Conseil Conc., 21 septembre 1993, n° 93-D-35
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Distribution en pharmacie de certains produits cosmétiques et d'hygiène corporelle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de Mme Simone de Mallmann, par MM. Barbeau, président, Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Blaise, Bon, Gicquel, Mme Hagelsteen, MM. Marleix, Pichon, Robin, Sloan, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (formation plénière),
Vu la lettre enregistrée le 11 janvier 1991 sous le numéro R. 7 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence du dossier relatif à l'exécution de sa décision n° 87-D-15 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 87-D-15 du 9 juin 1987 du Conseil de la concurrence relative à la situation de la concurrence dans la distribution en pharmacie de certains produits cosmétiques et d'hygiène corporelle ; Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 28 janvier 1988 et l'arrêt rectificatif du 4 février 1988 relatifs à la décision n° 87-D-15 du Conseil de la concurrence ; Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 janvier 1989 et l'arrêt rectificatif du 23 février 1989 concernant l'exécution de la décision n° 87-D-15 du Conseil de la concurrence ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 25 avril 1989 relatif au pourvoi formé par la société Pierre Fabre Cosmétique et à l'intervention des sociétés Laboratoires d'Applications Dermatologiques Vichy et Ruby d'Anglas contre l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 28 janvier 1988 ; Vu les observations présentées par la société Biopha, la Coopérative d'Ex ploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP Rouen), les sociétés Cosmétique Active France, Lachartre, Lutsia, Sopad Nestlé (ex-Guigoz) et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les sociétés Biopha, CERP Rouen, Cosmétique Active France, Expanscience, Lutsia, Monot, Pierre Fabre Cosmétique, Roc, Sopad Nestlé (ex-Guigoz) entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les injonctions prononcées
a) La décision du Conseil de la concurrence:
A la suite de la décision de la Commission de la concurrence du 14 décembre 1984 de se saisir d'office des pratiques de distribution exclusive en pharmacie des produits ne relevant pas du monopole légal des pharmacies d'officine, le Conseil de la concurrence a infligé dans sa décision n° 87-D-15 du 9 juin 1987 les injonctions ci-après :
" Art. 1er - Il est enjoint aux sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Guigoz, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Ruby d'Anglas et Vichy de cesser de subordonner l'agrément de leurs distributeurs à la détention de la qualité de pharmacien d'officine.
" Art. 2. - Il est enjoint aux sociétés Vichy et Goupil de modifier leurs contrats en supprimant la clause qui interdit aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé.
" Art. 3. - Il est enjoint aux sociétés Biopha, Expanscience, Guigoz, Pierre Fabre Cosmétique, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc et Vichy et aux grossistes répartiteurs OCP Répartition, CERP Rouen et GRP de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés.
" Art. 4. - Il est enjoint à la société Guigoz de renoncer à son contrat de distribution sélective avec les organisations professionnelles de pharmaciens.
"Art. 5. - Il est enjoint à la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, à l'Ordre national des pharmaciens, dans l'exercice de ses compétences autres que juridictionnelles, au syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et au syndicat national de la dermopharmacie de s'abstenir à l'avenir de toute ingé rence dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d'agrément des distributeurs. ".
En outre, le conseil a infligé dans l'article 6 de sa décision une sanction pécuniaire de 200 000 F à la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, une sanction de 100 000 F à l'Ordre national des pharmaciens et de 50 000 F au syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne. Il a aussi ordonné dans son article 7 la publication du texte intégral de sa décision, dans le délai maximum d'un mois à compter de la date de sa notification, à leurs frais, par la fédération des syndicats pharmaceutiques de France dans le Quotidien des pharmaciens, La Tribune de l'économie et Le Figaro, par le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens dans Le Moniteur des pharmaciens, Les Echos et Le Monde et par le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne dans le Journal des pharmaciens et des laboratoires.
b) Les arrêts de la cour d'appel :
Dans son arrêt précité en date du 28 janvier 1988, la cour d'appel de Paris a, sur recours des sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Pierre Favre Cosmétique, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Ruby d'Anglas et Vichy, confirmé la décision du conseil qui leur a enjoint de cesser de subordonner l'agrément de leurs distributeurs à la qualité de pharmacien d'officine. En outre, elle a étendu cette injonction à la société Roc et a accordé aux parties en cause un délai expirant le 1er octobre 1988 pour l'application desdites injonctions.
