteur concerné par la saisine est celui de la vente des automobiles particulières. En 1993, 1 721 300 véhicules particuliers ont été immatriculés en France. Les deux principaux constructeurs nationaux, Renault et PSA, ont assuré, cette même année, chacun environ 30 % des ventes de véhicules automobiles effectuées sur le marché national. Le groupe Volkswagen, qui regroupe les importations de véhicules automobiles de marque Volkswagen, Audi, SEAT et Skoda, détenait à la même époque une part de marché de 8,7 %.
Les véhicules de marque Volkswagen, Audi, SEAT et Skoda sont importés en France par la société Volkswagen France SA (VAG-France), importateur exclusif, en vertu d'un contrat qui la lie à sa société mère, Volkswagen AG, dont le siège est situé en Allemagne à Wolfsburg.
La société Volkswagen France SA commercialise les véhicules neufs et les pièces de rechange par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires et d'agents liés par contrat. Ces contrats sont exemptés de l'application des dispositions de l'article 85 § 1 du traité de Rome, s'ils remplissent les conditions fixées par le règlement (CE) n° 1475-95 du 28 juin 1995 concernant l'application de l'article 85 § 3 du traité de Rome à des catégories d'accord de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, qui a remplacé le règlement n° 123-85 du 12 décembre 1984.
B. - Les pratiques constatées
M. Christophe Palma a été concessionnaire exclusif des marques Volkswagen et Audi à Salon-de-Provence, du 1er janvier 1965 au 30 juin 1991, date de la rupture, après préavis d'un an, du dernier contrat qui le liait à la société VAG-France. Le saisissant ne remet pas en cause la validité du contrat passé avec VAG-France, même si ce contrat a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission européenne, plainte rejetée pour absence de restriction de concurrence ou pour absence d'intérêt communautaire suffisant à poursuivre la procédure. Un recours contre cette décision a été introduit le 26 novembre 1996 auprès du Tribunal de première instance des Communautés européennes.
M. Palma soutient qu'en usant de sa position dominante VAG-France a " imposé à son concessionnaire des obligations dérogeant à l'égalité des parties dans les droits, allant jusqu'à gérer et s'ingérer directement dans la gestion de l'entreprise. " A l'appui de cette affirmation, M. Palma fait état de plusieurs courriers émanant de VAG-France et l'engageant à développer sa concession. En particulier dans un courrier du 7 septembre 1982 VAG-France menace de ne pas renouveler le contrat de concession qui le lie à M. Palma en ces termes : " Soyez persuadés que si aucune réponse positive ne nous était parvenue dans les semaines à venir, nous serions obligés de reconsidérer notre représentation sur la ville de Salon-de-Provence ".
M. Palma ayant fait construire de nouveaux locaux, son contrat a été reconduit pour une durée de trois ans. Toutefois la situation financière de sa concession s'étant dégradée, la société VAG-France s'en est inquiétée et a demandé, par lettre du 20 septembre 1984, à M. Palma de " poursuivre la restructuration financière entreprise " en précisant : " dans la négative nous serions amenés à revoir les conditions de fonctionnement et facilités dont vous bénéficiez ". Puis, par lettre du 21 novembre 1985, la société VAG-France a informé M. Palma " qu'aucune mesure concrète ni amélioration tangible n'étant intervenue depuis, (elle avait) le regret de vous faire part dès à présent de ne pas vous proposer de nouveau contrat au terme de celui venant à expiration le 31/12/85 ". Enfin, par lettre du 21 novembre 1985, la société VAG-France faisait état d'une nouvelle dégradation financière de la concession de M. Palma et de l'existence d'impayés et, en conséquence, annonçait la résiliation du contrat de M. Palma avec effet immédiat. En dépit de ces courriers, plusieurs contrats devaient être passés par la société VAG-France avec M. Palma. Le dernier a été signé le 19 janvier 1990 pour une durée indéterminée.
Le 25 mai 1990 la société en nom collectif Etablissements Palma et fils déposait son bilan. Par lettre du 7 juin 1990, la société VAG-France s'étonnait de ne pas en avoir été avertie à temps et rappelait que, depuis plusieurs années et ce malgré de nombreux impayés, elle avait accordé des facilités à M. Palma. La même lettre avisait M. Palma de la résiliation avec préavis d'un an expirant le 30 juin 1991 de son contrat de concession.
Par jugement du 8 octobre 1993 le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence a prononcé le redressement judiciaire de M. Christophe Palma et des sociétés SA Palma et SARL Etablissements Palma et fils. Par jugement du 8 avril 1994, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire sans maintien de l'activité de ces entreprises.
II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure " ;
Considérant que, hormis le cas de saisine d'office, le Conseil de la concurrence ne peut être saisi, par application des dispositions combinées du premier alinéa de l'article 11 et du deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que par le ministre chargé de l'Economie, les entreprises, les organisations de consommateurs agréées, les chambres d'agriculture, les chambres des métiers et les chambres de commerce et d'industrie; que cette liste a un caractère limitatif ; que, dès lors, le Conseil ne peut connaître de demandes émanant de personnes ou d'organismes n'appartenant pas, à la date du dépôt de la saisine, à l'une de ces catégories;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'entreprise de M. Christophe Palma et les sociétés SA Palma et SARL Établissements Palma et fils ont été mises en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Salon-de-Provence le 8 avril 1994; que le saisissant a cessé depuis lors toute activité commerciale; qu'en conséquence, M. Christophe Palma n'avait plus, à la date de la saisine, qualité pour saisir le Conseil;
Considérant que, si dans ses observations orales devant le Conseil, M. Palma a invoqué les dispositions de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, dispositions relatives à la suspension provisoire des poursuites à l'encontre des personnes qui ont déposé un dossier auprès des commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, il est constant que ces dispositions ne sont applicables que devant les juridictions ; que, par suite, ce moyen est inopérant devant le Conseil de la concurrence ;
Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 20 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Décide :
Article unique.- Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.