CA Paris, 1re ch. H, 16 décembre 1999, n° ECOC0000006X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Financière Sogec Marketing (SA), Sogec Gestion (SA)
Défendeur :
Scan Coupon (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pinot
Conseillers :
Mme Bregeon, M. Sommy
Avoué :
SCP Valdelièvre-Garnier
Avocats :
Mes Nemo, Salzmann.
Le 27 juillet 1999, la société Scan Coupon a demandé le prononcé de mesures conservatoires en saisissant le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques qu'elle estime anticoncurrentielles mises en œuvre par les sociétés Financière Sogec Marketing et Sogec Gestion, sur le marché du traitement des bons de réduction.
Par décision n° 99-MC-07 en date du 13 octobre 1999, le Conseil a enjoint aux deux sociétés en cause, dans l'attente d'une décision au fond, de :
- suspendre immédiatement l'application de la clause d'exclusivité insérée à l'article 1 des contrats d'adhésion à leurs banques de coupons ;
- ne plus proposer de contrats comportant une telle clause ;
- informer, par courrier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, tous les clients relevant de leur activité de traitement de bons de réduction de la suspension de l'application de la clause d'exclusivité et de l'injonction qui leur a été délivrée de ne plus proposer de contrats comportant une telle clause, en joignant en annexe une copie de la décision du Conseil.
LA COUR :
Vu le recours en réformation formé à l'encontre de cette décision par les sociétés Financière Sogec Marketing et Sogec Gestion, par, assignation du 24 novembre 1999 demandant à la cour de :
- dire que les conditions posées par l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies ;
- dire que les pratiques en cause ne portent pas une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur concerné ;
- dire que les injonctions prononcées ne sont pas justifiées et limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ;
- dire qu'il n'y a lieu au prononcé de mesures conservatoires ;
- condamner la société Scan Coupon en tous les dépens ;
Vu les conclusions en date du 1er décembre 1999, par lesquelles la société Scan Coupon soutient que le Conseil a fait une exacte application des dispositions de l'article 12 précité et demande la condamnation des requérantes à lui verser la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les observations déposées le 1er décembre 1999 par le Conseil :
Le ministre de l'Economie et le Ministère public ayant été entendus en leurs observations tendant au rejet du recours ;
Sur ce :
Considérant qu'interpellée au cours des débats sur sa demande d'injonction aux sociétés requérantes, à titre de mesures conservatoires, de renvoyer ou tenir à sa disposition tous les coupons qu'elle gère (figurant en page 5 et 8 de ses écritures), la société Scan Coupon a indiqué ne pas la maintenir en l'absence de recours régulièrement formé par elle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les mesures conservatoires ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que le marché pertinent est celui du traitement des coupons publicitaires de réduction, comprenant l'ensemble des opérations de tri, d'envoi aux fabricants et de contrôle incombant aux détaillants ou aux grossistes ainsi que celles de réception, de comptage, de remboursement et de contrôle incombant aux fabricants émetteurs de coupons ;
Considérant que les requérantes conviennent que la société Sogec Gestion occupe une position dominante sur ce marché, en raison de l'antériorité de sa présence ; qu'elles font valoir que d'autres opérateurs y ont pris des parts croissantes et en déduisent que le caractère de gravité et d'immédiateté de la pratique dénoncée n'est pas établi ;
Considérant que la société Scan Coupon a mis au point un logiciel pour traiter automatiquement les coupons édités par des fabricants de produits de grande consommation, offerts par eux aux consommateurs soit par incorporation à l'emballage soit par distribution sur les lieux de vente ou dans les boîtes aux lettres ;
Qu'elle soutient que le développement de ses activités est contrarié par la clause d'exclusivité figurant au contrat d'adhésion proposé aux annonceurs par la société Financière Sogec Marketing et sa filiale, la société Sogec Gestion ; qu'elle leur fait grief d'avoir refusé de lui envoyer les coupons qu'elle devait traiter et de les avoir retournés aux distributeurs, par courrier daté de février 1999, de procéder à une opération de tri préalable des coupons ;
Mais considérant que la société Scan Coupon reconnaît elle-même n'exister que depuis 1996 et avoir réussi à pénétrer sur le marché litigieux en progressant de 38 034 F en 1998 à 127 062 F au 31 octobre 1999; qu'elle s'abstient de communiquer ses contrats avec Casino et Cora de sorte qu'elle ne justifie pas de son affirmation sur l'absence d'exclusivité à son profit de la gestion des coupons circulant sous ces deux marques ;
Qu'aux termes mêmes des conventions d'adhésion à sa banque de coupons émanant de la société Sogec Gestion, celles-ci sont conclues pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, de sorte que la clause d'exclusivité qu'elles contiennent se trouve limitée dans le temps; que la société Scan Coupon se borne à soutenir sans l'établir que cette dernière clause serait dépourvue de justification ;
Que les autres faits dénoncés se rapportent à des opérations ponctuelles et sont, au demeurant, susceptibles de résulter des obligations contractuelles de la société Sogec Gestion ;
Considérant que tout, comme les requérantes, la société Scan Coupon propose aux distributeurs d'effectuer gratuitement sur leurs installations les aménagements nécessaires à l'utilisation de son logiciel ; qu'elle ne dément pas avoir passé un contrat avec Danone contenant l'engagement de rembourser aux distributeurs la valeur faciale des coupons échangés en prenant à sa charge l'intégralité de leurs frais d'émission, de manipulation et de gestion ; qu'elle ne peut, en cet état, utilement se prévaloir de la faiblesse des recettes obtenues dans le cadre de son activité de gestion de bons de réduction ainsi que des pertes qu'elle subit; que le Conseil a donc justement estimé que la société Scan Coupon ne démontre pas l'atteinte grave à ses intérêts ;
Considérant, en revanche, que la présence, de plusieurs prestataires de services, dont la société Scan Coupon, ne permet pas de retenir l'atteinte grave et immédiate par la pratique dénoncée à l'économie du secteur concerné ou à l'intérêt des consommateurs;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à mesures conservatoireset que la décision déférée doit être réformée ; que la société Scan Coupon, doit, en conséquence, être déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Réforme la décision entreprise et, statuant à nouveau ; Dit n'y avoir lieu de prendre des mesures conservatoires ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Scan Coupon aux dépens d'appel.