Sur recours de la société Vichy, elle a confirmé la décision du conseil qui lui a enjoint de modifier ses contrats de distribution par la suppression de la clause interdisant aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé. Sur recours des sociétés Lachartre, Monot, OCP Répartition et GRP, elle a confirmé la décision du conseil qui leur a enjoint de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés. Sur recours de l'Ordre national des pharmaciens, elle a confirmé la décision du conseil qui lui a enjoint, dans l'exercice de ses compétences autres que juridictionnelles, de s'abstenir de toute ingérence dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d'agrément des distributeurs.
Elle a également ajourné le prononcé de toute sanction pécuniaire et a indiqué que, dans le dessein de vérifier l'exécution des injonctions précitées, qu'elle examinerait à nouveau l'affaire le 1er décembre 1988, au vu d'un rapport du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, déposé au greffe de la cour avant le 1er novembre 1988. Enfin, la cour a décidé que le texte intégral de son arrêt serait, dans le délai d'un mois après sa notification, publié dans les journaux Le Moniteur des Pharmaciens, Les Echos et Le Monde sur l'initiative du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Dans son arrêt précité du 26 janvier 1989, la cour :
" Constate que l'injonction visant la société Laboratoires Goupil est devenue sans objet ;
" Constate qu'en l'état :
" Les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétiques, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc, Ruby d'Anglas et Vichy se sont conformées à l'injonction qui leur a été donnée de cesser de subordonner l'agrément de leurs distributeurs à la qualité de pharmacien d'officine ;
" La société Vichy s'est conformée à l'injonction tendant à la suppression, dans ses contrats de distribution, de la clause interdisant aux revendeurs de rétrocéder des produits à un autre revendeur agréé ;
"Les sociétés Lachartre, Monot, OCP Répartition et GRP se sont conformées à l'injonction leur prescrivant de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés ;
"Que l'Ordre national des pharmaciens s'est également conformé à l'injonction le concernant. "
Enfin, la cour a ramené la sanction pécuniaire infligée à l'Ordre national des pharmaciens de 100 000 à 50 000 F.
La décision n° 87-D-15 du Conseil de la concurrence ainsi que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 1988 sont devenus définitifs en raison du rejet, le 25 avril 1989, par la Cour de cassation (chambre commerciale, économique et financière) du pourvoi formé par la société Pierre Fabre Cosmétique et de l'intervention au pourvoi des sociétés Vichy et Ruby d'Anglas.
B. - L'exécution des injonctions.
Elle appelle les constatations suivantes :
En ce qui concerne l'injonction prévue à l'article 1er de la décision susmentionnée du Conseil de la concurrence, la cour d'appel de Paris a estimé, dans son arrêt du 26 janvier 1989, que les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétique, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Roc, Ruby d'Anglas et Vichy s'y sont conformées.
La société Guigoz, devenue Sopad Nestlé, qui n'a pas formé de recours, a établi un contrat " Conditions de vente au détail de la gamme de dermopédiatrie Babigoz " comportant des conditions de commercialisation relatives notamment, d'une part, au personnel qualifié défini comme toute personne titulaire "d'un diplôme de docteur en pharmacie, d'un DEA de biologie cutanée ou de cosmé tologie ou toute autre qualification équivalente de la CEE, d'un diplôme de technicien supérieur ayant suivi une formation complémentaire en cosmétologie (lsipca) ou, à défaut, disposant d'une expérience pratique de plusieurs années en cosmétologie " et, d'autre part, à l'environnement, qui exclut le " libre service intégral ".
En ce qui concerne l'injonction prévue à l'article 2 de la décision susvisée du conseil, la cour d'appel a constaté que la société Vichy s'y est conformée.
En ce qui concerne l'injonction prévue à l'article 3, la cour a constaté que les sociétés Lachartre, Monot, OCP Répartition et GRP s'y sont conformées. Il ne ressort pas de l'instruction que, pour la période postérieure à l'arrêt de la cour d'appel en date du 26 janvier 1989, les sociétés Lachartre et Monot diffusent à nouveau des prix conseillés. La société OCP a déclaré qu'en matière de prix conseillés, " il n'existe pas de diffusion de circulaire par voie syndicale ". Cependant, elle a mis en place un service de gestion des marges qui permet au pharmacien, en fonction de taux de marge et de coefficients très étendus, de lui faire connaître la marge qu'il désire pratiquer. A partir de ces données, l'OCP calcule les prix de vente qui apparaissent sur les bons de livraison. Le groupement de répartition pharmaceutique (GRP) ne diffuse plus de prix conseillés mais a instauré un service " Personnalisation des marges par catégorie de produit ", qui calcule les prix de vente public du pharmacien à partir d'un coeffi cient indiqué par celui-ci lorsqu'il a souscrit un contrat de gestion personnalisé.
Les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétique, Lutsia, Roc et Vichy pour les marques Vichy et Phas, qui n'ont pas formé de recours, ont cessé de fournir des indications directes ou indirectes de prix conseillés.
La société Sopad Nestlé (ex-Guigoz) a déclaré qu'elle ne conseille aucun tarif ni marge et que ses " produits ne portent pas de prix à la livraison ". Toutefois, elle a transmis à ses distributeurs un tableau des prix publics en matière de dermopédiatrie au 1er octobre 1991, dans lequel le prix des produits est calculé en fonction d'un taux de marge allant de 20 à 45 p. 100. Par ailleurs, à chaque pourcentage de marge correspond un coefficient.
Ainsi, en fonction des différents seuils de prix d'achat HT, des prix publics TTC sont donnés aux distributeurs.
La société Pharmygiène a mis en place, du mois d'août 1990 à la fin de l'année 1990, un système de calcul de prix publics pour les pharmaciens sur les gammes de produits Bébisol et Sanodiane : le pharmacien intéressé devait indiquer au laboratoire le coefficient multiplicateur qu'il choisissait pour faire calculer ses prix publics. Les coefficients proposés variaient de 1,50 à 2,00 et permettaient le calcul des prix publics et des marges en fonction des taux de remise consentis au pharmacien.
La CERP Rouen, si elle ne donne plus d'indications de prix publics dans ses tarifs, a instauré en janvier 1988 un système de "calcul du prix de vente à partir du prix pharmacien HT " : chaque produit est caractérisé par sa catégorie et cette dernière peut être subdivisée en plusieurs sous-catégories appelées " familles ". Pour chaque famille est indiquée une marge minimale, maximale et moyenne.
En ce qui concerne l'injonction prévue à l'article 4, la société Sopad Nestlé (ex-Guigoz), seule concernée et qui n'avait pas formé de recours, a renoncé au contrat de distribution visé par cette injonction.
En ce qui concerne l'injonction prévue à l'article 5, la cour d'appel a constaté que l'Ordre national des pharmaciens s'y est conformé. S'agissant de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, du syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et du syndicat national de dermo-pharmacie, le rapport transmis par l'administration a permis de constater que ces organisations professionnelles ont effectivement cessé de se livrer à de telles pratiques. Quant à l'Ordre national des pharmaciens, il ressort de l'instruction que, postérieurement à la décision de la cour d'appel en date du 26 janvier 1989, il a continué de s'abstenir de toute intervention auprès des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d'agrément des distributeurs.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL :
Considérant qu'en application de l'article 14 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986, il appartient au conseil de vérifier si les injonctions prises en application des articles 12 et 13 de cette ordonnance sont respectées et de prononcer. le cas échéant, une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article 13 ;
Considérant que la cour d'appel, dans son arrêt du 28 janvier 1988, a confirmé les injonctions prononcées par le Conseil de la concurrence dans sa décision en date du 9 juin 1987 et a ajourné le prononcé de toute sanction pécuniaire en attendant la vérification de l'exécution de ces injonctions ; que, par son arrêt en date du 26 janvier 1989, elle a constaté qu'en l'état les injonctions étaient respectées ;
Considérant, dans ces conditions, qu'il n'appartient pas au conseil, saisi en application des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de se prononcer sur l'exécution de ces injonctions dans le cas où leur exécution résulte instantanément de mesures dont l'adoption a été constatée par la cour d'appel de Paris ; qu'en revanche, il appartient au conseil d'examiner le respect des injonctions qui impliquent l'adoption d'un comportement permanent dès lors que cet examen porte sur la période postérieure à l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 janvier 1989 ;
Considérant, dès lors, que le Conseil de la concurrence ne peut se prononcer, d'une part, sur l'exécution de l'injonction prévue à l'article 1er de sa décision susvisée en date du 9 juin 1987 par les sociétés Biopha, Expanscience, Goupil, Pierre Fabre Cosmétique, Lachartre, Lutsia, Monot, Pharmygiène, Ruby d'Anglas et Cosmétique Active France (ex-Vichy) ainsi que par la société Roc à laquelle cette injonction a été étendue par la cour d'appel de Paris dans son arrêt susvisé du 28 janvier 1988 et, d'autre part, sur l'exécution de l'injonction prévue à l'article 2 de sa décision précitée par la société Cosmétique Active France (ex-Vichy) ; qu'il peut en revanche se prononcer, d'une part, sur l'exécution de l'injonction prévue à l'article 3 de cette même décision par les sociétés Lachartre, Monot, OCP Répartition et GRP en ce qui concerne la période postérieure à l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 26 janvier 1989 et, d'autre part, sur l'exécution de l'injonction prévue à l'article 5 de sa décision précitée par l'Ordre national des pharmaciens en ce qui concerne la même période.
Sur la procédure:
Considérant que la CERP Rouen invoque la nullité du procès-verbal d'inventaire des documents communiqués du 26 juillet 1989 et du procès-verbal d'audition du 10 août 1989 établis par les enquêteurs ; qu'elle fait valoir que le procès-verbal du 10 août 1989 n'a pas été signé par la personne entendue et qu'il ne concernait pas la question du respect de l'injonction contenue dans l'article 3 de la décision n° 87-D-15, et qui visait notamment la CERP Rouen.
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les enquêtes effectuées en application de ladite ordonnance donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et un double doit en être laissé aux parties intéressées ; qu'aux termes de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 : " Les procès-verbaux prévus à l'article 46 de l'ordonnance sont rédigés dans le plus court délai. Ils énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés de l'enquêteur et de la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci, mention en est faite au procès-verbal".
Considérant en conséquence que doit être écarté du dossier le procès-verbal en date du 10 août 1989 établi en violation des règles de forme ci-dessus énoncées dès lors qu'il est constant qu'il n'est pas revêtu de la signature de la personne concernée et qu'il ne fait pas mention d'un refus de signature de cette personne.
Sur le respect des injonctions :
En ce qui concerne l'injonction de cesser de subordonner l'agrément des distributeurs à la qualité de pharmacien d'officine:
Considérant que la société Sopad-Nestlé (ex-Guigoz) n'exige plus de ses distributeurs la qualité de pharmacien d'officine ; qu'il en résulte qu'elle s'est conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue.
En ce qui concerne l'injonction de cesser de diffuser auprès des pharmaciens des indications directes ou indirectes de prix conseillés :
Considérant que les sociétés Biopha, Expanscience, Pierre Fabre Cosmétique, Lutsia, Roc, Cosmétique Active France (ex-Vichy), départements Vichy et Phas, ne diffusent plus de prix conseillés depuis l'intervention de la décision du conseil ; qu'elles se sont dès lors conformées à l'injonction au respect de laquelle elles étaient tenues.
Considérant en revanche que la société Sopad Nestlé (ex-Guigoz) a continué de diffuser aux distributeurs, après la décision susvisée du conseil, un tableau des prix publics calculés à partir de taux de marge compris entre 20 p. 100 et 45 p. 100 ; que, dès lors, cette société ne s'est pas conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue.
Considérant que la société Pharmygiène a mis en place, après la décision susvisée du conseil, un système de calcul de prix publics pour les pharmaciens sur deux gammes de produits ; qu'avec ce système le pharmacien était invité à choisir un coefficient multiplicateur compris entre 1,50 et 2, à partir duquel Pharmygiène calculait son taux de marge ; que, dès lors, cette société ne s'est pas conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue.
Considérant enfin que la CERP Rouen ne donne plus d'indications de prix publics dans ses tarifs ; que toutefois elle a mis en place, après la décision susvisée du conseil, un service de calcul des prix publics dans lequel, notamment, les produits sont classés par catégories et par " familles ", avec, pour chacune d'elles, une marge minimum, maximum et moyenne; que l'ensemble de ces prestations n'avaient de raison d'être que si elles étaient portées directement ou indirectement à la connaissance des pharmaciens ; que, dès lors, cette société ne s'est pas conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue.
Considérant que les sociétés Lachartre, Monot, OCP Répartition et GRP, pour lesquelles la cour d'appel de Paris, dans son arrêt susvisé en date du 26 janvier 1989, a constaté qu'elles s'étaient conformées à l'injonction du conseil, ont, postérieurement à cette date, continué de se conformer à cette injonction.
En ce qui concerne l'injonction faite à la société Guigoz devenue Sopad Nestlé de renoncer à son contrat de distribution sélective avec les organisations professionnelles de pharmaciens.
Considérant que l'instruction a permis de vérifier que cette société a, à la suite de la décision du conseil, abandonné le contrat de distribution qu'elle avait établi avec les seules organisations professionnelles de pharmaciens et mis en place un contrat de distribution sélective qui subordonne la vente au détail des produits de la gamme Babigoz à des conditions objectives de présentation, de stockage, d'assortiment et de qualification professionnelle ; qu'en conséquence elle s'est conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue.
En ce qui concerne l'injonction faite aux organisations professionnelles et à l'Ordre national des pharmaciens de s'abstenir à l'avenir de toute ingérence dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d'agrément des distributeurs.
Considérant que la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, le syndicat des pharmaciens de Seine-et-Marne et le syndicat national de dermopharmacie ont cessé, depuis la décision susvisée du Conseil de la concurrence, d'intervenir auprès des fabricants et des pharmaciens dans le domaine des prix et de l'agrément des distributeurs ; que, par ailleurs, l'Ordre national des pharmaciens, dans l'exercice de ses compétences autres que juridictionnelles, a continué, après l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 1989, de cesser de s'ingérer dans le comportement des fabricants et des pharmaciens en matière de prix et d'agrément des distributeurs ; que, dans ces conditions, ces organisations professionnelles et l'Ordre national des pharmaciens se sont conformés à l'injonction au respect de laquelle ils étaient tenus.
Sur les sanctions
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Si les mesures et injonctions prévues aux articles 12 et 13 ne sont pas respectées, le conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées par l'article 13".
Considérant que les sociétés Sopad Nestlé (ex-Guigoz), Pharmygiène et CERP Rouen pouvaient d'autant moins se méprendre sur la portée de l'injonction au respect de laquelle elles étaient tenues, que toutes les autres sociétés également visées par cette injonction l'ont respectée, comme l'ont constaté le Conseil de la concurrence dans sa décision du 9 juin 1987 et la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 26 janvier 1989.
Considérant enfin que le chiffre d'affaires hors taxes de la société Sopad Nestlé (ex-Guigoz) a été de 9 104 636 222 F en 1992, que celui de la société Pharmygiène a été de 128 778 989 F pour l'exercice s'étendant du 31 août 1991 au 31 août 1992 et celui de la CERP Rouen a été de 8 419 607 636 F en 1992, derniers exercices connus.
Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d'infliger à la société Sopad Nestlé (ex-Guigoz) une sanction pécuniaire de 200 000 F, à la société Pharmygiène une sanction pécuniaire de 50 000 F et à la CERP Rouen une sanction pécuniaire de 200 000 F,
Décide :
Article 1er - Il est infligé à la société Sopad Nestlé une sanction pécuniaire de 200 000 F.
Article 2 - Il est infligé à la société Pharmygiène une sanction pécuniaire de 50 000 F.
Article 3 - Il est infligé à la CERP Rouen une sanction pécuniaire de 200 000 F.